Déclaration de M. Michel Barnier, ministre de l'environnement, sur la politique de l'environnement, et son action entreprise dans le domaine depuis 1 ans, Toulouse le 8 avril 1994.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès de France Nature Environnement à Toulouse les 8 et 9 avril 1994

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Il y a onze mois, le 8 mai dernier, j'avais saisi l'occasion de votre assemblée générale pour prononcer une sorte de « discours programme ». J'avais pris alors un certain nombre d'engagements et indiqué les sujets sur lesquels j'avais l'intention de travailler prioritairement.

Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer de nouveau devant vous et, par conséquent, de faire avec vous, très honnêtement, l'évaluation à mi-parcours de l'action que j'ai entreprise. J'ai le sentiment de ne pas avoir dévié de la route que je m'étais tracée, mais je mesure combien il reste de travail à accomplir pour atteindre tous les objectifs que je m'étais fixés.

Je vais donc essayer de faire, devant vous ce bilan objectif de mon action, sans faire d'impasse sur les sujets difficiles, c'est-à-dire ceux sur lesquels, je le sais, nos avis divergent parfois. J'ai regroupé, pour plus de clarté, l'action du ministère depuis douze mois, en 6 thèmes :

1. Le développement de l'éco-citoyenneté
2. La protection des espaces et des espèces
3. La lutte contre les risques et les pollutions
4. L'aménagement écologique du territoire
5. Le développement d'une croissance durable
6. Le renforcement des acteurs de l'environnement

I. – Développer l'éco-citoyenneté

J'ai fait du développement de l'éco-citoyenneté l'axe prioritaire de mon action, convaincu que sans une prise de conscience et une adhésion de l'ensemble des citoyens, l'action du ministère, même relayée par vos associations, sera peu efficace. Il faut donc engager une action résolue, notamment en direction de la jeunesse.

a) Des réalisations effectives

En matière de développement de l'éco-citoyenneté, deux opérations majeures sont en cours de réalisation :

Lancée à la rentrée scolaire 1993 par les ministères de l'environnement, de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et de l'agriculture et de la pêche, l'opération « 1 000 défis pour ma planète » a donné l'occasion à des groupes de jeunes (de 8, à 21 ans), encadrés par leurs éducateurs, et avec l'aide de leurs « parrains techniques », d'imaginer et de proposer des projets concrets pour l'environnement.

1 305 projets ont été sélectionnés au début de cette année par des jurys régionaux. Ces projets abordent l'ensemble des problématiques de l'environnement, à savoir : l'eau, l'air, le bruit, les déchets, les paysages, la faune et la flore, les risques majeurs, l'écologie urbaine, les énergies, les transports.

C'est ainsi quelque 125 000 enfants qui s'emploient actuellement à relever leurs défis, accompagnés de leurs parrains techniques, (communes, entreprises, associations).

Une grande fête conclura cette opération le 25 juin prochain au Parc Floral de la Ville de Paris à Vincennes.

Dès cette année, des jeunes feront leur service national au service de l'environnement. Les premiers appelés ont été sélectionnés par le ministère et seront incorporés au mois de mai. Il s'agira pour eux, au sein d'établissement publics sous la tutelle du ministère (parc, Conservatoire du littoral, ONC, CSP, …) ou de collectivités locales, de mener des actions de prévention des risques naturels par la surveillance et l'entretien de l'espace. Je compte beaucoup sur cette opération pour modifier en profondeur les comportements des jeunes et les sensibiliser aux problèmes concrets de la protection de l'environnement.

b) Des opérations à poursuivre

Le Conseil des ministres en sa séance du 6 octobre 1993 a décidé de mettre en place un pôle de compétences éducation/environnement, qui doit être un outil à la fois d'observation, de coordination, d'animation et d'impulsion, pour mieux orienter les politiques publiques et privées dans ce domaine, et élever le niveau général de compréhension des problèmes de l'environnement.

La constitution de ce pôle paraît indispensable pour à la fois gérer la multiplicité des approches et des acteurs, la dispersion extraordinaire des moyens et des ressources, et passer de la dimension expérimentale et artisanale des actions, à une dimension nationale cohérente.

c) Des efforts insuffisants en direction de l'Éducation nationale et des grandes écoles

La prise en compte de la protection de l'environnement doit être effective à tous les niveaux de la vie scolaire : primaire, secondaire et supérieur.

Cette prise en compte demeure très aléatoire dans le primaire et le secondaire, et reste encore liée à la seule détermination de quelques enseignants particulièrement motivés.

Nous poursuivrons avec mon collègue François Bayrou nos réflexions pour une intégration systématique de l'environnement dans les différentes disciplines concernées. Mais je reconnais que les résultats actuels ne sont pas à la hauteur de mes espérances.

Pour ce qui est de l'enseignement supérieur, j'ai confié au Conseil général des ponts et chaussées (MM. Chassande et Ville pour les écoles d'ingénieurs, et M. Antoni, pour les écoles d'architecture) une mission d'évaluation de l'enseignement « environnement » dans les programmes des grandes écoles. Cette étude montre une prise en compte très inégale dans les quelques 50 écoles interrogées, allant de quelques heures à plusieurs dizaines d'heures (de 7 à 110 heures avec une moyenne se situant entre 20 et 40 heures).
Je compte proposer sous peu à mes collègues François Fillon, Bernard Bosson et Gérard Longuet de prendre des mesures rapides pour les écoles de l'État dépendant directement de leurs ministères respectifs.

D'une manière générale, nous devons nous pencher sur la question essentielle de la formation des formateurs et de la formation continue.

II. – Protéger les espaces et les espèces

La protection des espaces et des espèces, mission originelle du ministère, relève d'un effort continu et souvent peu médiatique, sauf lorsque des espaces ou des espèces sont en danger. Cette action positive est souvent méconnue alors qu'une partie importante des services de mon ministère y est consacrée et que j'y porte moi-même un intérêt particulier.

a) Protection des espaces

À tout seigneur … il convient de citer en premier les parcs nationaux, qui sont et doivent rester les fleurons de notre dispositif de protection des espaces.

Au moment du 30ème anniversaire du Parc de la Vanoise, je me suis interrogé publiquement sur notre capacité commune à ouvrir un débat serein sur les modalités d'élargissement des limites des Parcs nationaux tous les 20 ou 30 ans.

Les conditions de cette sérénité ne semblent pas réunies aujourd'hui et ce, débat sur les limites des parcs nationaux ne sera donc pas ouvert mais j'ai l'ambition de leur donner une nouvelle dynamique et d'obtenir dans les années qui viennent des résultats sur les zones périphériques aussi forts et évidents que ceux constatés sur la faune, la flore et les paysages des zones centrales. J'ai confié une mission sur ce sujet à Madame Hélène Blanc, ancien Préfet, afin d'élaborer des propositions pour aller vers les Parcs du XXIe siècle, dont les effets de protection doivent s'étendre au-delà de leurs limites.

Dès à présent, le projet de loi sur le renforcement de la protection de l'environnement qui sera bientôt présenté au Parlement prévoit de donner aux parcs nationaux les moyens de mener des politiques d'acquisition foncière en zone centrale.

Deux projets de Parcs Nationaux sont en outre en très bonne voie d'aboutir :

En Guyane sur plusieurs millions d'hectares de forêt d'une part, milieu d'importance mondiale sur le plan notamment de la biodiversité,

Sur la côte Occidentale de la Corse par ailleurs.

Élaborée en concertation avec de nombreux partenaires, vos associations notamment et l'active Fédération des Parcs Naturels Régionaux, le décret d'application de la loi paysage est en cours d'examen au Conseil d'État : il constituera un texte de référence encadrant la politique de l'État et des collectivités pour la gestion et la création des parcs naturels régionaux munis désormais d'un label sur lequel nous ne transigerons pas.

Aux 27 parcs existants pourront dès lors s'ajouter ceux dont les projets sont quasiment prêts, dans le Vexin Français (Ile de France), les Grands Causses (Midi-Pyrénées), la Chartreuse (Rhône-Alpes), le Val de Loire Anjou-Touraine (Centre et Pays de Loire), les Bauges, etc.

Le rythme de création des réserves naturelles s'est également accéléré puisqu'une demi-douzaine de sites nouveaux sont désormais protégés par cette mesure forte, complétant un réseau animé par la Conférence Permanente des réserves naturelles dont je tiens à saluer l'efficacité.

Du site exceptionnel du Val d'Allier à l'extraordinaire gisement d'œufs de dinosaures de la Montagne Sainte Victoire, ces nouvelles réserves annoncent dans les semaines à venir l'aboutissement de dossiers très importants tels l'étang de Biguglia en Corse et les superbes sites des Nouragues et des Montagnes de la Trinité au cœur de la forêt de Guyane.

S'agissant des classements de site au titre de la loi de 1930, 16 sites ont été classés depuis un an : parmi les décisions les plus importantes, il convient d'évoquer notamment le classement de la forêt d'Halatte et celui du Mont-Alban et du Mont Boron.

En outre, des projets majeurs, souvent bloqués depuis de nombreuses années, sont à présent en bonne voie : je pense en particulier au classement du Soussouéou, du Mont Saint Quentin, de l'Estérel et de la presqu'île de Saint-Tropez.

En ce qui concerne le Conservatoire du littoral je vous rappelle que son budget a cru en 1994 de 25 % s'élevant ainsi à 135MF. Par ailleurs, lors du Conseil des ministres du 25 août 1993, il a été décidé d'étendre effectivement les compétences du Conservatoire aux Communes riveraines des estuaires et des deltas. En outre, une stratégie globale et à long terme pour la préservation à l'état naturel d'au moins un tiers des rivages sera élaborée par le Conservatoire. Enfin, j'ai demandé au Conservatoire de mener une réflexion sur ce que pourrait être un Conservatoire européen du littoral méditerranéen.

Quant aux lois montagne et littoral, elles constituent un élément essentiel de la protection des espaces remarquables.

À ce propos, je veux également très rapidement évoquer, à nouveau, la loi « urbanisme » présentée par mon collègue Bernard Bosson, à l'automne dernier, et votée en décembre.

Cette loi, qui pour beaucoup de ses dispositions s'inscrit dans le cadre de propositions tirées du rapport du Conseil d'État de 1992 sur l'urbanisme, a fait couler beaucoup d'encre.

Il me semble tout d'abord qu'il faut la resituer dans le cadre plus vaste de la nécessaire réforme du droit de l'urbanisme ; ce droit est en crise : le contentieux, multiplié par 4 en quelques années, n'est que le reflet d'un déséquilibre plus profond lié notamment à l'ambiguïté de certains textes, à l'insuffisance du contrôle de légalité, à l'instabilité excessive des documents d'urbanisme, à l'association encore insuffisante de la population à l'élaboration des documents. Ce sont là les enjeux de fond que je m'emploie fortement à faite valoir auprès de mes collègues chargés de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.

En ce qui concerne plus spécifiquement les dispositions votées en décembre, trois points m'apparaissent mérités d'être soulignés ici :

– il y a dans ce texte des éléments directement favorables à l'environnement dont on a très peu parlé (par exemple, la consultation renforcée des associations à l'élaboration des documents d'urbanisme) ;
– l'amendement à la loi littoral s'agissant des stations d'épuration était indispensable si l'on voulait permettre à Toulon de se doter des installations nécessaires ;
– l'amendement d'origine parlementaire relatif à la loi montagne qui rend possible la construction autour des lacs artificiels de montagne mérite en effet la plus grande vigilance : je n'hésiterai pas, je l'ai déjà dit, à demander sa suppression si les risques de dérapage me paraissent trop grands.

Il n'est donc pas question pour moi d « assouplir » ces deux lois « montagne » et « littoral », comme j'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de le rappeler; il s'agit par contre de les préciser, lorsque cela est possible, à travers des schémas de cohérence, relatifs notamment aux « espaces proches du rivage », aux « coupures d'urbanisation » ou à « l'urbanisation limitée ». Cette question est à l'étude en liaison notamment avec la future loi sur l'aménagement du territoire.

b) Protection des espèces

Je veux vous redire ici tout l'attachement que je porte à une politique dynamique et concrète de protection des espèces.

Cet objectif demeure l'un des points d'ancrage de ce ministère, quelles que soient les sollicitations et les demandes, de plus de fermeté d'un côté, le vôtre, et parfois d'un peu plus de souplesse, du côté des milieux cynégétiques ou des intérêts piscicoles en général.

Je tiens à consacrer tout le temps de concertation et d'explication nécessaire pour trouver des solutions aux antagonismes parfois exacerbés entre « protecteurs » et chasseurs, les uns et les autres étant parfois heureusement les mêmes …

Mon souci permanent est de fonder mes décisions sur des données scientifiques aussi complètes et fiables que possible, même si je suis obligé de constater que les mêmes chiffres sont régulièrement interprétés par chacune des parties en présence à son avantage, comme le montre le débat autour de la modification en cours de la directive européenne sur la conservation des oiseaux sauvages.

Croyez à ce sujet que si je cherche à assurer au monde de la chasse des possibilités de pratiquer cette activité dans un contexte clair et serein, il est exclu que cela se fasse aux dépends des équilibres de populations des espèces, qu'elles soient chassables ou protégées.

J'espère que nous sortirions, au mieux et au plus vite, de ces querelles portant sur quelques jours de chasse en plus ou en moins pour nous consacrer pleinement à des tâches plus considérables et fondamentales que sont la protection et la reconstitution des milieux naturels : la gestion des biotopes, les jachères-faune sauvage, la protection des écosystèmes humides en sont autant d'exemples.

Pour illustrer ce propos et l'étendre au-delà de nos frontières, je vous indique que la ratification de la convention sur la biodiversité signée à Rio en 1992 interviendra dans les prochaines semaines : nous ferons valoir ainsi une politique conduite depuis trente ans de protection des richesses naturelles et du patrimoine biologique.

Un nouveau Conservatoire botanique a été créé à GAP en 1993. Les mesures d'application de la « directive Habitat », adoptée en 1992, sont entrées dans une phase active avec la concrétisation du réseau Natura 2000.

Enfin, la France vient d'obtenir de la commission baleinière réunie à Norfolk une avancée importante puisque 10 pays (dont les États-Unis et le Royaume Uni) ont coparrainé la proposition d'établir un sanctuaire baleinier dans les mers australes.

Et au risque d'interpeller certains d'entre vous, c'est ici que j'évoquerais, sans pouvoir m'étendre plus longuement, le dossier de la protection de l'ours, auquel j'ai consacré, avec mes collaborateurs et tous les partenaires locaux, beaucoup de temps, d'énergie … et de passion.

J'ai compris, en effet, le symbole qu'il constituait et je veux affirmer devant vous que les propositions qui sont en train d'être mises en œuvre, et pour lesquelles les associations auront leur rôle à jouer, ont été alimentées par ma conviction profonde qu'il n'y avait pas l'autre possibilité pour donner un minimum de chance de survie à cette espèce prestigieuse dans les très riches paysages pyrénéens (dont le site du Soussouéou enfin bientôt classé !). Je continuerai de suivre personnellement ces engagements de l'État auprès des collectivités qui ont accepté de contribuer volontairement à la sauvegarde de l'ours et de son milieu de vie.

Il ne m'est pas possible de prolonger trop ce chapitre consacré aux animaux et aux plantes pour lesquelles je connais votre passion, mais je compte sur votre collaboration pour aller plus loin encore dans la protection du saumon et des grands migrateurs, pour veiller à des phénomènes tels que l'extension de l'algue Caulerpa Taxifolja et les espèces introduites, pour trouver ensemble des solutions aux conflits entre pisciculteurs et cormorans …

J'en terminerai malgré tout en saluant avec une certaine émotion le retour d'une espèce mythique sur lequel peu d'entre nous avait misé : le loup est revenu en France, dans un espace bien surveillé et protégé, le Parc National du Mercantour et nous assurerons toutes nos responsabilités à son égard, fût-ce en appliquant des dispositions réglementaires qui ont pu susciter quelques inquiétudes dans vos rangs.

III. – La lutte contre les risques et les pollutions

En matière de lutte contre les risques et les pollutions, des progrès substantiels ont été faits, parfois de manière très discrète, sur des dossiers qui, dans certains cas, étaient au point mort depuis quelque temps.

a) Le plan « risques naturels »

Je n'avais pas mis au rang des priorités que je vous avais présentées l'année dernière la question des risques naturels. Peut-être est-ce parce que je mesurais mal votre intérêt pour cette question. Pourtant, ce problème était déjà présent à mon esprit et dès le 13 juillet 1993 j'ai rappelé le principe d'inconstructibilité en zone inondable, dans l'indifférence générale il faut le reconnaître.

L'automne a été malheureusement l'occasion de confirmer ce qu'on pouvait craindre en matière d'inondation et il m'a donné l'occasion de mûrir le plan de prévention des risques naturels que le Gouvernement a adopté le 24 janvier. Ce plan qui représente près de 11 milliards de francs, dont 45 % financés par l'État, comprend trois grands types d'actions :

Accélérer la réalisation et l'approbation des plans de maîtrise de l'urbanisation.

Les quatre procédures existantes seront fondues en une seule (les plans de prévention des risques) et les moyens d'études multipliés par 2,5 afin qu'en 5 ans les 2 000 communes les plus concernées par les risques naturels soient couvertes par un plan.

Pouvoir en quelque sorte « exproprier » les personnes soumises à un risque très grave mettant en danger la vie humaine ; les moyens juridiques et financiers de cette décision seront inclus dans le projet de loi sur l'environnement.

Mettre en place un plan d'entretien écologique des rivières.

J'ai eu, Mesdames et Messieurs, l'occasion au cours d'un de mes déplacements en province, d'aller en Dordogne : la seule rivière à ne, pas avoir causé d'inondation était une petite rivière qui était entretenue de façon « douce » par un syndicat d'économie mixte qui employait des prisonniers en formation. Le plan d'entretien des rivières qui a été approuvé le 24 janvier vise à généraliser ce type d'opérations exemplaires. Cela ne sera pas facile, je le sais, mais, il doit être possible de prévenir les crues de faible et moyenne intensité par un entretien écologique de qualité.

À titre d'exemple de cette volonté politique vous avez déjà observé que le Gouvernement a confirmé l'inconstructibilité de la zone de la Gloriette.

b) La lutte contre la pollution agricole des eaux

Ce dossier a été l'un des premiers auxquels je me suis consacré dès mon arrivée. Avec la profession agricole; nous avons voulu embrasser l'ensemble des sujets : les pesticides, les engrais, les élevages. Sans une action volontariste et concertée pour traiter véritablement ce problème qui concerne pour l'élevage 60 000 exploitations, dont un bon nombre situé dans des secteurs très sensibles sur le plan de l'environnement, les risques étaient réels : augmentation des teneurs en nitrates, contamination des eaux, non respect des engagements internationaux.

Un accord global a été passé entre les ministères de l'Agriculture et de l'Environnement et les organisations professionnelles agricoles.

Ce programme, estimé à 7 millions de francs sur dix ans, porte sur :

– la mise en conformité des installations d'élevage ;

– la réalisation d'épandages, faits dans les règles de l'art, garantissant une pollution résiduelle admissible pour le milieu.

Ces investissements sont financés par les éleveurs par les agences de l'eau et par le ministère de l'Agriculture et les régions dans le cadre des contrats de plan.

c) La politique des déchets

La France a décidé en 1992 d'une politique ambitieuse en matière de déchets et je vous avais confirmé l'année dernière mon intention de la poursuivre. Je tiens cependant à ce qu'elle soit menée avec pragmatisme mais aussi objectivité écologique. C'est en ce sens aussi que j'ai participé à la négociation sur la directive Européenne sur les déchets d'emballages en insistant sur deux points :

– avoir des objectifs ambitieux en terme de valorisation mais homogènes au niveau européen pour éviter des crises comme celle du papier-carton en 1993 ;
– ne pas établir de hiérarchie a priori entre des modes de valorisation alors que rien ne le justifie et qu'au contraire certaines politiques trop idéologiques peuvent mener à la catastrophe.

Je crois que l'adoption de la directive européenne en décembre a été un succès pour la France.

Ce qui compte le plus peut-être cependant en matière d'environnement, c'est bien sûr l'application concrète. Je suis très attaché, comme vous, je pense à ce que cette mise en place tienne compte du contexte local.

C'est la raison pour laquelle il est possible d'aller plus loin dans la décentralisation en matière de déchets.

Voilà pourquoi, dans mon projet de loi sur le renforcement de la protection de l'environnement, je compte proposer la compétence d'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers aux départements et donner la même compétence aux régions pour les déchets industriels spéciaux.

J'attends de cette décentralisation, si elle est acceptée, une responsabilisation plus grande de ces collectivités.

Il est bien sûr enfin nécessaire de disposer de moyens pour cette politique. Les investissements en matière de traitement des déchets sont, vous le savez, considérables et je ne crois pas qu'il existe de solution miracle. Je vais demain inaugurer l'usine de traitement de Grenoble qui me paraît exemplaire mais qui représente aussi un investissement de plusieurs centaines de millions de francs.

J'ai décidé de renforcer les moyens qui sont donnés aux collectivités locales et en particulier aux conseils généraux. À cette fin la taxe sur les déchets pourrait être augmentée à 40 ou 50 F et des contrats seront passés entre l'ADEME et les départements afin de mettre en place les plans départementaux.

Pour mener une réflexion à plus long terme sur le problème du financement de la politique, je pense enfin confier une mission de réflexion à un parlementaire sur ce thème.

d) La lutte contre l'effet de serre

La France se doit de demeurer exemplaire en matière de lutte contre !'effet de serre. Elle possède l'un des niveaux d'émission de gaz carbonique par habitant les plus faibles des pays industrialisés en raison de ses efforts passés : programmes importants de maîtrise de l'énergie, fiscalité élevée sur les énergies fossiles, choix de l'option nucléaire. Cette avance doit être préservée.

Certains doutent aujourd'hui de la réalité de l'effet de serre, par conviction mais aussi parfois, malheureusement, par opportunisme. C'est pourquoi j'organiserai; avant l'été, une réunion de travail sur l'effet de serre dans le cadre des « entretiens de Ségur » que je viens d'initier.

De même, un colloque sur les transports propres sera organisé à l'automne afin d'examiner les moyens d'infléchir les pollutions et nuisances diverses associées à ce secteur, en particulier les émissions de gaz carbonique et autres gaz à effet de serre.

Une meilleure maîtrise de la demande en transports est en effet indispensable si nous souhaitons stabiliser nos émissions de gaz à effet de serre, comme la France s'y est engagée dans le cadre de la convention climat que le Parlement a ratifiée en début d'année. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui a conduit le Gouvernement à relever substantiellement la fiscalité pétrolière au printemps dernier.

e) La mise en place d'une politique de connaissance et de traitement des sols pollués

Je me suis attaché dès mon arrivée à la mise en place d'une vraie politique en matière de sols pollués : connaissance, diagnostic, hiérarchisation, traitement.

Cette politique a fait l'objet d'une circulaire que j'ai adressée aux préfets le 3 décembre 1993.

Un inventaire national est en cours d'élaboration portant à la fois sur les sites connus, en activité ou anciens et abandonnés.

Parallèlement un travail scientifique a été lancé, sous l'égide de mon ministère, dans le cadre d'un groupe national auquel sont associés vos représentants, afin de déterminer des seuils indicatifs pour les différents polluants. Il sera tenu compte de l'usage prévu pour le sol après dépollution.

Le traitement devra ensuite se faire quand c'est nécessaire.

Cette politique aussi nécessitera des moyens en particulier pour les sites dits orphelins. Le financement actuel est de type conventionnel avec un accord entre l'association Entreprises pour l'environnement et l'ADEME. Cette association d'industriels a tenu ses engagements. Les moyens dégagés aujourd'hui sont toutefois très insuffisants par rapport aux besoins. J'ai décidé de leur renouveler ma confiance mais en demandant une participation plus importante. À défaut il sera nécessaire de financer ces dépollutions par une taxe dont le contenu reste à définir. Mes services y réfléchissent d'ores et déjà.

IV. – Aménagement du territoire et environnement

Le ministère de l'environnement a participé activement au débat sur l'aménagement du territoire, les deux sujets pouvant difficilement être appréhendés séparément : il s'agit d'inscrire la politique d'aménagement du territoire dans une stratégie globale de développement durable : l'environnement ne doit pas être la « cerise sur le gâteau », mais doit être intégré pleinement dès l'amont ; c'est notamment le sens de la décision du CIAT de Mende à propos des contrats de plan État-régions pour le Xlème Plan qui feront l'objet d'une évaluation environnementale d'ensemble, parallèlement avec l'établissement de stratégies régionales pour l'environnement.

Mais je ne veux pas entrer dans de grands débats théoriques sur ce sujet. Je préfère à l'aide d'exemples pratiques, vous exposer comment j'ai voulu pragmatiquement avoir une action dans ce domaine.

a) Des exemples concrets d'aménagement écologique du territoire

L'étang de Berre

En étroite concertation avec les élus locaux, des industriels, EDF et les milieux associatifs, j'ai lancé le 2 septembre 1993 la mise en œuvre d'un plan de reconquête de l'étang de Berre.

Ce plan couvre l'ensemble des préoccupations d'environnement :

– réduction des pollutions des eaux urbanisées et industrielles ;
– diminution des apports en eau douce et en limon des eaux dérivées de la Durance à l'usine hydroélectrique de Saint Chamas ;
– réduction de la pollution atmosphérique ;
– protection de terrains par le Conservatoire du littoral.

Un Préfet a été désigné pour assurer la mise en œuvre de ce plan et proposer la création d'une structure permanente de concertation et de suivi de l'évolution écologique de l'étang de Berre. Un premier bilan des actions sera fait à l'automne.

Le Plan Loire Grandeur Nature

La préparation de ce plan a duré 9 mois au cours desquels je me suis déplacé sur le terrain sur plus d'une dizaine de sites et j'ai rencontré les élus, les professionnels, les associatifs concernés. En tout, plusieurs centaines de personnes.

Dix départements ministériels ont travaillé à ce plan qui s'inscrit dans une volonté de développement durable et d'aménagement du territoire.

Ce plan global propose un aménagement et une gestion cohérents, équilibrés et écologiques du bassin de la Loire à travers un triple objectif d'amélioration de la sécurité des populations, de protection de l'environnement et de développement économique.

Le montant du plan s'élève à 1 900 MF sur 10 ans et environ 800 MF sont réservées à des opérations écologiques de réhabilitation et d'entretien.

Je vous confirme que les associations, à côté des élus, sont les partenaires de l'État pour la mise en œuvre de ce plan.

Les efforts d'amélioration des infrastructures

Depuis un an, un très important effort a été engagé avec le ministère de l'Équipement pour repenser les projets d'infrastructures, notamment autoroutiers ou TGV. Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais je pense très sincèrement que du bon travail a été fait pour démontrer que l'on peut aménager autrement.

Je pense notamment à l'A14 à Saint-Germain en Laye, à l'A86 à Joinville, au marais Poitevin, à Langeais, à la RN 134 qui conduit au tunnel du Somport. À l'heure actuelle, parmi les sujets les plus importants que nous avons de ce point de vue à traiter, figure la prise en compte du risque « zones inondables » par le projet du TGV Méditerranée et la définition qui est en cours des ouvrages nécessaires pour ne pas aggraver le risque existant.

La politique des « deux roues »

Nous sommes en train d'élaborer des propositions concrètes : il s'agit notamment de mettre en place des contrats « vélo pour la ville » liant le ministère de l'Environnement aux municipalités qui souhaitent s'engager dans une démarche globale en faveur du développement de l'usage du vélo.

Je vous annonce qu'un concours va être lancé sur ce thème par le ministère dans les tous prochains jours et qu'il permettra la mise en place de 10 contrats « vélo pour la ville » de 100 000 F chacun dès cette année.

Par ailleurs, un schéma national des cycloroutes sera établi et une charte avec les aménageurs (ministère de l'Équipement, départements …) sera mise en place afin de prévoir la réalisation de pistes cyclables lorsque cela est techniquement possible. En outre, la Charte en cours de signature avec la SNCF prévoira de faciliter l'interface vélo­transport ferroviaire.

b) De grands projets

Le fonds de gestion de l'espace rural

Le sénateur Le Grand, à qui j'avais confié une mission, en mai dernier, sur l'avenir des zones rurales, a proposé, dans son rapport, un ensemble de mesures permettant d'assurer une prise en compte forte de l'environnement dans l'évolution de ces zones.

Il évoquait notamment la création d'un fonds de soutien spécifique. Il pourrait s'agir d'un fonds visant à rémunérer les services rendus à la collectivité par les agriculteurs s'agissant de la protection de la nature et des paysages à partir d'un fonds qui pourrait être alimenté par une taxe basée sur les opérations d'équipement et de construction. Le Gouvernement travaille actuellement sur cette proposition.

Le programme d'action sur le paysage

La qualité et la diversité exceptionnelle de nos paysages est notre patrimoine commun. Nous avons trop longtemps laissé se dégrader ce patrimoine : il n'est que temps de réagir. Concrètement je présenterai au Conseil des ministres du 13 avril le bilan des actions en cours qui concernent à la fois :

– le renforcement du partenariat avec les collectivités locales, par les « contrats pour le paysage », notamment ;
– la valorisation de l'atout que représente la qualité du paysage pour le développement du paysage rural ;
– l'amélioration de l'insertion paysagère des aménagements et des constructions grâce à la parution du décret sur le volet paysager du permis de construire et à l'extension du 1 % paysager sur les travaux autoroutiers ;
– la protection des espaces remarquables : le décret sur les directives paysagères est actuellement à la signature du Premier ministre ; l'étude de 5 sites expérimentaux sera dès à présent' engagée.

Au-delà de ces actions, le Premier ministre m'a chargé de préparer un plan d'ensemble à 10 ans en faveur de la qualité des paysages et je présenterai ce plan à l'automne.

Les propositions du projet de loi en matière d'enquêtes publiques

Aménager autrement veut dire aussi aménager d'une façon plus ouverte et plus concertée : c'est le sens de la mission que j'avais confiée à Madame Bouchardeau et c'est le sens des propositions que je présenterai à ce propos au Parlement visant, d'une part, à moderniser la loi de 1983 (droit à l'organisation de réunions publiques, statut des commissaires enquêteurs), et d'autre part, à instaurer pour les projets les plus lourds, un débat en amont organisé par une autorité indépendante.

V. – Développer une croissance durable respectueuse de l'environnement

Je suis convaincu qu'il est possible de conjuguer croissance et environnement, et même que la protection de l'environnement peut être un des moteurs de la nouvelle croissance que nous recherchons actuellement et qui commence à se faire jour.

J'ai pris plusieurs initiatives dans ce domaine pour convaincre du bien-fondé de ce discours et pour nous donner les moyens d'agir en ce sens.

a) Emploi et environnement

En premier lieu, au printemps dernier, les mesures de relance des travaux publics engagées par le Premier ministre comportaient, pour la première fois en France, un volet consacré à l'environnement composé d'une augmentation de 150 MF des crédits budgétaires du ministère, d'une accélération du programme des agences de l'eau et des opérations d'enfouissement des lignes électriques.

Au total ces trois mesures ont permis la réalisation d'environ 1,3 milliard de travaux publics consacrés à l'environnement, soit un peu plus de 10 % du total du plan annoncé en matière de travaux publics.

Par ailleurs, dans le cadre des opérations financées par l'emprunt de 40 milliards lié aux privatisations, de nombreuses opérations relevant de l'écologie urbaine ont également été financées, notamment des actions contre le bruit en milieu urbain (270 millions de francs), et l'aménagement des quartiers déshérités (200 millions de francs). Ces travaux qui font partie de la politique de la Ville animée par Mme Simone Veil, représentent au total près de 500 millions de francs.

En second lieu, le Gouvernement a dégagé 300 millions de francs afin de favoriser le développement de projets d'entretien de l'environnement créateurs d'emplois et initiés par des associations ou des collectivités locales.

200 millions de francs ont été mis à la disposition des Conseils régionaux. Cette mesure a été votée dans le cadre de la loi relative au développement de l'emploi et de l'apprentissage en juillet dernier.

100 millions de francs seront gérés par les directeurs régionaux de l'environnement sous l'autorité des Préfets de région.

Dans chacune des régions, se met actuellement en place un comité de pilotage associant les services déconcentrés de l'État et les différentes collectivités locales afin de favoriser la mise en place de ces mesures.

Il s'agit de donner un coup de pouce pour aider à l'émergence de projets d'initiative locale, qu'il s'agisse d'entretenir des rivières ou des sentiers de randonnées, de mieux gérer des déchets ou encore de préserver notre patrimoine naturel.

Mon objectif, au travers de ces mesures, est d'encourager la création d'une manière ou d'une autre de 35 000 emplois en 2 ans dans le secteur de l'environnement. Il s'agit d'un pari difficile et audacieux, qui ne pourra être tenu qu'avec votre soutien actif.

Enfin, développer l'emploi dans le secteur de l'environnement, c'est aussi encourager le développement de nos éco-industries, sur notre territoire, bien sûr, mais également à l'étranger.

C'est la raison pour laquelle j'ai effectué en octobre dernier une visite officielle au Japon et en Corée, accompagné d'une vingtaine d'industriels français du secteur de l'environnement, traitement des eaux et pollution de l'air.

Cette démarche correspond à une volonté affirmée de mieux faire connaître les technologies françaises à l'étranger, favorisant ainsi l'emploi en France et l'amélioration de l'environnement chez nos partenaires, en soutenant le travail de prospection des industriels français sur des marchés prometteurs mais difficiles.

b) Constitution de la cellule de prospective

Développer une croissance durable, respectueuse de l'environnement, c'est aussi réfléchir plus avant d'agir, afin de décider plus efficacement au plan écologique comme au plan économique.

C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de créer une cellule de prospective dans le cadre de la réorganisation du ministère. Cette cellule sera dirigée par Dominique Dron, actuellement directrice du développement à l'ADEME.

Placée auprès du ministre, afin de renforcer son poids, le rôle de cette cellule sera double :

– réfléchir aux orientations de moyen terme souhaitables de la politique de l'environnement ;
– favoriser la concertation très en amont des différents acteurs de la politique de l'environnement, associations; industriels, collectivités locales, grâce à la constitution d'un comité de pilotage représentatif de la diversité de ces acteurs dont la composition sera annoncée dans les jours qui viennent.

Le thème important des transports propres, constituera l'un des premiers thèmes sur lesquels travaillera cette cellule qui sera également très étroitement associée à la préparation de la présidence française de l'Union Européenne en 1995.

c) Un cas pratique à venir – le débat national sur l'énergie et l'environnement, thème de l'assemblée générale de FNE

Développer une croissance plus durable, respectueuse de l'environnement, c'est aussi mûrement peser nos choix énergétiques.

Il y a un peu plus de vingt ans, la fin de l'ère du pétrole à bon marché nous a convaincu de la nécessité de réduire notre consommation d'énergie si nous souhaitions préserver nos réserves d'énergie fossile. Cette conviction a contribué à forger dans certains pays, dont le nôtre, un consensus autour des grandes options retenues pour la politique énergétique.

Deux décennies et un contre-choc pétrolier plus tard, la fermeté de cette conviction s'est amoindrie. Après le temps des certitudes est venu celui des interrogations, celui d'une nouvelle réflexion.

Je suis pour ma part persuadé qu'il n'est pas d'avenir énergétique dans le monde de demain sans respect de notre environnement ; convaincu que la prise en compte des préoccupations environnementales, sans laquelle il n'y a pas de développement durable, structurera les politiques énergétiques des décennies à venir.

C'est pourquoi le Gouvernement organise ce printemps, à ma demande, un débat national sur l'énergie et l'environnement. Ce débat doit être le vôtre, comme il sera celui de tous les acteurs de la politique énergétique.

L'un de ses objectifs est de rassembler l'ensemble des interrogations, des attentes et des recommandations de nos concitoyens, des élus et de l'ensemble des acteurs de la politique énergétique sur ce sujet. J'ai demandé à l'animateur de ce débat, Jean-Pierre Souviron, d'être particulièrement attentif à celles que vous pourrez exprimer.

Des débats seront organisés dans chacune des régions au cours du mois de mai, coprésidés par les Présidents de Conseils régionaux et par les Préfets de région. Puis six grands débats nationaux seront organisés à la fin du mois de juin sur les thèmes les plus importants : maîtrise de l'énergie et pollutions globales ; énergies renouvelables, cogénération et valorisation énergétique des déchets ; grands équipements énergétiques, cycle du combustible nucléaire et transparence des procédures ; transport d'énergie, notamment d'électricité ; métropole, énergie et environnement. J'attends beaucoup de votre participation.

M. Souviron remettra au Gouvernement les conclusions qu'il tire de cette vaste consultation d'ici la fin de l'été. Ce n'est qu'en fonction de ces conclusions que le Gouvernement arrêtera les suites qui seront données devant le Parlement à cette consultation, débat d'orientation sans vote ou examen d'un ou plusieurs projets de loi par exemple.

VI. – Pour mener à bien cette politique ambitieuse, il faut renforcer les acteurs de l'environnement

Il n'est pas possible de mener cette politique ambitieuse sans s'appuyer sur des acteurs responsables, motivés et reconnus. Ces acteurs ne se limitent pas dans mon esprit aux services du ministère de l'environnement et à ceux des organismes publics ou parapublics qui travaillent dans ce secteur. Il s'agit aussi de vous, les associations de protection de l'environnement qui êtes à la fois les critiques et les moteurs de notre action.

a) Organisation du ministère

C'est pourquoi, au cours de ces douze derniers mois, j'ai attaché un intérêt tout particulier aux problèmes d'organisation du ministère.

Celui-ci est installé depuis le 19 janvier dans ses nouveaux locaux de l'avenue de Ségur pour le cabinet du ministre et la majeure partie de ses services et de l'avenue de Suffren pour la direction de l'eau. Outre 41,3 millions d'économies pour le budget du ministère de l'environnement, transformés en actions pour l'environnement, ce regroupement permettra d'augmenter les synergies entre cabinet et services et donc l'efficacité du ministère.

L'administration centrale a été réorganisée le 12 janvier en regroupant au sein d'une direction générale de l'administration et du développement l'ensemble des fonctions horizontales qu'utilise chacune des directions dans son travail quotidien : budget, ressources humaines, mais aussi affaires internationales ou recherche. Le nombre de directions a ainsi diminué, ce qui est très rare dans l'administration, passant de 5 à 4. J'ai en outre supprimé une dizaine de bureaux afin que le ministère puisse travailler de manière plus efficace et moins cloisonnée.

Cet effort d'organisation je l'ai appliqué également aux établissements publics sous tutelle du ministère de l'environnement.

L'Institut français de l'environnement a été recentré sur sa fonction d'information et de statistique en août dernier, afin de ne pas disperser les moyens et les énergies. Il a ainsi pu, depuis le début de l'année, commencer à publier divers documents sur l'environnement.

Le rôle de cet institut est fondamental si nous souhaitons concevoir une politique de l'environnement sur la base de données objectives et fiables. Jacques Varet, a su réussir le difficile pari de la mise en place de l'IFEN. C'est la raison pour laquelle je l'ai appelé auprès de moi pour diriger le service de la recherche du ministère de l'environnement, afin qu'il puisse donner une impulsion nouvelle à la recherche en environnement. Je suis certain que son successeur à la direction de l'IFEN, Bernard Morel, saura valoriser l'acquis et accroître le champ d'expertise et la notoriété de l'IFEN.

L'ADEME a été réorganisée le 2 novembre dernier en clarifiant les rôles respectifs du Président et du Directeur général, un nouveau Président, Jacques Vernier, député-maire de Douai, vient d'être nommé, l'harmonisation du statut des personnels est intervenue le 15 octobre dernier et, enfin, un contrat d'objectif entre l'agence et l'État est en cours d'élaboration.

Par ailleurs, je suis convaincu que le rôle des directions régionales de l'environnement dans la mise en œuvre de la politique de l'environnement est fondamental si l'on souhaite développer une politique de l'environnement plus proche de nos concitoyens. Leurs crédits de fonctionnement ont été augmentés de 14 % en 1994 et leurs moyens humains ont également été accrus. Je suis cependant tout à fait conscient que cet effort doit être prolongé. Les crédits immobiliers des DIREN ont été portés de 18 à 55 millions de francs afin de faciliter le regroupement de leurs services et de favoriser la création de pôles de compétences environnement associant, si possible, les DIREN, les délégations régionales de l'ADEME, les agences de l'eau. Des projets concrets de ce type sont en train d'être élaborés notamment, dans le Nord et en région Rhône-Alpes.

Enfin, le rôle d'animation de services déconcentrés départementaux mis à la disposition du ministre de l'environnement par les DIREN sera précisé, comme je l'ai indiqué Ion, du dernier comité interministériel de l'environnement au mois de mars, dans le cadre d'une charte interministérielle en cours l'élaboration.

b) Police et réglementation

En dépit des difficultés rencontrées pour la mise en œuvre de lois souvent hâtivement votées lors de la précédente législature, j'ai fait de l'élaboration de leurs décrets d'application une priorité.

Aujourd'hui 20 de ces décrets ont été publiés, 12 sont en contreseing et 4 en cours d'examen au Conseil d'État.

Par ailleurs, le travail de codification du droit de l'environnement se poursuit conformément aux prévisions. La Commission supérieure de codification a arrêté, dès le mois de septembre dernier, le plan du futur code.

Dans ces conditions, on peut tout à fait envisager l'adoption de la partie législative de Code par le Parlement à la session d'automne.

Enfin, j'ai souhaité réunir les services qui assurent les polices de l'environnement. Cette réunion est prévue pour le mois de mai. L'objectif est de permettre une coordination, voire même une coopération, des multiples services entre eux sous l'autorité du préfet.

c) Politique de soutien aux associations

Nos contacts réguliers (notamment au travers de la réunion périodique que j'ai prévue d'avoir avec vos représentants les plus éminents tous les deux mois) et votre collaboration permanente avec les services du ministère le prouvent : les associations sont des partenaires privilégiés du ministère de l'Environnement. Des moyens parfois trop limités par rapport à nos ambitions nous conduisent tout naturellement à nous appuyer sur l'expertise, le bénévolat, la mobilisation des associations et cela ne me semble pas choquant. J'y vois au contraire une garantie d'ancrage sur le terrain, de confrontation avec la réalité et de vigilance sur les grandes questions, même si nos analyses peuvent parfois diverger.

Dans le même esprit, le Premier ministre m'a indiqué son souhait d'une rencontre personnelle avec les présidents des grandes associations de protection de l'environnement. Cette rencontre aura lieu dans les jours qui viennent !

Plus concrètement, j'ai souhaité que la politique d'aide aux associations soit clairement redéfinie et que le partenariat puisse s'épanouir dans un contexte qui évite la paperasserie ou les tracasseries administratives.

J'espère aussi pouvoir maintenir et même augmenter, le nombre des postes FONJEP qui soutiennent souvent le travail quotidien de vos associations.

Quant aux objecteurs de conscience, dont la moindre de mes découvertes en arrivant dans ce ministère n'a pas été de réaliser qu'ils sont près, de 900 au service de l'environnement !, je suis déterminé à combler rapidement les retards de remboursement que nous avons accumulés et qui menacent bon nombre de vos trésoreries ; et je serai d'une extrême vigilance, comme je l'ai déjà manifesté auprès de Mme Veil, sur le financement intégral de leurs soldes par l'État.

Enfin dans le projet de loi sur l'environnement j'ai prévu d'unifier les modes d'agrément des associations de l'environnement (actuellement au nombre de 3 ou 4) et d'élargir leurs possibilités d'action en application des lois sur le paysage, les carrières et les déchets radioactifs qui n'avaient pas prévu que les associations puissent se constituer partie civile.

d) Information-transparence

Enfin, je souhaite que les sujets concernant la protection de l'environnement fassent l'objet de débats clairs et argumentés dans l'opinion. C'est pourquoi j'ai décidé d'organiser des rendez-vous périodiques avec les médias, les associations, les acteurs économiques et les élus. Ces rendez-vous ont deux formes différentes :

– des conférences nationales une fois par an : la première a été consacrée au thème « environnement et croissance », la seconde en juin permettra de faire le point sur les suites de Rio au plan national et international ;
– les entretiens de Ségur qui sont des réunions plus restreintes, destinées à faire tous les deux mois le point sur un sujet scientifique ou technique. Les premiers entretiens ont été consacrés à la caulerpa taxifolia en mars. En mai, la prochaine réunion consacrée à l'effet de serre, permettra de présenter le nouveau rapport de l'académie des sciences sur ce thème. Les sujets suivants pourraient être les risques sismiques, les déchets radioactifs et le recyclage du plastique.


Conclusion

J'ai voulu dans ce discours, un peu long, je vous prie de m'en excuser, faire devant vous un bilan honnête de mon action à la tête du ministère de l'environnement. Ce bilan permet, me semble-t-il, de mesurer le travail accompli dans tous les secteurs, et ils sont nombreux, de la protection de l'environnement.

Il permet aussi, j'en suis conscient, de mesurer les efforts qu'il reste à faire et d'identifier les actions à mener, notamment dans le domaine de l'éducation, de la recherche, de l'énergie, des paysages et des « transports propres » qui constitueront mes priorités dans les mois à venir.

Lors de notre première rencontre, je vous avais dit que je prenais le risque d'être un peu solitaire. Finalement, j'ai été moins solitaire que je ne le pensais. Mais, le chemin est encore long.

J'ai pris un deuxième risque, celui de travailler avec les autres ministres pour faire progresser réellement l'environnement, plutôt que de faire semblant. Je ne le regrette pas.

J'ai pris un troisième risque vis-à-vis de vous en pratiquant une action gouvernementale différente, moins médiatique que celle à laquelle vous vous étiez habitués et qui vous rassurait sans doute.

Simplement parce que l'on ne règle pas les problèmes seulement lorsqu'on en parle.

Parce que l'on ne décrète pas d'en haut loin des gens et des problèmes.

Parce que je ne supporte pas l'esbroufe et encore moins l'hypocrisie.

Enfin, parce que le plus important pour notre cause, bien au-delà de la politique, reste que le ministère de l'environnement, votre ministère, soit respecté et reconnu pour sa rigueur, sa capacité d'imaginer, d'annoncer et de suivre, par la qualité de ses fonctionnaires et la sincérité de son dialogue.