Article de M. Lucien Rebuffel, président de la CGPME, dans "La Volonté" de juin 1998, sur les grèves dans le secteur public, l'impression de prise d'otages pour les usagers, intitulé "Et si nous faisions grève..."

Prononcé le 1er juin 1998

Intervenant(s) : 

Média : LA VOLONTE

Texte intégral

Plus aucune semaine ne s’écoule sans qu’une grève n’éclate quelque part. Le scénario est toujours le même : ceux qui débrayent empêchent ceux qui n’entendent pas débrayer de se rendre à leur travail. Que les grévistes obtiennent quelques satisfactions incite d’autres mécontents à se croiser les bras. Ainsi de suite. À noter : la plupart de ces arrêts de travail affectent le secteur public. Quand les trains ne restent pas à quai, ce sont les avions qui ne décollent pas. Les revendications des grévistes auront d’autant plus de chance d’être entendues qu’ils auront choisi le moment où leur mouvement entraînera le plus de perturbations. Plus il reste de passagers sur le pavé, plus les média pourront dire de la grève qu’elle est « nationale ». Peut-être le sera-t-elle en ce qu’elle s’étendra à l’ensemble du territoire, mais certainement pas en considération du préjudice qu’elle cause à la nation. Nous avons abouti à cette prouesse que des salariés, les mieux payés de leur profession, déposent un préavis de grève susceptible de nuire le plus gravement qu’il se puisse à l’économie du pays. En contrepartie d’une réduction, jugée inévitable, de leurs salaires, ils ont refusé que leur soient attribués des actions de leur compagnie. Comme s’ils étaient les premiers à douter de sa pérennité.

Les passagers, malheureusement, c’est nous et nous commençons par en avoir assez. Car qui fait vivre l’autre ? Le privé, qui paye la totalité des factures de la fonction publique. Allons-nous nous laisser indéfiniment prendre en otages par des agents de l’État qui, en sus de privilèges dont nul autre ne bénéficie, dont celui de faire grève sans risque, sont assurés de conserver leur emploi, avec avancement garanti, à l’ancienneté si ce n’est au mérite, jusqu’au jour où ils jouiront d’une honnête retraite. Le risque devient que deux nations se superposent : l’une de nantis, assurés du lendemain quoi qu’il advienne, l’autre de leurs administrés, risquant tous leurs biens jusqu’à leur dernière chemise, contraints de se battre contre une concurrence peu disposée à leur faire des cadeaux, menacés d’être réduit au chômage. Le secteur productif devra-t-t-il encore longtemps supporter de ses deniers un secteur improductif qui, par ses débrayages en série, compromet les succès de ceux qui ne cessent, eux, de trimer. N’aurons-nous bientôt d’autre issue que de cesser le travail à notre tour ? C’est pour le coup que, du jour au lendemain, la France s’arrêterait. Tout net. Peut-être serait-il bon de ne pas nous pousser à bout.