Déclaration et conférence de presse de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les nouveaux équipements du Cargo, maison de la culture de Grenoble, Grenoble le 12 juin 1998.

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Circonstance : Inauguration du nouveau Cargo, maison de la culture de Grenoble, à Grenoble, le 12 juin 1998

Texte intégral

Réunion de travail

Je dois vous dire tout d’abord que l’État et la ville de Grenoble se sont associés très étroitement dans ce grand projet du nouveau Cargo.

Je tiens à souligner qu’à plusieurs titres, ce projet illustre parfaitement les orientations politiques et les méthodes de travail que j’ai mises en œuvre.
Vous savez que le patrimoine et l’architecture d’une part, et que le théâtre, la musique et la danse d’autre part, formeront dans mon ministère deux directions réunifiant enfin les disciplines concernées.

Or, pour ce qui concerne le patrimoine et l’architecture, le choix de l’architecte Antoine Stinco a récompensé la pertinence d’un parti pris qui préserve le passé architectural, tout en l’intégrant dans la dynamique fonctionnelle d’un nouveau projet culturel ; l’extension du Cargo prendra, certes, la forme d’un second bâtiment séparé de celui conçu par André Wogenscky, mais toutes les conditions semblent réunies pour que ces deux réalisations constituent une « architecture active », avec laquelle on puisse lire et vivre l’évolution de notre temps.

Pour ce qui concerne les disciplines artistiques – le théâtre, la musique et la danse –, vous savez que j’ai demandé au directeur régional des affaires culturelles de constituer un comité de pilotage – dans lequel beaucoup d’entre vous sont impliqués – afin de répondre à trois exigences :
– concevoir un équipement qui puisse accueillir et faire vivre toutes ces disciplines artistiques dans les meilleures conditions ;
– adopter un mode de gestion du futur Cargo sous un statut unique, condition indispensable pour que toutes les énergies soient tendues vers les mêmes objectifs : la création, certes, mais surtout la plus large diffusion auprès d’un public toujours renouvelé ;
– faire en sorte que cette nouvelle réalisation soit effectivement une vraie maison d’artistes, mais dont les disciplines ne se juxtaposent pas. Et pour qu’un projet d’action artistique et culturel puisse être visible et parfaitement identifié, adopter le projet d’une direction unique assistée d’un conseil d’artistes.

Je sais bien que ces conditions ne sont pas faciles à réunir, mais je tiens à vous dire que nous inventons ici, sans aucun doute, un nouveau modèle d’institution artistique et culturelle qui doit répondre à des nouvelles attentes ou des nouvelles réalités : une ouverture sociale qui commande que le nouveau Cargo soit encore plus à l’écoute de la cité, l’interdisciplinarité des créations qui travaille en profondeur les esthétiques contemporaines.

À présent, je sais que des questions sont encore débattues. Pour ma part, sur trois d’entre elles, je peux vous indiquer mes orientations actuelles :
– faut-il que la création musicale soit présente dans le nouveau Cargo ? Ma réponse est positive, et je pense qu’avec son festival de jazz et les 38e Rugissant, Grenoble est bien placée pour investir un peu plus dans la création musicale contemporaine ;
– sur le statut, je souhaiterais que nous soyons assez avancés sur le projet d’établissement public local à vocation culturelle, pour qu’il puisse s’exercer justement au profit du nouveau Cargo ;
– en ce qui concerne la direction unique, je souhaite que nous recherchions ensemble, dans une parfaite transparence, l’homme ou la femme qui puisse animer, coordonner et porter la vie du futur établissement. C’est un peu « le mouton à cinq pattes », je le sais. Mais nous le trouverons.

Car, au bout du compte, je vous dirai avec un peu de malice que le nouveau Cargo est un excellent projet pour l’application de la charte des missions de service public et, comme je le disais au début de mon propos, une parfaite illustration de l’utilité de la réunification des directions à laquelle j’ai procédé dans mon ministère.

Nous sommes donc en totale connivence.

Conférence de presse

Éléments de langage

C’est le 13 février 1968 que fut inaugurée par André Malraux la maison de la culture de Grenoble. Le ministre des affaires culturelles en appelait au « grand combat intellectuel de notre siècle »… « parce que la culture est devenue l’autodéfense de la collectivité, la base de la création et l’héritage de la noblesse du monde ».

Cette maison qui, selon lui, appellerait « dans vingt ans de nombreux relais » est progressivement entrée dans l’histoire de la culture comme un équipement majeur des trente dernières années, dont le rayonnement et la portée sont nationales, mais aussi internationales.

Dans les années soixante, le Cargo est devenu le symbole du renouveau culturel pour « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité au plus grand nombre possible de Français ; assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit ».

Eh bien, je crois que le nouveau Cargo sera, au tournant du XXIe siècle, l’équipement culturel qui répondra aux nouvelles attentes sociales et aux nouvelles exigences artistiques.

Tout d’abord du point de vue de son architecture.

C’est toute la compétence et l’expérience de plus de vingt ans auprès de Le Corbusier qui avait permis à André Wogenscky de répondre admirablement aux défis que la programmation lui imposait dans les années soixante. Pour lutter contre « les usines de rêve » dénoncées par André Malraux, André Wogenscky a bâti une sorte de cathédrale de la civilisation, dont la nef s’est exactement située à la croisée de la ville historique et de la ville neuve. Le Cargo a parfaitement répondu aux enjeux d’une « architecture active », la seule qui, selon l’architecte, permet à l’homme « d’agir sur la pensée » et de « vivre le temps ».

Trente ans après sa création, les locaux étaient devenus insuffisants pour conduire le travail de création artistique et l’accueil d’un public toujours plus exigeant en matière d’activités culturelles. Le temps était donc venu de procéder à la requalification et à l’extension du Cargo, pour lui permettre d’assurer le renouvellement de ses missions culturelles aux portes du XXIe siècle.

Dans ce but, le programme d’extension porte à la fois sur la création d’une salle de concert de musique de 900 à 1000 places en transformant l’actuel théâtre mobile ; le réaménagement de la grande salle pour en faire un théâtre modulable de 1 100 places, pour le théâtre, la danse et le lyrique ; l’amélioration du petit théâtre ; la création de salles de répétition et de studios de danse.

Compte tenu de l’importance du Cargo, de son caractère emblématique pour la ville et la région Rhône-Alpes, la procédure de concours a été conduite avec une rigueur extrême et le souci constant de construire une extension qui tienne pleinement compte de la valeur patrimoniale du bâtiment d’André Wogenscky.

Le choix de l’architecte Antoine Stinco par le jury présidé par Michel Destot a récompensé la pertinence d’un parti-pris qui préserve le passé architectural, tout en l’instaurant dans la dynamique fonctionnelle d’un nouveau projet culturel.

Pour « garder au Cargo sa place symbolique » dans le nouveau dispositif culturel, l’extension du Cargo prendra la forme d’un second bâtiment séparé de celui d’André Wogenscky et possédant une identité architecturale propre. De la sorte, les conditions seront réunies pour constituer un dialogue fructueux entre le projet d’André Wogenscky et celui d’Antoine Stinco et rappeler ainsi à notre conscience, comme l’expliquait André Malraux que « la culture ne s’hérite pas, elle se conquiert ».

Du point de vue de son action artistique et culturelle, le nouveau Cargo arrive à point nommé tandis que, vous le savez, j’ai décidé de fusionner la direction de la musique et de la danse avec celle du théâtre et des spectacles.

Il faut concevoir un équipement qui puisse accueillir et faire vivre toutes les disciplines artistiques dans les meilleures conditions ; adopter un statut unique favorisant un mode de gestion qui tende toutes les énergies vers les mêmes objectifs : la création et la plus large diffusion auprès d’un public renouvelé.

Ces maisons d’artistes que j’appelle de mes vœux, interdisciplinaires et ouvertes sur la cité, et qui assument tout autant leur responsabilité artistique et leur responsabilité sociale, je crois qu’elles s’inventeront ici à Grenoble, avec le nouveau Cargo.

Je suis très heureuse de participer aux responsabilités qui sont les miennes à cette entreprise qui constitue, avec le réaménagement du centre Georges Pompidou, le dernier grand chantier culturel de cette fin de millénaire.

L’État apporte sa contribution financière pour ces grands travaux qui doivent permettre d’asseoir les conditions du développement économique, social et culturel des quartiers Sud de la ville. Au-delà des enjeux locaux, la restructuration du Cargo contribuera au rayonnement de Grenoble, de l’Isère, de la région Rhône-Alpes et au rayonnement national.

Mais je dois préciser également que l’État et la ville mettront en œuvre deux autres conventions qui concourront au développement culturel de Grenoble et de l’Isère.

La première concernera le patrimoine et l’architecture, la seconde le spectacle vivant, afin qu’au cours et au-delà de la période d’activités « hors les murs » du Cargo, tous les lieux de diffusion et de création soient mobilisés pour conquérir un plus large public.