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Paris-Match : Les accords du Gatt qui sont signés cette semaine à Marrakech donnent-ils vraiment une grande satisfaction à la France ?
Gérard Longuet : Nous avons une double raison d'être satisfaits : la France, déjà quatrième exportateur mondial, voit s'ouvrir devant elle de nouveaux marchés. Grâce à la complicité franco-américaine, nous allons pouvoir introduire la fameuse clause sociale que nous réclamions. Comme cela prendra du temps pour la faire adopter, autan commencer tout de suite à en parler. L'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui verra le jour en 1995, l'inscrira à son programme de travail.
Paris-Match : Cet accord nous aidera-t-il à sortir de la crise ?
Gérard Longuet : C'est un sérieux coup de fouet pour notre économie. Grâce aux règles du jeu, admises par tous les pays signataires, nous aurons un cadre économique stabilisé, plus favorable au développement des échanges. Le taux de croissance du commerce mondial est deux fois plus élevé que celui de l'économie mondiale.
Paris-Match : Les futures délocalisations de nos entreprises ne vous inquiètent-elles pas ?
Gérard Longuet : Les entreprises doivent s'habituer à une redistribution permanente des rôles. Nous devons aider certains secteurs plus exposés que d'autres à s'adapter. Ainsi, celui de la confection : nous l'aiderons à aller vers le haut de gamme, à protéger sa politique de marques. Il y a beaucoup d'aspects positifs dans l'accord du Gatt sur ce sujet, notamment le respect de la propriété intellectuelle.
Paris-Match : Et les points noirs du Gatt, y en a-t-il ?
Gérard Longuet : Je regrette que des pays comme l'Inde et le Pakistan ne se soient pas joints à nous en ouvrant davantage leur marché. Ils veulent bénéficier des avantages sans accepter la discipline.
Paris-Match : Les États-Unis ne sont-ils pas les grands triomphateurs du Gatt ?
Gérard Longuet : C'est plutôt l'Europe ! Les États-Unis sont économiquement les plus puissants, c'est vrai. Ils avaient un très gros bâton leur permettant d'imposer leurs règles du jeu. Dorénavant, le bâton sera davantage dans les mains de la future OMC qui deviendra le gendarme des échanges mondiaux.
Paris-Match : L'excédent du commerce extérieur français pour 1993 (89 milliards de francs) est énorme. Cela se renouvellera-t-il en 1994 ?
Gérard Longuet : Nos excédents ne seront pas aussi importants en 1994. Comme notre conjoncture économique s'améliore, les entreprises vont investir dans de nouveaux équipements que nous achèterons en partie à l'extérieur. Cela fera d'autant baisser nos excédents commerciaux, même temps nos entreprises vont continuer à gagner des marchés. Nous dégagerons donc encore un excédent important en 1994.
Paris-Match : Changeons de sujet. En tant que président du Parti républicain, le choix de Dominique Baudis comme tête de liste de la majorité aux européennes vous satisfait-il ?
Gérard Longuet : Nous aurions préféré Jean-François Deniau, nous avons Dominique Baudis. Puisqu'il a été désigné, c'est notre candidat. Nous le soutiendrons loyalement pour que la liste d'union RPR-UDF obtienne le meilleur résultat possible aux élection européennes…
Paris-Match : Ce n'est pas l'enthousiasme.
Gérard Longuet : C'est un soutien sans arrière-pensées…
Paris-Match : Le vote de l'UDF en faveur de Baudis vous a donc surpris ?
Gérard Longuet : Ce n'est pas une question de personne. Mais les motivations d certains votes, oui, m'ont surpris et déçu, surtout s'il s'agit de motivations essentiellement « alimentaires »…
Paris-Match : Philippe Vasseur et d'autres au PR, envisagent de constituer un groupe à part, hors de l'UDF avec une cinquantaine de députés ?
Gérard Longuet : Il y a manifestement un malaise. Cela me préoccupe sérieusement. D'abord, les parlementaires du PR ne se retrouvent pas dans des déclarations de tel ou tel responsable de l'UDF. Ils ont été élus pour soutenir le gouvernement. Ils veulent un soutien plus clair et plus ferme à l'action gouvernementale. Ensuite, le problème ne se pose pas en termes de personne mais en termes de procédure : dans les partis comme dans toute organisation, il y a un minimum de politesse à observer, de respect des formes. Des engagements publics ont été pris pour la tête de liste UDF aux européennes, ces engagements publics n'ont pas été tenus lors du vote.
Paris-Match : Certains prétendent que Giscard, président de l'UDF, est l'instigateur de ce mini coup de Jarnac ?
Gérard Longuet : Le vote est anonyme, peut-être aurait-il dû être public.
Paris-Match : Vous êtes un homme d'ordre, ce désordre au sein de l'UDF ne doit pas vous plaire ?
Gérard Longuet : Je ne crois pas que ceci remette en cause l'existence de l'UDF. Mais nous voulons plus de transparence et plus de loyauté. Le débat est en cours.