Texte intégral
L'ouverture du ciel européen à la concurrence était prévue pour 1997. C'est une bonne chose pour les usagers, pour les voyageurs. Mais c'est une bonne chose à condition que des compagnies qui, jusqu'à présent, vivaient dans des situations de monopole, aient le temps de s'adapter. Malheureusement, en 1992, le gouvernement socialiste, avec pour ministre M. BIANCO, a accepté que l'on avance la date d'ouverture à la concurrence, et qu'on l'avance jusqu'à 1994. C'est à dire qu'il y a eu un texte ambigu qui, d'une façon assez inconséquente, a été accepté par le gouvernement français de l'époque. C'est un peu comme Blair House, pour les agriculteurs : ça fait partie de l'héritage qu'il faut maintenant gérer avec d'immenses difficultés. Il ne fallait pas accepter l'accord de 1992 et, en toute hypothèse, il fallait déjà amorcer la préparation de nos compagnies, Air France, Air Inter, à l'approche de la concurrence.
Q. : Ce matin, J. CALVET, le PDG de PSA, a estimé que les listes, peut-être comme la vôtre, étaient un peu bancales parce qu'il y avait des pro et des anti-Maastricht.
R. : Justement, elles ne sont pas bancales, elles sont bien équilibrées, elles marchent sur deux jambes. Il y a des listes qui rejouent la bataille de Maastricht. Ce n'est pas du tout notre projet. Nous, nous nous entendons sur ce qu'il convient de faire dans les cinq prochaines années, et nous voulons que notre liste, qui est la liste d'union de toute la majorité – UDF, RPR – soit une liste de rassemblement, où l'on trouve des femmes et des hommes qui ont pu, il y a deux ans, émettre un vote différent dans un référendum. Mais ceux qui votaient non ne voulaient pas la mort de l'Europe, et ceux qui votaient oui étaient bien conscients des imperfections de l'Europe et de la nécessité de la réorienter, de la réformer profondément. L'essentiel, c'est que nous sommes d'accord sur ce qu'il convient de faire durant les cinq années qui viennent au Parlement européen, c'est à dire défendre les intérêts de la France en Europe, et défendre les intérêts de l'Europe dans le monde ; et d'appuyer l'action du gouvernement qui a obtenu beaucoup de choses, de la part de l'Europe, si l'on compare à ce qu'avaient obtenu les gouvernements socialistes précédents.
18 mai 1994
LE FIGARO
Défendre notre industrie aéronautique
La sagesse est d'instaurer un dialogue afin d'éviter une bataille frontale entre l'Europe et les États-Unis.
PAR DOMINIQUE BAUDIS*
Airbus constitue une des réussites les plus visibles et les plus exemplaires de la construction européenne. De 0 % du marché mondial en 1970, l'avion européen est passé à plus de 25 % aujourd'hui.
L'union des forces européennes – industrie, technologie, gouvernements – s'est traduite par une aventure industrielle exceptionnelle, dans laquelle la France a joué un rôle déterminant.
L'industrie aéronautique n'a pu et ne pourra se développer qu'avec un soutien fort des opinions publiques. L'administration américaine le démontre aujourd'hui de façon manifeste :
– en l'espace de deux ans, la NASA a accordé 1 300 millions de dollars à son industrie, augmentant ainsi d'un seul coup ses crédits de 30 % ;
– en février 1994, fait sans précédent, le président Clinton a annoncé lui-même l'achat d'avions de Boeing et de Mc Donnell Douglas par l'Arabie Saoudite, au travers d'un véritable contrat d'État à État, qui constitue une grande première dans l'Histoire du commerce aéronautique et cela, pour un montant de 6 milliards de dollars ;
– dans la négociation aéronautique qui doit débuter le 19 mai au Gatt, avant la mise en place de l'OMC, les Américains ont' annoncé clairement la couleur : ils se satisferont d'un accord, à condition qu'il condamne le système de soutien européen et laisse intacts leurs propres mécanismes.
L'Europe doit pouvoir relever le défi qui lui est lancé. Il lui faut, pour ce faire, avancer résolument dans deux directions.
Les négociations de Genève
Dans la négociation aéronautique de Genève, elle ne doit pas faire preuve de complexes. Aux États-Unis, comme en Europe, le développement d'un avion ne peut se faire qu'avec la participation financière des gouvernements. Le futur Super Concorde, s'il est lancé, coûtera environ 15 milliards de dollars de frais de recherche et de développement. Cet effort ne peut être financé – ni d'un côté de l'Atlantique ni de l'autre – par les seuls marchés de capitaux. Les États devront prendre une part du risque.
Aux États-Unis, le soutien à l'aéronautique prend la forme d'aides indirectes accordées par la NASA et le département de la Défense. En Europe, il se fait essentiellement au travers d'avances remboursables. Il faut qu'à Genève on puisse définir des disciplines équilibrées, applicables aux deux systèmes de soutien, et aisément contrôlables. L'industrie ne peut fonctionner qu'avec des règles équitables, claires et prévisibles.
Dès lors que les États-Unis font pression sur certains pays acheteurs – d'ailleurs probablement en violation de l'article 4 paragraphe 2 du code aéronautique du Tokyo Round – nous devons répondre sans hésiter. Ou bien l'on décide de faire intervenir, de manière coordonnée au niveau politique les gouvernements représentatifs du consortium Airbus (la France, la RFA, la Grande-Bretagne, l'Espagne), ou bien on délègue cette fonction à une Union Européenne dotée d'une véritable politique commerciale extérieure, l'Europe pesant ainsi de tout son poids politique et commercial face aux États-Unis. A moins que la sagesse ne prévale et que, pour éviter une bataille frontale entre les États-Unis et l'Europe et une résurgence du « commerce administré », on instaure un dialogue adulte des deux côtés de l'Atlantique, évitant la montée des protectionnismes et la constitution de chasses gardées.
Et puis, je n'oublie pas la France. Elle doit continuer à aimer et soutenir son industrie aéronautique. Regardons ce qui se passe Outre-Rhin. On assiste à une véritable montée en puissance de cette industrie, fortement encouragée par les pouvoirs publics. Serions-nous incapables de faire aussi bien que nos voisins ? Il faut que nos autorités soutiennent vigoureusement l'industrie aéronautique, au travers d'un accroissement de l'effort de recherche et de développement.
Cette industrie est un des symboles les plus forts de la dynamique européenne. Prenons garde qu'elle ne se banalise et ne s'étiole. Outre les enjeux essentiels du progrès technologique, de l'emploi et du commerce extérieur, c'est, en fin de compte, une part du destin de l'Europe qui est en jeu.
D. B.
*Maire de Toulouse. Tête de liste de l'Union UDF-RPR pour les élections européennes.