Texte intégral
L'éditorial du Président, M. André Rossinot
S'engager pour l'Europe radicale
Derrière l'échéance des élections européennes se dessine aussi un enjeu de société capital pour la France : réussir l'Europe, c'est réussir notre entrée dans le XXIe siècle. Le succès de ce pari ambitieux repose sur une appréciation juste de ce qu'est l'Europe d'aujourd'hui et sur une vision claire de l'Europe que nous voulons construire.
Les adversaires de la construction européenne voudraient faire passer ses partisans pour des irresponsables qui conduisent le peuple français à la catastrophe. Refuser la construction européenne, c'est refuser de comprendre et de défendre la réalité d'une Europe solidaire et démocratique au milieu d'un monde à hauts risques, peu soucieux des droits de l'Homme et du Citoyen. C'est précisément cet espace de démocratie et de solidarité unique au monde que nous voulons préserver.
On rétorquera que les institutions européennes ne sont pas démocratiques ou qu'elles ne le sont pas assez. Or le traité de Maastricht renforce le caractère démocratique des institutions de l'Union, et, parce qu'il prévoit son propre perfectionnement en 1996, il donne à la construction européenne toute la souplesse requise.
De même, l'Union européenne représente la seule solution réaliste pour sauvegarder notre modèle de politique sociale face à la compétition internationale, comme l'a montré la conclusion heureuse des accords du GATT, conduite par le gouvernement.
L'Europe d'aujourd'hui est cependant loin d'être parfaite, et ce n'est pas résoudre les problèmes que de les nier. Une Europe démocratique, c'est d'abord une Europe lisible. C'est pourquoi, il importe de clarifier les compétences afin d'éviter les absurdités : l'échelon européen est sans conteste celui de l'économie, il n'est pas celui de l'éducation, pilier de la cohésion nationale.
Une Europe démocratique, c'est aussi un Parlement aux pouvoirs renforcés et un exécutif à la légitimité accrue, pour faire face aux risques liés notamment à l'élargissement.
C'est précisément parce que le parti radical incarne cet attachement aux valeurs démocratiques et sociales qu'il veut apporter à la construction européenne une contribution décisive.
En exprimant notre souci de pouvoir figurer la laïcité au rang des valeurs fondamentales de l'Union, nous entendons signifier notre attachement au modèle républicain pour fonder la citoyenneté européenne. Car c'est aussi sur le plan des libertés individuelles que se joue l'avenir du projet européen. Face à l'hétérogénéité des cultures religieuses en Europe face aux nouveaux enjeux de société issus des progrès de la science et de la médecine, l'éthique républicaine nous semble la mieux à même de garantir la liberté des citoyens.
Enfin, le Parti Radical, parti du pragmatisme et du dialogue social, est particulièrement attaché à l'Europe de la solidarité. À l'origine des systèmes de solidarité français, il a toujours œuvré pour que soit préservée l'égalité des chances entre tous les citoyens. Convaincus que la solution au problème du chômage passe par un renforcement de l'Europe, les héritiers du solidarisme peuvent là encore contribuer au renforcement de l'Europe sociale.
Le Parti Radical a incontestablement son mot à dire sur l'avenir de la construction européenne. L'Europe des radicaux vaut la peine qu'on s'engage pour elle.
L'Europe des Radicaux
Texte d'orientation adopté en comité exécutif le 10 mars 1994 à Strasbourg
L'ombre portée de Maastricht plane sur l'élection européenne de juin 1994. D'abord parce que l'euro-scepticisme qui avait révélé le débat sur la ratification du traité demeure dans certains secteurs de l'opinion, même si, depuis mars 1993, l'action gouvernementale a commencé à le conjurer. Et surtout parce que le passage de l'intégration économique à l'union politique a transformé en profondeur les dimensions de la construction européenne. Les problèmes de souveraineté posés par la perspective d'une monnaie unique autant que les compétences nouvelles de l'Union en matière de politique extérieure et de sécurité, si limitées soient-elles encore, ont rendu plus sensible cette transformation qualitative.
Dans le même temps l'Europe reste incapable d'aider les peuples de l'ancienne Yougoslavie à retrouver le chemin de la paix. Honte des Européens, cette incapacité souligne, et avec quelle cruauté ! les limites de l'Union. Aux yeux des Radicaux, qui, dès l'origine, ont considéré, la construction européenne comme un acheminement vers l'union politique du continent, les cinq prochaines années seront décisives pour enraciner cette transformation qui dépendra largement de la détermination des élus de 1994. Leur engagement pour une union plus forte, plus cohérente et plus sélective des nations d'Europe leur dictent les priorités suivantes :
1. Faire de l'Union européenne un acteur à part entière de la politique mondiale
La fin de l'histoire n'est pas pour demain. L'effondrement de l'Union soviétique n'a pas supprimé la question de la sécurité européenne, même s'il en a fondamentalement modifié les termes. La notion même de sécurité s'est élargie désormais à la défense des libertés et des droits de l'homme, ainsi qu'à des dimensions économiques et écologiques. Parce qu'elle constitue un pôle d'attraction pour ses voisins de l'Est et du Sud, l'Union européenne devra exercer, dans les années qui viennent, des responsabilités accrues, tant en ce qui concerne l'organisation du continent que pour intervenir dans les grandes instances internationales.
L'indispensable partenariat euro-américain suppose que, d'abord par le biais de l'UEO, l'Union européenne apparaisse comme le pilier européen de l'Alliance atlantique. Ce qui implique un nouveau rapprochement de la France et de l'OTAN, ainsi qu'une présence institutionnelle plus visible de l'Union européenne en tant que telle dans l'UEO, notamment par une association des membres du Parlement européen aux élus nationaux, au sein de l'Assemblée parlementaire de l'UEO.
Mais la crédibilité de l'Union européenne sur la scène mondiale viendra surtout de progrès substantiels de l'Europe de la défense. Qu'il s'agisse de la mise en œuvre d'une politique véritablement commune de l'armement, politique désormais indispensable, comme viennent de le rappeler les travaux du Commissariat général au plan qui montre que notre pays ne peut produire seul les armements nécessaires à la Défense nationale ; des reconversions s'imposent donc, et ce d'autant plus qu'il devient urgent d'affecter de nouveau crédits à la politique sociale, sans accroître le poids des prélèvements obligatoires. Qu'il s'agisse de construire une armée européenne : l'Eurocorps n'en constitue aujourd'hui que l'embryon ; faire passer ses composantes de trois à douze et le transformer progressivement et, pour une part, en force d'intervention rapide, pouvant s'appuyer sur un avion de transport militaire européen, voilà l'objectif à atteindre pour que, quarante ans après l'échec de la CED, la défense européenne retrouve sa place comme dimension de l'union politique. Et pour que l'Europe puisse enfin contribuer à éviter la répétition d'embrasement tragique comme dans l'ancienne Yougoslavie.
2. Achever l'union économique et monétaire
La crise de juillet 1993 a montré la dépendance du système monétaire européen à l'égard des circonstances, de la dépression des économies et de la spéculation. Mais elle a montré surtout, et une fois encore, le rôle de garde-fou joué par le SME ainsi que la résolution des autorités monétaires à éviter le retour aux dévaluations compétitives et leur refus de laisser menacer l'unité du marché intérieur par l'abandon à des politiques de facilité. Cette détermination permet le passage à la seconde phase du programme d'union monétaire avec la création de l'institut monétaire européen et la recherche d'une convergence accrue par un pilotage en commun des économies. Même si les paramètres retenus dans le traité de Maastricht en limitent aujourd'hui la plausibilité, une accélération du processus d'union monétaire pour les pays qui y sont prêts demeure souhaitable afin de pouvoir instituer une union restreinte ayant comme monnaie commune la future monnaie unique. Le rendez-vous de 1996, prévu par le traité, offrira l'occasion d'examiner cette option que le parlement élu en 1994 devrait étudier en liaison avec l'institut monétaire européen. L'écu pourrait également jouer le rôle de monnaie commune de l'Europe centrale et orientale avant même l'achèvement de l'union monétaire et indépendamment des éventuels élargissements. En tout état de cause, la monnaie européenne constitue un élément essentiel d'identité pour que l'Europe passe du stade d'un grand marché commercial à celui d'une véritable puissance.
3. Mobiliser l'Union européenne pour l'emploi
Paix et prospérité ont, dès l'origine, cimenté la construction européenne. Le maintien d'un taux élevé de chômage nourrit aujourd'hui l'eurocepticisme. L'Union européenne doit retrouver la voix de la croissance par des actions volontaristes. C'est à l'échelon de l'Union que doit s'approfondir la réflexion sur l'aménagement du temps de travail, à l'opposé des erreurs des socialistes français, de 1981 comme de 1992. Par-delà les controverses sur son financement, le livre blanc de la commission de Bruxelles indique la voie à suivre, celle d'une mobilisation pour l'emploi qui, dans un cadre compatible avec l'union monétaire, réduise le coût du travail peu qualifié par une fiscalité appropriée et favorable aux petites et moyennes entreprises. Cette action doit se traduire par un vaste plan d'investissements pour les infrastructures de communications afin de faciliter encore davantage les échanges, d'améliorer la compétitivité des entreprises européennes et de réduire les inégalités régionales.
Les radicaux approuvent cette orientation, à trois conditions : quelle s'appuie sur des reconversions telles qu'à chaque dépense nouvelle correspondance des économies et des compensations équivalentes pour ne pas augmenter la somme des prélèvements obligatoires ; qu'elle conduise à une véritable politique d'aménagement du territoire européen donnant une nouvelle chance à la ruralité, dans le cadre des engagements pris lors de la réforme de la politique agricole commune et des négociations du GATT ; et qu'elle aille de pair avec un renforcement de la lutte contre les fraudes et avec une amélioration des méthodes de contrôle de l'utilisation de l'argent public européen, car il n'est pas acceptable que l'Europe demeure suspectée, comme elle l'est aujourd'hui, au motif de détournements publiques, voire privés ; il importe donc d'assurer la pénalisation de ces détournement, d'instituer une inspection des finances de l'Union et d'associer, au sein d'une commission interparlementaire des comptes européens, les parlements nationaux aux actions de contrôle du Parlement européen et de la Cour des Comptes de Luxembourg.
4. Assurer l'approfondissement institutionnel de l'Union parallèlement à son élargissement
Les perspectives d'élargissement de l'Union font peser une hypothèque sur sa nature même, avec le risque d'une dilution en zone de libre-échange, dont certains États membres s'accommoderaient aisément. La notion de « préférence communautaire », qui est au principe même du traité de Rome et qui sous-tend les politiques communes fait parfois l'objet de contestations significatives.
Aujourd'hui encore l'Union apparaît comme un espace plus que comme une puissance. L'adhésion de nouveaux membres risque de la rendre ingouvernable si l'on ne procède pas aussi rapidement que possible à un renforcement institutionnel. Ce renforcement doit porter sur chacun des organes constitutionnels de l'Union. Il s'agit de garantir l'efficacité de l'action du conseil des ministres, par une modification des règles de vote à la majorité qualifiée et par un changement de stature de la présidence, qui doit incarner l'Union encore davantage, notamment pour ce qui est des relations extérieures. Il s'agit aussi d'assurer une plus grande responsabilité politique de la Commission de Bruxelles en distinguant plus clairement ses fonctions d'exécutant des mandats conférés par les autres institutions des initiatives qui lui reviennent en propre. Il s'agit également de conforter le rôle législatif du Parlement européen par une généralisation des procédures de co-décision afin de combler, pour une part, le déficit démocratique dont pâtit encore l'ensemble, comme l'a montré le débat sur la ratification de Maastricht. Il s'agit enfin d'étudier les moyens de confier à des magistratures indépendantes des fonctions exercées aujourd'hui à l'encontre du principe de la séparation des pouvoirs.
Pour faire prévaloir le renforcement, on peut songer à utiliser le veto que constitue le refus de « l'avis conforme » que le Parlement européen doit donner à tout élargissement de l'Union. Le recours à cette forme de dissuasion devra certes se faire avec circonspection, et, au besoin, sous des formes diversifiées selon les candidatures, notamment pour ne pas mettre en cause la solidarité franco-allemande essentielle à l'approfondissement même, mais sa perspective doit apparaître clairement. En tout état de cause, les Radicaux conditionneront leur vote de l'avis conforme à des clarifications essentielles : nécessité d'une pause dans les élargissements, refus de clause d'« opting out », permettant à certains États membres de se soustraire à des domaines de l'acquis communautaire et conduisant à une Europe à la carte, refus de revendications nationales sur le thème du juste retour, adaptation des règles de la majorité qualifiée pour les votes au Conseil afin de limiter les risques de blocage notamment par les petits États.
5. Rendre lisibles les contours de l'Union européenne
La question de l'élargissement pose celle des limites, tant géographiques que juridiques, de l'Union. Limites géographiques : il faut à l'Union européenne des frontières extérieures dont la solidité et la sûreté doivent être assurées par des législations spécifiques. Sa cohésion comme ensemble organisé garantit son poids dans les négociations économiques internationales, on vient de le vérifier avec la conclusion favorable de l'« Uruguay round ». Elle écarte, pour le moment, l'adhésion de pays incontestablement européens et, aujourd'hui incontestablement démocratiques, stimulés dans leur désir de rejoindre l'Union par l'aboutissement des négociations d'élargissement vers l'Europe nordique mais dans le niveau de développement économique et social demeure encore trop homogène à celui de l'Union.
Certains des pays d'Europe centrale, qui ont vocation à rejoindre l'Union, s'y préparent déjà par de louables efforts pour moderniser leur économie et pour rendre leur législation compatible avec les normes européennes. Cette préparation doit leur être facilitée par un accès plus aisé aux marchés européens et par des accords de sécurité allant jusqu'à l'ouverture d'une perspective plus claire d'adhésion à l'Alliance atlantique, en dépit des réticences soviétiques. Mais il ne saurait être question de rêver à une « Grande Europe » au détriment de l'Union européenne ni d'en faire l'alibi des ajournements et des atermoiements. Limites juridiques avec une clarification du principe de subsidiarité entendu d'abord comme principe de proximité et écartant l'éventualité de transférer à un niveau supérieur les actions plus efficacement conduites à l'échelon régional ou local.
Au Parlement européen, lors de scrutins particulièrement significatifs, les Radicaux ont montré leur détermination à respecter ce principe en acceptant le retrait de propositions de directives portant sur des questions assurément mieux traitées à l'échelon local, tel l'exemple canonique des poules pondeuses… La répartition des compétences que suppose la subsidiarité devra trouver une traduction financière avec le remplacement progressif des contributions nationales par une véritable fiscalité européenne afin que les citoyens identifient plus aisément l'affectation et l'utilisation des prélèvements divers qui entament leurs avoirs et leurs revenus.
6. Assurer l'harmonie des identités nationales
La ratification difficile et parfois problématique du traité de Maastricht a rappelé, s'il en était besoin, l'attachement que les peuples portent à leur identité, ainsi que la vitalité du fait national. Les accusations, souvent injustes, de technocraties portées contre la commission et contre les fonctionnaires communautaires (alors même que le traité renforçait le pouvoir des représentants et des élus des États membres) ont montré l'ampleur du problème. Elles ne mettent pas seulement en cause le « déficit démocratique » des institutions et des procédures ; elles traduisent le refus déterminé de voir l'Europe faire table rase des mémoires et des patries.
Même s'il convient d'éviter de réduire l'identité à la seule appartenance nationale, l'Union européenne sera une union des nations d'Europe où elle ne sera pas. Le passage à l'union politique place désormais les questions culturelles au niveau des problèmes économiques. Non pour recréer, sur le plan de l'Union les conditions d'un dirigisme et d'un protectionnisme souvent inefficaces et parfois asphyxiants pour les libertés, mais pour veiller à ce que le développement des échanges ne soit pas ressenti comme une menace pour les cultures minoritaires ni comme un risque d'uniformisation et de nivellement accrus.
Cette inquiétude porte notamment sur les langues nationales. En dépit des charges qui entraînent cette exigence, il importe de maintenir l'usage des diverses langues nationales dans l'actuelle Union.
D'abord parce que le respect de la démocratie suppose que chacun puisse s'adresser aux institutions européennes en utilisant sa propre langue nationale. Ensuite parce que c'est notre intérêt bien compris : la bataille de la francophonie se livrera d'abord en Europe et si le français doit y maintenir son statut de langue de travail, c'est sur la base d'un refus du moule d'une langue unique. Souci du pluralisme qui rejoint l'impérieuse nécessité de moderniser encore davantage l'apprentissage des langues vivantes pour parvenir, à l'issue d'études secondaires normales, à la pratique de deux langues, outre celle de la langue maternelle. La défense et l'illustration de la langue française passent, plus que jamais, par un engagement sans réserve pour le pluralisme et le respect des identités nationales.
7. Inscrire la laïcité au nombre des valeurs fondamentales de l'Union européenne
L'appropriation de l'Europe par un dogme serait funeste à l'Union européenne. Avant d'être un marché commun et un ensemble économique, l'Europe s'est rassemblée sur la base du respect de valeurs communes et partagées au premier rang desquelles figure la liberté.
Encore inachevée, et les Radicaux déplorent l'insuffisante mise en pratique du traité de Schengen et demandent la réalisation rapide de ses conditions d'application, la disparition progressive des frontières intérieures entre les États membres a mis l'accent sur la liberté de circulation. Mais, pour essentielle qu'elle soit, cette dernière ne constitue qu'une composante d'un idéal bien plus vaste et bien plus profond. Son plein exercice suppose que la puissance publique respecte le plus ample espace possible d'autonomie pour chaque individu et assure le pluralisme qui permet à chacun de comparer et de choisir. Capital pour garantir le fonctionnement démocratique des institutions nationales, irréductible à l'esprit d'orthodoxie vers lequel risquent toujours de tendre le socialisme et la démocratie chrétienne, qui ne sauraient prétendre à régir l'Europe par un duopole noir et rose, ce pluralisme a donné au développement de l'Union européenne une dynamique propre : plus que tout autre, le principe de la « reconnaissance mutuelle » a permis des progrès décisifs de la construction européenne, en évitant l'enlisement dans des uniformisations inutiles.
Organisant la coexistence des systèmes et des normes juridiques, il doit désormais s'élargir à l'ensemble des dimensions qui circonscrivent une citoyenneté européenne, qui s'ajoute à la citoyenneté nationale, loin de s'y substituer. Cette extension rend indispensable de délimiter clairement la part des interventions respectives de l'individu et de la collectivité, selon les finalités propres à chaque institution. La laïcité républicaine fourni, à cet égard, le principe de répartition le plus respectueux des libertés individuelles et de la vie privée, le mieux à même de prévenir ou de réduire les éventuels conflits de légitimité. Elle prolonge l'idée de subsidiarité. Sa proclamation comme valeur constituante de l'Union européenne ne mettra pas en cause le rôle, au demeurant variable, des religions dans les différents États membres, mais elle assurera leur coexistence pacifique, et ce faisant les confortera, dans la paix civile, tout en fondant la légitimité d'une action positive de la puissance publique pour garantir la liberté des choix individuels. Elle donnera une assise supplémentaire à cette connaissance et à ce respect des autres dans l'affirmation sereine de l'identité propre de chacun qui doit caractériser une culture étendue aux dimensions de l'Europe. Elle trouvera une traduction concrète dans un développement des échanges éducatifs, tels que l'intégration d'une plus grande mobilité européenne dans les cursus scolaires et universitaires ainsi que la création d'un office européen de la jeunesse et que des formules de « tours d'Europe » des jeunes, notamment dans le cadre d'une rénovation et l'apprentissage proposée par les Radicaux. Il sera de la sorte plus aisée de concilier le patriotisme républicain avec le sentiment d'appartenance à cette communauté plus vaste que constitue l'Union européenne, de faire vivre en chacun l'articulation harmonieuse des citoyennetés nationales avec la citoyenneté européenne définie par un ensemble cohérent de droits et de devoirs ainsi que leur intériorisation respectives, leur « vécu » par le citoyen. Car voici venir enfin en Europe le temps de citoyens. Le temps ou les questions européennes, si complexes soient-elle parfois, ne sauraient demeurer l'apanage ou le monopole d'une caste de techniciens. Le temps ou la construction européenne se trouve installée au centre du débat public. Même si le réalisme conduit à préférer parfois des « petits pas » consistant à d'illusoires « bons en avant », l'Europe mérite plus d'enthousiasme car elle représente aujourd'hui le seul cadre concevable pour tout « grand dessein ». Elle doit constituer l'objectif le plus mobilisateur, puisqu'elle, et elle seule, donne les moyens d'agir à l'échelle du monde, celle-là même où se situent désormais des enjeux essentiels.
Les étapes nouvelles de la construction européenne, les Radicaux attendent, on le voit, bien plus que la création d'un espace et l'avènement d'une puissance. Leur combat, c'est de faire de l'Europe une référence et un exemple en matière de libertés publiques, de tolérance, d'affranchissement et d'épanouissement individuels. Un foyer d'humanisme. Une Europe qui rayonne. Une Europe des lumières.