Déclarations de M. François Fillon, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la recherche et les biotechnologies dans le domaine agricole et agro-alimentaire, Paris le 8 juin 1993, Reims et Pomacle le 12 janvier 1994.

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Circonstance : Inauguration du salon international Bioexpo, à Paris le 8 juin 1993-inauguration de l'Agropole de Reims et du Centre de fractionnement végétal situé à Pomacle, le 12 janvier 1994

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,

Je suis heureux d'être parmi vous pour inaugurer une manifestation aussi importante. En 1993, Bioexpo constitue sans conteste l'un des événements majeurs des biotechnologies et des bio-industries en Europe, voire dans le Monde. Il s'agit d'ailleurs d'une double initiative. Parallèlement au Salon proprement dit dont j'ai eu le plaisir de visiter quelques-uns des stands, se déroule un cycle de conférences générales et technologiques.

La diversité des problématiques soulevées me semble significative. Seront abordés non seulement la recherche fondamentale à l'image des travaux sur les protéines mais aussi la recherche appliquée à travers les problèmes de mise sur le marché des médicaments ou même des questions de fond comme l'ensemble de notre environnement sanitaire. La biotechnologie est non seulement une science mais une véritable technologie interdisciplinaire.

Cette dimension multiforme me semble être l'une des caractéristiques les plus significatives des recherches en biotechnologie. Comme je l'ai déjà affirmé, je souhaite définir des priorités nationales en matière de recherche, capables de rassembler les énergies de notre pays. Il est clair qu'un secteur comme les biotechnologies dont les gammes d'application sont particulièrement larges doit avoir une place de choix dans le panorama scientifique national. En effet, les résultats scientifiques obtenus peuvent avoir des retombées dans de multiples activités. Les biotechnologies ont été d'abord appliquées dans les industries de la santé puis dans le domaine agricole et agroalimentaire. Elles sont diffusées maintenant dans de nouveaux secteurs comme la chimie, l'extraction des minerais, l'énergie. Les fonctions biologiques sont donc utilisées comme des outils technologiques bien au-delà des secteurs traditionnels du vivant. Pensons à la cosmétique ou à la lutte contre la pollution.

L'industrie française de ce secteur est particulièrement dynamique. Pour les biotechnologies, l'effort industriel national en recherche et développement dépasse 2 milliards de francs par an. Prenons un exemple de ce dynamisme. Il y a quelques jours, la filiale d'un groupe français important prenait le contrôle d'une société de biotechnologie américaine pour disposer d'un outil efficace dans le domaine de la thérapie génique.

Plus généralement, la génétique représente un axe prioritaire de notre action. Elle suppose des passages constants entre recherche fondamentale et recherche finalisée. J'ai déjà décidé d'apporter tout mon appui à des recherches de haut niveau concernant le génome mais elles ne trouveront leur vrai prix que si elles ont des retombées dans la connaissance des maladies génétiques : aussi bien pour le traitement que pour la prévention. Je suis en particulier attaché au diagnostic des maladies génétiques : or il est clair qu'il passe par la mise au point de nouvelles méthodes en biotechnologie.

L'industrie et la recherche publique sont donc mobilisés. Je crois qu'il faut développer encore les liens entre ces deux mondes qui ont trop longtemps été séparés. La notion de partenariat m'apparait essentielle. Des articulations doivent se nouer et se renforcer constamment entre recherche publique et recherche industrielle. Les formes sont variées mais la priorité est unique : accélérer l'efficacité de la recherche technologique nationale. De nombreux rapprochements se sont déjà concrétisés à l'image des accords-cadres avec des partenaires industriels ou de certains laboratoires mixtes.

Il y a peu de temps, j'avais l'opportunité de saluer les premiers résultats du programme BIOAVENIR, 18 mois après son lancement. C'est à mes yeux un bon exemple de coprogrammation entre recherche publique et industrie. Autour de thèmes scientifiques identifiés comme des impératifs économiques, les organismes de recherche nationaux se sont mobilisés. La coprogrammation a aussi l'avantage de la durée. Un engagement sur 5 ans ou plus permet une grande cohésion des actions, non seulement quant aux recherches à mener mais aussi en terme de formation des chercheurs les plus aptes à concrétiser ces tâches.

L'État dispose d'une gamme diversifiée de moyens d'intervention en faveur de la recherche et développement industriels. Au total, l'ensemble des financements publics dans le domaine des biotechnologies ont atteint 1,8 milliards de francs par an. Le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche a un rôle essentiel à jouer : celui du pilotage des actions les plus significatives. De plus en plus, je souhaite que mon ministère soit d'ailleurs déchargé des tâches de gestion qui seraient confiées aux différents établissements pour se concentrer sur sa vraie mission : dialoguer, évaluer, mobiliser. En ce sens, les crédits incitatifs permettent de soutenir certaines priorités de recherche. Un rapport très récent du CNER souligne l'intérêt d'un programme mobilisateur « horizontal » concernant les biotechnologies. Toutefois, si la spécificité technique de mon ministère dans un domaine comme les biotechnologies est incontestable, la coordination doit être le maître-mot de toute politique publique. Coordination interministérielle d'abord car un domaine tels que la Santé Publique intéresse aussi d'autres ministères comme celui de la Santé, de l'Industrie ou de l'Agriculture. Coordination entre universités et organismes aussi, pour renforcer cette synergie que je souhaite sans cesse plus forte entre enseignement supérieur et recherche.

Le rôle de l'intervention publique est donc indispensable. Mais elle ne doit pas jouer uniquement au niveau des ministères. Il me semble souhaitable de favoriser deux échelons complémentaires d'intervention : la région et l'Europe, 15 régions françaises mènent déjà des initiatives spécifiques dans le domaine des biotechnologies. Beaucoup sont représentées à l'occasion de BIOEXPO. Certaines ont même dégagé des priorités tenant compte de leurs capacités scientifiques et de leurs spécificités agricoles. Saluons à cet égard le rôle d'entraînement joué par la Bretagne et la Picardie.

Parlant après Paolo Maria Fasella, je ne peux que souligner l'importance de la dimension européenne du dossier biotechnologies. Eurêka matérialise certains efforts entrepris au niveau européen. Eurêka correspond à 50 projets dans le domaine des biotechnologies. Or, la France est présente dans 30 de ces projets. Il est clair que cette dimension européenne constitue une piste à privilégier. Certaines réalisations – pensons à la découverte de grands vaccins – suppose bien évidemment la mise sur pied d'initiatives élargies, en particulier aux pays de la CEE.

Je suis convaincu qu'une initiative comme Bioexpo a un rôle essentiel pour rapprocher les partenaires de tous les pays. Je souhaite donc le plus large succès possible à Bioexpo 93.

 

12 janvier 1994
Reims

Votre région Champagne-Ardenne est l'héritière de longues traditions agricoles et agro-alimentaires célèbres dans le monde entier : je pense bien sûr aux vins de champagne et aux céréales mais aussi à toutes les industries agro-alimentaires qui vont du lait, à la viande, à la meunerie, à la malterie ou encore à la sucrerie. Mais consciente de leur importance et des enjeux socio-économiques qui en dérivent, la région Champagne-Ardenne a choisi de préparer l'avenir en faisant de la recherche dans les domaines agricole et agro-alimentaire l'une de ses priorités. Dans une période marquée par une profonde mutation dont témoignent aussi bien les accords récents du GATT que la réforme de la politique agricole commune, recherche et innovation constituent sans aucun doute les armes les plus efficaces pour transformer une situation d'incertitude et de doute en une situation favorable et créatrice de richesse. Dans votre région, en concertation étroite avec l'ensemble des acteurs concernés, cette volonté a débouché sur la mise en place de l'Agropole de Reims.

Je tiens à saluer ici l'engagement et l'efficacité des collectivités territoriales et à vous assurer de mon ferme soutien pour que l'action entreprise soit pleinement réussie. Mon objectif, notre objectif est bien de faire de l'Agropole rémois le centre d'excellence français pour tout ce qui concerne les valorisations non alimentaires des plantes de grande culture.

L'Agropole a adopté des axes de recherche qui concernent aussi bien les matières végétales que leur valorisation ou l'économie des filières. Pour étudier ces différents thèmes, il faut mobiliser l'ensemble des énergies, il faut rapprocher des compétences pluridisciplinaires en associant des équipes locales complémentaires appartenant à l'Université, à l'INRA, au CNRS, à des écoles agronomiques et vétérinaires, comme à des centres techniques ou encore à des centres de recherche industrielle. La complexité des systèmes à étudier invite à multiplier les échanges d'informations, par exemple sous la forme de partenariats durables avec d'autres équipes de recherche localisées à l'extérieur de la région.

Les équipes universitaires champenoises impliquées ont joué un rôle déterminant dans la constitution de l'Agropole en participant activement à la mise en place des premiers programmes de recherche fédérateurs. Les écoles agronomiques et vétérinaires de l'Ile de France ont elles aussi accepté de jouer le jeu en fléchant plusieurs bourses de thèse et des postes d'assistants sur l'Agropole. Parallèlement, l'École supérieure des ingénieurs en emballage et conditionnement et l'association pour le développement de la recherche dans l'industrie agroalimentaire et de conditionnement ont fortement contribué à la création d'un pôle de compétence dans le domaine des emballages.

L'INRA est au cœur de cette opération. L'institut va renforcer ce dispositif en transférant et en confortant les effectifs de plusieurs équipes sur le site de Reims, de façon à mettre en place dans les cinq ans un ensemble d'au moins 25 chercheurs et ingénieurs et 10 techniciens et administratifs. Je rappellerai quelques-unes des initiatives qui concernent au premier plan l'institut :

1. Le transfert et le renforcement de l'équipe de Châlons-sur-Marne ; cette équipe de 11 personnes travaillera en symbiose avec le département géologie, sciences de la terre de l'université.

2. La constitution d'une équipe de recherche sur la biochimie des macromolécules végétales qui bénéficiera de la venue de plusieurs chercheurs de l'INRA de Grignon. Cette équipe travaillera avec plusieurs équipes universitaires champenoises et sera chargée de développer des relations durables avec la chaire de biochimie de l'Institut national agronomique de Paris-Grignon ainsi qu'avec d'autres équipes françaises telles celles de l'INRA de Nantes, du Biopôle picard ou de l'INRA de Versailles.

3. En concertation avec le CNRS, est prévu également le transfert et le renforcement d'une partie de l'équipe d'enzymologie de Lille : cette équipe spécialisée dans la valorisation des matières végétales par voie enzymatique sera amenée à collaborer avec les laboratoires de microbiologie industrielle et de chimie industrielle de la faculté des sciences de l'URCA ainsi qu'avec l'université technologique de Compiègne.

4. Je signalerai enfin le renforcement du pôle emballage grâce à l'arrivée de plusieurs chercheurs de l'INRA de Jouy en Josas spécialisés dans l'étude du comportement des emballages à usage alimentaire.

Tous ces transferts pourront être réalisés dès l'achèvement de la construction des deux nouveaux bâtiments prévus : le centre de recherche agronomique sur le pôle technologique Henri Farman et le centre de physico-chimie et biotechnologie sur le campus universitaire. À ce moment, c'est-à-dire courant 1995, 20 cadres INRA seront donc opérationnels sur le site de l'Agropole.

Il apparaît aujourd'hui également nécessaire que le CNRS, et notamment son département chimie, s'implique davantage dans la dynamique de l'Agropole. La recherche de nouveaux débouchés pour les productions agricoles constitue en effet l'une de nos priorités. Je souhaite que la participation des chimistes soit renforcée à l'avenir, de manière à ce qu'une recherche plus active puisse être engagée dans la recherche de synthons à fort potentiel de valorisation. Il en va de même pour la mise au point de nouveaux procédés permettant de transformer ces molécules de base en édifices plus complexes présentant des propriétés recherchées par les industries des secteurs des cosmétiques, de la pharmacie, de la détergence ou des matériaux. M. Tambourin, responsable du département concerné au CNRS, doit venir prochainement à Reims pour étudier les conditions de cette meilleure implication du CNRS dans l'Agropole.

Parallèlement à cette affectation spécifique de chercheurs, nous souhaitons que soit conforté à Reims l'enseignement supérieur dons je domaine des agro transformations. Cette synergie recherchée avec le ministre de l'Agriculture et de la Pêche est confortée par les choix stratégiques de l'URCA.

Dès 1993, plusieurs postes d'enseignants-chercheurs pouvant être rattachés au projet de l'Agropole ont été ouverts. Cet effort doit être poursuivi sur plusieurs années de façon à ce que, à terme, une vingtaine de postes d'enseignants-chercheurs puisse être rattachée aux quatre volets de l'Agropole.

Cette volonté de miser sur la recherche dans le domaine agro-alimentaire, je l'ai faite mienne au niveau national. Je rappellerai ici quelques-unes des mesures que j'ai prises en ce sens.

Comme je l'ai déjà annoncé, les secteurs agricoles et agro-alimentaires ont été placés parmi nos priorités pour 1994. Je rappelle que 40 MF seront attribués à ces secteurs en 1994 au titre du fonds de la recherche et de la technologie. Cet effort est très important dans le contexte budgétaire actuel et il correspond à un accroissement très significatif par rapport aux années précédentes.

Pour ce qui concerne plus particulièrement les débouchés non-alimentaires des produits agricoles, je tiens également à rappeler la création de l'agence nationale de valorisation des cultures énergétiques (ANVCE) dont les missions ont été étendues à l'ensemble des débouchés énergétiques ou non-énergétiques. Ce groupement d'intérêt scientifique adossé à l'ADEME va disposer d'un budget de 40 ME en 1994. Dans ce cadre, l'INRA consacrera 19 MF aux recherches développées dans ce secteur et au soutien des actions thématiques prioritaires dont certaines seront menées avec la participation de l'Agropole.

L'Agropole de Reims représente à mes yeux l'un des pôles d'excellence qui permettront à la recherche française de fédérer ses efforts pour accroître ultérieurement son efficacité. Pour atteindre cet objectif, l'Agropole a adopté une démarche très dynamique. Rassembler des compétences et des moyens autour d'objectifs communs permet la collaboration entre laboratoires du CNRS et de l'INRA, entre université et grands organismes de recherche et entre équipes de recherche publique et industrielle : c'est bien le moyen de dépasser les clivages traditionnels.

Je ne crois pas me tromper en affirmant que le rayonnement de l'Agropole rémois dépasse déjà très largement nos frontières. Je voudrais vous encourager à continuer de développer des partenariats durables avec vos collègues et amis européens. La modernité de vos équipements, la qualité de vos équipes de recherche comme l'ambition de votre démarche peuvent faire de votre centre, le centre le plus moderne d'Europe. Votre situation géographique vous place à proximité de grands pays agro-alimentaires. Toutes les conditions sont réunies pour que l'Agropole rémois joue un rôle moteur au sein de la recherche française et européenne. La mobilisation de tous que je sais exceptionnelle sur ce projet est enfin un atout dont je mesure l'importance. Elus locaux comme responsables économiques ou universitaires, vous avez su vous réunir pour piloter cet Agropole. Votre détermination pèsera lourd dans votre succès.


12 janvier 1994
Pomacle

Je suis heureux d'être aujourd'hui à Pomacle pour inaugurer un nouveau centre de recherche agro-industriel qui s'inscrit dans une dynamique régionale volontariste et tournée vers l'avenir. Je me félicite de cette initiative de la société ARD qui, dans le cadre de la mise en place de l'Agropole, a décidé de regrouper l'ensemble de ses activités de recherche à proximité de Reims.

Pour ce qui concerne les moyens mis au service de la recherche et en particulier pour le financement des bâtiments qui nous accueillent aujourd'hui, je tiens à saluer l'effort du conseil général de la Marne et l'action de son président M. Vecten. L'apport des équipements-pilotes dont disposait antérieurement ARD permet ainsi d'assister au lancement d'un centre de recherche agro-industriel d'un coût total d'environ 70 MF, employant une cinquantaine de personnes.

En ce qui concerne la nécessaire mobilisation des compétences scientifiques et techniques, il convient de féliciter M. Régis de Baynast non seulement pour avoir réussi à constituer des équipes de recherche et de développement de premier plan mais aussi pour avoir mis sur pied des partenariats durables avec des laboratoires universitaires, des organismes de recherche et des écoles.

Ce partenariat constitue une source d'innovation continuelle et se trouve aujourd'hui renforcé dans le cadre de l'Agropole. Parmi ces collaborations régionales fructueuses, je citerai celles avec les laboratoires de chimie organique et d'enzymologie de l'université de Reims ainsi que les liens avec l'ESIEC au sujet des emballages bio-polymères.

Je me réjouis également du nombre important des jeunes travaillant au sein d'ARD. C'est une conséquence particulièrement bénéfique de l'ambitieux programme de formation par la recherche mis en place par la région Champagne-Ardenne dans le cadre de l'Agropole et renforcé par la direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'Agriculture et de la Pêche. Ce programme a favorisé le rapprochement des écoles agronomiques et vétérinaires franciliennes avec l'Agropole grâce au fléchage de plusieurs postes d'assistants d'enseignement et de recherche et de plusieurs bourses de thèses.

Des résultats significatifs ont déjà été obtenus : je pense aux premières molécules tensioactives brevetées et commercialisées par ARD, qui appartiennent à une nouvelle famille de biomolécules fabriquées à partir de matières premières renouvelables et selon des schémas de production qui limitent les impacts sur l'environnement. Ces premiers succès me réjouissent d'autant plus que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche a soutenu financièrement plusieurs de ces programmes.

Comme je l'ai déjà annoncé, les secteurs agricoles et agro-alimentaires ont été placés parmi nos priorités pour 1994. Je rappelle que 40 MF seront attribués à ces secteurs en 1994 au titre du fonds de la recherche et de la technologie. Cet effort est très important dans le contexte budgétaire actuel et il correspond à un accroissement très significatif par rapport aux années précédentes. L'action menée par ARD est là pour nous le rappeler : c'est en misant sur une recherche près des besoins, une recherche finalisée au sens fort du terme que notre pays pourra renforcer ses potentialités économiques majeures.