Interviews de M. Michel Rocard, premier secrétaire du PS, à RTL et France 2 le 25 mai 1994 et dans "Le Journal du Dimanche" le 29, sur la campagne électorale européenne, la relance économique et l'élargissement de la communauté, sur l'impuissance de l'ONU et la nécessité de la levée de l'embargo sur les armes en Bosnie.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : RTL - France 2 - Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Q. : À la une de tous les journaux, la troisième demande de levée de l'immunité parlementaire de B. Tapie. Pensez-vous que ce feuilleton Tapie peut modifier la campagne en cours et votre campagne, notamment ?

R. : Modifier ma campagne à moi, sûrement pas. La campagne en cours, probablement pas. Je ne connais pas les détails juridiques de cette dernière incrimination et je n'ai pas de commentaires à faire.

Q. : C'est un rival ou un concurrent, B. Tapie, pour vous ?

R. : C'est un candidat.

Q. : Quand on parle de complot, vous y croyez ?

R. : Non. Les médias n'ont pas besoin de comploter pour biaiser la vie politique, nous le savons tous. Le regard qu'ils portent dessus la change, ce n'est pas nouveau mais ce n'est pas un complot. C'est plus compliqué, et peut-être plus grave que cela.

Q. : Vous avez déclaré que vous étiez pour la levée de l'embargo des armes aux Bosniaques.

R. : C'est une position qui remonte au 20 avril 1994, et c'est une position collective.

Q. : Ça vous énerve quand on vous dit que vous vous êtes aligné sur B. H. Levy ?

R. : Ça ne m'énerve pas mais ça m'habille en prostitué de la politique et c'est totalement indigne. Parce quand on me dit ça, d'abord, on oublie une information. Premièrement, cette délibération est parfaitement collective, elle engage toute ma liste. Elle fut votée après une très belle, très longue délibération du bureau national des socialistes. Deuxièmement, elle est antérieure à tous ça. Quand on l'oublie, on peut faire n'importe quoi et ça fait partie de ces attitudes à la sortie desquelles, en effet, les responsables politiques français ont perdu de la considération dans l'opinion publique. Mais on peut comprendre.

Q. : Donc, vous avez précédé B. H. Lévy ?

R. : Je ne sais pas à quel moment il a conclu que devant l'impuissance des Nations unies, on était conduit tout droit à lever l'embargo. Mais ce n'est pas mon problème. Je rappelle pour ma part que, bien avant d'en arriver à cette position grave, car c'est une chose très difficile et dangereuse, j'ai à deux reprises, avec B. Kouchner, demandé par écrit que l'on intensifie la menace de frappe aérienne pour que l'ONU fasse pression. Il faut faire ce qu'on avait fait pour Sarajevo pour toute la Bosnie. Il faut le réussir, non seulement à Gorazde, mais encore sur les autres zones de sécurité où l'on se bat toujours. Or il y a une impuissance des Nations unies. Des conversations, des négociations recommencent aujourd'hui : espérons qu'elles vont réussir, mais je ne le crois guère parce que je ne crois pas que la position d'entrée des grandes puissances soit acceptable aux Bosniaques. Et par conséquent, s'il y a de nouveau impuissance des Nations unies, la morale la plus élémentaire implique au moins, si on ne peut pas protéger les Bosniaques, qu'on les laisse se défendre.

Q. : Ne valait-il pas mieux attendre la fin des négociations internationales pour se prononcer en faveur de la levée de l'embargo ?

R. : Attention, je dis bien qu'il faut lever l'embargo si la négociation échoue. Je maintiens que la négociation doit encore avoir sa chance, mais qu'elle ne peut l'avoir que s'il y a une vraie menace de frappe. Deuxièmement, ça fait deux ans que l'on discute à perte de vue, que rien ne se passe et que l'on viole toujours les femmes, qu'on tue des enfants et qu'un crime contre l'humanité se perpètre de jour en jour, de manière rampante. C'est la morale en politique et l'honneur des démocraties qui est en cause dans cette affaire.

Q. : On a quand même l'impression que la Bosnie éclipse un peu tous les problèmes européens. Peut-on savoir, sur le terrain de la campagne européenne, si vous avez l'impression qu'on peut continuer à élargir l'Europe sans changer ses institutions ? À quoi ressemble l'Europe d'aujourd'hui, et à quoi voulez-vous qu'elle ressemble ?

R. : On a besoin de l'Europe. Le monde de demain, et d'ailleurs déjà celui d'aujourd'hui, est un monde de géants. Les Russes sont 180 millions, les Chinois sont 1,2 milliard, les Américains, 240 millions, les Japonais, 120 millions. Nos nations moyennes perdent de leur influence dans le monde et même, de leur autonomie. Ni l'Allemagne, ni la France, ni l'Angleterre, a fortiori les petites nations européennes, ne maîtrisent complètement leurs affaires chez elles. La lutte contre le chômage est à dimension européenne, notre diplomatie porteuse de paix est à dimension au moins européenne comme support. Faire l'Europe, ça veut dire deux choses : lui donner une force politique et une force économique. Nous pensions, quand s'est engagée cette campagne, que c'est surtout sur l'économie et le social qu'il faudrait faire l'Europe, il faut les deux. Et si nous en arrivons à parler de la Bosnie, ce n'est pas, du point de vue de l'Europe, une négation de ce qu'elle est, c'est au contraire, le fait de souligner qu'on a besoin de l'Europe politique aussi, et aussi vite que possible. Venons-en au fonctionnement normal de l'Europe : la pagaille était déjà dedans. Il y a plusieurs années que l'Europe marche mal, et que tout le monde est inquiet.

Q. : Ce n'est pas ce que vous disiez au moment de la campagne de Maastricht.

R. : Vous avez mal écouté. Je pensais qu'il fallait ratifier ce traité, mais que c'était un traité très imparfait. La preuve, c'est que les conditions de construction de l'Europe économique qu'il fixait étaient purement financières. Il n'y avait rien sur la croissance et rien sur l'emploi. Alors personne ne s'y reconnaissait. Moi, j'ai jugé que ce n'était pas une raison de le rejeter car on en avait besoin. La preuve, d'ailleurs : c'est tout de même ce traité-là qui créait l'union politique. Donc il nous donne un outil qui, peut-être demain, permettrait d'être efficace en Bosnie.

Q. : Faut-il une constitution à cette Europe ?

R. : J'y crois de plus en plus. Regardez ce qui se passe. L'Europe est incertaine car elle ne sait pas ce qu'elle veut. Pour la première fois, il y a une chance qu'à douze pays, nous ayons une majorité socialiste, social-démocrate, travailliste, une majorité de gauche au Parlement européen. Ce sera sûr quand les quatre nouveaux arrivants nous rejoindront, puisqu'il s'agit de la Norvège, la Suède, la Finlande, l'Autriche, des pays où la social-démocratie est forte. Ce sont les quatre pays d'Europe où le chômage est le plus faible, où la protection sociale est la meilleure. Quand toute ces volontés seront rassemblées, on y verra plus clair, et il faudra alors fixer les règles du jeu. Une constitution de l'Europe est nécessaire, et ensuite, qu'elle soit opposable à tout nouvel élargissement, qu'on ne rediscute pas les règles du jeu pour chaque nouvel arrivant.

Q. : Pensez-vous que cet élargissement de l'Europe se fait au détriment de son unité ?

R. : Je ne crois pas. L'actuel élargissement peut donner sa chance à l'Europe, tellement ces pays sont engagés sur le plan social, tellement ils donnent la priorité à la lutte contre le chômage et à la défense de leur système de protection sociale. Vous aurez une convergence. On y verra peut-être plus clair que ceux-là. Mais grâce à ceux-là, il nous faut une constitution de l'Europe qui soit lisible, qui soit claire, qui dise à tout le monde ce que l'Europe fait et ne fait pas, et qui commande dedans, tout simplement.

Q. : Votre candidature à l'élection présidentielle de 1995 dépend-elle de votre score de 1994, et jusqu'où pouvez-vous aller dans l'autonomie face à F. Mitterrand ?

R. : En politique, tout dépend de tout. On peut avoir un accident de la route ou un accident électoral. Il reste que ma trajectoire est simple.

Q. : Vous vous fixez une barre ? 17, 18 ?

R. : 51.

Q. : Vous avez dit à l'Evénement du Jeudi que personne ne réussirait à vous abattre. Cela veut-il dire que beaucoup de gens le recherchent ?

R. : Ça veut dire que j'ai une très bonne santé. Et pas mal de continuité.

Q. : Qui vous menace si vous renoncez ? J. Lang ?

R. : De quoi parlez-vous ? Il est sur ma liste.

Q. : À l'intérieur du PS, éventuellement ?

R. : Nous n'avons qu'un adversaire, c'est la droite. Ne parlez pas de la vie publique comme si nous étions des régiments les uns contre les autres, et que dans la grande muette, nous étions voués au silence. Notre honneur est d'être démocrate, de respecter nos propres libertés. Un parti politique est un outil pour organiser la convergence des volontés, sans faire taire les gens. J. Lang a sa manière de penser, c'est néanmoins un très bon candidat, je vous le signale. Et il sera un soutien efficace.

 

Mercredi 25 mai 1994
France 2

Q. : Est-ce que vous regrettez d'être monté dans cette galère (Ndlr : la position de M. Rocard sur la levée de l'embargo des armes en Bosnie)

M. Rocard : Du tout, d'autant que la décision collective des socialistes remonte au 20 avril. Est-ce que vous avez déjà vu quelque part, dans l'histoire, un embargo qui pèse sur les agressés ? Il n'y a pas de précédent ! Tout le monde espère qu'on en sort plutôt par la négociation, mais jamais l'ONU n'a été capable de mettre assez de menace de force derrière cette négociation. Si on ne peut pas protéger les Bosniaques, qu'au moins on les laisse se défendre ! Je souhaite que la négociation en cours aboutisse, mais si elle n'aboutit pas, on ne peut pas laisser continuer le massacre ! On vient de voir des images du Rwanda. Elles sont horribles ! C'est pareil en Bosnie, il faut que cela s'arrête.
Il faut que quelque chose change, et si la négociation n'y suffit pas, il faut que les Bosniaques puissent se défendre.

Q. : Le président de la République n'a pas la même philosophie ? (Question posée après un passage antenne de B. Tapie ; voir passage antenne)

M. Rocard : Une différence d'appréciation sur une situation n'est pas un conflit ; en démocratie, c'est normal. Et surtout, nos responsabilités ne sont pas les mêmes. Il est en charge de l'exécutif. Je conduis une campagne électorale, j'annonce ce que sera mon action dès l'élection au parlement européen ; elle ira dans ce sens. B. Tapie a dit : donner des armes à celui des deux belligérants qui n'en a pas. Il se trouve que c'est l'agressé qui n'en a pas. Où est la morale dans cette affaire ? M. Tapie vient de me le confirmer : nous sommes dans la honte.

Q. : B. Lalonde disait de B. Tapie que c'est un "truand". C'est un truand ou un persécuté ?

M. Rocard : Je n'ai ni compétence, ni suffisamment d'informations pour commenter les derniers épisodes judiciaires. Vous savez ce qui arrive dans cette campagne européenne ?! L'opinion finit par se demander si l'on parle de l'Europe ! Je suis ici pour parler de l'Europe, je voudrais, s'il vous plait, parler de l'Europe.

Q. : J.-P. Chevènement vient de dire que vous étiez un "maastrichtien honteux".

M. Rocard : Il faut bien rire un peu, ou bien il vaut mieux entendre cela que d'être sourd… Le traité de Maastricht est dernière nous. Il n'y a plus lieu d'être pour ou contre, on est dedans ! Il y a des inconvénients que j'ai soulignés au temps de la campagne. Il a des avantages, celui notamment de mettre en place l'union politique européenne qui est l'outil grâce auquel l'Europe pourrait agir sur la Bosnie, alors qu'aujourd'hui, ce sont seulement des nations qui conduisent la politique, et ne la conduisent pas bien. L'enjeu de cette campagne : comment faire rendre à l'Europe de meilleurs services sur le problème essentiel qui est la lutte contre le chômage ? Je n'ai que cette obsession : lutter contre le chômage, et faire que l'Europe remplisse mieux sa tâche à cet égard. J'ai lancé l'idée d'une nouvelle donne européenne. C'était une reprise d'une idée de J. Delors : l'initiative de croissance européenne. Il s'agit de faire émettre par l'Europe, chaque année pendant cinq ans, de grands emprunts. 50 milliards d'écu, cela fait 350 milliards de francs et cela provoque un bon millier de milliards de travaux, grâce au fait que les provinces, les États, les villes peuvent compléter : pour faire tous les TGV qui nous manquent, les infrastructures qui permettront de désenclaver l'Écosse, le Portugal, l'extrême-ouest français, le sud de l'Italie ; pour faire les autoroutes informatiques dont nous avons besoin ; pour reconstruire toutes nos banlieues sinistrées. Cette donne, l'initiative de croissance, ont été enterrées par les gouvernements d'Europe, dont celui de M. Balladur que représente M. Baudis. Voilà une différence nette ! L'Europe est gouvernée par des gens qui ne croient pas que l'Europe a fonction de donner une impulsion économique, de corriger l'impuissance du marché à nous sortir de là.

Q. : Tous les observateurs reconnaissent que vous êtes l'une des rares têtes de liste à parler effectivement des dossiers européens. Comment expliquez-vous que cette campagne patine et que vous restez aux alentours des 17, 18 % ? Est-ce que les Français ont envie qu'on leur parle de l'Europe.

M. Rocard : Je pense que oui, nous allons le voir. La campagne commence. Nos auditoires sont assez bien remplis et nous avons le sentiment d'une perception et d'un intérêt. La campagne officielle n'est même pas commencée.

Q. : Un sondage CSA-Libération indique que 56 % des Français s'interrogent sur la nécessité de s'engager plus avant dans l'édification européenne. Que pouvez-vous leur dire concrètement à tous ces eurosceptiques ?

M. Rocard : Que nous avons besoin de l'Europe, que le monde d'aujourd'hui est déjà, et que le monde de demain sera encore plus, un monde géant. Il y a 1,2 milliard d'habitants en Chine, 180 millions dans la seule Russie, 240 aux Etats-Unis, 120 millions au Japon, 170 millions au Brésil. Nous sommes en train de devenir petit, alors que notre continent, avec sa conception de la liberté, de la démocratie, son niveau de vie, et sa protection sociale, est la meilleure civilisation du monde. Cela mérite d'être défendu, mais aussi d'être exporté. Nous ne le ferons que si nous sommes puissants. Il faut une puissance européenne pour aider à la paix en Bosnie, il nous faut une puissance européenne pour résorber le chômage chez nous.

 

29 mai 1994
LE JOURNAL DU DIMANCHE

Rocard, un marin dans la tempête

"Marin, je suis bon dans les tempêtes", Michel Rocard contre vents et marées ne lâche pas la barre. Il tente de maintenir le cap malgré des sondages peu favorables et il l'affirme au JDD "rien" ne l'empêchera de briguer la présidence de la République.

Q. : La liste "Sarajevo" entre 7 et 12 %, vous entre 14 et 18 %. Ne regrettez-vous pas en allant à la Mutualité d'avoir donné l'impression de courir après ces voix ?

R. : Non ! Le PS a pris des positions claires et nettes, avant qu'il soit question d'une "liste Sarajevo" et donc, indépendamment d'elle. La Bosnie nous tient à cœur, mais d'autres sujets aussi. Ma proposition d'un grand emprunt européen, l'idée que l'Europe se mobilise vraiment contre le chômage, tout cela compte aussi. Et seule la droite gagne à une dispersion des voix.

Au lieu de quoi, on parle de tout autre chose, des sondages qui se sont toujours trompés pour les européennes. On se souvient de Mme Veil partie avec près de 20 % pour atterrir à 8 %. Sur la Bosnie, je rappellerai que dès 1993 beaucoup de socialistes ont manifesté leur colère devant l'impuissance de la communauté internationale. Laurent Fabius l'a fait avec une rigueur et une vigueur extrême. En posant le problème de la légitimité d'un embargo qui ne pesait que sur l'agressé, j'ai moi-même cette année-là, demandé la mise en place d'un tribunal international pour juger les crimes contre l'humanité. L'ONU l'a d'ailleurs installé l'année d'après mais malheureusement, pour le moment, il ne fait rien.

Une défaite grave pour la morale

Le 20 avril dernier, le bureau national du PS a délibéré sur la nécessité, en cas d'échec de la négociation, de respecter au moins le droit des Bosniaques à se défendre, c'est-à-dire de mettre fin à un embargo qui est le premier de l'histoire à s'appliquer, à l'agressé.

Q. : François Mitterrand reconnait que l'argument est "sérieux" mais il craint, avec la levée de l'embargo, l'extension du conflit. N'êtes-vous pas sensible à cette thèse ?

R. : Bien sûr que si ! Je comprends ces arguments et je respecte la position de ceux qui ont une opinion différente de la mienne. Il reste que la demande de levée de l'embargo n'est pas française. Elle a été présentée par le président Izetbegovic en mars 1993. Tout le reste est politique politicienne en France. Il est évident que l'échec des négociations est une défaite grave pour la communauté internationale, pour le droit, pour la morale.

L'exigence de la morale, comme vrai souci de l'avenir de l'Europe, est simple : si nous ne parvenons pas à protéger la Bosnie, nous n'aurons aucun droit à lui interdire de se défendre. La Bosnie continue d'être victime de crimes contre l'humanité. Les Bosniaques veulent défendre leur liberté, leur vie, leur terre. Si rien ne change, ni sur la détermination internationale, ni sur l'embargo, par quel miracle interviendrait demain la solution politique qui n'est pas intervenue hier ? Seule une pression nouvelle et puissante peut favoriser la paix que nous souhaitons tous.

Q. : Vous avez sur votre liste Bernard Kouchner qui avait envisagé une liste Sarajevo. À quoi sert-il, puisque la liste BHL est faite et qu'on lui promet un joli score ?

R. : Justement je conduis la seule liste qui ait une vision globale, qui se préoccupe des Français et de l'Europe, de la Bosnie et du Rwanda. Bernard Kouchner est un homme exceptionnel. Il incarne à mes côtés une expérience et une générosité incomparables.

Q. : Tout de même, êtes-vous déçu que la liste "L'Europe commence à Sarajevo" existe ?

R : Est-ce que je suis déçu qu'il pleuve !

Q. : Sur votre liste, il y a aussi Jack Lang qui n'est pas d'accord avec vous. Ceux qui voteront pour la liste PS voteront-ils pour la levée de l'embargo ou contre ?

R. : La décision du bureau national du PS a été prise pratiquement à l'unanimité. Il se trouve que Jack Lang a des hésitations, c'est son droit. Le sujet est complexe et difficile. Nous ne sommes pas la grande muette !

Q. : On vous reconnaît une compétence économique, mais en matière diplomatique, c'est autre chose. Au moment de l'état de siège en Pologne vous vouliez envoyer des bateaux. N'êtes-vous pas un boutefeu ?

R. : Je préconisais alors d'envoyer des navires militaires français chercher des réfugiés au bord d'une côte le long de laquelle on se battrait. C'était de la part d'un responsable politique la première exigence d'une ingérence humanitaire. Eh bien, on l'a fait dès l'année suivante et bien des fois depuis. Je ne regrette certainement pas d'avoir été un précurseur, même s'il y a toujours quelque risque à avoir raison trop tôt. Quant à être un boutefeu, que l'on se souvienne de mon action en Nouvelle-Calédonie !

Q. : Certains socialistes – des mitterrandistes – vous ont écrit leur désaccord et réclament la réunion d'urgence du conseil national. Que pensez-vous de cette fronde ?

R. : On n'a guère entendu les signataires de cette lettre, présents lors de la discussion sur la Bosnie. Ils n'ont même pas demandé le vote. Ils ne pèsent que 6 % du PS. Ils veulent le vérifier. C'est leur droit. Pourquoi voulez-vous qu'un grand corps vivant fait de 150 000 membres pense à l'unisson. Qu'est-ce que ce stalinisme mental ? Je dirige une formation démocratique et c'est ma fierté. Un parti n'est pas une homogénéisation des pensées et des gens, c'est un outil pour conjuguer des volontés. Le "je ne veux voir qu'une tête", ce n'est pas notre truc ! Quant à ceux qui s'interrogent sur le score de la liste socialiste, ils feraient mieux de travailler au succès plutôt que de spéculer sur l'échec.

Q. : Il y a eu l'effet Tapie, aujourd'hui l'effet Sarajevo, n'avez-vous pas l'impression qu'on cherche à vous affaiblir, s'agit-il d'un complot, mot à la mode ?

R. : Plus on est de fou plus on rit ! Seulement, je ne suis pas persuadé que rire fait l'objet principal de cette campagne. Ce qui m'intéresse, c'est comment faire passer les messages importants. Il y a tout de même des choses à faire ne Europe !

Q. : Vous savez qu'au soir du 12 juin, le résultat de votre liste sera regardé à la loupe… Qu'est-ce qui pourrait vous empêcher d'être candidat à la présidence de la République ?

R. : Rien !