Interviews de M. Bernard Tapie, député MRG, à France-Inter le 22 mars 1994, dans "Le Parisien" le 23, à RTL le 24 et RMC le 25, sur les élections cantonales, le contrat d'insertion professionnelle et le débat autour du "SMIC jeunes", son maintien à la présidence de l'OM et sa candidature aux élections européennes et municipales.

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Intervenant(s) : 

Média : France Inter - Le Parisien - RTL - RMC

Texte intégral

France inter : 22 mars 1994

Q. : Comme dans le sport, une élection gagnée sur le papier n'est pas acquise. Seuls deux candidats pourraient se maintenir dans votre canton : le PC et le FN. Le sortant communiste a dit que, finalement, il se retirerait. Les états-majors de gauche vous soutiennent, pour autant que vous renvoyiez l'ascenseur. Reste la candidate du FN, MC. ROUSSEL : d'ici dimanche, qu'avez-vous à craindre et sur quel argument allez-vous travailler ? 

R. : Je vais travailler comme toujours quand on est en face du FN : il faut travailler sur l'essentiel, c'est à dire expliquer que ça n'arrangerait rien. Des gens souffrent déjà, ils se fréquentent et ils ne s'apprécient pas. Ceux d'une cité très importante qui mènent une vie pas drôle et qui, de temps en temps, le fait sentir d'une manière pas acceptable à la population environnante. Or quand il s'agit de mettre la population en sécurité, ce n'est pas par des slogans que l'on y arrive, c'est par de l'action. Donc dans la semaine qui va venir, j'aurai l'occasion d'expliquer sous quels moyens on peut arriver à régler ces problèmes-là.

Q. : Je suppose que vous allez travailler aussi contre l'abstention ? 

R. : Pour tout vous dire, et sans prétention, j'ai surtout besoin de travailler beaucoup sur les cantons environnants, là où j'ai des copains qui sont en situation un peu plus tendue : 44 % contre 20 au premier tour, ça laisse quand même une marge. Je crois qu'il faut que j'investisse beaucoup de mon temps à aider quelques amis en difficulté.

Q. : Concrètement, à part vous, il n'y a qu'un candidat MRG qui ait ses chances, M. DARY ?

R. : Il y a EGLOFF aussi, qui est au deuxième tour. Et à l'heure où l'on se parle, il y a encore trois autres candidats qui sont en situation de se maintenir, la décision n'a pas été prise qu'ils se retirent.

Q. : Êtes-vous prêt à renvoyer l'ascenseur au PS, au PC ? 

R. : J'ai dit très clairement, à l'époque où beaucoup, dans les états-majors de gauche, se posaient la question de la légitimité que j'avais à représenter ce courant de pensée, qu'il fallait en finir avec la politique qui consiste à mettre d'accord les états-majors ou les élus. Je crois qu'il faut essayer de mettre d'accord les électeurs. On a besoin d'avoir la consultation sur le terrain de ce que les gens veulent, peuvent ou sont prêts à accepter dans les désistements que vous appelez républicains. Il ne faut pas faire de systématisme, il faut bien regarder et mesurer quel est l'intérêt des électeurs à faire promouvoir telle candidature plutôt que telle autre, et au détriment de qui. C'est pour ça que ce ne sont pas les discussions dans les partis qui résoudront cette décision et qui nous feront adopter une position : c'est plutôt le pouls des électeurs. 

Q. : Vous avez dit dimanche soir que vous étiez candidat à la mairie de Marseille, mais vous avez tout de suite dit que, si vous l'étiez, ce ne serait pas en fonction de vos chances de gagner, mais en fonction des chances de redresser la ville. Ça fait plusieurs fois que vous dites ça, mais réussir comment ? Politiquement, avec les forces sociales syndicales, ou d'avoir des assurances matérielles ? Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? 

R. : On a une habitude, quand on fait le métier que je faisais jusqu'à présent, c'est de considérer que, lorsque vous êtes désigné responsable d'une compagnie ou d'un club de football, ou même vous, journaliste ; quand on est dans la « société civile », on a l'habitude de considérer que la désignation, et donc la nomination, c'est le début de quelque chose. En politique, pour les avoir fréquentés beaucoup, je ne crache pas dans la soupe, mais, quand on est élu, c'est la fin du processus. Et on prend peu en considération tout ce qui va suivre. Marseille est une ville très difficile, avec des problèmes qui ne sont pas simples à résoudre et que personne ne pourra résoudre avec les seules forces qui se trouvent à l'intérieur de la ville : il faudra faire appel à des énergies et à des moyens extérieurs. Ou bien on les trouve, ou bien ils sont volontaires pour venir, et alors le défi est possible et je serai candidat. Ou je ne les trouve pas, et je ne serai pas candidat parce que je ne réussirai pas, pas plus que ceux qui y sont actuellement. Tant qu'on mettra de la politique classique à la ville de Marseille par rapport aux problèmes qu'elle a, on n'y arrivera pas, pas plus moi que quelqu'un d'autre. Il faudra bien, à un moment donné, trouver les éléments qui déclencheront l'arrivée de ceux qui, pour l'instant, ne sont pas près d'investir dans la ville. Plus de 70 % de l'épargne des Marseillais est investi ailleurs. Ce n'est pas parce que les banquiers ne sont pas contents de Marseille, c'est parce qu'il n'y a pas de gens qui sont actuellement prêts à recevoir cet argent pour le transformer en énergie vitale pour l'emploi. C'est un problème très compliqué et on ne peut pas faire n'importe quoi sous prétexte qu'on est content d'être maire ou d'être député.

Q. : Pendant votre campagne pour les cantonales, vous avez rencontré des jeunes en colère. Quelle explication donnez-vous à la poursuite des manifestations violentes, comme on l'a vu hier à Nantes, à Lyon, alors même que ce que certains appellent le SMIC-jeunes et d'autres le CIP n'a plus de contenu ? 

R. : Vous avez des milliers de gosses qui, actuellement, se suicident par an : c'est vous dire que leur détresse, ce n'est pas du cinéma. Il y en a des centaines qui se suppriment par jour, parce qu'ils considèrent que la vie leur réserve que des ennuis. La jeunesse, elle est en principe consciente que l'avenir lui appartient, elle a envie de tout refaire, on refait le monde ! Ils ne croient plus en rien parce que leur avenir personnel est comprimé entre l'interdit d'être heureux librement – comme on l'a été à leur âge, et vous voyez à quoi je fais allusion –, et l'interdiction d'avoir un espoir professionnel, dans un cas sur deux au moins. Quel que soit le courage, quelle que soit la vitalité qu'ils mettent à apprendre les choses comme on leur demande de le faire, la récompense ne vient pas au bout. C'est terrifiant parce que, quand on était jeune, on nous promettait d'être dans cette situation si on ne faisait pas d'efforts. Alors que là, on leur dit faites des efforts, mais on ne vous garantit rien. A un moment donné, ils nous en veulent et on ne répond pas toujours d'une manière intelligente. Il faut être extrêmement prudent avec eux : c'est une population qui est à fleur de peau, qui est prête à craquer à tout moment pour n'importe quel prétexte. Comme ils ont le sentiment de n'avoir rien à perdre, faisons très attention à ce mouvement des jeunes. Je leur donne vraiment le conseil de résister à l'envie de nous démontrer leur violence. J'ai connu ça au stade Vélodrome ; quand G. DEFERRE m'a confié l'OM, ce n'était pas du tout pour être champion d'Europe, c'est parce que chaque match donnait lieu à des violences comme celle-là. Ma vraie fierté, c'est que maintenant, vous venez au stade six ans après, il n'y a plus une bagarre, et tout se passe bien. Les efforts à faire pour calmer cette jeunesse est une priorité absolue, même si nous, adultes, on ne comprend pas cette violence. Je comprends E. BALLADUR qui doit se dire je ne comprends pas ces excès de violence, le projet qu'on a travaillé et qu'on leur soumet n'est pas si catastrophique que cela. C'est terrible, pour des jeunes qui ont déjà le doute, d'avoir le sentiment qu'on les traite d'une manière un peu désinvolte, en tout cas par le mépris.

Q. : Allez-vous rester président de l'OM ? 

R. : Je resterai tant que j'aurai le devoir de le faire parce que je n'aurai pas trouvé celui qui va donner à ce club la même énergie, et qui procurera les mêmes plaisirs à ceux qui l'aiment bien.

Q. : Malgré les cantonales, avez-vous entendu parler de la condamnation de votre ex-adversaire, C. BEZ ? Un commentaire ? 

R. : Je n'ai pas de commentaire particulier, ça ne m'intéresse pas. Il y a deux hypothèses : ou il s'est enrichi personnellement et tant mieux s'il a été condamné, ou il ne s'est pas enrichi personnellement et c'est triste de condamner quelqu'un. Voilà. Il n'y a que ça qui est condamnable : dans le football, les pratiques administratives judiciaires sont connues, on peut mettre n'importe quel inspecteur sur n'importe quel club, on trouvera à peu près les mêmes problèmes, sauf que dans très peu de clubs, il y a eu enrichissement des dirigeants. Lorsqu'il y a enrichissement, cela veut dire qu'on a mis les mains dans la caisse et ça veut dire qu'il faut payer. Mais je ne dis pas que c'est son cas, je n'en sais rien.


LE PARISIEN : 23 mars 1994

Q. : Que pensez-vous du blocage actuel entre les jeunes et le gouvernement ?

Bernard Tapie : Aujourd'hui, le gouvernement doit comprendre face à la colère des jeunes que le C.I.P. est un mauvais truc. Il faut le retirer. Insister, c'est provoquer. Les lycéens et étudiants n'ont pas besoin qu'on leur envoie les C.R.S. 

Il ne faut pas leur donner 80 % du salaire conventionnel, mais 120 %. Il faut maintenant que la société leur offre plus, pas moins. Mais les adultes et responsables politiques et syndicaux de tout bord doivent également faire très attention. Tous ceux qui les poussent à descendre dans la rue doivent prendre conscience des conséquences gravissimes de leur geste.

Q. : Votre expérience de chef d'entreprise vous conduit-elle à considérer le C.I.P., au moins dans sa mouture initiale, comme un moteur pour la création d'emplois ? 

R. : En aucun cas. Le C.I.P., même dans le projet initial, ne peut inciter la moindre entreprise à embaucher. Toute démarche qui vise à diminuer les salaires ou réduire les charges n'est pas porteuse de création d'emplois. 

Pour les chefs d'entreprise, la situation est claire ou l'on crée des marchés et les embauches suivront, ou il n'y a pas de nouveaux marchés donc pas d'emplois. 

On veut aussi parfois faire croire qu'en travaillant moins on crée des richesses. C'est une illusion. En travaillant moins on crée de la détresse, de l'exclusion… 

Q. : Que pensez-vous de la violence des jeunes ? 

R. : Il ne faut pas faire l'amalgame. Il y a dans tout mouvement une population qui vient se greffer et ne cherche pas la même chose que les autres. La violence c'est un mélange d'énergie et de détresse. On ne la fait pas disparaître, on la canalise. 

Dans mes écoles de vente, je constate que ces jeunes débordent d'énergie et de combativité s'ils se battent pour quelque chose. Je comprends qu'un gosse de vingt ans, inactif depuis deux ou trois ans à un âge où le monde vous appartient, finisse par « péter les plombs ». Ce mouvement, ce n'est pas les instituteurs, ce n'est pas les paysans. Ce sont les jeunes, douze mille d'entre eux se suicident chaque année. Ils n'ont plus peur de la mort, ils n'ont plus peur de rien. La solution, c'est une manif de jeunes, sans syndicats ni partis politiques. Que des gosses dans la rue… et les casseurs n'auraient plus rien à faire là. 


RTL : 24 mars 1994

Q. : La Chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai a infirmé la volonté du juge BEFFY de vous voir quitter la présidence de l'OM le 20 avril prochain. Pour le juge BEFFY, c'est carton jaune ou rouge ?

R. : En football, c'est une faute-1 carton, 2 fautes-2 cartons jaunes donc 1 rouge.

Q. : Donc expulsion ? 

R. : À chaque fois qu'une juridiction différente de son analyse personnelle a été amenée à juger les décisions de BEFFY, à chaque fois elle les a contrariées. Ce qui veut dire que ce sont plusieurs cartons jaunes, depuis le temps, et à part la chancellerie qui continue, aidée par son procureur, à lui donner raison, personne n'est dupe de ce qui se passe à Valenciennes.

Q. : Vous êtes content quand même ! 

R. : Oui, ça me fait plaisir.

Q. : Certains joueurs de l'OM aussi ? 

R. : Oui, on est content.

Q. : Vous allez rester à la tête de l'OM longtemps ? 

R. : Ça ne change rien ; ça fait sept ans, on a sept titres de champion, une Coupe d'Europe, j'ai d'autres objectifs sur Marseille et il faut savoir être sage. On ne peut pas cumuler toutes les activités. Il y a un moment où il faut passer la main. On est entré dans un processus qui doit m'y conduire dans les semaines ou les mois qui viennent.

Q. : Quel est le portrait idéal de votre successeur ? 

R. : Qu'il aime bien ça, qu'il soit proche des joueurs, qu'il ait aussi envie de donner une image festive au football. J'aimerais bien qu'il soit dans la tradition de l'OM, qui est une tradition parfois un peu exubérante, agaçante, mais tellement chaleureuse et passionnée.

Q. : Un président avec des sous aussi… 

R. : Ça vaut mieux.

Q. : Et une solution municipale ou régionale est-elle envisageable ou pas ? 

R. : Non car je crois que ce n'est pas bon. Une des raisons de mon départ obligé, c'est que ça ne peut pas être le club d'un clan, d'un côté de la vie politique. Il faut que ce soit un club de tout le monde. Les politiques ne doivent pas s'inscrire dans un processus irréversible dans le football.

Q. : Il semblerait qu'il y ait un vrai blocage entre le gouvernement et les jeunes à propos du CIP. Que faut-il faire ? 

R. : Le contraire ; pour l'instant, c'est probablement, dans notre société, les jeunes qui sont les plus touchés par cette crise qui dure. Ils n'ont rien connu d'autre, ceux qui ont 16 ans aujourd'hui. Ils n'ont jamais connu la prospérité, la croissance facile. Ils sont très anxieux sur leur avenir car autour d'eux, beaucoup de gens vivent seuls ou ont des problèmes d'argent. Ils sont donc démoralisés. Toutes les mesures qui sont de nature à leur faire comprendre qu'ils ne sont pas tout à fait pris en considération comme les autres sont mauvaises. Sur le plan technique, je crois que personne ne peut contester l'envie du gouvernement – c'est net – d'avoir cherché une solution qui les favorise pour l'engagement d'un emploi. Mais il ne faut pas s'y prendre ainsi. Il faut impérativement leur montrer qu'on est proche d'eux, qu'on a envie de les aider, qu'on est prêt à faire des sacrifices importants, car ils sont notre avenir, notre destin.

Q. : Vous dites : « Il ne faut pas les payer à 80% du salaire conventionnel mais à 120% du salaire conventionnel. »

R. : J'incorpore tout dans le paiement : le fait de les reconnaître, le fait de leur demander leur avis, le fait de faire des études en fonction de ce qu'ils ressentent, de ce qu'ils préfèrent. Il faut les traiter d'une manière nature mais en plus, leur apporter ce qui leur manque aujourd'hui : un objectif, un horizon, un espoir. L'espoir, ce n'est pas dans le salaire, c'est dans la mesure que nous voulions proposer de rendre le chômage des jeunes de moins de 25 ans interdit et illégal. Ça comportait, dans la notion française, la volonté de toute la nation de s'interdire de laisser ces jeunes inactifs. Vous imaginez quand un gosse n'a jamais connu l'activité, qu'il est sorti de l'école, il ne fait rien pendant des années ! C'est un môme qu'on chasse de la société, qui se trouve totalement désengagé d'un processus qui pourtant, normalement, nous amenait nous, les adultes, à leur préparer l'avenir. On n'a pas su le faire. Et aujourd'hui, non seulement on ne se sent pas culpabilisé de ne pas l'avoir fait mais on leur donne l'impression qu'on va les traiter un peu moins que les adultes.

Q. : Des gens de l'actuelle majorité confient, souvent en privé, que finalement si quelqu'un avait fait quelque chose pour la Ville, c'était vous quand vous étiez ministre. 

R. : Je le sais et je suis content que Madame VEIL ait repris presque l'essentiel de mes mesures. Je crois qu'aujourd'hui, à l'inverse, je suis le seul à dire aux jeunes ne vous contentez pas de nous accuser de ne pas vous avoir fait une société faite pour vous. Il faut impérativement, malgré tout, que vous preniez des boulots, que vous soyez actifs, que vous ne vous contentiez pas de faire le constat. De la même manière, je crois que ces manifestations qui dégénèrent, sont très mauvaises pour eux. Il y a différentes manières de canaliser cette volonté de faire des choses et cette volonté d'énergie. Mais en tout cas, pas dans la violence en cassant des magasins. Ils doivent faire une très grande manifestation à Paris ; il faut d'abord qu'ils la fassent sans la récupération des partis politiques qui sont sans arrêt en train d'essayer de tourner autour. Il faut qu'ils fassent la démonstration de leur maturité et de leur capacité à montrer leur colère sans que ça dégénère. C'est à partir de ce moment-là qu'ils seront pris vraiment très au sérieux.

Q. : La mairie c'est l'année prochaine ? 

R. : Vous savez, les emmerdements vont continuer ; je viens de voire encore ce matin, dès qu'un finit, l'autre commence. La mairie, je l'espère. Si les grenades, les Exocet, les Patriot et autres qui passent régulièrement sur moi, j'arrive à passer au travers. Pour l'instant, j'ai réussi et j'espère continuer encore, car je sais que jusqu'à la mairie, jusqu'à cette élection, dites-vous bien que les fusées vont continuer de partir.


RMC : 25 mars 1994

Q. : Bon score aux cantonales dimanche dernier, autorisation judiciaire de rester président de l'OM : deux bonnes nouvelles en trois jours, après tant de déconvenues. Les vents ont tourné en votre faveur ? 

R. : Attendons. Je n'étais pas inquiet quand la mer était démontée. Je ne suis pas pour autant endormi quand le soleil brille. Je suis toujours aux aguets.


Q. : Lorsqu'on est président de l'O.M, député des Bouches-du-Rhône, dirigeant du MRG, pourquoi se présente-t-on à une cantonale ? Ce n'est pas obligatoire ? 

R. : Ce n'est pas compliqué. Ce n'est pas obligatoire, mais c'est beaucoup mieux dans la limite où il fallait impérativement que je me sente directement sur le terrain des problèmes de la ville pour savoir si, après les avoir réglés en partie, je me sentais de taille à les aborder à l'échelle du dessus. Dans ce canton, les problèmes sont assez significatifs et représentatifs des problèmes que connaissent les grandes villes en général, et Marseille en particulier. Les problèmes de chômage, bien sûr, mais aussi les problèmes de sécurité, des problèmes de logement, d'urbanisme, d'esthétique, des problèmes de la vie quotidienne. Ce canton est chargé d'une histoire forte. J'aime bien les choses qui ont une histoire.

Q. : Dans votre esprit, c'est une première marche vers la mairie de Marseille. Alors pourquoi lorsqu'on vous demande si vous serez un jour candidat à la mairie de Marseille répondez-vous comme un normand : « peut-être bien que oui, peut-être bien que non » ? 

R. : Parce que c'est la vérité. Si cela avait lieu demain, je dirais « non » encore maintenant. Il faut être confronté encore une fois. C'est une charge noble, fabuleuse, intéressante, motivante, tout ce qu'on veut, mais ce n'est pas un boulot qu'on fait comme n'importe quel boulot. Il faut être sûr d'avoir les équipes, d'avoir bien compris, que la population l'accepte. Il faut aussi être certain que vous avez la même envie qu'eux de traiter les problèmes de la même manière. Je ne suis pas sûr que certains des sacrifices, certains des efforts qu'il va falloir faire, seront acceptés. J'ai donc besoin de le voir sur une petite population.

Q. : Quand serez-vous fixé sur toutes ces interrogations ? 

R. : Encore ce soir, on a une réunion formidable avec les représentants des différentes associations qui – tous sans exception – sont pleins de bonne volonté, ont des projets en tête, mais d'un autre côté, ils ressentent aussi un peu de désespoir, ils ont un peu le sentiment que rien ne peut changer, que c'est inéluctable. La population méridionale est beaucoup plus performante que toutes les autres du monde. Quand tout va bien, elle se transcende dans la victoire. Elle est créative, imaginative, brillante. Mais elle a le défaut d'être un peu moins performante que les autres dans la défaite. 

Q. : Vous saurez cela d'ici 6 mois ? 

R. : Oui. Il ne faut pas trop vite s'enflammer sur les gens pour les descendre un peu trop vite ensuite.

Q. : Quand vous serez au Conseil général, puisque vous avez toutes les chances d'être élu dimanche prochain… 

R. : On en est à la mi-temps.

Q. : …que ferez-vous au Conseil général. Avez-vous envie d'être président de ce Conseil général ? 

R. : Pas du tout.

Q. : Avez-vous envie d'influer sur le nom du président du Conseil général ? Avez-vous envie que ce soit M. WEYGAND ou quelqu'un d'autre ?

R. : Le problème ne se situe pas là. Cela n'a aucune importance par rapport à la préoccupation que peuvent avoir aujourd'hui les gens qui vont décider dimanche qui devrait être le conseiller général. Par contre, là où votre question est importante, c'est que beaucoup de gens n'ont pas compris la raison pour laquelle j'ai retiré trois de mes candidats qui avaient absolument toutes les chances – pour ne pas dire la certitude – d'être élus et donc de gagner des cantons. Les moyens ne peuvent s'obtenir que dans le contexte d'un schéma politique et d'un projet politique dans lequel on s'intègre. Or, le fait est que le Conseil général est jusqu'à présent géré par une coalition, une relation privilégiée, entre les communistes et les socialistes. Or, si c'était pour y faire la figuration que j'y ai fait au Conseil régional, cela n'avait aucun intérêt. Il fallait donc que je m'inscrive dans un collectif politique, de telle sorte que je dispose – moi et ceux de mes amis qui sont élus – des moyens nécessaires pour pouvoir trouver des solutions aux problèmes.

Q. : Vous pensez donc pouvoir devenir une sorte de fédérateur de la gauche au sens large : socialistes, communistes, et TAPIE ? 

R. : Non. Un des partisans de la rénovation, un des acteurs du travail à faire et un des décideurs des orientations à prendre.

Q. : Cela a beaucoup surpris les gens de voir que les communistes et TAPIE étaient finalement d'assez bons compagnons de route pour ces élections. 

R. : Au niveau d'élections qui décident de personnages de proximité, les idéologies politiques sont moins marquées.

Q. : Mais dans les mêmes élections de proximité on a entendu les communistes dire du mal de TAPIE et TAPIE dire du mal des communistes. L'an dernier par exemple. 

R. : J'ai dit du mal de personnages. Et ces personnages ont dit du mal de moi. Mais pas parce qu'ils étaient communistes. On peut trouver dans les rangs de chaque formation politique des gens qui s'aiment et des gens qui ne s'aiment pas. Mais on n'est pas là pour faire l'amour ensemble. On est là pour gérer ensemble.

Q. : J'ai retenu qu'au Conseil général vous allez avoir une action beaucoup plus structurée qu'au Conseil régional ? 

R. : Si je fais partie de la majorité agissante, j'aurais déjà évidemment plus de moyens et d'autre part je serais dans la mouvance de la majorité et j'aurais donc plus d'influence.

Q. : Au plan national vous appartenez à la gauche ? 

R. : Je crois que cela ne fait pas de doute. Oui. Il n'y a aucun doute là-dessus.

Q. : Vous soutenez les jeunes qui manifestent et manifesteront tout à l'heure à Paris ? 

R. : Il faut qu'ils manifestent, mais il faut qu'ils le fassent de la meilleure manière. En évitant de cohabiter avec des casseurs qui n'ont rien à voir avec eux. D'autre part en étant assez matures et majeurs pour ne pas se faire récupérer par tel ou tel parti ou par tel ou tel syndicat.

Q. : Vous êtes un opposant déterminé au gouvernement BALLADUR ? 

R. : On est dans une mauvaise dynamique. Le fait qu'il représente l'économie, ou en tout cas les défenseurs ou les détenteurs de l'économie, m'a fait croire un moment qu'il y arriverait davantage. En fait, il n'y arrive pas. On ne peut en vouloir à un candidat à la présidentielle de faire de la politique à la SOFRES et à l'IFOP pendant les 3 mois qui précèdent l'élection présidentielle. Ce qui est un peu embêtant, c'est qu'on est là dans un cycle de 18 mois qui précède les présidentielles. La France, en attendant, est en panne. Elle ne fonctionne plus, parce qu'on gère au plus pressé en fonction de cette échéance-là. C'est très embêtant.

Q. : Vous serez tête de liste du MRG pour les européennes en juin ? 

R. : On le dit. Je l'espère. Si les Radicaux me font confiance on mènera la liste aux européennes. 

Q. : Vous aurez donc une casquette de plus ? 

R. : Non. Parce que c'est toujours la même. Vous ne pourrez pas me dire que je suis radical et me dire que je suis encore en casquette…

Q. : Je voulais dire, si vous êtes député européen… 

R. : Mais cela ne fera pas une casquette de plus. Il faudra en retirer une. 

Q. : Que dites-vous lorsqu'on dit "M. TAPIE est très bien, il gagne toutes les élections, simplement il change de circonscription à chaque fois ? 

R. : C'est ridicule. C'est sot. J'étais dans la 6ème circonscription parce que c'était la seule qu'on m'avait donnée. Mais franchement il y avait trois problèmes dans la circonscription. Je les ai réglés. Je n'avais plus grand chose à y faire. Franchement, c'est une circonscription bien servie, largement servie et largement pourvue. Il y a aussi des problèmes, mais ce sont des problèmes qui ne sont pas de la même nature que celle des quartiers Nord. Ce canton-là s'explique par le fait qu'il est très démonstratif, très significatif des concentrés de problèmes que connaît la ville. Il fallait que je passe par cette étape-là. J'aurais à la fois pu, par confort personnel et par manque de risque, ne pas aller affronter le candidat des cantonales. Cela aurait été une bêtise. Quant à la circonscription de Gardanne, c'était une circonscription qui était à coup sûr perdue pour la gauche. Aujourd'hui, tout le monde le reconnaît, il a fallu en gagner une à droite. Je l'ai gagnée et je suis content.