Texte intégral
Q. : Comment expliquez-vous que la majorité des pays africains relaie si difficilement l'initiative française ?
R. : F. LÉOTARD a eu raison de lancer ce nouvel appel. Pour ma part, j'arrive de Libreville où j'étais avec les chefs d'État de la zone franc. Ils se sont réunis pour parler des péripéties qui suivent la dévaluation du franc CFA, mais il y a eu aussi à l'ordre du jour la situation au Rwanda. Je peux déjà dire à F. LÉOTARD que les Africains ne lâchent pas la France dans cette opération et qu'ils sont tout à fait conscients de la gravité de la situation.
Q. : N'ont-ils pas montré peu d'enthousiasme, quand même ?
R. : Le Sénégal a immédiatement réagi, mais je peux vous dire que le Niger vient de réagir tout à fait positivement, ainsi que le Mali, le Congo, la Guinée-Bissau, la Mauritanie. Il y a donc maintenant un courant qui se dessine et une prise de conscience africaine qui d'ailleurs a été démontrée lors du sommet de l'OUA à Tunis. Je trouve qu'il y a autour de l'initiative française un certain nombre d'appuis solides.
Q. : Comment réagissent les pays européens ?
R. : Tout à fait. Nous avions plus d'espoir à l'égard de nos partenaires européens. En fait, le soutien européen reste un soutien logistique. C'est utile, mais je ne désespère pas de voir la situation évoluée. Après six jours nous avons maintenant un certain nombre d'amis qui viennent de nous rejoindre pour gagner cette bataille contre l'horreur.
Q. : Lorsque F. LÉOTARD dit que les difficultés sont devant nous que veut-il dire ?
R. : Il y aura bien évidemment un moment délicat, parce que pour l'instant nous progressons très en deçà de la ligne de front. Il est clair que plus on s'approchera de cette zone et plus le problème deviendra délicat. C'est pour cette raison qu'il faut très vite que le force internationale, préconisée par le secrétaire général de l'ONU, soit mise en place.
Q. : Le commandant BARRIL dit être en possession de la boîte noire de l'avion du Président Rwandais, pouvez-vous nous donnez quelques éclaircissements ?
R. : Le commandant BARRIL a des relations anciennes avec la famille HABYARIMANA, mais je ne sais comment il a eu accès à la boîte noire de l'avion. Ce qui est certain c'est qu'il a des relations anciennes et qu'il a été dûment mandaté pour la famille pour procéder à une enquête. Mais le commandant BARRIL ne peut plus faire d'enquête car il n'est plus en charge.
Q. : Pensez-vous que l'avion du Président aurait pu être abattu par des Français ?
R. : Bien sûr que non, et on s'est tous exprimé là-dessus, et moi le premier très tôt après que sur votre antenne on est avancé cette information. Depuis, vous aurez remarqué que le Soir a mis un bémol à toutes ces déclarations. Ce que je voudrais dire au commandant BARRIL, puisque je m'exprime en tant qu'ancien officier de gendarmerie, c'est que le Secrétariat des Nations unies a demandé qu’une enquête internationale soit diligentée. Dans ce cas, s'il a des pièces à verser au dossier et s'il a une boîte noire il sait très bien ce qu'il doit faire. Il doit remettre cela aux enquêteurs qui sont chargés de faire toute la lumière sur cette affaire. Si j'observe bien la partie que j'ai vu hier sur TF1, il ne s'agit pas de boîte noire. C'est un coupleur d'antennes, parce que la boîte noire est orange quand elle est placée sur les Falcons 50. Je suis rentré avec un Falcon 50 de Libreville et j'ai demandé au commandant de bord s'il y avait une boîte noire et il y en avait pas.
Q. : Pourquoi BARRIL dit cela ?
R. : Parce que peut-être il est allé un peu vite. D'ailleurs dans ces dernières déclarations, il a été plus prudent.
Q. : Considérez-vous que la part humanitaire de l'opération Turquoise est jusqu'à présent une réussite ?
R. : Tout à fait. Il n'y a qu'à voir comment nous sommes accueillis sur place. C'est une mission délicate. Tout le dispositif est en place, l'humanitaire arrive et l'accueil est favorable. Nous allons pouvoir enfin permettre aux ONG qui sont sur place de travailler et d'acheminer sur des itinéraires sûrs les secours pour les populations.
Q. : Les troupes françaises quitteront-elles le Rwanda fin juillet ?
R. : La directive du Premier ministre est bien que fin juillet les forces de l'ONU prendront le relais des forces françaises.
Q. : Pensez-vous que cela aurait été une bonne idée que B. TAPIE aille au Rwanda ?
R. : Je trouve que l'humanitaire ne peut pas être un alibi pour la politique, et la politique ne peut pas être un alibi pour la combine. Cette affaire, je n'en parlerai pas davantage. Nous, nous faisons des choses sérieuses et c'est la première fois que l'on aurait vu B. TAPIE sur le terrain de l'humanitaire.
Q. : Pensez-vous que la dévaluation du Franc CFA soit une réussite ?
R. : Le cap du risque de troubles semble passé. C'est vrai qu'il fallait prendre cette décision. C'est au moins ce qu'a fait le ministre de la coopération à la demande du chef du gouvernement. On est en période de crise, on est en période de cohabitation, et il n'y avait de surcroît plus d'aides internationales dans aucun pays d'Afrique. Nous étions les seuls à aider les Africains sans avoir les moyens d'aller plus loin. Il fallait donc renouer avec la communauté internationale, il fallait dévaluer et nous l'avons fait. 45 milliards de dollars et 50 milliards de francs, cette bonne bouffée d'oxygène pour l'Afrique qui avait fait des efforts et qui est dans la bonne voie.