Déclaration de M. Louis Viannet, secrétaire général de la CGT, à l'occasion d'une conférence de presse le 25 août 1994 et interviews à France 2 et Europe 1 le même jour, et dans "L'Hebdo de l'actualité sociale" le 26 août, sur l'appel à une mobilisation des salariés à la prochaine rentrée sociale contre le projet de privatisation de Renault et la loi sur la Sécurité sociale.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse de rentrée de la CGT le 25 août 1994

Média : France 2 - Europe 1 - L'Hebdo de l'actualité sociale

Texte intégral

Conférence de presse de la CGT du 25 août 1994, à Montreuil
Introduction de L. Viannet, secrétaire général de la CGT

Mesdames et Messieurs,

C'est maintenant une tradition de nous retrouver dans cette période de pré-rentrée pour un tour sur la situation sociale et sur la façon dont la CGT se situe dans cette rentrée.

Je voudrais dire d'emblée que toutes les données actuelles nous conduisent à travailler avec énergie, pour une rentrée ancrée sur un développement important de l'action revendicative, sans attendre, partout où les conditions seront réalisées avec les salariés, ancrée sur la poursuite de nos efforts pour que progresse l'unité d'action et sur notre volonté de parvenir à une initiative de très grande ampleur, dans les délais les plus rapprochés possible.

Quels que soient les secteurs : privé, public ou nationalisé, les salariés ont besoin de se faire entendre avec une très grande force.

Il y a de l'indécence dans l'appel du Premier ministre à « consommer plus ».

Le pouvoir d'achat est bloqué.

C'est le gouvernement lui-même qui a décidé de la hausse de la CSG, de la hausse des transports, qui a refusé le moindre coup de pouce sur le Smic.

Ce sont les employeurs qui exercent une pression permanente sur les salaires, qui s'en prennent au treizième mois, aux primes de vacances, qui cherchent à gagner sur tous les tableaux : abaissement des charges, exonérations multiples et utilisation forcenée du chômage partiel, des emplois à temps partiel, des contrats à durée déterminée.

C'est encore le gouvernement qui, avec la loi quinquennale, donne aux patrons la possibilité d'obtenir plus de travail avec moins de monde et de gagner aussi sur ce plan-là.

Bref ! On récolte en fonction de ce que l'on sème, et jamais l'austérité n'a débouché sur l'abondance même si, à y regarder de près, l'austérité pour les uns est bel et bien source de profits pour les autres.

Force est d'ailleurs de constater que le projet de budget 1995, en l'état actuel de ce que nous en connaissons, ira exactement à l'inverse de ce qu'il faudrait pour que les salariés, et notamment ceux et celles qui se débattent avec des salaires lamentables, mais aussi les précaires, les chômeurs, les temps-partiel, puissent consommer plus.

Ce sont les entreprises qui vont bénéficier de nouvelles facilités, exonérations ou avantages, alors que leur refus de tout effort en matière d'emplois – malgré les 80 milliards d'allégement empochés en un an – prend allure de scandale.

Les dépenses utiles, les dépenses sociales sont, elles, soumises à des ponctions sévères.

Que peut-il en résulter pour les salariés, sinon de nouvelles difficultés.

On fait grand battage sur la reprise des activités économiques, les plus audacieux des pronostiqueurs allant jusqu'à considérer que « nos malheurs sont derrière nous » !

Nous serions les premiers à nous réjouir si nous en avions confirmation en termes de salaires, d'investissements.

Mais ce que nous constatons en tous domaines nous conduit à demander avec force :

Reprise pour qui ? Avec quel contenu ? Puisque la consommation continue de stagner, et que le bol d'air que représente la prime de rentrée scolaire, ne va pas modifier la situation. Le bas plafond de ressources imposé élimine en effet nombre de familles qui, pourtant, en auraient bien besoin.

Le chômage de longue durée continue d'augmenter, le chômage des jeunes de moins de 24 ans aussi, et particulièrement le chômage de longue durée de ces jeunes qui s'est considérablement aggravé ces dix-huit derniers mois, malgré l'augmentation du nombre de contrats de formes diverses.

Dans ce contexte, les plans de casse de divers secteurs, et notamment dans la Défense ou les hôpitaux, sont d'autant plus durement ressentis, et l'accélération annoncée du programme de privatisations suscite des réactions très légitimes.

Celle de Renault est évidemment fortement contestée et va donner lieu à de nombreuses initiatives dont l'intérêt général veut qu'elles ne s'arrêtent pas aux seules limites du groupe Renault.

Mais c'est bien l'ensemble du programme de privatisations qui vient progressivement en accusation.

Car, que s'est-il passe dans les groupes déjà privatisés ? Les décisions de restructuration et leur cortège de suppressions d'emplois et d'abandon d'activités tombent, au mépris de l'intérêt général.

Les critiques légitimes sur la gestion de ces entreprises nationales, délibérément tournée vers rentabilité, profits, souvent au mépris de la cohésion industrielle, ne peuvent justifier une quelconque indifférence, car la question essentielle demeure :

Oui ou non, y a-t-il nécessité de peser pour une autre orientation, d'autres choix dans la gestion de l'économie et des différents groupes ?

Orientation et choix qui prennent en compte le besoin de créer des emplois, de réduire la durée du travail sans perte de salaire, de relever le niveau de la consommation, bref, de remettre la société sur de bons rails.

Toute l'expérience montre que le secteur public peut jouer un rôle moteur efficace pour tirer l'ensemble de l'économie sur des bases moins malsaines.

N'est-il pas lamentable de voir que cette braderie du patrimoine national, en partie acquis à la Libération, parte en fumée dans les dépenses courantes de l'Etat ?

Que restera-t-il à brader dans l'avenir, alors que la dette publique s'accroît au point de représenter 20 % des recettes fiscales nettes ?

Il faut aider à la prise de conscience qui permettra de stopper cette entreprise de démolition, et la CGT, ses fédérations, ses syndicats, vont tout faire pour y parvenir, en mesurant qu'un coup d'arrêt serait un solide point d'appui pour s'opposer aux dangereux appétits qui lorgnent sur Air-France, sur EFD-GDF, sur France Télécoms… et j'en passe.

Ce contexte donne un relief particulièrement sensible au dossier de la Protection sociale et aux intentions du gouvernement à cet égard.

Sans doute, la nocivité de la loi du 25 juillet 1994, qui ébranle dans leur profondeur les structures de la Société Sociale, n'est-elle pas massivement perçue. Mais ; au fil des semaines et des mois, les effets de cette loi, qui fait exploser la solidarité entre les branches, qui pousse à la réduction des dépenses, vont être utilisés pour avancer pied à pied vers le démantèlement complet.

Alors, reprise ? Et bien ! Si reprise il y a, le risque est grand qu'elle s'accompagne de difficultés aggravées pour les salariés.

Dès lors, comment admettre que ceux et celles qui paient un lourd tribut à la récession et à la politique d'austérité, continuent de payer la facture alors que se ressaisit l'activité et que la situation financière des grands groupes montre que l'austérité n'est pas pour tout le monde.

Il faut que dans toutes les branches, tous les secteurs, les salariés se donnent les moyens de se faire entendre très fort.

C'est tout à la fois, nécessaire et possible.

Les reculs imposés sur l'École, le CIP, sont toujours sources de confiance.

Dans les derniers mois du premier semestre, combativité et progrès d'unité d'action ont été au rendez-vous dans beaucoup de secteurs et la sensibilité, notamment à propos de la protection sociale, s'affirme. Le fait que plus d'un million de signatures aient été collectées autour de la pétition Sécurité Sociale, confirme les possibilités de mobilisation.

Le patronat, les directions le mesurent parfaitement, et tentent d'enrayer cette montée par des attaques multiples contre les droits syndicaux, comme c'est le cas dans certaines entreprises du Commerce, ou cherchant ouvertement à recréer le cycle provocation/répression, comme c'est le cas à la région SNCF Languedoc Roussillon, contre dix cheminots syndiqués, huit à la CGT et deux à la CFDT, ou à EDF-GDF en Charente Maritime contre douze agents et militants.

Mais cela ne peut modifier ni les éléments de confiance, ni la combativité. Le fait que les salariés de La Ciotat aient pu fêter la signature d'un protocole qui sauvegarde leurs intérêts et l'avenir du site en plein mois d'août, n'est pas une simple péripétie, et la lutte des McDonald confirme qu'être jeune et précaire n'est pas synonyme de résigné.

Ce sont tous ces éléments qui vont donner à cette rentrée la tonalité dynamique, offensive, que nécessite la situation.

Nous souhaitons – et nous appelons nos organisations à y travailler – une véritable multiplication d'actions revendicatives larges et unitaires.

Il faut partout que les salariés aillent frapper à la porte des directions pour exiger leur dû en matière de salaires, c'est le meilleur stimulant pour déboucher sur des créations d'emplois.

Il faut partout s'opposer aux licenciements, aux plans de casse.

Il faut partout créer des bureaux d'embauche, appeler les chômeurs et surtout la masse des jeunes qui galèrent, à faire de ces bureaux d'embauche des pôles de lutte pour obliger les patrons à créer des emplois.

Dans chaque entreprise, l'aggravation des conditions de travail justifie la création d'emplois, la transformation d'emplois précaires en véritables emplois.

Il faut partout faire s'exprimer très fort le refus des privatisations.

Les salariés veulent du concret et ils ont raison.

Il faut des actions qui débouchent, qui paient : salaires, emplois.

Les militants et militantes de la CGT seront avec les salariés dès les premiers jours de cette rentrée.

Nous les appelons à concrétiser, sur le terrain, la volonté de la CGT de créer, aussi vite que possible, les conditions d'une action de très grande envergure, rassemblant toutes les organisations sur les thèmes essentiels des salaires, de l'emploi et de la Protection sociale.

Les positions déjà exprimées par les autres organisations syndicales confirment que des possibilités d'unité d'action sont bien réelles.

Ces convergences doivent trouver un prolongement dans les contacts, les discussions, les rencontres bilatérales ou multilatérales, publique ou non, que nous souhaitons avoir avec tout le monde dans les prochains jours.

Cette intense mobilisation, cet effort pour aller au débat avec les salariés, pour engager les discussions avec les militants d'autres organisations, vont aider à surmonter les difficultés qui peuvent exister ou survenir, alors que la nécessité d'agir, d'agir ensemble, d'agir fort, est aujourd'hui la grande question que pose le monde du travail.

Et si, sur la lancée de ces efforts, devraient ne subsister que des difficultés de dates, le problème serait vite résolu.

Comme vous le voyez, c'est une CGT résolument offensive qui va aborder les prochaines semaines.

Merci.


France 2  : 25 août 1994

A. Cormery : Vous faites votre rentrée sociale aujourd'hui avec ce dossier brûlant de la privatisation de Renault. Est-ce que vous êtes satisfait que le gouvernement envisage maintenant de conserver la majorité dans le capital de Renault ?

L. Viannet : Non. Je voudrais d'abord dire que nous faisons notre rentrée sur les dossiers brûlants qui sont au sommet des préoccupations des salariés et qui s'appellent salaires, qui s'appellent chômage, qui s'appellent évidemment privatisations et dans ce dossier de privatisations, Renault. J'ai entendu moi aussi les déclarations du gouvernement laissant entendre qu'il est donc absolument indispensable de maintenir la pression car le problème est d'empêcher, y compris la privatisation partielle. Si d'ores et déjà, le gouvernement en arrive à l'idée qu'il doit garder la majorité, avant même qu'il y ait eu la rentrée, avant même que nous ayons pu mobiliser les salariés lors de la rentrée, c'est quand même bon signe, c'est encourageant. C'est la preuve que nous avons raison de lutter.

A. Cormery : Vous avez gagné une bataille sans la livrer vraiment ?

L. Viannet : Non, elle n'est pas encore gagnée. Elle est d'autant moins gagnée que la bataille contre la privatisation de Renault doit continuer, mais surtout parce que, dans le prolongement de la privatisation de Renault. ce qui se profile, ce sont des dangers considérables par rapport à Air France, par rapport à France Télécom, par rapport à EDF-GDF. C'est véritablement contre cette braderie du patrimoine national que nous avons bien l'intention de mobiliser en cette rentrée.

A. Cormery : Pour autant, on a le sentiment que la gestion des entreprises publiques se rapproche maintenant de plus en plus de la gestion des sociétés privées. Quelle différence ça va faire si Renault est privatisée ?

L. Viannet : Nous avons été les premiers à critiquer cette gestion des entreprises nationalisées, entières tournées vers la rentabilité, vers la recherche des profits, vers cette volonté de faire de l'argent à tout prix et surtout, contre l'emploi, et surtout contre l'intérêt des salariés, au point que, aujourd'hui, la consommation stagne. C'est-à-dire qu'il y a véritablement besoin de relancer le pouvoir d'achat, il y a besoin de poser avec plus de force le problème de la réduction de la durée du travail sans perte de salaire si on veut pouvoir créer des emplois. Il y a besoin de faire une pression très forte pour une utilisation des fonds publics qui aillent ailleurs que dans la tirelire des entreprises et qui servent à redonner du dynamisme à cette économie. Mais pour ça, la possibilité de disposer d'un secteur public capable de tirer l'économie dans ce sens-là, est aujourd'hui fondamentale. Et toutes les mesures de privatisation vont exactement à l'inverse de cette orientation-là

A. Cormery : Autre dossier chaud de cette rentrée, c'est la dégradation des comptes continue de la Sécurité sociale. Qu'est-ce que vous pouvez proposer aujourd'hui ?

L. Viannet : Je crois qu'en ce qui concerne la Sécurité sociale, le point le plus chaud me paraît être les menaces de démantèlement qui se précisent depuis le vote de la loi de juillet 1994 et la nécessité absolue de créer des conditions pour qu'il y ait un véritable sursaut sur ces questions fondamentales de salaires, d'emploi, de protections sociale. Comment voulez-vous, si l'on maintient cette politique d'allégement des charges, cette politique qui consiste à dégager les entreprises de leurs responsabilités, que la Sécurité sociale ne soit pas en difficulté. Elle est en difficulté parce qu'on la met en difficulté et il faut sortir de cet engrenage dangereux. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé et nous allons maintenant préciser cette proposition, de travailler à créer les conditions pour une initiative de très grande envergure dans les semaines qui viennent.


Europe 1  : 25 août 1994

M. Grossiord : Le gouvernement semble avoir entendu la montée des critiques puisque E. Balladur serait favorable à une privatisation très partielle, l'État gardant la majorité du capital.

L. Viannet : C'est la preuve que la vigueur de la protestation aura servi à quelque chose. Privation partielle ou totale, la lutte doit continuer, car c'est tout le programme de privatisations qui vient en accusation. Quand on regarde ce qui s'est passé dans les entreprises déjà privatisées, avec des restructurations, des suppressions d'emplois, surtout le besoin très fort, qui grandit dans le pays, d'insuffler à l'économie nationale d'autres choix et d'autres orientations, eh bien il faut que le gouvernement, l'État, se gardent les moyens de pouvoir peser de la meilleure des façons. C'est-à-dire d'avoir un secteur nationalisé très fort.

M. Moineau : La CFDT ne s'alarme pas outre mesure. Vous, vous êtes partisan de l'union syndicale. Vous ne pouvez pas la faire sur Renault ?

L. Viannet : Mais, y compris sur Renault, y compris sur les privatisations ! Ce qui compte, c'est l'opinion des salariés, les exigences du monde du travail. C'est autour de l'expression des besoins des salariés que va se faire le rassemblement. Actuellement, la situation du travail est suffisamment grave pour que le syndicalisme assume ses responsabilités, sinon à être mis en accusation par l'ensemble des catégories de travailleurs.

M. Grossiord : Le nombre de grévistes s'est remis à progresser. Comment réagissez-vous ? Il faut savoir que l'on fait la grève pour sauver l'emploi, et non pour revendiquer des augmentations de salaire.

L. Viannet : C'est une très bonne chose que les luttes se développent. La politique mise en œuvre dans la plupart des entreprises est d'utiliser les fonds versés au titre des allégements des charges pour faire grossir la tirelire et non pas créer des emplois.

L. Viannet : La reprise est là aujourd'hui.

L. Viannet : Le plus grave serait de mettre en opposition augmentation des salaires et création d'emplois. Le Premier ministre vient lui-même de donner de la crédibilité à cette affirmation en appelant les salariés à consommer plus. Mais pour consommer plus, il faut avoir les moyens ! Et pour avoir les moyens, il faut en finir avec la politique des bas salaires. Les luttes pour l'augmentation des salaires aujourd'hui sont un des éléments forts pour créer des emplois.

M. Moineau : L'automne sera chaud ?

L. Viannet : Je souhaite que l'automne soit agité. Froid ou chaud, cela va dépendre de la motivation des salariés et de l'engagement de toutes les forces syndicales. Il est possible de peser sur les orientations, de changer la politique actuelle, de remettre en cause des choix sur lesquels s'accroche le gouvernement. La CGT va tout faire pour qu'il y ait le plus de monde possible sur ce créneau.


L'Hebdo de l'Actualité sociale : 26 août 1994

Ne rien laisser passer

Les quelques milliers d'emplois nouveaux ne font pas les beaux jours des salariés. Progression de la précarité, salaires bloqués, protection sociale en danger, autant de sujets de mobilisation. Louis Viannet donne le ton de la rentrée : tonique.

L'Hebdo de l'Actualité sociale : Dans le même discours Balladur rassure les Français sur la santé de l'économie nationale et annonce la possible privatisation de Renault à l'automne. Est-ce compatible ?

L. Viannet : En annonçant l'embellie, Balladur est dans son rôle. Ce n'est pas le premier des Premiers ministres qui annonce le bout du tunnel. Mais il serait plus crédible si sa politique stimulait l'économie et l'emploi.

Dans ce contexte, privatiser Renault au nom du renflouement des finances de l'État ne peut conduire qu'à des déboires économiques. Je n'accepte pas que l'on justifie la privatisation par le fait que la gestion des entreprises nationalisées, Renault compris, a ressemblé à la gestion des groupes privés. Aboutissant à des dizaines de milliers d'emplois supprimés.

Certes, cette gestion est mauvaise, il est absolument nécessaire d'en changer. Mais à qui fera-t-on croire qu'il serait plus facile de changer l'orientation économique avec des capitaux privés dont on sait que la seule motivation est la recherche du profit. Il n'y a rien de bon à attendre pour les salariés, ni pour l'épine dorsale de l'industrie française.

C'est la raison pour laquelle la CGT avec les syndicats et les salariés de Renault qui ont décidé d'engager l'action. Nous avons l'ambition d'y associer l'ensemble des salariés afin de mettre en cause cette braderie qui menace plusieurs grands secteurs.

L'Hebdo de l'Actualité sociale : Au bout du compte la CGT accorde-t-elle quelques vertus sociales à la reprise économique annoncée ?

L. Viannet : Je voudrais bien qu'elle soit réelle. Mais je constate qu'elle n'est pas suffisante pour rassurer les salariés, les chômeurs, les exclus, les précaires et en général toutes les victimes des bas salaires. En effet, on va s'apercevoir très vite que cette reprise sert les grandes sociétés industrielles et financières au détriment des salariés qui vont encore payer la facture.

L'Hebdo de l'Actualité sociale : Quand pour consolider la reprise, Balladur exhorte les Français à consommer davantage, il reprend un vieux discours de la CGT. En êtes-vous satisfait ?

L. Viannet : Le Premier ministre appelle à consommer plus parce qu'il craint que la stagnation de la consommation mette en péril la reprise économique. C'est éclatant, il faut redonner du pouvoir d'achat pour relancer la consommation. La CGT le dit depuis des années.

Cette insistance à clamer que la reprise est là doit inciter les salariés de tous les secteurs à poser avec beaucoup de force la revalorisation des salaires et les créations d'emplois.

Un Premier ministre qui en un an augmente la CSG, les transports, les charges des salariés, diminue les remboursements de Sécurité sociale et qui après les appelle à consommer plus, c'est le pyromane qui crie au feu. Des centaines de milliers de gens voudraient bien consommer plus. Mais c'est le meilleur qui leur manque. Les dernières statistiques confirment une détérioration générale du pouvoir d'achat.

L'Hebdo de l'Actualité sociale : Le redressement de l'emploi, au deuxième trimestre (+ 0,4 %), n'est-il pas un élément positif ?

L. Viannet : Fondamentalement cela ne modifie pas la situation globale de l'emploi et du chômage. Elle est grave au point que le chômage agit maintenant comme une véritable pollution de toute la vie économique et sociale et constitue le talon d'Achille de la politique suivie durant des années.

Depuis le début de l'année, le chômage de longue durée et celui des jeunes de moins de vingt-quatre ans progressent. En même temps les emplois précaires, à temps partiel, l'intérim, en un mot les emplois atrophiés explosent.

La loi quinquennale et les mesures qui donnent des facilités nouvelles pour modifier l'organisation du travail permettent aux patrons de produire plus avec moins de monde.

La réalité du mal reste toujours aussi profonde et on ne voit pas les éléments qui pourraient produire une amélioration. Tout a été fait pour faciliter une gestion des entreprises contre l'emploi. C'est au moment où l'activité économique va reprendre un peu de dynamisme que les stigmates de ce dispositif nocif vont apparaître dans toute leur ampleur. Nous risquons d'avoir une augmentation très importante de ces emplois atrophiés sans une diminution du nombre de chômeurs.

L'Hebdo de l'Actualité sociale : Autre point chaud, la protection sociale. Depuis le mois de juin la CGT a recueilli un million de signatures mais cela sera-t-il suffisant pour stopper les élans destructeurs ?

L. Viannet : Cela montre déjà que la sensibilité sur cette question est en train de se modifier. Le sérieux avec lequel les salariés s'intéressent maintenant à la question est un élément important pour la mobilisation. La simple pétition ne suffit pas mais elle a contribué à ce que la CGT ne soit plus la seule à parler de cette question en termes d'action, de rassemblement, de riposte nécessaire.

L'Hebdo de l'Actualité sociale : Marc Blondel annonce une action pour la fin novembre n'est-ce pas une manière de tempérer la mobilisation des salariés ?

L. Viannet : Dès l'instant où des syndicats parlent action et disent qu'il faut agir ensemble, des perspectives s'ouvrent pour initier l'action commune.

L'objectif que nous fixons est de créer les conditions afin que dès la rentrée les salariés se rendent compte qu'un processus de mobilisation est en route.

Dans ce but, la CGT engage les contacts utiles avec toutes les organisations. Sur les lieux de travail tous les efforts doivent contribuer à ce que les salaries s'emparent de cette idée pour en faire une grande exigence et qu'ils engagent l'action partout sans attendre.

Nous considérons le moment favorable pour une mobilisation de très haut niveau avec la participation de centaines de milliers d'assurés sociaux.

L'Hebdo de l'Actualité sociale : C'est bien un message de mobilisation que vous adressez aux salariés ?

L. Viannet : Oui. Ne rien laisser passer. Partout les employeurs vont essayer d'imposer de nouveaux sacrifices. Face à cette volonté tentaculaire de gangrener l'environnement social, il serait salutaire d'entendre un très grand cri : ça suffit.

La situation est trop sérieuse, les dossiers trop lourds pour qu'un syndicat quel qu'il soit puisse échapper à l'interrogation des salariés : « Alors que faites-vous ? ».

Poussons le débat pour transformer la question en : « Que faisons-nous ? Que décidons-nous ensemble ? » c'est avec cette perspective là que la CGT prépare la rentrée.