Interview de M. Edouard Balladur, Premier ministre, dans "Le Journal du dimanche" du 30 avril 1994, sur la politique de lutte contre le chômage et la volonté de restaurer un pacte social.

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Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Q. : C'est votre second 1er mai de Premier ministre. Il y a un an, vous arriviez à Matignon avec un a priori favorable, celui d'un homme d'expérience dans le dialogue social et dans le dénouement des crises, notamment celle de 68. Pourtant, n'est-ce pas sur ce terrain social, là où vous étiez le plus attendu, que vous avez le plus déçu ?

R. : C'est en tout cas là où j'ai rencontré les plus grandes difficultés. C'était d'ailleurs prévisible, vu la situation de notre pays il y a un an un chômage plus important que chez nos voisins qui s'aggravait plus vite. En même temps, cela fait maintenant vingt ans que l'on parle, de crise aux Français et ils ont le sentiment que l'avenir est bouché pour eux. Il fallait donc commencer à redonner de l'espoir tout en prenant immédiatement des mesures difficiles pour assurer l'avenir de la protection sociale qui était dans un état de quasi-faillite.

Les premiers mois ont été caractérisés par un climat, je dirais de compréhension mutuelle. Caractérisés aussi par une attitude de l'opinion exceptionnellement favorable mais, au fur et à mesure que les mois passaient, il devenait de plus en plus évident que la croissance, qui commençait à redémarrer, ne le faisait pas assez vite pour régler tous les problèmes sociaux. Le chômage a continué à augmenter pendant les premiers mois de mon gouvernement et il nous a fallu attendre six mois pour ralentir cette augmentation du chômage. Durant les trois mois qui ont précédé la formation du gouvernement, le chômage avait progressé de 81 000 personnes. Aujourd'hui, le chiffre a été divisé par cinq. Ce n'est pas encore suffisant, mais c'est un progrès incontestable.

Ai-je déçu, comme vous le dites ? J'ai toujours dit que je ne voulais pas mentir, que je ne promettais pas de miracle, que le redressement serait long et qu'il serait difficile. Et si j'ai déçu parce que c'est en effet long et difficile, je n'ai pas à m'en plaindre puisque c'est ce que j'avais dit.

Je suis toujours prêt à me remettre en cause, je n'ai pas la science infuse et, dans la situation que traverse notre pays, et même si elle s'améliore maintenant comme tout le monde en convient, je ne prétends pas avoir toujours, sur tous les sujets, la meilleure solution possible. J'essaie d'écouter ce qu'on me dit et d'avoir l'esprit ouvert.

Q. : Face aux récifs sociaux, on a l'impression que vous naviguez à vue.

R. : Si vous appelez naviguer à vue n'avoir aucune idée de l'endroit où l'on est, de celui où l'on veut aller, je ne navigue pas à vue, tout au contraire. Je ne fais pas davantage de cabotage de plaisance. Mais sachant où je veux aller, je m'adapte aux circonstances. Bien que n'étant pas navigateur, c'est, je crois, ce qu'il faut faire quand on navigue il ne faut pas aller contre le vent.

Le problème que connaît la France est à la fois spécifique et général. Il est celui de tous les pays occidentaux. Aujourd'hui, de par le monde, émergent toute une série de pays qui ont une productivité au moins égale à la nôtre, sans avoir les mêmes impératifs politiques et sociaux. Tout le problème de l'avenir occidental est de savoir comment nous allons à la fois préserver notre système d'organisation sociale, auquel nous sommes très attachés sur le plan moral et politique, et faire face, malgré tout à cette concurrence nouvelle. Je vous indique tout de suite qu'il ne peut pas être question de le faire en démantelant tout notre système de protection sociale. Il faut donc trouver une solution.

Q. : À partir de là, pouvez-vous définir votre « cap » social ?

R. : Mon premier objectif est un objectif de conjoncture mais il est très important : faire diminuer le chômage. Le deuxième est de sauver la protection sociale, au prix d'un certain nombre de réformes dont celle du régime des retraites, faite il y a maintenant près d'un an.

Troisième objectif : améliorer la formation de la jeunesse, pour lui permettre d'occuper un emploi dans la société. Tout notre problème, c'est de recréer une solidarité et un espoir. Voilà ce qui me préoccupe, le reste est du domaine des moyens. Les objectifs sont clairs, mais il faut éviter les cassures.

Q. : Cette cassure – de la France en deux – n'a-t-elle pas déjà eu lieu ?

R. : Il y a toujours eu des hommes et des femmes que le mouvement laisse en marge. Le problème, c'est leur nombre, En fait, après ces vingt années qui ont succédé à la grande période de prospérité, il faut retrouver une nouvelle espérance et la retrouver dans la vérité. Je sais bien que la vérité n'est pas toujours un élément mobilisateur. Les hommes politiques préfèrent souvent parler de mobilisation, d'élan, de souffle. Mais la vérité, c'est beaucoup plus important. Le choix que j'ai fait, parce qu'il correspond à mon tempérament, c'est de ne pas tromper et de ne pas duper, de dire ce que je crois possible, mais en même temps de fixer un cap. C'est ainsi qu'on redonnera espoir aux Français.

Q. : Ces reculades que l'on vous a reprochées ne seraient qu'une adaptation à ce que vous appelez les vérités ?

R. : Regardons les choses avec précision. Il y a eu deux « reculades », pas cinquante, le CIP et Air France. Il ne faut pas exagérer. Il y a eu effectivement ces deux remises en cause, ces reculs, j'assume le mot, je ne fais pas porter nos responsabilités par les autres. Pour le reste, je rappelle tout ce qui a été fait, et ce n'était pas facile : le Gatt, la résolution clé la crise monétaire, la Yougoslavie, le sauvetage de la Sécurité sociale, la relance de l'activité avec la fin de la récession, les lois permettant une meilleure sécurité, la lutte contre l'immigration clandestine, les réformes de la justice, l'amélioration de notre défense. Sont-ce là des reculs ?

Q. : N'avez-vous pas l'impression que l'action du gouvernement est beaucoup plus difficile parce que les « manettes sociales » traditionnelles ne répondent plus comme avant ?

R. : C'est vrai et ce n'est pas vrai. Le problème de la France aujourd'hui est d'avoir de part et d'autre des interlocuteurs solides pour créer les conditions du dialogue social. Je n'ai jamais été de ceux qui s'imaginent que les gouvernements ont intérêt à la division et à l'affaiblissement syndical. Je préfère un interlocuteur incommode que pas d'interlocuteur du tout. Et je ne ferai rien pour affaiblir les organisations syndicales.

Q. : Avez-vous un bon dialogue social avec ces syndicats ?

R. : Il pourrait être meilleur à coup sûr, mais ils ont, eux aussi, leurs contraintes. Tout ce que je souhaite, c'est que leur capacité à s'engager et à conclure soit renforcée.

Q. : Et avec les patrons ?

R. : C'est la même chose.

Q. : Vous avez eu des mots durs pour eux. Le CNPF joue-t-il le jeu ?

R. : Personne n'a de « jeu à jouer ». Je ne réclame l'appui inconditionnel de personne. Je constate que le gouvernement, depuis un an, a mis en œuvre des réformes considérables en matière économique et sociale et que la machine commence à redémarrer. Il est vrai que nous n'avons pas été extraordinairement aidés au départ par certaines déclarations. Mais peu importe, tournons la page !

Les partenaires sociaux ont devant eux une tâche fort importante que nous avons souhaité leur confier pour la mise en œuvre de la loi quinquennale. Il s'agit de négocier sur la formation professionnelle le capital temps-formation, la formation en alternance par exemple. Bien d'autres sujets de négociation existent, tels le temps réduit indemnisé de longue durée ou l'organisation du temps de travail. Je souhaite que sur tous ces sujets les partenaires sociaux parviennent à mettre en œuvre eux aussi, et dans le cadre de leurs responsabilités normales, les réformes indispensables. Ils doivent prendre toute leur place, tout leur rôle dans l'organisation du progrès social.

Q. : Autre partenaire, politique cette fois : votre majorité. A-t-elle joué le jeu ?

R. : Oui, ses votes ne m'ont jamais fait défaut. Quant aux propos, il est normal que chacun exprime ses idées et ses propositions. Une majorité, ça n'est pas l'uniformité, c'est au contraire la diversité. Globalement, je trouve que les choses fonctionnent bien avec les députés et les sénateurs de la majorité.

Q. : Et avec les chefs de cette majorité ?

R. : Cela ne fonctionne pas mal non plus. Nous nous voyons tous les huit jours, les causes de malentendus peuvent ainsi être dissipées.

Q. : La cohabitation a-t-elle retardé les réformes ?

R. : Les difficultés que nous avons rencontrées, le fait que j'ai décidé de ne pas engager sur tous les plans à la fois les réformes nécessaires ne tiennent ni à la cohabitation ni à la proximité de l'élection présidentielle ! Elles tiennent à la situation de notre pays. Il ne faut pas s'imaginer que parce que l'on gagne des élections on peut tout se permettre, Rappelez-vous le général de Gaulle, à la fin de 1962. Il avait gagné le référendum et les élections législatives. Deux mois après, c'était la grève des mineurs et, au bout de cinq semaines, il a dû faire marche arrière. Ce qui prouve que le temps de la respiration politique et le temps de la respiration sociale ne sont pas les mêmes.

Q. : 69 % des chômeurs se déclarent prêts à participer à un mouvement de protestation ou de revendication, selon la Rue, un journal de SDF. Craignez-vous une explosion sociale ?

R. : Les difficultés ne viennent jamais là où on les attend. On m'avait dit en août dernier que la rentrée serait difficile, elle ne l'a pas été, sous réserve de l'affaire Air France, en novembre. En janvier, personne n'avait prévu qu'un texte – le CIP – sur lequel l'accord paraissait général susciterait un tel émoi. L'important, c'est que le pays comprenne que l'on sait où l'on va, que l'on sait ce qu'on lui propose et que, même si c'est long, même si c'est difficile, même s'il faut respecter des étapes, on y va. L'important, c'est de donner l'espoir. Je crois que tout dépendra, dans notre société, du sentiment qu'auront les Français que, oui ou non, les choses s'améliorent, qu'elles vont dans la bonne direction. Lorsque j'ai dit en me présentant devant le Parlement que mon action se situait dans un cadre de cinq ans parce que l'Assemblée est élue pour cinq ans, c'est ce que je voulais dire. Il y a des choses qu'on peut faire tout de suite et d'autres qu'il faudra faire plus tard. Ce qui sera déterminant, je le sais bien, c'est le fait que d'ici à la fin de l'année on puisse arrêter la progression du chômage, le faire même reculer. Le sentiment que l'espoir revient, qu'il y a une perspective d'amélioration sera capital.

Q. : Selon le même sondage, quand on demande aux chômeurs quels sont les gens le plus éloignés de leurs préoccupations, ils citent votre gouvernement à 71 %. Vous sentez vous coupable de quelque chose ?

R. : Non, Les Français attendent tout du gouvernement puisqu'il est en charge de l'intérêt général. Chacun des acteurs de la vie sociale ou politique met volontiers en cause le gouvernement ; c'est légitime, dans une certaine mesure seulement.

Le gouvernement ne peut tout faire. De quoi est-il responsable ? Il met en place tous les instruments possibles pour retrouver la croissance, développer la formation, abaisser les charges des entreprises afin de créer de l'emploi dans les catégories les plus modestes. Mais après, il appartient aux acteurs de la vie sociale et économique de résoudre les problèmes. Le gouvernement ne peut pas tout faire.

Q. : En ce qui concerne l'abaissement des charges. Tout le monde est d'accord, il n'y a pas de blocage à la réforme.

R. : Détrompez-vous ! Il y a un immense blocage de la société, car il s'agit de savoir qui va payer. Le budget de l'État ? Mais qui paie les impôts ? Des impôts affectés, lesquels ? Un impôt direct, un impôt indirect ? Un prélèvement sur les revenus ? Il y a un accord intellectuel général pour dire : l'emploi souffre des charges trop lourdes sur les salaires, là oui. Mais lorsqu'il s'agit de décider les solutions, alors c'est beaucoup plus compliqué. Ce problème devra être résolu. J'en ai déjà pris ma part, si j'ose dire, en augmentant la CSG, parce que nous avons trouvé une protection sociale en faillite. J'ai pris des mesures d'urgence, mais j'ai constitué un groupe pour proposer à l'automne un certain nombre de réflexions et de propositions sur le financement de la protection sociale, en particulier de l'assurance-maladie. C'est un des grands sujets de l'avenir.

Q. : Quelle a été votre première réaction quand vous avez vu les jeunes descendre dans la rue ?

R. : L'inquiétude, car nous étions là devant une incompréhension mutuelle. J'étais sûr de mes bonnes intentions, de ma bonne foi. Et je pense que ces jeunes étaient, eux aussi, persuadés qu'ils avaient raison. Dans ces cas-là, si chacun demeure dans sa certitude, le pire est à redouter.

Ma première réaction lorsque le contrat d'insertion professionnelle a été critiqué fut que ces critiques ne me semblaient pas, et ne me semblent toujours pas, justifiées. Il ne s'agissait pas de payer au-dessous du salaire normal dès lors qu'on ne travaillait pas à 100 % de son temps. On a cru que nous voulions sous-estimer la valeur des diplômes et déprécier le rôle des jeunes, alors que c'était tout le contraire. À partir de là, lorsqu'une mesure non seulement n'est pas comprise mais suscite de pareilles protestations, la sagesse veut qu'on se remette en cause. C'est ce que j'ai fait en substituant à ce texte un autre système qui sera efficace mais plus coûteux pour les finances publiques.

Pour le reste, il faut mettre fin à un malentendu entre la jeunesse et le reste du pays. Il faut le faire dans un esprit responsable et ne pas partir du principe que tous les torts sont d'un côté et toutes les raisons d'un autre. Il faut absolument établir un dialogue non pas entre le gouvernement et la jeunesse mais entre la société et la jeunesse.

Q. : La consultation que vous allez lancer auprès des jeunes prendra du temps. À partir de quel moment pourrez-vous annoncer de nouvelles initiatives ?

R. : Il va y avoir plusieurs étapes. D'abord, à la fin du mois de mai, M. Bayrou va conclure toutes les discussions et tables rondes qu'il a menées avec les organisations syndicales de l'enseignement et de parents, qui avaient été décidées après l'affaire de la loi Falloux. C'est un premier point. Le questionnaire aux jeunes entre 16 et 25 ans, c'est un autre sujet. Il faut qu'il soit aussi dépolitisé que possible. Un comité de personnalités indépendantes exerçant diverses responsabilités va organiser les choses, dépouiller le questionnaire et rédiger un rapport oui me sera remis. Ce rapport sera publié. Je souhaite qu'aucun soupçon d'utilisation politique ne vienne contrarier l'esprit de notre démarche.

Au mois de juillet, sur la base de ce rapport, nous verrons ce qu'il y aura lieu de décider. Je ne peux pas vous le dire dès aujourd'hui, alors que la consultation n'est même pas lancée.

Q. : Le conflit d'Air France a connu deux phases. D'abord des manifestations violentes, puis le dialogue par référendum. Pensez-vous que la façon dont ce conflit a été réglé peut être appliquée à d'autres situations ?

R. : Je me garderai de le dire. Si je vous déclarais qu'on va organiser des référendums dans toutes les entreprises, ce serait fort imprudent ; ensuite, je vous l'ai dit, je souhaite que les organisations syndicales jouent pleinement leur jeu dans le dialogue social. Mon objectif n'est pas du tout de les contourner.

Air France est typique de ce qu'il est paraît-il convenu d'appeler ma méthode. Nous avons trouvé Air France en perdition : 8 milliards de pertes sur une année, avec un total de 35 milliards. Avaient été proposés au personnel des changements profonds qui ont suscité des réactions violentes et menaçaient la survie de l'entreprise elle-même. Il est préférable dans ces cas-là de changer de voie sans perdre de vue l'objectif. Aujourd'hui, le personnel d'Air France a décide d'accepter les efforts qui lui étaient demandés, et le gouvernement d'apporter à l'entreprise des fonds d'un montant considérable. Nous sommes donc sur la bonne voie.

C'est exactement ce que nous avons fait dans l'affaire du CIP garder le but, développer l'emploi des jeunes, et recourir à d'autres moyens. C'est l'objectif qui compte, quel que soit le moyen par lequel on l'atteint.

Il n'est jamais agréable pour un chef de gouvernement de dire : puisque la réforme ne passe pas comme je l'avais décidé au départ, je vais me remettre en cause et essayer de passer autrement. Aucun Premier ministre n'est en place pour son autosatisfaction, mais pour être utile.

Q. : Comment définiriez-vous aujourd'hui le contrat social français ?

R. : Le contrat social français traditionnel, sublimant si j'ose dire tous les gouvernements et toutes les majorités depuis un demi-siècle, était fondé sur la notion d'égalité et de solidarité. Or la crise, depuis vingt ans, a mis à mal ce sentiment d'égalité et ce sentiment de solidarité. L'objectif que nous devons nous assigner est de restituer ce sentiment d'égalité, de reconstituer la solidarité. Cela implique de travailler dans toute une série de directions : la croissance pour retrouver l'emploi, la réforme dans toute une série de secteurs sociaux pour permettre justement que l'emploi revienne, que la solidarité organisée par la protection sociale soit préservée, l'aménagement du territoire pour mettre fin à l'inégalité entre les zones de notre territoire de plus en plus durement, ressentie.

Le pacte social, c'est fondamentalement l'adhésion à la nation, à ses valeurs, ses structures. Si l'on arrive à améliorer la situation de l'emploi, des banlieues, des minorités diverses et des marginaux, le problème de l'avenir de la protection sociale, et si on arrive à le faire avec le plus de justice possible, nous reconstruirons ce pacte social aujourd'hui mis à mal. Je demeure confiant, je constate un mouvement de générosité et de solidarité dans les villes, les quartiers, les associations, je suis certain que nous pouvons sortir de la crise en étant plus forts, plus unis. C'est mon objectif.

Q. : La définition d'un nouveau contrat social pourrait-elle être le thème de la campagne pour la prochaine élection présidentielle ?

R. : Il est évident que l'action qui a été entreprise en 1993 et pour une période de deux ans n'épuise pas le thème de la réforme nécessaire dans notre pays. Il est évident aussi que cette action entreprise en 93 devra se poursuivre pendant plusieurs années, car nous sommes obligés de repenser les modes de fonctionnement traditionnels de la société pour la prochaine génération. C'est l'objectif auquel nous nous sommes attelés en 93 et il faudra le poursuivre et le mener plus loin.

Q. : Ce sera l'objectif du prochain Président qui va faire passer la France du deuxième au troisième millénaire ?

R. : Ne comptons pas en millénaires. Parlons de la décennie, soyons plus modeste. Le choix sera simple : l'immobilisme, c'est-à-dire la décadence, ou la réforme, c'est-à-dire le progrès. Le futur Président n'échappera pas à ce choix.

Q. : En janvier 1993 – deux mois avant les législatives et votre arrivée à Matignon –, vous vous interrogiez dans notre journal. « Pourrons-nous en dix-huit mois faire le nécessaire pour que les Français voient nettement la différence ? » Pouvez-vous aujourd'hui répondre à votre question ?

R. : Je disais dix-huit mois, pas douze. J'espère que – quand il y aura dix-huit mois, en octobre prochain – l'accélération du chômage qui s'est déjà considérablement ralentie, sera arrêtée. D'ores et déjà, le régime de protection contre le chômage, qui était en déficit, est garanti, la croissance repart et des mesures importantes ont été prises en matière de sécurité et d'immigration. Nous avons pris sur le plan international des décisions importantes dans l'affaire du Gatt. Un certain nombre de progrès importants ont été faits. Il faudra aller plus loin, mais il y a déjà un acquis qui permet, et permettra plus encore, je crois, de considérer que nous sommes sur la bonne voie.

Q. : La logique de votre démarche ne vous conduit-elle pas, naturellement, à être candidat à la présidence de la République ?

R. : Pour ce qui me concerne, j'estime que l'année 1994 doit être exclusivement consacrée à poursuivre le travail de redressement du pays.