Interview de M. Lucien Rebuffel, président de la CGPME, à RMC le 16 septembre 1994, sur la possibilité pour les PME de réembaucher si la reprise se confirme, la proposition de demander des travaux d'intérêt général aux chômeurs en contrepartie d'allocations chômage, et sur l'opposition de la CGPME à l'augmentation de la taxe professionnelle.

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Q. : Tout le monde parle de reprise et d'amélioration possible sur le fond de l'emploi. S'il y a reprise vous la verrez, s'il y a embauche ça passera par vous. Y-a-t-il reprise ?

R. : Oui, tous les indicateurs économiques sérieux, tous les observateurs économiques sérieux, l'admettent aujourd'hui sans réserve. Maintenant, c'est l'ampleur de la reprise qui est en jeu. Tous les secteurs ne la ressentent pas. Nous parlons à la fois de l'industrie, des commerces, des services, d'une population de 1,5 million de PME, dans lesquelles deux Français sur trois travaillent mais ces deux Français sur trois sentent bien qu'il y a frémissement, une reprise. La question est de savoir si elle sera soutenue longtemps.

Q. : Est-ce que les entreprises vont embaucher, les vôtres ?

R. : C'est le grand problème. Les nôtres, à coup sûr, c'est l'endroit où l'on embauchera d'abord. Les grandes entreprises ne cessent d'avancer des plans de restructuration qui passent naturellement par la désembauche. Je ne jugerais pas cela, une entreprise a une biologie particulière, les grandes ont sans doute raison de le faire, car il faut qu'elles se heurtent à la compétition internationale à armes égales. Nous, c'est vrai, je le reconnais, nous sommes l'espoir suprême des gouvernements successifs. Est-ce que nous le ferons ? Je donnerais déjà comme référence pour répondre positivement, qu'en 86, 87 et 88, quand il y a eu une reprise soutenue, les PME, celles de à 500 salariés, ont créé 1 million d'emplois nouveaux. Je dis donc que si la reprise est certaine, soutenue et un peu longue, nous pouvons créer des emplois nouveaux à condition, naturellement, que la reprise soit au rendez-vous pour longtemps.

Q. : Plusieurs centaines de milliers ?

R. : Certainement, un million, je vous l'ai dit, en trois ans, il y en a peu.

Q. : On parle, pour copier le modèle allemand, de demander des travaux d'intérêt général en contrepartie d'allocations-chômage, une idée du président de l'ANPE. Est-ce une bonne idée ?

R. : J'ai entendu cela, et la réaction négative des syndicats. À première vue, je dirais que ça ne me parait pas choquant. En Italie, pour dire chômeur, on dit « disoccupato », un homme « désoccupé ». On sait que le drame des chômeurs c'est de se lever le matin, de ne rien faire. Il me semble que s'ils pouvaient aller quelque part s'occuper, en compensation de l'allocation qu'ils reçoivent, ils auraient là, au plan moral du moins, une compensation qui ne me paraît pas idiote.

Q. : Le gouvernement a besoin d'argent et pour boucler le budget, N. SARKOZY pense à augmenter le taux de plafonnement de la taxe professionnelle et le faire passer de 3,5 à 4 %. Le CNPF grimpe aux rideaux et y voit une menace à la reprise. C'est votre avis ?

R. : Tout à fait. Je sais que N. SARKOZY a des problèmes budgétaires, que la France entière le sait. Je l'ai vu avant les vacances, il m'avait dit qu'il y aurait un effort à demander aux entreprises. J'imaginais que c'était sur le prix du carburant, des choses de ce genre, mais il m'avait dit que ce serait à compte nul, à savoir comme on dit dans le jargon du gouvernemental, qu'il continuerait d'alléger les charges des entreprises, comme par exemple les cotisations familiales et que donc, ceci compenserait cela. En outre, qu'il n'y aurait pas ce qu'on appelle des augmentations des prélèvements obligatoires. Il faut savoir qu'en Allemagne, les entreprises supportent 10 % de prélèvements obligatoires et en France 17. Il y a un baudet qui est chargé plus que l'autre. Les Français doivent savoir que la taxe professionnelle repose sur les salaires et sur l'investissement. Donc l'augmenter, c'est vraiment à contre-courant de l'intérêt général, de celui des entreprises, et de celui des Français. Car mi frapperait les salaires et l'investissement.

Q. : Si c'est fait quand même ?

R. : On gueulera !