Interview de M. Jean Glavany, porte-parole du PS, dans "Le Parisien" le 30 avril 1994, sur les élections en Afrique du Sud et le déroulement du scrutin.

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Circonstance : Voyage de M. Jean Glavany en Afrique du Sud en qualité d'observateur pour les premières élections multiraciales du 26 au 29 avril 1994

Média : Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien : En tant qu'observateur de ces premières élections multiraciales en Afrique du Sud, quelles sont vos impressions sur le déroulement du scrutin ? Avez-vous été surpris ?

Jean Glavany : Nous avons eu trois bonnes surprises. La première c'est de voir l'effet éminemment pacificateur du vote dans la mesure où tout l'enchaînement de la violence qui avait lieu avant s'est complètement apaisé. C'est la première surprise.

Deuxième bonne surprise, c'est de voir que ce scrutin était globalement libre et loyal, comme le souhaitaient les autorités d'Afrique du Sud. Évidemment il y a eu quelques imperfections, mais grosso modo ça s'est passé d'une manière satisfaisante.

Troisième bonne surprise, c'est de voir que ce peuple, qui n'avait jamais voté, se ruait vers les bureaux de vote avec un enthousiasme évident et était terriblement patient. On a vu des files d'attente interminables avec des gens qui ne perdaient pas l'espoir et restaient sereins. Il y a une vieille femme à qui je disais : « Vous n'êtes pas impatiente ? » Et elle m'a répondu : « Vous savez, j'attends depuis soixante-dix ans, je veux bien attendre cinq heures de plus ».

Le Parisien : Avez-vous remarqué des irrégularités ?

Jean Glavany : Je pourrais toujours vous répondre oui, parce que c'est vrai qu'on a vu des électeurs égarés, sans aucune éducation, qui ne savaient pas comment faire ni pourquoi ils étaient là. C'est vrai que nous avons vu des vérifications d'identité à la limite de la régularité. En même temps, je crois que nulle part dans le monde il y a une démocratie parfaite. Quand on sait que la plus grande démocratie du monde, c'est-à-dire les États-Unis, n'a jamais élu son président avec plus de 40 % ou 45 % de votants, et quand on voit, même dans nos communes, dans quelles conditions des électeurs qui sont notamment âgés et qui n'ont plus toute leur lucidité votent, je crois que nous n'avons pas de leçons à donner à ce peuple qui a fait un exercice de démocratie suffisamment difficile comme ça.