Texte intégral
France 2 le jeudi 20 août 1998
France 2 : Rentrée politique hier matin et rentrée scolaire dans quelques jours pour les élèves qui commencent un peu plus tôt. Qu’est-ce que vous avez comme dossiers prioritaires dans votre cartable ?
Ségolène Royal : « Les dossiers prioritaires, ce sont la lutte contre l'exclusion scolaire et contre les inégalités scolaires. Cela appelle deux types d'action. D'abord, je vais surveiller très attentivement l'application des mesures que j'ai déjà prises au cours de l'année passée. Par exemple, la mise en place de bourses des collèges pour que les enfants puissent tous bien manger à la cantine. Par exemple, la santé scolaire il y aura la création d'un certain nombre d'emplois d'infirmières scolaires, avec un renforcement... »
France 2 : Vous avez une idée précise ?
Ségolène Royal : « On est encore au moment du débat budgétaire. Toutes les mesures, aussi, de relance des zones d'éducation prioritaires. Et, j'entends relancer dès cette rentrée scolaire le développement et la revitalisation de l'école rurale qui souffre aussi d’un certain nombre d'inégalités scolaires. Enfin, le rythme de croisière va être pris pour un certain nombre de mesures qui doivent se solidifier et qui doivent s'étendre dans toutes les écoles. Je pense aux nouvelles relations que l'école doit établir avec les parents. Il y aura donc une Semaine nationale des parents à l'école au mois d'octobre, ou je vais dire aux parents : vous avez besoin de l'école, l’école a besoin de vous. Il est difficile aujourd'hui d'élever des enfants et des adolescents ; et donc tous les adultes doivent aller dans le même sens : se parler, se comprendre pour faire en sorte que les élèves surmontent leurs difficultés et puissent réussir, puissent s'épanouir à l'école, puissent se former en tant que citoyen. »
France 2 : Vous recommencez, comme l’année dernière, la fête pour l’arrivée en maternelle ?
Ségolène Royal : « Bien sûr Je crois que le premier contact avec l'école est un moment un petit peu angoissant pour les parents, pour les élèves aussi, pour les enseignants aussi. Et je pense qu'un moment festif est un message très profond qui a comme signification de dire aux enfants : c'est une chance extraordinaire. Nous avons un système scolaire en France exceptionnel vous savez il y a beaucoup d'enfants dans le monde qui ne vont pas à l’école. Il faut que les élèves le sachent, et que cette chance exceptionnelle doit être vue de façon positive. L'école est là pour former des citoyens. A l'école maternelle il y aura une fête. Mais il y aura aussi de l'éducation civique parce que c'est une des autres de mes priorités, vous le savez. Et dans ce domaine aussi, il faut de la continuité et de la détermination. De nouvelles instructions sont donc en place pour cette rentrée, afin que l’éducation civique prenne place dès l’école maternelle jusqu'au baccalauréat, sur deux idées très simples mais fondamentales : l'apprentissage du respect – le respect de soi, le respect des autres –, et l'apprentissage de la solidarité. Et notamment du respect des élèves qui vont le moins vite, qui sont les moins doués ; ceux-là aussi ont le droit de progresser, et ceux-là méritent plus d'attention que les autres. »
France 2 : On a le sentiment que ce que vous dites ressemble à la petite phrase de morale que l’on avait quand on était petit à l’école. On a le sentiment aussi que sur le contenu, on est en train de revenir sur les méthodes d'apprentissage de la lecture, par exemple, en se disant qu'on n'a peut-être pas utilisé les bonnes méthodes. J'ai vu en librairie qu'on sortait le livre qu'on avait tout petit on apprenait « B » + « A » ça faisait « BA ». Est-ce que vous avez changé les contenus ?
Ségolène Royal : « Oui, je crois que le chantier de la lecture, de la lutte contre l'illettrisme qui a été préparé pendant toute l'année scolaire passée, par le repérage des actions qui réussissent dans les écoles, est un chantier prioritaire. Parce que je n'accepte pas qu'arrivent en sixième 10 à 15 % des élèves – je ne dramatise pas le chiffre, je pense qu'il atteint ce nombre-là – qui ne maîtrisent pas les savoirs de base dans le domaine de l'expression orale, de la lecture et du calcul. Et je crois que ce n'est pas une fatalité, et que nous pouvons repérer les difficultés des élèves dès l’école maternelle. Un enfant qui a des difficultés d'expression orale dès la grande section de maternelle aura des difficultés pour apprendre à lire. Et je souhaite donc que l'école mette en place des actions de soutien individualisé des élèves dès que leurs difficultés sont repérées. C'est pourquoi j'ai rétabli les évaluations annuelles en CE2 et en sixième pour que l'on puisse très clairement identifier les élèves qui ont des difficultés et mettre en place avec eux et avec leurs parents aussi – parce que je crois qu'il ne faut pas disqualifier les parents qui souvent sont eux-mêmes en situation d'échec, et donc les enfants sont en situation d’échec – tous les parents, même ceux qui ne savent pas lire peuvent aider les élèves. Je suis allée dans une école primaire ou toutes les semaines il y a des chantiers de lecture avec les parents, y compris avec les parents non-francophones qui ne savent pas lire, tout simplement parce que la parole d’une maman qui encourage son enfant, qui lui dit que même si, elle, ne sait pas lire, c'est important que, lui, sache lire et ça lui fait plaisir, qui écoute ce que l'enfant lit, je crois que c'est un élément fondamental de progression. Et tous les enfants doivent pouvoir réussir à maîtriser les savoirs de base en arrivant en sixième.
Je pense aussi que pour savoir bien lire, il faut lire beaucoup. Et mon objectif c'est de parvenir à ce que les élèves, dès le cours élémentaire, lisent un livre par semaine. Ça peut paraître beaucoup – ça n'est pas forcément un gros livre – mais je crois que le travail à la maison sous forme de lecture est beaucoup plus profitable. Et là aussi, il peut permettre un dialogue avec les parents, les adultes qui entourent l'enfant, parce que tous les parents – quel que soit leur niveau scolaire – peuvent aider un enfant à lire. Et je veux absolument réussir à ce que notre pays puisse conduire, en sixième et au collège, tous les élèves maîtrisant les savoirs de base, parce que tout simplement si on ne sait pas lire, si on ne sait pas s'exprimer correctement on aura du mal à exercer sa citoyenneté d'adulte. Donc c'est un combat fondamental. »
France 2 : Des questions que se posent toutes les mamans : premièrement, le poids du cartable, deuxièmement les meubles scolaires qui n'ont pas changé depuis un siècle alors que les enfants ont grandi, et puis l'aménagement du temps scolaire. Il y a du nouveau ?
Ségolène Royal : « Le poids des cartables, cela revient tous les ans. J'ai déjà agi l'année dernière. Là aussi, je vais être très vigilante sur l'application de mes instructions. Je demande aux enseignants de veiller aux listes de fournitures, conseiller des cahiers qui sont les moins lourds possibles. J'ai fait un travail avec les éditeurs scolaires : les livres scolaires sont moins lourds cette année pour ceux qui ont la chance d'avoir des livres neufs. J'ai encouragé la construction de casiers à l'école pour que les élèves puissent laisser leur cartable et leurs livres. Et je souhaite, enfin, que dans les emplois du temps – j’espère que les principaux de collège m’écoutent – les élèves changent de classe le moins souvent possible, et que ce soit les enseignants qui aient la gentillesse de changer de classe lorsque cela est possible. »
RTL le vendredi 21 août 1998
Richard Arzt : Une caractéristique du système scolaire, ce sont les expérimentations éducatives ; vous les observez ; dans certains cas, vous les généralisez. Par exemple, pour la rentrée elle-même, elle est fixée au 3 septembre, mais il y a des élèves qui rentrent dès lundi prochain, le 24 août.
Ségolène Royal : « Oui, en effet. Cette diversité d'ailleurs fait partie de la richesse du système scolaire, en ce qui concerne en particulier l'école primaire, puisque dans l'école primaire, ce sont les inspecteurs académiques, c'est-à-dire au niveau des départements, que sont fixées les dates d'aménagement des temps scolaires, avec la possibilité en effet de déroger aux règles nationales, aux dates nationales de rentrée scolaire. »
Richard Arzt : Quel est l'avantage ?
Ségolène Royal : « L'avantage, c'est que les partenaires éducatifs sur le plan local que sont les enseignants au premier chef, les directeurs d'école, les parents d'élèves, les élus locaux qui financent les équipements scolaires – ne l'oublions pas –, les collectivités locales, c'est-à-dire tous les Français finalement, peuvent décider dans l’intérêt des élèves d'aménager différemment le temps scolaire. Donc, les écoles qui rentrent plus tôt sont des écoles qui ont mis en place des semaines à 5 matinées avec activités sportives et culturelles l'après-midi, ou des semaines de quatre jours avec – j'y tiens beaucoup – le cinquième jour des activités éducatives et sportives également. Donc, cette liberté d'organisation du temps scolaire permet d'assouplir un certain nombre de règles. Je trouve que c'est très enrichissant pour le système scolaire. »
Richard Arzt : Parmi les initiatives annoncées pour cette année, il y a des enfants de villes vivant dans un environnement social difficile qui vont être accueillis comme internes dans des collèges ruraux.
Ségolène Royal : « Oui. Je crois que ça fait partie – pour recadrer cette action-là qui est en effet très intéressante – d'un souhait de développer l'accueil et l'internat, puisqu'on se rend compte qu'un certain nombre d'élèves, notamment au collège, qui vivent dans des familles socialement défavorisées, de bons élèves peuvent basculer dans l’échec scolaire, alors que ce sont de bons, et même de très bons élèves. »
Richard Arzt : Les enfants à la campagne alors ?
Ségolène Royal : « Il y a plusieurs idées : il y a l'idée de développer des internats sur place, des foyers du collégien, par exemple dans des appartements sociaux ; il y a l'idée en effet de développer des internats, ou d'utiliser des internats ruraux qui ont des places disponibles, puisqu'il y a une baisse de la population dans les collèges ruraux, ce qui permet à la lois de sauver les collèges ruraux, de leur donner une densité en terme de nombre d'élèves, et en même temps, d'offrir à des élèves qui ont besoin de calme, de paix et de sérénité. »
Richard Arzt : Combien d’élèves sont concernés ?
Ségolène Royal : « J'ai lancé un appel à projet ; j'ai reçu une quinzaine de demandes de départements ruraux qui souhaitent accueillir des élèves de quartiers urbains. Je trouve cette action de solidarité ville-campagne tout à fait exceptionnelle et exemplaire. Nous aurons l'occasion d'en reparler. »
Richard Arzt : Le système des bourses : en 1994, il avait été décidé que les allocations seraient versées en une fois aux familles les plus démunies ; là, vous revenez au système antérieur.
Ségolène Royal : « Oui. Le Premier ministre s'était engagé dans sa déclaration de politique générale à faire en sorte que tous les élèves puissent manger à leur faim dans les cantines. En 1994, lorsque M. Balladur a changé ce système de bourse, c'est-à-dire qu'il a supprimé les bourses des collèges pour les transformer en une allocation versée en une seule fois au mois d'août, les familles ont pensé que c'était une allocation nouvelle ; à la fin du premier trimestre en effet, ils n'avaient plus d'argent pour payer les cantines de leurs enfants. Le Premier ministre s'était engagé absolument à rétablir le système antérieur et à l’améliorer ; c'est fait : à cette rentrée, les bourses des collèges vont être à nouveau versées aux collèges qui eux-mêmes le reverseront aux familles, en ayant passé au passage le prix de la cantine des enfants. Nous améliorons en plus le dispositif, puisque les familles pauvres de un enfant étaient écartées de ce dispositif ; nous les réintégrons. Elles ont droit également à cette bourse, ainsi que les élèves de plus de 16 ans encore au collège pour une raison ou pour une autre et qui étaient également exclus de ce dispositif. Le taux également est augmenté, puisque le taux maximal de cette bourse est de 1 800 francs. J'espère ainsi que nous allons répondre à un problème social crucial, qui est que pour bien travailler, il faut d'abord bien manger. »
Richard Arzt : Le système de 1994 était donc complètement négatif ?
Ségolène Royal : « Ah oui ! Quand nous avons fait le fonds social pour les cantines tout de suite après notre élection, pour répondre au moins à l'urgence, plus de 150 000 élèves ont du jour au lendemain pu à nouveau bénéficier des cantines. C'est dire le besoin qui règne en ce domaine. »
Richard Arzt : Autre sujet : qu'est-ce que c'est que SOS-Lecture ?
Ségolène Royal : « SOS-Lecture, ce sont des actions lancées dans certaines écoles que j'ai repérées sur le terrain et que j'ai l'intention de généraliser, en particulier dans les zones d'éducation prioritaires, pour réussir la prévention de l'illettrisme. D'ailleurs, je vais tout à l'heure dans le collège Truffaut de Gonesse qui ouvre sur un plan totalement volontaire, avec des enseignants volontaires, avant la rentrée scolaire, pour remettre à niveau certains élèves sur la lecture, l'expression orale... »
Richard Arzt : On oblige les élèves en question à lire ?
Ségolène Royal : « Non, on n'oblige pas. Les élèves sont demandeurs. Ils sont demandeurs de l’ouverture des collèges, parce que pour certains élèves, les vacances scolaires d’été sont très longues. Ce collège rouvre. Ça se fait aussi dans des écoles primaires, dans d'autres collèges, pour conduire des actions de remise à niveau des élèves, pour qu'ils puissent aborder la rentrée scolaire dans de bonnes conditions. »
Richard Arzt : Vous n'avez pas l'intention d'associer les parents à cet effort de lecture ?
Ségolène Royal : « En effet. Je pense que la réussite de la prévention de l'illettrisme nécessite l'association des parents d'élèves. Dans les écoles qui ont créé des ateliers de lecture, c'est-à-dire qui associent les parents d'élèves à ces ateliers de lecture pour que l’enfant se sente encouragé par l'ensemble des adultes qui l'entourent, les résultats sont également spectaculaires. Je crois qu'aujourd'hui le défi social qui est devant nous et que nous pouvons absolument relever, c'est que tous les élèves arrivent en sixième en sachant correctement lire… »
Richard Arzt : Avec des parents qui sachent lire aussi !
Ségolène Royal : « Même s'ils ne savent pas lire, parce que c'est vrai qu'il y a des parents qui ont été en situation d'échec scolaire… Il y a donc des enfants qui s'autocensurent parce qu'ils ne veulent pas dépasser le niveau scolaire de leurs parents. Donc, si on apprend aux parents qu'ils peuvent jouer un rôle dans la réussite scolaire de leurs parents, même si eux-mêmes ont été en situation de faiblesse scolaire, à ce moment-1à, on aidera tous ensemble les enfants à progresser. C'est d'abord cela, la mission du système scolaire. »
Richard Arzt : Il y avait hier un séminaire gouvernemental avec tous les ministres réunis autour de L. Jospin : peut-on faire la comparaison avec une salle de classe où chaque élève serait interrogé sur ce qu’il prépare ?
Ségolène Royal : « En tout cas, on peut faire la comparaison avec l’évolution de ce qui est souhaité aujourd'hui dans l’école, c'est-à-dire le travail dans le respect mutuel. Je pense que la force du Gouvernement que dirige L. Jospin, c'est le respect de chacun et le souci de l’action collective. C'est ce que nous souhaitons faire aussi dans l’éducation citoyenne à l’école. La comparaison s'arrête là, je crois ! »
Richard Arzt : Le sort de sans-papiers risque-t-il de devenir une forme d'exclusion de plus ?
Ségolène Royal : « Dans ce domaine, le Gouvernement a agi avec humanité et discernement. Mais il faut savoir aujourd'hui que le Gouvernement n'ira pas au-delà, et que ce ne sont pas quelques centaines de personnes qui réclament la régularisation de tous les sans-papiers qui font la politique de la France, même si leurs motivations sont parfaitement respectables. Je vous le dis avec beaucoup de détermination, en observant ce qui se passe dans le système scolaire : la mission intégratrice de l’école ne peut réussir que si nous maîtrisons aussi l'ensemble des flux des enfants qui arrivent dans les écoles. Donc, il faut de la justice, des règles claires, mais un respect de ces règles. Je vous le répète : le Gouvernement n'ira pas au-delà de ce qui a été décidé. »
L’Est Républicain le lundi 24 août 1998
Michel Vagner : Les expériences d’aménagement des rythmes de l’enfant sont nombreuses. Celles de Haute-Saône vous paraissent-elles les mieux adaptées ?
Ségolène Royal : Je n’ai pas de réponse tranchée, ni idéologique sur le sujet. J’ai signé une circulaire interministérielle sur le contrat éducatif local avec Catherine Trautmann, Marie-Georges Buffet et le ministre de la ville pour que l’ensemble des moyens consacrés à l’aménagement des rythmes soit mis en commun au service d’un projet global. On sort pour la première fois d’un conflit qui existait auparavant, en particulier entre les ministères de la jeunesse et des sports et de l’éducation – Guy Drut et François Bayrou – et qui faisait que sur le terrain, les gens ne s’y retrouvaient plus. Les moyens étaient dispersés. Autre mesure qu’attendaient les élus locaux avec beaucoup d’impatience : la possibilité d’utiliser les emplois-jeunes, les aides éducateurs en dehors du temps scolaire.
Michel Vagner : Il n’y aura pas de modèle unique ?
Ségolène Royal : L’école que je visite aujourd’hui pratique la semaine de cinq jours, avec des activités l’après-midi. Je pense que c’est un bon système. Mais je ne suis pas hostile par principe à la semaine de quatre jours, à condition qu’il y ait aussi des activités le mercredi pour les élèves qui le souhaitent.
Michel Vagner : Vous n’êtes pas favorable à un système à l’allemande ?
Ségolène Royal : Ça dépend des endroits. Dans les banlieues où on laisserait les élèves livrés à eux-mêmes à partir de deux heures de l’après-midi, on se rendrait vite compte que ce ne serait pas un progrès éducatif pour eux, mais plutôt une régression. Il n’y a pas de réponse théorique. Je souhaite que la liberté soit laissée aux partenaires locaux – les enseignants, les directeurs d’écoles, les parents, les associations et les élus – pour qu’ils mettent au point un contrat éducatif local qui englobe à la fois le temps scolaire et le temps périscolaire. J’espère que cette nouvelle dynamique permettra d’accélérer toutes les opérations d’aménagements de rythmes scolaires qui, aujourd’hui, stagnent…
Michel Vagner – Sans doute coûtent-elles cher ?
Ségolène Royal – Ça coûte cher parce que les moyens sont dispersés.
Michel Vagner – Comment comptez-vous revitaliser les écoles rurales ?
Ségolène Royal – L'idée, c'est de mettre en place des réseaux, pour apporter une densité pédagogique, d'équipement aux écoles isolées. Il y a l'envie, le besoin et la nécessité de maintenir le service public en milieu rural. Avec les nouvelles technologies, l'outil existe pour mettre en relation les enseignants qui souffrent eux aussi de cet isolement. Peu acceptent d'aller en zone rurale. Pourtant, les enfants qui y vivent ont le droit d'avoir accès à ce qu'il y a de meilleur dans l'éducation. Un autre problème me préoccupe, la sous-scolarisation des enfants en maternelle. Je vais mettre en place des actions expérimentales de maîtres itinérants pour qu'il y ait au moins partiellement une scolarisation spécifique.
Michel Vagner – Une innovation fait déjà couler beaucoup d'encre : l'accueil en internat dans les collèges de campagne d'enfants des villes en difficultés. Qu'en est-il ?
Ségolène Royal – J'ai lancé un appel auprès des départements ruraux. J'ai reçu une quinzaine de candidatures pour des jumelages entre les collèges de banlieues et les collèges ruraux en voie de désertification. L'idée est d'offrir à de bons élèves de milieu urbain une chance de travailler dans le calme bien encadrés, dans la sérénité. C'est une belle action de solidarité. D'un côté, j'accompagne cet effort en donnant des moyens supplémentaires aux collèges, qui trouvent un nouveau potentiel d'élèves et échappent au risque de fermer, de l'autre des élèves qui pourraient basculer dans l'échec scolaire trouvent des conditions de réussite, loin de la pression de la rue ou du quartier. Une quarantaine de collégiens sont concernés pour cette rentrée, mais ça va très vite se démultiplier. Des conseils généraux m'ont même proposé de construire des internats. Il faut l'accord des parents d'élèves du collège, des familles d'accueil pour le mercredi voire le samedi. Il faut que les équipes éducatives soient partantes, que le chef d'établissement soit porteur du projet ; Il faut du tact, étant entendu que le collège d'accueil connaît l'histoire des élèves qui arrivent, leur motivation : ils sont évidemment tous volontaires.
Michel Vagner – Vous souhaitez que les élèves lisent au moins un livre par semaine. Comment allez-vous les convaincre ?
Ségolène Royal – La prévention de l'illettrisme doit être plus accentuée qu'elle ne l'est. Un élève sur deux qui échoue en calcul ne comprend pas l'énoncé. La façon dont on maîtrise les connaissances de base est tout à fait fondamentale pour continuer à progresser. Un élève en situation d'échec devant la lecture devient agressif. L'année dernière j'ai repéré des écoles et des collèges qui avaient progressivement atteint le rythme d'un livre par semaine. Ça peut paraître beaucoup et pourtant ils y parvenaient, les élèves lisaient un peu en classe, chez eux avec les parents. Les livres sont aussi des occasions de dialogue, les enseignants sont de plus en plus surpris de la dégradation chez certains élèves de l'expression orale. Tout est lié.
Michel Vagner – Parler, lire, écrire, compte on en revient aux bases…
Ségolène Royal – Avec des moyens supplémentaires, les nouvelles technologies, les emplois-jeunes et les aides éducateurs. On est dans une société de communication. L'expression orale est un élément d'insertion professionnelle. A la fin du collège, la plupart des élèves n'ont pas eu, ne serait-ce qu'un quart d'heure, un dialogue, de façon confiante avec un adulte. L'école qui a réussi la massification, accueillir tout le monde, doit maintenant s'attacher à la détection et à la prise en charge des difficultés individuelles des élèves.