Texte intégral
Monsieur le président Dupuydauby,
J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de présenter les axes de la politique portuaire du gouvernement, mais je voudrais aujourd'hui, à la lumière des résultats de 1993, les réaffirmer devant vous et en même temps évoquer les actions concrètes que je mènerai dans les prochaines semaines au profit du développement des ports français.
Chacun sait que la France a la chance de disposer d'une longue façade maritime, comportant une armature portuaire particulièrement importante, mais qu'en même temps, elle n'a pas su en tirer le meilleur parti, et que nos ports, tout en offrant de bons outils techniques, n'ont pas, dans le passé, offert des services de qualité suffisamment compétitifs par rapport à la concurrence européenne. Face à ce constat, le gouvernement veut exprimer une volonté et conduire une politique.
Une volonté parce que le commerce extérieur de la France a besoin de s'appuyer sur des chaînes de transports fiables et performantes, et que les ports sont des pôles économiques essentiels au développement des régions littorales et à l'équilibre de notre territoire national.
Une volonté aussi parce que les ports français ont des atouts et des qualités qu'il faut mobiliser pour les moderniser et mettre leurs performances au niveau des meilleurs ports européens.
Cette volonté, je l'ai traduite en orientations politiques. Le gouvernement a, comme vous le savez, Monsieur le Président, une politique portuaire nationale que nous mettons en œuvre ensemble, comme vous le souhaitez.
1. Notre première orientation politique est de faire aboutir la réforme de la manutention dans le cadre législatif préparé par mes prédécesseurs et approuvé de manière indiscutable par la Représentation Nationale. Je reprends pleinement à mon compte les objectifs de cette réforme : l'amélioration des coûts, de la qualité, de la fiabilité des ports passe par une augmentation de la productivité de la main d'œuvre docker et sa mensualisation dans les entreprises.
Nous mettons en application cette réforme courageuse et nécessaire en allant le plus loin et le plus vite possible, tant au niveau national qu'au niveau local, et personne ne peut nier que des progrès substantiels ont été accomplis :
– des accords locaux dans tous les ports sans exception, même là où cela paraissait hors de portée comme à Saint-Malo ;
– une mensualisation très largement généralisée, qui touche aujourd'hui tous les ports, et qui progresse encore dans des ports comme Dunkerque ;
– une réduction massive des effectifs dans le cadre d'un plan social généreux ;
– une convention collective, pleinement conforme à la loi et ouvrant de nouvelles relations sociales dans cette branche professionnelle de la manutention, alors que tout le monde doutait de l'issue de cette difficile négociation.
Comme vous le savez, la signature de cette convention par la CGT a été différée dans l'attente d'une extension au secteur de la pêche. Avec mes collègues les ministres du Travail, de l'Agriculture et de la Pêche, nous sommes en train d'examiner comment certains aspects spécifiques de ce secteur peuvent être pris en compte, soit par la convention actuelle, soit par un avenant spécifique à négocier. Quelle que soit la solution retenue, il importe pour moi que l'adoption définitive de cette convention puisse intervenir sans retard au moins pour le secteur du « commerce ». Je tiens déjà à rendre hommage aux différentes délégations syndicales et patronales qui ont eu une attitude particulièrement responsable et qui ont dû faire un travail très important dans des délais très courts.
Ces premières étapes étant franchies, chacun sait que la réforme de la manutention se fera maintenant sur les quais, dans chaque port, au sein de chaque entreprise. Une double constatation s'impose : les résultats viennent là où la réforme est bien appliquée. L'analyse des trafics des ports en 1993 montre une légère régression globale (- 0,6 %), due à la réduction des vracs et aux difficultés de l'industrie lourde. Mais, pour les marchandises diverses, on observe un redressement, des résultats particulièrement spectaculaires dans les ports qui ont mené à bien leur réforme (Dunkerque et Rouen notamment).
Cela étant, d'importants progrès restent à faire, en termes de fiabilité dans les deux plus grands ports français, mais aussi en termes d'amélioration des coûts et de la qualité des services probablement dans tous les ports.
C'est pour y voir clair, de manière objective, que j'ai voulu qu'un observatoire soit mis en place, avec un comité de sages, d'experts indépendants et indiscutables, à qui j'ai demandé une évaluation de cette réforme, port par port, afin d'en établir les résultats précis, sur le plan économique et commercial, sans oublier la dimension sociale. J'attends également de cet observatoire des indications sur les obstacles qui peuvent subsister ici ou là, et des propositions sur les impulsions nouvelles que nous pourrions donner, pour aboutir le plus vite possible au meilleur résultat.
Cet observatoire, qui me rendra compte directement, est évidemment une source d'information pour le CNCP. Les contacts utiles sont d'ailleurs intervenus entre M. Brossier et vous Monsieur le Président.
Votre Conseil doit participer à cette évaluation de la réforme car il regroupe des représentants de tous les partenaires politiques, professionnels et sociaux, acteurs du développement de nos ports. Et à ce titre, je souhaite qu'il apporte sa contribution et son propre éclairage à ce bilan.
2. Mon deuxième grand domaine d'action concerne la réforme de la domanialité. Son objet est double :
– faciliter le développement des investissements en apportant plus de sécurité juridique et de moyens financiers aux investisseurs ;
– permettre des opérations de reconversion urbano-portuaire en apportant plus de souplesse et d'efficacité à la gestion du domaine public portuaire.
Cette réforme est le complément indispensable de ce que nous avons entrepris pour la manutention ; elle est aussi essentielle pour le développement industriel des grandes plates-formes portuaires, comme pour la valorisation des ports de commerce et de pêche ; elle est enfin à juste titre très attendue par les villes portuaires qui voient des projets d'aménagement entravés par des règles administratives inadaptées et des contraintes juridiques insupportables. Notre objectif, repris par le Premier Ministre et le Ministre du Budget, est de présenter à la prochaine session du Parlement un projet de loi qui permettra de résoudre ces problèmes. Sur ce sujet si essentiel, tous les soutiens sont utiles pour atteindre notre but, et votre Conseil n'a pas ménagé le sien et je l'en remercie.
3. Le troisième axe politique concerne les moyens financiers que l'État accorde aux ports pour les soutenir dans leur développement. Sur ce sujet, je voudrais dire qu'en dépit des restrictions budgétaires que tout le monde connaît, et qui sont dues notamment à la nécessité absolue de réduire nos déficits publics, je veillerai à ce que les investissements portuaires restent en bonne place dans les priorités de l'État. Ceci s'est déjà traduit par l'inscription au budget de 1994 d'une enveloppe de 240 MF d'autorisations de programme, en augmentation de 15 % par rapport à 1993. Cette enveloppe, qui ne permet évidemment pas de tout faire sera prioritairement utilisée au profit des ports, quelle que soit leur taille, qui ont réussi leur réforme de la manutention et deviennent compétitifs.
Pour le moyen terme, nous avons inscrit en bonne place dans les contrats de plan État-Région, les projets de développement des ports autonomes, ce qui représente un montant de 660 MF en 5 ans. J'ajoute que contrairement à ce que j'entends parfois, ceci n'implique nullement un abandon du rôle de l'État dans les Ports d'intérêt National : nous adopterons, pour les ports non autonomes, des démarches contractuelles de même nature, pour des projets relevant d'une véritable logique de développement économique, qui s'appuient sur une véritable compétitivité, et qui bénéficient du soutien d'un ensemble de partenaires publics et privés.
4. Un quatrième grand domaine d'action consiste à intégrer les ports dans une politique d'aménagement du territoire. Vous savez toute l'importance que le Premier ministre attache à cette politique. Dans le vaste débat qui a été lancé, il faut que les communautés portuaires soient entendues. Je sais bien que les ports et le littoral n'occupent pas forcément et naturellement dans la conscience nationale la place qu'ils méritent. Il ne sert à rien de s'en plaindre. Les acteurs de la vie portuaire, à tous les échelons, doivent se mobiliser pour faire valoir le potentiel économique et social qu'ils représentent il s'agit pour eux de définir ce qu'ils peuvent apporter au littoral, à une région, à la nation toute entière, mais aussi ce qu'ils attendent d'une politique d'aménagement du territoire pour leur propre développement.
Un sujet particulier, parmi beaucoup d'autres, me tient à cœur : il s'agit des synergies à développer entre le maritime et le fluvial, au bénéfice du transport fluvial mais surtout des ports eux-mêmes : il suffit de voir Rotterdam et Anvers pour s'en convaincre ! Parmi les actions possibles pour développer ces synergies, il y a évidemment la construction de voies fluviales à grand gabarit – dont certaines sont en cours de réalisation (canal du Rhône à Sète) et d'autres demandent des financements spécifiques – mais aussi l'adaptation par les ports de leur chaîne logistique et de manutention au transport fluvial, la remise en cause de certaines pratiques maritimes imposées au fluvial et qui n'ont plus de fondement économique... Je me réjouis tout particulièrement de l'initiative de la CCI et du port de Rouen d'organiser cette année une manifestation « Eurofleuves » tout spécialement dédiée à cet important sujet.
Sur ce sujet comme sur les autres, je vous exhorte donc à vous engager localement dans vos régions, mais aussi sur le plan national dans vos différentes structures de représentation, et au sein même de ce Conseil, à apporter une active contribution à la définition du territoire que nous voulons pour la France de demain.
Voilà, Mesdames, Messieurs, quelques points forts que je voulais évoquer devant vous en me concentrant sur l'essentiel. Non, on ne peut pas dire que la France n'a pas de politique portuaire. Pas plus qu'on ne peut dire qu'elle n'a pas de politique maritime : les actions que nous avons menées ces derniers mois au profit de notre flotte de commerce et de la sécurité maritime en sont des preuves évidentes. Notre cap est fixé, même s'il reste beaucoup à faire et si nous venons de loin. Mais rien ne réussira si nous ne réunissons pas nos énergies au-delà de toutes les formes de divergences et de toutes les forces de divisions.
Ceci est vrai au niveau de chaque port, où le dynamisme et la cohésion de la communauté portuaire sont des facteurs déterminants de la réussite : et sur ce plan, je souhaite plein succès aux conseils d'administration des Ports Autonomes, que nous venons de renouveler.
C'est vrai aussi au niveau national, où nous devons être exigeants les uns vis-à-vis des autres, dans les relations entre l'État et les Communautés portuaires comme dans les relations entre ports, armateurs, chargeurs, mais solidaires pour défendre l'intérêt national et promouvoir le succès de nos ports.
Ceci est vrai au niveau européen où nous devons à la fois participer à la compétition des plus grands ports et participer à l'élaboration d'une politique communautaire qui préserve nos intérêts.
J'espère donc que votre Conseil sera lui-même un facteur de cohésion et d'unité : ce n'est pas l'État seul qui doit mener toutes les batailles pour la réussite de nos ports : mais tous ceux qui croient en leur avenir et sont prêts à travailler ensemble, me trouveront à leurs côtés, avec passion et détermination.
Ports autonomes : premiers résultats en 1993
1. Les ports autonomes métropolitains couvrent plus de 80 % du trafic total, les ports d'intérêt national (tirés par le trafic transmanche et les vracs). 18 %, les ports décentralisés moins de 2 %.
2. Les résultats quasi définitifs sont connus pour les ports autonomes, c'est-à-dire pour plus de 80 % du trafic total.
3. Trafic total : 240,4 millions de tonnes (- 0,6 %)
L'ensemble des ports autonomes a enregistré un trafic total de 240 millions de tonnes en 1993 contre 242 millions de tonnes en 1992 et 245 millions de tonnes en 1991 (l'année 1992 étant peu représentative en raison des conflits sociaux).
Cette dégradation des résultats est avant tout imputable à la conjoncture et surtout aux entrées de vracs solides c'est-à-dire aux minerais et aux charbons qui subissent de plein fouet une mauvaise conjoncture dans la sidérurgie européenne ainsi qu'une baisse des importations de charbons pour EDF.
Tous les ports européens subissent cette même tendance. Les ports Français semblent s'en sortir apparemment plutôt moins mal que leurs concurrents du Nord.
Dont : produits pétroliers : 140,6 milliards de tonnes (+ 0,9 %)
Les produits pétroliers sont restés dans l'ensemble assez stables sauf à Rouen et à Marseille où ils ont assez sensiblement chuté pour des raisons de conjoncture.
Autres vracs : 62,5 milliards de tonnes (- 10 %)
Les importations de charbons et de minerais chutent très sensiblement (- 16 %) en raison d'une mauvaise conjoncture dans la sidérurgie et de moindres importations d'EDF.
Les sorties se portent mieux, Rouen et Bordeaux (céréales) enregistrent d'assez bons résultats.
Marchandises diverses : 37,3 milliards (+ 13,1 %)
Pour l'ensemble des ports Français, le trafic des marchandises diverses a dépassé en 1993, le niveau atteint en 1991 ; mais le trafic des marchandises diverses est largement « tiré vers le haut » par le trafic routier transmanche qui en représente plus de la moitié.
Les effets de la réforme de la manutention sont déjà particulièrement visibles pour les marchandises conventionnelles dans les ports de Dunkerque et de Rouen.
Ailleurs, mis à part les mauvais résultats apparents de Nantes-St-Nazaire et de Bordeaux qui retrouvent en fait leur niveau antérieur de 1991 après avoir su profiter en 1992 des reports exceptionnels de trafic, les résultats des ports du Havre et de Marseille sont nettement moins encourageants, particulièrement pour le Havre qui n'a pas retrouvé la croissance du trafic conteneurisé d'avant la réforme.
Marseille, qui bénéficie d'une situation géographique exceptionnelle et d'expériences de détournement de trafic sur Sète et la Spezia peu concluantes retrouve à peu de choses près le niveau et la tendance des années précédentes sans inflexion notable.
[TABLEAUX NON REPRODUITS]