Texte intégral
RTL : Lundi 17 janvier 1994
J.-J. Bourdin : Que pensez-vous des états généraux de l'Éducation nationale ?
P. de Villiers : On peut faire tous les états généraux de la terre, ce qu'il faut c'est résoudre les problèmes puisqu'aujourd'hui ils demeurent. J'en vois trois concernant notre système éducatif, public ou privé : 1/ La confrontation d'une économie de libre-choix et de structures établies qui sont réfractaires à cette évolution. 2/ Le chômage des jeunes et la mauvaise adaptation des qualifications acquises aux emplois proposés. 3/ Le déficit budgétaire puisque notre système éducatif coûte plus cher qu'à l'étranger pour un résultat, en termes d'emplois, visiblement plus faible. On ne peut donc pas laisser le système en l'état. Aujourd'hui, l'Éducation nationale ressemble à un iceberg détaché de la banquise soviétique ; comme l'administration de l'ancienne URSS, elle est fondée sur le sentiment de détenir une vérité que le contact avec le marché pourrait dégrader. Il faut un secteur privé qui soit traité plus équitablement, dans le cadre général de la loi Debré. Ensuite, un secteur public auquel seraient enfin accordés les moyens juridiques de se développer de manière compétitive. En fait, les quatre grandes libertés modernes sont la liberté du choix de l'école, la liberté de gestion des établissements scolaires, la liberté de création et la liberté de financement.
J.-J. Bourdin : Vous allez donc déposer une proposition de loi ?
P. de Villiers : Je vais déposer une proposition de loi qui ira dans ce sens. Ce qui s'est passé n'est pas satisfaisant.
J.-J. Bourdin : Quelle sera cette proposition de loi ?
P. de Villiers : Elle sera fondée sur les quatre libertés que je viens d'énumérer. Je pense qu'aujourd'hui le système éducatif doit être rendu plus équitable. L'idée de la concurrence, de l'émulation ne me paraît pas une idée archaïque, bien au contraire. Ensuite, je pense qu'il y a beaucoup de profs aujourd'hui dans le public qui désespèrent d'un système qui est un système "soviétiforme." Il y a du gaspillage aussi, dû en grande partie non pas aux uns et aux autres, mais à un système qui est un système centralisé, uniforme, et bureaucratique, qui est unique au monde. Aujourd'hui, nous consacrons en France 6,4 % de notre PNB à l'éducation, l'Allemagne, qui a un système plus performant que le nôtre, n'y consacre que 4,5 %. Je crois que l'État a pour vocation de contrôler que les choses se passent bien mais qu'a priori, les enfants n'appartiennent pas à l'État.
J.-J. Bourdin : Qu'auriez-vous fait si vous aviez été à la place de F. Bayrou ? Auriez-vous démissionné ?
P. de Villiers : J'ai été surpris et choqué d'entendre P. Devedjian s'en prendre à F. Bayrou. J'ai de l'estime pour F. Bayrou. Il a fait ce qu'il avait à faire, avec courage, et je considère que si la majorité le lâchait, ce serait une faute et une erreur politique majeures. F. Bayrou s'est montré courageux. Mais si on continue à reculer comme on l'a fait à Air France au nom du consensus et du tissu fragile, on ne fera rien. Maintenant, il faut regarder les choses en face, c'est un peu l'échec de la méthode Balladur que nous constatons. Quelqu'un qui rentre au port et qui, à force 2, ne peut pas gagner le vent des globes.
Interviews au Figaro et au Quotidien de Paris non disponibles