Interview de M. Bernard Bosson, ministre de l'équipement du transport et du tourisme et secrétaire général du CDS, à O'FM le 31 mars 1994, sur la méthode de gouvernement de M. Edouard Balladur, le plan de redressement d'Air-France, le projet de réforme des transports collectifs en Ile-de-France, et la préparation du congrès du CDS.

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Média : Emission Le Grand O O'FM La Croix

Texte intégral

Q. : Ce qui frappe dans l'affaire du CIP, c'est la manière quasi catastrophique dont le gouvernement a géré ce dossier. Est-ce que la méthode dite Balladur n'a pas été prise en défaut ?

Bernard Bosson : Le premier problème que nous avons, c'est le record du chômage des jeunes dans les pays développés. Qu'un jeune sur quatre de moins de 25 ans n'ait droit à strictement rien est le vrai scandale d'où tout est parti ; que le gouvernement ait voulu régler ce problème, c'est à son honneur. Qu'il ait été maladroit, c'est autre chose. Ce qui me frappe, c'est que, lorsque, par exemple, dans un conflit comme Air France, en une journée le ministre responsable décide qu'on ne peut pas sauver une compagnie contre son personnel et change de plan et d'équipe dirigeante tout le monde dit : c'est catastrophique ! et lorsque le gouvernement recule beaucoup plus lentement, pied à pied, vous dites : c'est une gestion catastrophique !

Autrement dit, dans ce pays, on considère que le gouvernement n'a aucun droit à l'erreur, que toutes les décisions doivent être immédiatement bonnes. S'il ne recule pas, on dit : il refuse d'écouter, de dialoguer. Et s'il s'adapte, on dit : il recule !

Q. : Ce soir, vous revendiquez le droit à l'erreur pour le gouvernement ?

Bernard Bosson : Comme pour chacun d'entre nous ! Je ne suis pas assez prétentieux pour penser que parce qu'on est élu, parce qu'on est un homme politique, on sait tout. On a le droit à l'erreur. Il n'est pas si facile de gérer un pays qui exige des réformes et qui n'en supporte aucune. Un pays qui a toujours préféré les révolutions aux évolutions, dans une crise épouvantable.

J'ai reçu comme maire dans ma ville d'Annecy les jeunes étudiants. Comme je me bats depuis des années pour l'université, le dialogue avec eux est assez facile. Ils m'ont tous dit qu'après tout, après les adaptations qui avaient été faites, le CIP n'était peut-être pas si mal, c'est mieux que rien ! Mais ils m'ont surtout dit : ce qui ne nous va pas, c'est la situation. Vous êtes en train de redresser le pays, on le sent, c'est une très bonne chose, mais ça ne suffit pas ! On sait bien que le redressement économique ne créera pas trois millions d'emplois avez-vous un autre projet de société ? On voit bien qu'on change de siècle… C'est ça que disent les jeunes.

Q. : Et vous leur répondez quoi ?

Bernard Bosson : Je leur réponds que le pays s'enfonçait. Pour la première fois depuis la guerre, en 92, le pays s'est appauvri. La mission du gouvernement, la première, c'est le redressement ; nous en sentons les prémices, trop faiblement, d'accord, mais c'est tout de même mieux d'avoir un pays qui se redresse qu'un pays qui s'enfonce.

Je leur dis ensuite qu'il est vrai que nous devons définir une nouvelle société ; je crois que dans une économie qui s'est mondialisée, dans une économie où nous ne pouvons exister que si nous sommes dans les différents secteurs où nous voulons exister les meilleurs du monde ou quasiment les meilleurs du monde, nous devons laisser nos entreprises se battre et les aider à se battre et distinguer l'entreprise, qui doit créer la richesse nationale, de l'organisation sociale qui doit, à partir de cette richesse, donner à chacun une raison d'être dans la société, une raison d'être considéré. Et, ensuite, une possibilité de vivre matériellement pour lui et sa famille.

C'est un changement fondamental : le développement économique à lui seul ne créera pas les emplois. Nous venons de changer de siècle. Et ce n'est pas en faisant rêver à travailler moins en gagnant autant et autres fadaises que nous pouvons entraîner notre pays. Il faut dire que le combat sera dur, long et qu'il faut apprendre à partager.

Moi je suis très frappé de constater que 91 était l'année où notre pays a été le plus riche dans son histoire et l'année où il avait en même temps le maximum de chômeurs et d'exclus. C'est donc une société nouvelle que nous devons construire ensemble.

Ce n'est pas facile dans un pays qui, dans le fond, est profondément conservateur et ne demande des réformes que pour ses voisins mais jamais pour soi-même.

Q. : Vous parlez de nouvelle société, mais comment vit-on dans un gouvernement qui a retiré la réforme de la loi Falloux, retiré son CIP et qui ne fait pas rêver et propose une société nouvelle ? La question est quasiment psychologique…

Bernard Bosson : Premièrement, les hommes politiques ne sont pas là pour faire rêver, mais pour responsabiliser une démocratie dans une période particulièrement difficile. Je ne crois pas du tout qu'on soit là pour vendre du rêve. La période est assez difficile pour qu'au contraire on essaye de démontrer qu'il existe des routes et un espoir.

Encore une fois, je ne comprends pas cette manière de présenter : soit le gouvernement s'entête, soit le gouvernement recule. Je crois qu'un gouvernement est là pour le dialogue. Le dialogue a peut-être mal fonctionné, mais il est nécessaire à un moment donné qu'il ait lieu. On ne sait pas ce qui va passer, ce qui va réagir sur une société aussi fragile.

Q. : Quand le gouvernement proposera-t-il des projets positifs, qui ne soient pas retirés ?

Bernard Bosson : Écoutez, le travail qui a été fait est considérable. Je pourrais prendre des exemples dans mon secteur, c'est d'une lenteur invraisemblable ! Il faut un temps fou entre le moment de la décision et le moment de l'effet. Même pour des travaux prêts à démarrer, les procédures demandent sept mois et pour les autres, c'est des années ! Un bateau qui s'enfonce ne se redresse pas en quelques minutes. S'il y avait une recette miracle, ça se saurait !

Q. : Certains, notamment au RPR, demandent la tête de Michel Giraud : que leur répondez-vous ?

Bernard Bosson : Je comprends qu'il y ait des candidats à sa succession qui sont impatients. Mais, je ne crois pas que ce soit le niveau du débat. La tâche du ministre du Travail dans une telle crise est la tâche la plus dure dans un gouvernement. La plus dure ! Et vous me permettrez donc une parfaite solidarité avec celui qui a sur les bras le secteur le plus difficile.

Q. : … et qui s'est trompé…

Bernard Bosson : Mais parmi toutes les mesures du plan Giraud, parce qu'il y a plus de soixante décrets qui sortent, qu'il y ait sur tel ou tel point une erreur… Mais on peut aussi ne rien faire ! Moi, ce qui me scandalise, c'est qu'il y ait un jeune sur quatre au chômage, ce qui me scandalise, c'est que les mesures anciennes qui donnaient pour une bouchée de pain des faux emplois à l'intérieur de la fonction publique étaient soi-disant de bonnes solutions !

Le gouvernement, avec beaucoup de bonne volonté, essaye de faire sauter le verrou qui existe entre les jeunes et les entreprises.

Je vais vous donner un exemple précis vécu comme maire : j'ai inauguré l'autre jour dans la vieille ville un immeuble racheté par la ville pour y faire des logements HLM ; ce sont des artisans qui ont fait ces travaux dans le cadre d'un contrat de compagnonnage. Ils ont pris 21 jeunes sans emplois ; qu'est-ce qui se passe au bout d'un an ? Ces entreprises ont vu ces jeunes au travail. Elles ne seraient jamais allées les chercher, ces jeunes. Mais les ayant vu au travail, sur ces 21 jeunes, 11 ont été embauchés à titre définitif. Parce que le verrou qui existe entre le jeune et les entreprises, le verrou a sauté. Ce que voulait faire le CIP, c'était faire sauter le verrou. Alors, il est vrai que la première année est moins payée mais une fois qu'il est dans l'entreprise, les chances d'y rester sont considérables. Notre problème est d'éviter cette énorme masse de jeunes qui se retrouvent avec des diplômes et plus de six mois de chômage.

La solution de prime qui a été retenue peut-être bonne ; est-elle suffisante ? Je ne le sais pas.

J'aurais souhaité, moi personnellement, qu'on ait un État moins centralisé et qu'on puisse essayer le CIP, par exemple dans un département pendant un an. Dans ce pays napoléonien, nous prenons des mesures nationales, générales, on ne fait jamais d'expérimentation, on s'enflamme sur des idées à priori, sans regarder concrètement ce que donne une expérience.

La forme actuelle, j'espère qu'elle va fonctionner. Et que dans le cadre d'une reprise que l'on sent, les entreprises feront cet effort indispensable, qui est de donner une chance aux jeunes.

Q. : Que bilan faites-vous de la première année Balladur à Matignon ?

Bernard Bosson : Compte tenu de la difficulté de la situation et compte tenu du fait que nous sommes vraiment, je le crois, à un changement de siècle, un changement de société, je considère normal que le gouvernement se soit heurté à tous les tabous de l'immobilisme qui existent dans notre pays. Et ils sont nombreux ! Et sur fond de crise, c'est normal, c'est normal !

Il me semble que les résultats du gouvernement sont simples : est-ce que le pays va mieux qu'il y a un an ? La réponse est oui. Est-ce que c'est la panacée, est-ce que c'est satisfaisant ? La réponse est non.

Ce dont je peux témoigner dans un secteur qui représente le deuxième budget civil de l'État, c'est du redressement spectaculaire dans le secteur dont j'ai la charge.

Q. : La popularité du gouvernement est à la baisse ; cela ne risque-t-il pas de compliquer encore sa tâche ?

Bernard Bosson : Il est évident que plus on approchera de la période présidentielle, plus ce sera difficile. Mais ce n'est pas la difficulté première. La difficulté première, c'est qu'il n'y a pas aujourd'hui dans notre pays une acceptation du changement. Chaque personne qui se trouve un peu protégée veut continuer à l'être, sans s'apercevoir que nous devons apprendre à partager les postes de travail et sans doute l'ensemble du revenu national.

Je suis très frappé d'une chose : en tant que maire je n'ai jamais pu signer une HLM sans avoir une pétition du quartier contre. C'est souvent la même personne qui pleure en écoutant l'abbé Pierre qui ne veut pas d'HLM dans son quartier ! Les ghettos ont été faits par l'égoïsme des villes voisines : si nous répartissons les HLM dans tous les quartiers, nous n'avons pas de ghettos.

C'est un effort national et le gouvernement est là pour davantage de pédagogie. Ce n'est pas facile.

Le gouvernement est à une période particulièrement difficile de notre histoire. Il en a conscience. On n'a pas le droit à l'erreur, parce qu'on est au bord du déchirement du tissu social compte tenu de l'ampleur du nombre des exclus. Et le gouvernement commet des erreurs parce qu'il travaille. Sauf ceux qui ne font rien n'en font pas.

Q. : Laurent Fabius exprimait hier ses craintes sur la montée du populisme : partagez-vous ses inquiétudes ?

Bernard Bosson : Bien sûr, en période de crise, le populisme de gauche et de droite peut se développer, avec ses aspects positifs et ses dangers.

Mais notre grand danger c'est d'aller vers un ultra-libéralisme où il n'y a pas de place pour l'être et où on s'aligne sur le niveau de vie intermédiaire entre le tiers-monde et nous et où on abandonne, au nom de la compétition, des pans entiers des acquis sociaux. Nous devons absolument être efficaces et garantir le progrès social. Ça me parait le point essentiel du combat. À partir de là, qu'il y ait tel ou tel risque de dérive, c'est autre chose. Nous notre problème, c'est de faire avancer la démocratie. Excusez-moi l'expression, les hommes politiques doivent être davantage des aumôniers de la démocratie. Très proches du terrain, pour une écoute et une formation. On est souvent trop techno, on tombe dans un éloignement du peuple et on oublie notre mission, qui est de faire vivre la démocratie.

Q. : Que répondez-vous à Bernard Tapie qui veut décréter illégal le chômage des jeunes ?

Bernard Bosson : Bernard Tapie a repris une entreprise dans ma ville et il est parti, pas sans argent, mais en ne laissant pas un seul emploi. Sa proposition est absurde ! Soyons sérieux ! Moi, je vis horriblement mal, le chômage des jeunes, je trouve qu'on est en train de casser une génération. Cette société, à un moment, a un rendez-vous dramatique si nous n'arrivons pas à redresser la situation avec un peu plus de considération, notamment pour nos jeunes et leur avenir. Je pense que ce sont des sujets trop graves pour être traités de manière simpliste ou simplette !

Q. : S'agissant d'Air France, que pensez-vous de ce mode de gestion sociale : est-ce un mode d'exception, on n'a jamais vu une dramatisation aussi forte ?

Bernard Bosson : Tout le monde connaît la gravité de la situation de la compagnie. Air France a un potentiel formidable, et pour le pays, et pour les 40 000 personnes qui en vivent directement. Il est donc normal qu'un sujet de ce genre soit très rapidement médiatisé, nationalisé. Le premier plan a fait l'objet d'un formidable rejet, à juste titre ou pas, c'est une autre affaire. C'est la raison pour laquelle, croyant qu'on ne sauve pas une entreprise contre ses hommes et ses femmes mais qu'on les mobilise, j'ai cru de mon devoir, sentant brutalement qu'on avait une révolte et non pas simplement une grève, de dire « on retire tout, on recommence », de changer la direction et de demander à Christian Blanc de reprendre sur un tout autre thème le redressement d'Air France. Je crois que c'était impossible sans la première crise, et je crois qu'aujourd'hui ce plan qui a fait l'objet d'un formidable travail de démocratie, 2 200 réunions de dialogue, plus de 14 000 employés ayant pris leur plume pour écrire à la direction et dire ce qu'ils pensaient de ce qui était possible, ce plan qui n'est pas un plan comptable mais qui est un projet pour l'entreprise et pour son avenir, peut passer et être accepté. Et la gestion par référendum est une bonne gestion parce que c'est un plan qui engage le personnel sur un certain nombre d'années. Soit les représentants du personnel signent un accord sur ce plan, soit l'ensemble du personnel se prononce sur le plan, mais on ne peut pas s'engager sur un plan qui ne serait pas accepté soit par les uns soit par les autres.

Q. : Si ce référendum est organisé, et si la réponse de la majorité est négative, que se passe-t-il ?

Bernard Bosson : Je ne crois pas qu'il faille avoir l'air de dire à ceux qui vont se prononcer « c'est ça, il n'y a aucune possibilité ». Je ne pense pas qu'on puisse faire un plan meilleur. Le président et d'autres lient leur sort à ce plan parce qu'ils pensent qu'il n'y en a pas d'autres, moi, le jour où Air France disparaîtrait ou serait repris et volerait sous d'autres couleurs ne serait pas un très grand jour…

Q. : Il vous arrive de l'imaginer ?

Bernard Bosson : Il m'arrive de l'imaginer. Ceux qui ont connu autrefois Panam, c'était une grande compagnie, savent qu'il n'en reste plus ni un emploi ni un avion. Et c'est dur de renoncer à un plan, c'est dur pour un ministre d'avoir l'air de reculer, et plus vous êtes jeune plus c'est dur. C'est tellement facile de continuer à rentrer dans le mur en disant « on a été mal compris ». Je l'ai fait. J'espère que cette nouvelle chance sera saisie., je souhaite que cette main tendue, ce travail formidable fait par l'équipe de Christian Blanc, soit compris, je souhaite qu'il y ait une mobilisation de cette entreprise parce qu'il y a un avenir pour Air France, et que je ne voudrais pas que dans le très dur combat aérien mondial, notre compagnie disparaisse.

Q. : Trouvez-vous normal qu'on en arrive là pour un traitement social d'une entreprise française ?

Bernard Bosson : Oui. Je vous le disais tout à l'heure, nous devons être des aumôniers de démocratie. Vous ne pouvez pas avoir des entreprises compétitives sans les êtres. Ce n'est pas l'argent, ce n'est pas la machine, ce n'est pas l'avion qui fait la différence, ce sont les êtres. Vous ne pouvez pas mobiliser 40 000 personnes qui vivent dans le monde entier, sur un projet, s'ils n'y ont pas contribué, s'il n'est pas un peu le leur, s'ils ne l'ont pas accepté, et s'ils ne le portent pas ce projet, si la compagnie ne se lève pas pour essayer de faire qu'elle puisse voler à travers le monde. Vous avez donc besoin d'une mobilisation, d'une adhésion, pas d'une adhésion de tout le monde, mais d'une adhésion d'une majorité qui se batte qui permette à notre pavillon national demain, de damer le pion de nombreux autres, y compris de British Airways.

Q. : Faut-il encore croire en l'avenir d'Air France ?

Bernard Bosson : Je crois en l'avenir d'Air France et des 40 000 emplois qui sont à l'intérieur. Si le plan réussit et si Air France est sauvée, croyez-moi, je serai particulièrement fier d'avoir renoncé à l'ancien plan ! J'en ai pris plein la figure, car on place l'autorité de l'État au mauvais endroit dans ce pays. Et je considère comme normal qu'un gouvernement tâtonne, essaye, écoute et bouge. On ne peut dire à la fois quand il bouge vite qu'il cède tout et quand il ne bouge pas vite, il est trop lent ! Notre société est extraordinairement complexe ! Encore une fois, ce serait une prétention invraisemblable de la part des gouvernants que de ne jamais se tromper.

Le plan actuel a une chance sérieuse. S'il n'y avait pas eu la crise, le plan actuel aurait-il une chance ? Je me pose sincèrement et honnêtement la question. Je ne le crois pas. On en arrive donc à une situation où il faut qu'une crise permette une prise de conscience pour qu'on puisse reconstruire. C'est un petit peu triste, mais c'est la situation.

Q. : Jeudi prochain 10 organisations syndicales de la RATP appellent à la grève : ils protestent contre le projet de réforme des transports collectifs en Ile de France ; une nouvelle reculade du gouvernement en perspective ?

Bernard Bosson : Ça vous tient. Ou le gouvernement n'avance pas, ou il avance sans écouter, ou il recule. C'est une caricature qui me paraît grave en démocratie. On est en train de tomber dans une caricature ridicule. De quoi s'agit-il ? Personne, personne ne veut faire autre chose que servir et consolider la RATP. Le problème ne touche pas la RATP, le problème concerne l'ensemble des transports en Ile-de-France. Aujourd'hui c'est la seule région qui soit en tutelle de l'État, et où les élus directs de la population, les élus régionaux, n'ont dans le fond pas leur place comme dans toutes les autres régions françaises. Nous avons demandé au préfet de région de réfléchir à une modification lente, qui permette à la population de davantage peser et de gérer directement par ses élus régionaux les transports, comme c'est le cas de toutes les régions françaises. Aujourd'hui, la région Ile de France est majeure, il n'y a pas de raison que la région capitale soit traitée différemment des autres régions françaises. Et c'est traduit comme un risque de privatisation dans certains cas, ou de remise en cause de la RATP. Ce n'est pas le cas du tout. Et deuxièmement c'est traduit comme un risque de désengagement de l'argent de l'État dans les transports parisiens. Tout le monde sait que dans les années qui viennent, au nom de l'égalité des citoyens, il faudra peu à peu que les habitants de cette région rejoignent la participation aux transports de tous les autres citoyens. Je crois que c'est nécessaire, notamment en termes d'aménagement du territoire. Ça ne peut se faire que très lentement, ça demandera sans doute à l'État des efforts moins grands, mais il ne m'a jamais choqué que l'État reste financièrement présent dans ce qui est un cas un peu spécifique qui est l'Ile de France. Cela ne concerne ni de près ni de loin la RATP. Il n'empêche que certaines craintes naissent cela montre combien il est difficile de dialoguer, combien il est difficile de poser la question. Au moment où le préfet va annoncer ses pré-conclusions sur une réforme qui demanderait peut-être (...) grève.


Q. : Cette réforme n'interviendra pas avant 95 ?

Bernard Bosson : C'est de toute façon une réforme qui ne peut pas se faire en moins de 10 ou 15 ans. Et ce qui est tout à fait étonnant c'est qu'il y a à priori le système de blocage, alors que véritablement tout le monde est extrêmement attaché au service public et à l'entreprise publique de transports, et notamment à l'entreprise publique qu'est la RATP. Ce que je trouve extraordinaire, c'est que le fait d'oser une réflexion conduise à un sentiment fort de rejet à priori.

Q. : À la fin de l'année Pierre Méhaignerie passera la main pour la présidence du CDS : est-on sûr que vous serez son successeur, puisqu'il ne vous a pas désigné comme dauphin ?

Bernard Bosson : Il ne manquerait plus que ça, il n'y a pas de dauphin, il y a des militants qui votent, et il y aura, j'espère, plusieurs candidats.

Q. : Vous êtes candidat ?

Bernard Bosson : Bien sûr.

Q. : Et vous souhaitez qu'il y ait plusieurs candidatures ?

Bernard Bosson : Je souhaite qu'il y ait des choix. Je crois en un certain nombre de réponses que nous pouvons apporter, de style de démocratie que nous voulons vivre. Pourquoi ? Le centre, ce n'est pas le marais, l'hésitation entre deux, ceux qui n'ont pas d'idées, qui sont là, qui ne sont ni à gauche ni à droite. Le centre est une sorte de synthèse qui prend à la droite son efficacité, ce qu'on appelle une valeur reconnue comme de droite, et qui prend à la gauche sa solidarité. Ça a toujours été cette synthèse.

Q. : Le CDS ne s'est-il pas un peu dissous dans la culture de gouvernement ?

Bernard Bosson : Non. Premièrement, nous sommes des gens loyaux, ça me paraît nécessaire. La loyauté, ce n'est pas le silence. Nous avons à être à la fois loyaux et exigeants, ça me paraît l'attitude normale d'un parti qui se trouve avoir une responsabilité gouvernementale ou de ministre. Deuxièmement, l'UDF c'est le rassemblement de tous ceux qui ne sont pas RPR, c'est tout, c'est le seul point commun. Autrement, l'UDF allant de Bernard Stasi à Alain Griotteray, représente depuis le centre-droit jusqu'à la droite conservatrice la plus totale, et n'a plus grand-chose en commun si ce n'est la volonté de vivre ensemble face au RPR pour qu'il y ait deux familles dans la majorité actuelle. C'est la raison pour laquelle à l'intérieur de l'UDF, et nous avons besoin de cette force, il existe des familles représentant un idéal, une pensée commune, une recherche. Je ne crois pas aux pavillons de complaisance qui couvrent toutes les idées et leur contraire, je crois à des partis politiques qui expriment réellement des valeurs, une idée et leur contraire, je crois à des partis politiques qui expriment réellement des valeurs, une idée, et qui dialoguent. Sinon nos concitoyens voient vite qu'il s'agit d'une étiquette électorale et n'ont pas de valeur partagée.

Q. : Dominique Baudis est le candidat de votre formation pour être tête de liste aux prochaines européennes ; avez-vous espoir qu'il emmènera effectivement cette liste ?

Bernard Bosson : J'ai espoir que Dominique Baudis puisse incarner à la fois un changement, une modernité, et une vision de la communauté.