Texte intégral
Q - « L'opposition est partagée entre les partisans d'une opposition constructive et les tenants d'une opposition plus systématique au Gouvernement. Dans quel sens entendez-vous peser ?
– Il faut inventer un nouveau type d'opposition, moderne, généreuse et constructive. Constructive : l'opposition doit à la fois faire venir à elle la majorité, comme sur les allocations familiales, et savoir reconnaître ce qui, dans l'action gouvernementale, va dans le sens de l'intérêt général. Exemple : la Nouvelle-Calédonie. L'opposition moderne, c'est une opposition collective, une équipe prête à gouverner la France et qui permette à tous ceux qui ont moins de quarante ans de se reconnaître en elle.
Q – L'Alliance est-elle le bon cadre pour cette action collective ?
– L'Alliance peut être le meilleure comme le pire. Il ne faut pas la résumer à un problème de personnes ni à un problème de structures. L'Alliance doit être, avant tout, un projet. Si elle n'est que la juxtaposition de chapelles, nous serons dans l'opposition pour très longtemps, enfermés dans le cercle vicieux de la défiance mutuelle. Il faut créer une dynamique. Celle-ci naîtra par les députés, puis par les militants, enfin par les citoyens.
L'opposition ne doit pas se contenter de réagir à l'actualité gouvernementale, mais proposer, anticiper. Nous devons avoir de vrais débats sur de vrais sujets, plutôt que de nous caricaturer les uns les autres et de nous replier dans nos chapelles. Quel doit être le périmètre de l'État ? Les réformes sociales et sociétales doivent-elles enfin se faire dans le cadre de collectivités décentralisées ? Veut-on une France ouverte, pour tirer profit de la mondialisation, ou préfère-t-on conserver ces "exceptions françaises" qui replient la France sur elle-même ? On doit aborder les sujets thème par thème. L'année 1998-1999 sera historique : débattons de l'Europe politique !
Q – L'Alliance suppose-t-elle une liste commune aux élections européennes de juin 1999 ?
– Il faut souhaiter une liste des "européens de coeur". Il ne faut pas laisser le monopole de l'Europe aux socialistes.
Q – En 1989, les résultats de la liste des "européens de coeur" n'avait pas été à la hauteur de leurs espérances…
– Il y a des moments historiques où les convictions passent avant les considérations de politique politicienne. Regardons ce que nos partenaires de l'opposition proposent, mais sachons rester proches de nos convictions.
Q – Comment aborderez-vous le débat budgétaire ?
– La vraie question est : que fait-on des 55 milliards de francs de recettes supplémentaires ? Au lieu d'abaisser les impôts, le Gouvernement semble vouloir augmenter les dépenses publiques de 1 %. On revient aux erreurs de la période 1988-1990 : on ne diminue pas le déficit, on ne désendette pas le pays, on augmente les dépenses publiques. Or, le rythme de la croissance diminue. La crise asiatique fait planer une incertitude, qui fait courir à l'euro le risque de naître dans une tempête monétaire. Le chômage des jeunes recule, mais le chômage de longue durée persiste. Le Gouvernement devrait être beaucoup plus mesuré dans ses prévisions économiques avant d'augmenter la dépense publique.
Q – Vous voulez réduire les impôts. Lesquels ?
– Faut-il agir d'abord sur la fiscalité directe ou indirecte ? C'est un débat que nous aurons à trancher. À nos yeux, la priorité des priorités, c'est la réduction des charges sociales sur les bas salaires, sous condition de négociations des minima de branche. Il y a un autre débat essentiel : les retraites, Michel Rocard avait fait un "livre blanc". Depuis, à l'exception du Gouvernement Balladur sur les retraites privées, rien ! On en peut pas laisser les Français dans l'expectative. L'allongement de l'espérance de vie, le recul de l'âge d'entrée sur le marché du travail et les départs en retraite de plus en plus tôt font que nous partirons à la retraite avec 30 % de notre dernière feuille de salaire. Il y a un choix économique et politique à faire : sans toucher au système par répartition, il faut ajouter un étage par capitalisation, via les fonds de pension.
Q – Quelles doivent être les relations entre votre "nouveau type d'opposition" et le Président de la République ?
– Nous avons besoin de lui et il a besoin de nous. Il faut organiser la complémentarité de nos fonctions. Nous avons, nous, une force : la liberté de parole ; et nous avons une contrainte : le devoir de nos opposer. Le Président de la République a une force : c'est le Président de tous les français ; une contrainte : il ne peut pas tout dire. Il est, de par la Constitution, le garant du caractère démocratique, laïc et social de notre pays. Il se doit donc de rappeler les principes, ce qu'il a fait avec raison sur la politique familiale. Peut-être aura-t-il l'occasion de les défendre de nouveau, notamment sur les retraites.
Q – Jusqu'où pourrait aller cette défense ?
– Sur les retraites, l'immobilisme du Gouvernement socialiste, son dogmatisme obligeront peut-être le Président de la République à défendre ces principes, à expliquer aux français, à un moment donné, que les grands principes de la Sécurité sociale sont mis en cause par immobilisme.
Q – L'UDF va donner naissance, à l'automne, à un nouveau parti. François Bayrou en brigue la présidence. Envisagez-vous également d'être candidat ?
– François Bayrou a eu raison de donner un coup de pied dans la fourmilière. Il est souhaitable de faire un nouveau parti où un militant égale une voix. Il serait dangereux qu'aujourd'hui toute l'opposition se lance dans une course vers la droite. Ce que nous voulons, c'est une formation de centre-droit, qui permette, comme ailleurs en Europe, que les réalités du marché soient tempérées par un humanisme social.
Q – Vous n'avez pas vraiment répondu…
– Je vous ai dit que François Bayrou avait eu raison !
Q – Charles Millon est toujours membre du groupe UDF-Alliance. Sa présence est-elle compatible avec vos positions sur le Front national ?
– Cela va se régler très vite au prochain bureau du groupe Charles Millon n'est pas venu au groupe depuis que le préside. »