Texte intégral
France 2 le mardi 15 septembre
Françoise Laborde : Alors, on va démarrer tout de suite avec une question qui nous intéresse, et nous préoccupe, et vous aussi : c'est l'état de santé de J.-P. Chevènement. Comment va-t-il ?
Georges Sarre : « Son état de santé s'améliore, et je dirai que cette amélioration s'effectue à un rythme meilleur qu'annoncé. »
Françoise Laborde : Vous l'avez - j'imagine - beaucoup vu. Vous le voyez toujours ?
Georges Sarre : « Je l'ai vu régulièrement, le matin, le soir. Aujourd'hui, les visites sont espacées pour la simple raison qu'il faut répondre aux invitations des médecins, il ne faut pas qu'il y ait inflexion. Nous n'allons pas dans sa chambre. Seuls les médecins le font. »
Françoise Laborde : On a été surpris par la rapidité avec laquelle il est sorti du coma. Cela veut dire que c'est encourageant pour la suite ?
Georges Sarre : « Oui, je crois que c'est encourageant. C'est une évolution tout à fait positive et il faut que cela continue. C'est, en tout cas, ce que nous souhaitons tous. »
Françoise Laborde : En tout cas, il manifeste le désir de communiquer. On ne sait pas encore s'il peut parler, puisque...
Georges Sarre : « il ne peut pas s'exprimer, puisqu'il est, hélas, avec un énorme tube dans la bouche. »
Françoise Laborde : Enfin, il manifeste le désir de communiquer ?
Georges Sarre : « Absolument. »
Françoise Laborde : Bon. Vous avez reçu beaucoup de témoignages de sympathie ?
Georges Sarre : « Moi, je connais J.-P. Chevènement depuis longtemps, et nous avons des liens d'amitié. Mais l'affection, que de nombreux Français ont manifestée à l'occasion de cet accident, est tout à fait considérable. On peut même parler d'un phénomène. »
Françoise Laborde : Cela vous a étonné. Vous ne pensiez pas qu'il était aussi populaire ?
Georges Sarre : « Cela m'a étonné. Je le savais populaire. Mais la popularité, et en tout cas la sympathie, la compassion sont partagées dans tous les milieux, que l'on soit dans les milieux populaires, chez les
intellectuels, à gauche, à droite. Partout, les messages affluent et cela continue. »
Françoise Laborde : Justement, un qui a voulu aussi témoigner sa sympathie, c'est C. Pasqua, qui a eu des mots extrêmement chaleureux pour J.-P. Chevènement. J'imagine que cela vous, et que cela lui a fait extrêmement plaisir ?
Georges Sarre : « II me semble que c'est légitime. M. Pasqua, qui était lui-même ministre de l'Intérieur il n'y a pas si longtemps, a tenu à manifester des sentiments et des souhaits de rétablissement, de prompt rétablissement à J.-P. Chevènement, ce qui est bien. »
Françoise Laborde : Ce même jour, ce même C. Pasqua, justement, a pris des positions sur la question européenne - pour en revenir à la politique - qui sont finalement assez proches des vôtres, puisqu'il annonce qu'il va faire une liste pour les élections européennes et il demande un référendum sur Amsterdam. Première question : vous aussi vous allez faire une liste ?
Georges Sarre : « Moi, je trouve bien que M. Pasqua envisage de présenter une liste. Il faut qu'il y ait un vrai débat en France sur la question européenne, car le débat est toujours détourné ou amorti. En tout cas, les problèmes ne sont jamais posés. II faut le faire. Si à droite, il y a plusieurs listes, tant mieux. En ce qui nous concerne, nous recherchons des accords avec nos partenaires de la gauche plurielle. C'est quelque chose qu'il faut essayer de faire. Si nous sommes d'accord sur le fond - parce que c'est cela qui compte - nous pourrons conclure. Si nous ne sommes pas d'accord sur le fond, nous irons au combat, et nous serons dans cette bataille avec d'autres, ou tout seul si cela est nécessaire. »
Françoise Laborde : Vous envisagez donc une liste MDC autonome ?
Georges Sarre : « Si c'était la solution la meilleure pour le débat et pour infirmer nos idées, bien entendu que nous le ferions. »
Françoise Laborde : Sur Maastricht : vous souhaitez quoi ? Un référendum, pas de référendum ?
Georges Sarre : « Maastricht, on y a eu droit déjà. »
Françoise Laborde : Amsterdam !
Georges Sarre : « Amsterdam, c'est la continuation de Maastricht. Et je pense que c'est un traité qui engage l'avenir, et en particulier la souveraineté nationale des Français, dans des secteurs comme celui de l'immigration, du droit d'asile, de la sécurité intérieure, qui ne peuvent pas être délégués, je dirais, sans contrôle démocratique et sans débat. Donc, en effet, nous sommes pour un référendum. Cette décision dépend exclusivement du Président de la République, et moi, je souhaite que le Président de la République applique l'article 89 de notre Constitution et invite les Français à se prononcer. »
Françoise Laborde : S'il n'y a pas de référendum, quelle consigne de vote donnerez-vous en Congrès, c'est-à-dire Assemblée nationale et Sénat ?
Georges Sarre : « Si le Parlement est réuni en Congrès à Versailles, les députés et sénateurs du Mouvement des citoyens voteront contre le traité tel qu'il nous est proposé. »
Françoise Laborde : Alors, aujourd'hui, la place du Mouvement des citoyens dans le Gouvernement n'est pas assurée, car il s'agit de l'intérim pour remplacer J.-P. Chevènement. Est-ce qu'il faut qu'il y ait un ministre MDC dans le gouvernement socialiste ?
Georges Sarre : « D'abord, vous avez noté que le Président de la République, et le Premier ministre ont pris des dispositions durables, qui permettent le fonctionnement de l’État. »
Françoise Laborde : Cela veut dire, à votre avis, qu'il n'y aura pas de remaniement ministériel ?
Georges Sarre : « M. Chevènement est ministre de l'intérieur, M. Queyranne assure l'intérim du ministère de l'Intérieur. La question du remplacement de M. Chevènement ne se pose pas. »
Françoise Laborde : Donc pas de remaniement ministériel.
Georges Sarre : « Ce n'est pas moi qui en décide. »
Françoise Laborde : Mais à votre connaissance.
Georges Sarre : « A ma connaissance, cette question n'est pas à l'ordre du jour. »
Françoise Laborde : Alors, au-delà du drame personnel, est-ce que le Mouvement des citoyens peut continuer à exister sans J. -P. Chevènement ? Est-ce que le Mouvement des citoyens, ce n'est pas d'abord le chevènementisme ?
Georges Sarre : « D'abord, je crois et j'espère que J.-P. Chevènement reprendra sa place parmi nous le plus rapidement possible. En tout cas, c'est ce que nous souhaitons et c'est sans doute ce qu'il va se passer. »
Françoise Laborde : S'il n'a pas envie de refaire de la politique ? Ce qui peut arriver.
Georges Sarre : « En effet, quand on a eu un tel accident, on ne sait pas ce que l'intéressé peut dire et peut faire, mais je ne suis pas pour cette hypothèse-là. Donc, moi, je suis convaincu que le Mouvement des citoyens - et c'est le cas aujourd'hui - travaille autrement que s'il était là, mais nous connaissons quand même le logiciel du Mouvement des citoyens qu'il a contribué à forger, et c'est pourquoi nous faisons face à la situation. il faut que le Mouvement des citoyens se développe. Nous préparons notre congrès, nous nous exprimons, nous sommes présents dans la majorité plurielle et notre ambition est de faire en sorte que toute la gauche, dans toutes ses composantes, redevienne républicaine. »
Françoise Laborde : Une dernière question sur la Mnef, qui embarrasse un peu le parti socialiste ?
Georges Sarre : « Quand nous étions au Parti socialiste, notre courant avait été éliminé de la gestion de la Mnef. Alors, aujourd'hui, il y a un rapport que je n'ai pas lu, il y a plein de rumeurs qui courent. »
Françoise Laborde : Donc il n'y a pas de chevènementistes à la Mnef ?
Georges Sarre : « Il n'y en a pas. »
Françoise Laborde : Très bien. Vous n'aurez pas de souci.
Georges Sarre : « II y en a cependant parmi les étudiants qui sont adhérents à la Mnef. Mais enfin, laissons la justice faire son travail. »
RTL le lundi 21 septembre 1998
Olivier Mazerolle : Vous êtes un très proche ami de J.-P. Chevènement. L. Jospin a pu lui rendre visite à l'hôpital. Cela veut-il dire que son état de santé est en nette amélioration ?
Georges Sarre : « Il faut quand même rappeler que J.-P. Chevènement a reçu un choc terrible au cours de l'anesthésie préopératoire ; qu'il n'a, d'ailleurs, pas été opéré. Deuxièmement : c'est aux médecins, et aux seuls médecins, de dire comment évolue la santé de J.-P. Chevènement. Mais j'ai pris comme une bonne nouvelle, en effet, la visite du Premier ministre auprès de J.-P. Chevènement, parce qu'ils ont pu communiquer. »
Olivier Mazerolle : Il est toujours sous assistance ?
Georges Sarre : « Bien sûr. »
Olivier Mazerolle : Respiratoire et fonctionnelle ?
Georges Sarre : « Bien sûr. »
Olivier Mazerolle : Donc on ne peut pas être sûr qu'il pourra reprendre ses fonctions ?
Georges Sarre : « Je n'ai rien à dire sur ces questions. Attendons. Vous savez, les médecins que j'ai vus, la première fois que je suis allé au Val-de-Grâce, ont tout simplement dit : qu'il faut... que c'est une affaire qui, naturellement, sera longue. »
Olivier Mazerolle : Les parlementaires du Mouvements des citoyens se réunissent cette semaine. Vont-il voter le PACS - le Pacte civil de solidarité ?
Georges Sarre : « Oui, bien sûr, nous voterons. »
Olivier Mazerolle : Vous n'y voyez pas une destruction de la famille, comme l'opposition ?
Georges Sarre : « L'un des nôtres, J.-P. Michel, est le rapporteur de ce texte. Alors, est-ce que le PACS va détruire la famille, va faire sombrer le mariage ? Je vois dans cette affaire, une bataille de retardement tout à fait surprenante et choquante. Où est le problème ? Il s'agit, tout simplement, de permettre à ceux qui s'aiment et qui veulent vivre ensemble de le faire. Ceci, en régularisant les choses, par un contrat qui sera signé ; qui sera délivré en préfecture. Ceci, pour faciliter, tout simplement, la vie ordinaire, quotidienne, des gens. »
Olivier Mazerolle : Mais l'opposition vous dit : ce n'est pas la peine de faire un nouveau contrat, on n'a qu'à aménager le Code fiscal si c'est ça !
Georges Sarre : « Que ne l'ont-ils fait ? Et en même temps, je considère que les propos qui sont tenus, ici et là, relèvent de la provocation, voire du délire. »
Olivier Mazerolle : Vous ne croyez pas, comme le dit l'opposition, que L. Jospin a voulu faire un cadeau à son aile gauche ?
Georges Sarre : « Je ne. vois pas en quoi il y aura un cadeau à l'aile gauche. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi ce texte serait de gauche ou de droite. C'est un texte qui vise à traiter au mieux, une question importante de la société française.
Olivier Mazerolle : J.-P. Michel, justement, votre ami...
Georges Sarre : « Attendez M. Mazerolle ! M. Mazerolle, est-ce que cela existe dans les faits ? Réponse : oui, n'est-ce pas ? Est-ce qu'il n'est pas légitime que le droit, d'une certaine façon, vienne régulariser les choses ? Voilà, c'est tout simple. »
Olivier Mazerolle : Et J.-P. Michel, du Mouvement des citoyens, c'était qu'on aille plus loin ; que ce contrat soit signé en mairie, voire même qu'on parle de mariage, possible...
Georges Sarre : « Non, non. J.-P. Michel n'a jamais parlé de mariage. L'idée de la mairie n'était pas, en soi, quelque chose de bouleversant. Cela se fera en préfecture, et ce sera aussi symbolique, d'une autre façon. »
Olivier Mazerolle : Le mariage entre homosexuels vous seriez contre ?
Georges Sarre : « Totalement contre, oui. »
Olivier Mazerolle : Bien. Il y a une disposition du PACS qui prévoit qu'au bout d'un an, un étranger pourrait obtenir un droit de séjour ou bien une possibilité de naturalisation...
Georges Sarre : « Attendez, il ne faut pas introduire la confusion. Les lois concernant l'immigration ou la naturalisation restent les mêmes. Seulement le PACS permettra, si cela est voté, en effet, de faciliter les choses quand il y a ce contrat qui est fait après passage délivrant... »
Olivier Mazerolle : Et cela n'est pas en contradiction avec la politique d'immigration de J.-P. Chevènement ?
Georges Sarre : « Pas le moins du monde, non. Pas le moins du monde. »
Olivier Mazerolle : Non ? Quand il dit : « qu'il faut admettre au séjour des étrangers, en respectant les capacités de la France à intégrer » ?
Georges Sarre : « Je crois que c'est une forme d'intégration comme une autre. »
Olivier Mazerolle : Le budget : les parlementaires MDC partagent l'avis de D. Strauss-Kahn, qui pense que l'Europe restera à l'écart du plus gros de la tourmente de la crise financière internationale ?
Georges Sarre : « Je suis de ceux qui pensent que, le spectre de la grande crise des années trente, pèse lourdement sur les Bourses. Nous assistons, également, à un ralentissement de l'économie dans un certain nombre de régions, de pays, y compris les USA et la Grande-Bretagne. Et quand le Gouvernement décide un objectif de croissance de 2,7 %, nous disons que cela affirme une volonté et que cela doit servir l'emploi. Autrement dit, pour l'instant, le Gouvernement résiste à la pression de la Banque centrale européenne, et le Gouvernement fait preuve d'une certaine réserve, par rapport au fanatisme financier de la Banque centrale européenne. II y a une heureuse et bonne dose de raison dans les décisions gouvernementales.
Ce que je veux dire, par contre, si vous le permettez, à propos du budget également : c'est que, ce Gouvernement a le grand mérite d'être capable de prendre sur lui et de corriger certaines décisions malheureuses. Je prends un seul exemple : la mise sous condition de ressources des allocations familiales. L'égalité doit être rétablie par la fiscalité. Il était dangereux, je crois, de mélanger des genres. Dans la discussion budgétaire, qui va s'ouvrir, en tant que députés du Mouvement des citoyens, nous souhaitons que le Gouvernement modifie les modalités de la réforme de la taxe professionnelle. C'est une dépense sur cinq ans, lourde, importante, de 63 milliards de francs, qui n'a aucune contrepartie en faveur de l'emploi. Et il nous semble qu'il faut rééquilibrer les choses. J'ajoute d'ailleurs que, cette réforme ne manquera pas de créer des difficultés aux municipalités. »
Olivier Mazerolle : Sur l'Europe, J. -P. Chevènement avait déclaré : « Le traité d'Amsterdam est tellement nul qu'on peut se demander s'il vaut la peine d'être combattu » Alors vous mettez des pouces, c'est fini ?
Georges Sarre : « Non, non. On a mis en exergue une boutade de J.-P. Chevènement. Car le texte de son discours, que j'ai là... »
Olivier Mazerolle : Oui, c'est exact.
Georges Sarre : « ... était très critique, était, sur le fond, d'une dureté exemplaire. Donc, sachez-le - et que les auditrices et les auditeurs en soient bien convaincus -, qu'il s'agisse du passage, des conditions de passage à l'euro, qu'il s'agisse du Pacte de stabilité, ou par exemple, qu'il s'agisse de l'ouverture du capital des entreprises d'armement public, eh bien tout cela ne fait pas notre bonheur. Et nous maintenons notre ligne : il faut réorienter la construction européenne. Pour le traité d'Amsterdam, nous souhaitons un référendum, et nous disons que le Président de la République, dont c'est la responsabilité, doit demander aux Français de décider s'ils veulent déléguer une part importante de leur souveraineté nationale. »
Olivier Mazerolle : Vous parlez comme C. Pasqua. Vous pourriez faire liste commune avec lui ?
Georges Sarre : « Nous sommes pour la convergence de tous les républicains ; nous allons rechercher les convergences de tous les républicains qui sont opposés à Maastricht. »
Olivier Mazerolle : Vous ne dites pas non, hein ?
Georges Sarre : « Attendez, je vais vous répondre. En ce moment, nous avons un groupe de travail, avec le Parti communiste, un groupe de travail avec le Parti socialiste, pas avec C. Pasqua. »
Olivier Mazerolle : Mais vous mangez à tous les râteliers : le Parti communiste, le Parti socialiste?
Georges Sarre : « Vous avez bien entendu ce que nous disons. Oui, en effet, nous recherchons - si c'est possible, sur le fond-, des accords, soit avec le Parti communiste, le Parti socialiste. Mais si nous ne parvenions pas à un accord, eh bien nous nous battrions sous nos propres couleurs. »