Texte intégral
C'est la première fois, vous le savez, que je me rends dans un IUFM ; c'est aussi la première fois, depuis la création des IUFM, qu'un ministre de l'Enseignement supérieur fait cette démarche. Et si j'ai souhaité vous rencontrer, ici, à l'Institut Universitaire de Formation des maîtres au Nord-Pas de Calais, et plus particulièrement à Douai, il y a plusieurs raisons à cela.
D'abord, parce que j'attache la plus grande importance à la formation des futurs enseignants, et à la qualité de cette formation. Je tenais à vous le dire, directement, et à dissiper peut-être certains malentendus. J'y reviendrai dans mon propos : la France a plus que jamais besoin d'un grand nombre de professeurs et d'enseignants de qualité, afin d'assurer la meilleure formation possible à l'ensemble des jeunes de notre pays. C'est un enjeu considérable.
Cette première visite dans un IUFM se fait ici, dans le Nord-Pas de Calais. C'est pour moi très symbolique. Cet IUFM, créé en 1990 à titre expérimental, est l'un des plus anciens ; c'est aussi, de par sa taille, l'un des plus importants avec ses 7 centres et plus de 7 300 étudiants-professeurs et professeurs stagiaires, soit 24 % de plus que l'an passé. Il illustre bien les efforts considérables qui sont menés pour la formation des enseignants dans votre région, traditionnellement déficitaire pour le recrutement des enseignants et qui parvient, progressivement, à faire face à ses besoins.
Enfin, il y a une raison supplémentaire à cette visite aujourd'hui : je me réjouis d'être dans la ville dont mon ami Jacques Vernier est député maire, et dont je salue la tradition républicaine de formation des maîtres. C'est en effet ici, à Douai, siège de l'Académie jusqu'à la fin du 19e siècle, que furent créées les deux premières écoles normales de l'Académie, aujourd'hui fusionnées dans cet établissement, le plus important de l'IUFM du Nord-Pas de Calais.
La naissance des IUFM a suscité, vous le savez, critiques et polémiques. Pour certains, ces Instituts destinés à former nos futurs enseignants pour les écoles, les collèges et les lycées, ne parvenaient pas à assurer pleinement leur mission quantitative et, surtout, à améliorer le niveau moyen des candidats. On peut penser, en particulier, aux problèmes spécifiques de l'enseignement professionnel et technique, que vous connaissez bien.
Dès ma prise de fonction au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, j'ai relevé, il est vrai, certains dysfonctionnements des IUFM. À cette occasion, on a d'ailleurs, dans un souci de polémique, déformé mes propos. Il ne s'agissait en aucune façon de sous-estimer le travail des enseignants et des formateurs ; je sais que vous avez fait, et qu'ils ont fait, tout ce qu'ils ont pu dans des conditions parfois difficiles, et je les en remercie.
Bien au contraire, mon intention est de valoriser leurs efforts dans un cadre mieux défi, plus lisible, avec des objectifs clairement tracés au niveau national. Dès le 16 juillet, à la suite du rapport du professeur Kaspi, plusieurs mesures ont été adoptées pour permettre le renforcement de la qualité de la formation des maîtres. Je voudrais reprendre ici les grands axes de ces décisions, prises conjointement par François Bayrou et par moi-même.
Il s'agissait d'abord de mettre fin à la confusion qu'avait généré le système des IUFM entre professionnalisation et formation scientifique.
Pour le premier comme pour le second degré, l'important est bien de faire en sorte que la culture générale des futurs maîtres puisse être complétée. L'IUFM doit constituer une étape complémentaire dans le mécanisme général de formation disciplinaire des futurs formateurs. En renforçant le bagage scientifique des futurs enseignants, on contribue en effet fortement à ce qu'ils soient réellement de bons spécialistes de leurs disciplines. On n'enseigne bien que ce que l'on connaît bien.
La première mesure adoptée concerne la préparation aux concours du second degré. Il a été décidé de réduire très sensiblement la part faite à la formation didactique en première année.
Dès 1994, sera donc supprimée l'épreuve professionnelle. Elle consistait, vous le savez, à présenter une situation d'enseignement observée pendant la première année d'IUFM. Cette épreuve apparaissait inadéquate. Comment juger de la pratique d'un métier avant qu'il n'ait été exercé ? Il fallait donc redonner aux contenus scientifiques toute leur importance. Les universités ont un rôle essentiel dans ce domaine ; c'est pour cette raison qu'elles seront mieux impliquées dans la préparation scientifique de ces concours de recrutement. Ce sont elles qui recevront à l'avenir les crédits pédagogiques destinés à leurs enseignements selon des critères définis par la mission de la carte universitaire et par la sous-direction chargée des IUFM.
La première étape de la formation des maîtres sera ainsi davantage axée sur la formation scientifique sous la responsabilité principale des universités, les IUFM contribuant à cette action selon des modalités définies conjointement par les partenaires. Je sais qu'ici, ce partenariat s'est développé au fil des ans, y compris avec les 2 universités nouvelles de l'Artois et du Littoral.
Il importe aussi de mesurer les aptitudes réelles d'un futur enseignant. L'épreuve professionnelle a donc été remplacée par une épreuve sur dossier comportant un exposé suivi d'un entretien. L'objectif est de mesurer l'aptitude à communiquer pour évaluer si les futurs enseignants sont véritablement capables de transmettre un savoir ; il s'agit là, en effet, d'une base de leur futur métier. L'épreuve sur dossier contribue aussi à renforcer la préparation disciplinaire en fondant l'épreuve sur le programme général du concours. Les étapes naturelles d'une formation seront ainsi respectées sans abandonner pour autant une réelle formation à l'enseignement : la première année amorcera, par un stage de courte durée, un premier contact avec les établissements qui pourra être utilisé par le candidat dans l'entretien avec le jury chargé de l'épreuve sur dossier.
La spécificité de la formation des enseignants du premier degré, qui comportait depuis longtemps des stages plus longs en première année, sera respectée – voire renforcée, afin d'améliorer encore l'alternance entre la théorie et la pratique.
La seconde année doit être essentiellement professionnalisante. Elle sera conçue et organisée par les IUFM. Les étudiants recevront une double formation. Ils suivront des stages en responsabilité tout en acquérant les connaissances indispensables à la pratique de leur métier. La formation professionnelle sera ainsi concentrée en seconde année, ce qui lui conférera davantage d'efficacité. À travers une 2ème année ainsi définie, les IUFM retrouveront leur finalité qui est de dispenser une formation professionnelle solide, fondée sur la pratique.
Une autre série de mesures concerne le recrutement des enseignants dans les IUFM. L'objectif poursuivi ici est d'assurer une circulation naturelle des enseignants-chercheurs entre l'université et l'IUFM. C'est, à mes veux, la condition d'une formation efficace faite par des enseignants assurant alternativement des fonctions d'enseignement dans l'université et de formation de futurs professeurs.
Le décret en préparation prévoit que les enseignants-chercheurs qui auront à exercer en IUFM, seront désormais proposés par la commission des spécialistes de l'université ; celle-ci se prononcera après avoir pris connaissance de l'avis du directeur de l'IUFM sur le profil de l'emploi concerné, et après avis favorable des conseils d'administration de l'IUFM et de l'université. Ces enseignants-chercheurs seront directeurs d'études ; ils seront mis à la disposition de l'IUFM et exerceront leurs fonctions à l'Institut pour une durée de 4 ans, qui pourra être prolongée dans la limite de 3 ans sous certaines conditions.
Dans le même esprit, je rappellerai que le cadre organisateur de la recherche même pédagogique reste l'université ; les enseignants en IUFM peuvent y contribuer dans ce cadre en s'appuyant, notamment, sur le terrain concret de leur travail. Une meilleure définition des rôles et des fonctions entre les différents établissements est sans conteste la base d'une répartition harmonieuse des formations.
De nombreux chantiers restent ouverts sur lesquels je souhaite que nous puissions avancer dans les mois à venir. J'en aborderai ici quelques-uns.
Pour la formation des enseignants du premier degré, il m'a paru nécessaire, ainsi qu'à François Bayrou, qu'une réflexion plus approfondie au cours de cette année permette de mieux redéfinir à la fois la formation universitaire préalable à l'entrée des IUFM et les enseignements dans le cadre des IUFM.
Alors que les maîtres d'écoles sont amenés à enseigner un grand nombre de disciplines, les candidats à cette profession sont généralement titulaires d'une licence spécialisée. De plus, beaucoup d'entre eux ont reçu une formation initiale ne correspondant pas aux disciplines enseignées à l'école primaire. La spécialisation des études antérieures n'est guère rééquilibrée au cours de l'année de préparation du concours. Il faut donc réfléchir à une certaine adaptation des enseignements qui prennent en compte ces exigences spécifiques.
Le 9 septembre dernier, j'ai signé le contrat concernant l'Université d'Artois. Certaines démarches adoptées dans ce contrat vont tout à fait dans le sens du rapport Kaspi et me semblent devoir, quand les conditions le permettront, être généralisées. C'est en particulier le cas des expériences de licences à option, qui permettent de doter le futur maître d'école d'un bagage de connaissances satisfaisant. Cette question des formations pluridisciplinaires fait l'objet cette année d'un travail commun mené entre les services de mon ministère et les présidents d'université – auquel participent d'ailleurs les présidents Louis et Alluin – ainsi que des directeurs d'IUFM. J'ai bien noté d'ailleurs que l'Université de Lille III était candidate à l'expérimentation pour ces nouveaux DEUG et licences.
Ici à Douai, pôle de cette nouvelle université multipolaire, je voudrais vous confirmer le rattachement de l'IUFM du Nord-Pas de Calais, aux universités nouvelles de l'Artois et du Littoral, portant ainsi à 6 le nombre des universités de rattachement.
Ces universités nouvelles sont naturellement amenées à ouvrir des préparations aux CAPES, dans la dynamique de la mise en place des licences et maîtrises. La multiplicité des sites universitaires est un atout pour votre région, favorisant l'accès d'un plus grand nombre de jeunes à l'enseignement. Elle doit cependant prendre en compte les contraintes budgétaires. Attentif à cette question, j'ai demandé à la Direction générale des enseignements supérieurs de veiller à ce que ni l'IUFM, ni les nouvelles universités, ne soient pénalisés par l'ouverture de ces nouvelles préparations.
D'autre part, compte tenu du développement de l'IUFM du Nord-Pas de Calais, de sa taille, de la géographie de ses implantations, de votre souhait de renforcer la coordination avec les universités, j'ai donné mon accord de principe pour la nomination de 3 nouveaux directeurs adjoints, enseignants-chercheurs.
Dans les 2 prochaines années, l'IUFM du Nord-Pas de Calais, outre la construction du centre d'Outreau, bénéficiera aussi – dans le cadre d'U2000 – d'une implantation nouvelle pour la direction et les services généraux, au "Magasin Général" à Lille.
Enfin, l'organisation de l'enseignement professionnel et technologique pose un véritable problème que vous connaissez bien. Formations à petits effectifs et à coût élevé, il faut éviter de disperser les moyens et réfléchir à une carte de ces formations. C'est un terrain sur lequel il faut agir d'urgence pour que la France dispose d'un outil de formation bien adapté dans un domaine essentiel sur le plan économique. Il s'agit pour moi d'une priorité. J'ai mis en place un groupe de travail sur les filières technologiques chargé de faire des propositions. Ce groupe est placé sous la responsabilité du directeur général des enseignements supérieurs. Seule une réflexion incluant l'ensemble du système de formation technique permettra de dégager des solutions réelles et de préciser le rôle des IUFM qui, à mon avis, est particulièrement important en cette matière.
Sur tous ces sujets, je souhaite développer une large concertation avec tous les partenaires et en particulier avec les directeurs d'IUFM. Le but de la réforme engagée est clair. Il s'agit de fournir au pays les enseignants du premier et du second degré dont il a besoin pour répondre aux exigences de demain. Cette réforme n'est donc pas définitive mais elle doit être continue pour que nous puissions à terme doter la France d'un système de formation souple et efficace, capable de répondre aux défis et aux mutations de la société de demain, capable de former efficacement les jeunes, c'est-à-dire d'assurer l'avenir de la France.