Texte intégral
France 2 : Mardi 6 septembre 1994
Q. : Comment vous situez-vous et quelles sont vos préoccupations cette rentrée politique ?
R. : En tout les cas, résolument dans l'opposition à ce gouvernement qui est en échec sur les questions économiques et sociales et nous nous situons résolument à gauche, au soutien des orientations tracées par le Président de la République et déterminées à proposer aux Français, un projet alternatif crédible pour que la France soit gouvernée à gauche, il ne suffit pas, pour être crédible, de critiquer Messieurs Édouard Balladur et Jacques Chirac et d'ironiser sur leurs divisions qui sont cependant assez comiques.
Q. : On va vous répondre que la croissance repart, qu'Édouard Balladur est au zénith des sondages ?
R. : Le Zénith je me l'explique moins, mais l'échec est complet. La reprise, en France, tarde par rapport à celle de tous nos partenaires, elle est de beaucoup moins grande ampleur. Elle ne produit pratiquement aucun effet sur le chômage, sauf marginal, alors que le chômage des jeunes s'accroît en part relative et le chômage de longue durée s'accroît aussi. Et puis échec budgétaire parce qu'Édouard Balladur s'est présenté pendant très longtemps comme un grand spécialiste de la gestion des finances publiques or le déficit n'est pas réduit et l'endettement public s'est creusé, bien que le gouvernement ait, dans l'intervalle, bradé le patrimoine public, le patrimoine des entreprises nationales, ce qu'il s'apprête à continuer à faire. Donc on est en échec complet, on est divisé et, malgré tout, il faut bien dire que depuis 1993, la gauche n'a pas retrouvé encore sa crédibilité, faute d'avoir élaboré ses projets marqués par des idées de gauche modernes qui manquent à la France.
Q. : Sur le social et l'emploi en particulier, c'est au centre de la rentrée. Que proposez-vous de différent ?
R. : Nous pensons que le chômage est un des aspects symptomatiques de maux plus graves et qu'il faut une politique de gauche à préoccupation sociale dans les domaines de l'aménagement du territoire, de la politique de la ville et de la banlieue, de la lutte de terrain contre toutes les exclusions. Et lutte déterminée contre le chômage. Nos propositions sont connues, nous allons relancer, cet automne, la campagne que nous avions engagée pour les européennes, sur le thème : mise hors la loi du chômage des jeunes de moins de 25 ans. Nous envisageons de reprendre, en la modifiant très sensiblement, la proposition de Philippe Séguin d'une grande consultation nationale sur le thème de l'emploi.
Q. : Allez-vous rechercher une candidature unique avec le PS ?
R. : Nous avons un congrès dans deux mois au cours duquel nous allons privilégier les questions de fond. Pour le reste, les radicaux ne seront pas absents de cette élection et je dis très clairement qu'on pourra compter sur eux si l'on est déterminé à compter avec eux. Les radicaux ne seront pas comptés de manière marginale. Trouver un accord entre des formations politiques de gauche pour présenter un candidat commun ne me paraît pas improbable en l'état actuel des choses.
Q. : Vous ne croyez pas en la candidature unique de Jacques Delors ?
R. : Non, c'est à l'accord entre formations de gauches pour en fournir la base que je ne crois pas parce qu'il y a, au-delà, des échéances législatives éventuellement, municipales très certainement, qui risquent de nous diviser. Chacun devra évaluer sa propre influence. Nous pouvons aussi rechercher avec un candidat, Jacques Delors – il n'est pas seul -, les bases d'une politique commune qui nous conviendrait, lui faire des propositions et le soutenir ensuite. Et puis, si ces démarches n'aboutissent pas, ou devenaient sans objet parce qu'il n'y aurait pas de candidat, les radicaux auraient probablement leur propre candidat.
Q. : Qui pourrait être Bernard Tapie ?
R. : Les instances du MRG auront à décider ces choses-là le moment venu. Mais il ne manque pas d'hommes chez les radicaux. On parle toujours des candidats de la gauche non radicale mais à l'intérieur de la gauche radicale et réformiste et de tous les gens que nous avons rassemblés à l'occasion des élections européennes, il y a beaucoup de candidats virtuels, potentiels, naturels, éventuels.
Q. : Vous préféreriez qu'il soit radical de gauche ?
R. : Je le préférerais. Nous nous attacherons à trouver une solution qui donne à la gauche les meilleures chances de gagner en 1995, car contrairement à certains de nos amis, nous ne préparons pas cette élection pour la perdre.
Q. : Que devient Bernard Tapie, on ne l'entend plus ?
R. : C'est surtout qu'on n'entend plus les médias parler de lui. Quant à lui, il ne dit pas des choses différentes de celles qu'il disait au mois de juin. Mais c'est vrai qu'il a passé un été relativement plus calme. Il s'est reposé de toutes ces querelles et est revenu en pleine forme et prêt à affronter le calendrier politique qui va nous conduire par notre congrès, par une tournée dans toute la France et les actions de fond que j'évoquais, vers l'élection présidentielle.
Q. : Il sera à Ramatuelle ?
R. : Évidemment. Ce sera un grand rendez-vous politique puisque nous fermons le cycle des universités d'été.
Q. : On ne peut pas écarter qu'il sera candidat aux élections présidentielles ?
R. : Pour sa part à Ramatuelle, il va plutôt parler des élections municipales, peut-être à Marseille même.
Q. : Toutes les affaires qu'il a connues ne posent pas de problème au MRG ?
R. : Ces affaires font l'objet d'une exploitation politique, dont j'ai l'intention de continuer à y apporter une réponse politique par un soutien politique et personnel à Bernard Tapie.
France 3 : Dimanche 11 septembre 1994
C. Matausch : Pour que le MRG s'associe aux socialistes pour la nomination d'un candidat à l'élection présidentielle, quelles sont les conditions que vous posez ?
J.-F. Hory. : Ce n'est pas une hypothèse très probable, mais nos conditions seraient d'abord qu'on nous le demande. Il faudrait que l'on ait en commun un vrai projet de gauche, alternatif, crédible, sérieux. Il ne suffit pas d'ironiser sur les divisions de la droite, qui sont réelles, mais il faut avoir un projet de gauche sérieux et moderne. Il faudrait que les influences respectives soient mesurées sur une base partenariale qui ne se fonde pas sur les équilibres anciens. Nous avons une photographie aux Européennes, et bien que les législatives, les municipales prochaines, voient une répartition des forces de gauche sur cette base.
C. Matausch : Le candidat naturel du MRG. Bernard Tapie ne parle que d'élections municipales.
J.-F. Hory. : Pour l'heure, c'est vrai, il y a un réel projet pour cette ville. Vous aurez remarqué que, chaque fois qu'il est candidat à une élection, flottent sur sa tête des difficultés à n'en plus finir. Il a peut-être envie de passer quelques mois au calme. Mon point de vue est que lorsqu'on a fait 12,5 % des voix aux Européennes, on ne s'appartient plus tout à fait. Il me semble qu'il n'y a pas de raisons pour que Bernard Tapie ne soit pas candidat.
J.-M. Lefèvre. : Vous êtes pour un candidat MRG, et lui a l'air plus réticent. C'est une divergence d'analyse ?
J.-F. Hory : Je suis pour que la gauche l'emporte. Le candidat le plus susceptible de le faire ne fait peut-être pas partie de nos rangs. Mais ce n'est pas une divergence d'analyse, mais plutôt de calendrier.
J.-M. Lefèvre : Que pensez-vous de la polémique qui a lieu sur la jeunesse de François Mitterrand ?
J.-F. Hory : Très franchement, je la trouve méchante, sotte, et un peu nauséabonde. François Mitterrand a montré, sous l'occupation, dans la résistance et la lutte contre le nazisme, et aujourd'hui dans la lutte contre l'antisémitisme, qu'il n'était d'aucune complaisance. L'histoire a déjà porté, sur son action, un jugement d'une hauteur éclatante et indiscutée.
J.-M. Lefèvre : Son amitié avec R. Bousquet ?
J.-F. Hory : Compte tenu de ce que je viens de dire sur l'expérience de François Mitterrand, il est mieux à même de juger les personnes avec qui il peut s'entretenir et les conditions dans lesquelles il le fait, que la plupart des gens qui le critiquent. Le comité directeur du MRG qui s'est réuni à Ramatuelle a décidé à l'unanimité une confiance totale à François Mitterrand.
C. Matausch : Votre commentaire aux propos du Premier ministre qui a parlé d'une initiative pour contrer le chômage ?
J.-F. Hory : Le Premier ministre a raison de se préoccuper de la question du chômage, mais je le trouve mal fondé à annoncer ce genre d'initiative. On voit qu'il est en échec total sur cette question : échec économique, budgétaire, social.
J.-M. Lefèvre : Vous contestez le fait que la stabilisation du chômage soit à l'actif du Premier ministre ?
J.-F. Hory : Le chômage est stabilisé, mais à un degré record jamais atteint. Quant à la reprise, elle a une ampleur dans les autres économies occidentales telle que Monsieur Balladur s'épuise comme sœur Anne et, comme elle, ne voit rien venir. Il a consolidé les déficits budgétaires, porté la dette de l'État à un niveau jamais atteint, tout en bradant le patrimoine public. Le chômage, même stabilisé, est marqué par un allongement de la durée du chômage, et des jeunes en particulier. Monsieur Balladur s'en préoccupe sans rien faire. C'est d'ailleurs sa tactique.
J.-M. Lefèvre : Comment alors expliquez sa popularité ?
J.-F. Hory : Il a un don de magicien qui rate les tours. Monsieur « Garsimor » faisait cela à la télévision : il ratait ses tours et il souriait en disant, « j'ai fait ce que j'ai pu », et les gens applaudissent. Monsieur Balladur fait la même chose, et en réalité, il ne fait rien que préparer l'élection présidentielle et tenter de réduire ses divisions avec Jacques Chirac. Il a raison, car dès qu'il fait un peu de marins-pêcheurs, abrogation de la loi Falloux, CIP, cela ne lui réussit pas tellement. Tout dernièrement, il a essayé de se faire passer pour le Président de la République, et il s'est fait taper sur les doigts. Donc, je lui conseille de ne rien faire, car il est inopérant.