Interview de M. Martin Malvy, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, dans "La Croix" le 7 juillet 1994, sur l'insuffisance du projet de loi d'orientation sur le développement du territoire.

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Q. : Pourquoi le Parti socialiste a-t-il été absent du débat sur l'aménagement du territoire ?

Martin Malvy : Je ne peux pas laisser dire cela. L'aménagement du territoire peut être abordé de deux façons. Avec une loi d'orientation, c'est le choix de Charles Pasqua. On peut aussi le pratiquer par une succession de réformes.

Les lois de décentralisation participaient de l'aménagement du territoire. Des lois difficiles à faire passer si l'on se souvient que l'actuelle majorité s'était alors opposé vent debout.

La loi sur l'administration territoriale de la République, c'était encore de l'aménagement du territoire.

Avec les procédures de péréquation que nous avons fait adopter au profit des départements les plus pauvres, des communes rurales, ou avec la solidarité entre communes urbaines riches et pauvres, nous faisions encore de l'aménagement du territoire.

Q. : Est-ce que le texte du Gouvernement va assez loin ?

J'ai entendu le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire dire qu'il démissionnerait si le texte n'allait pas assez loin. Je ne comprends pas que Charles Pasqua ne l'ait pas fait car ce texte d'orientation va provoquer une formidable déception chez ceux qui ont été associés au débat qui l'a précédé.

On attendait une clarification des compétences entre collectivités locales. Édouard Balladur en avait pris l'engagement devant nous. Il n'y a rien dans le texte gouvernemental qui ne change, par exemple, le besoin des maires de devoir requérir l'approbation de financements multiples d'autres collectivités locales – y compris ceux de l'Europe et de l'État – pour engager des projets.

La réforme de la fiscalité locale, la mise en place de péréquations nouvelles étaient une exigence compte tenu des différents de ressources entre collectivités locales d'un même niveau ; le texte est silencieux et reporte à demain toutes décisions.

Je ne vois pas ce qui dans ce texte est d'ordre législatif, beaucoup de mesures sont d'ordre réglementaire. Ce n'est donc pas un grand document sur l'aménagement du territoire. Les socialistes ne sont pas les seuls à le souligner, dans la majorité des voix nous rejoignent pour le constater.

Q. : Pourquoi le Gouvernement ne tranche-t-il pas dans les compétences entre collectivités locales ?

Le sujet de l'aménagement du territoire est extrêmement complexe, il met en mouvement des intérêts contradictoires. Je n'ai jamais pensé que le Gouvernement trancherait. Mais cette incapacité reporte trop loin les décisions qui s'imposent. Après ce grand déballage national auquel a procédé le Gouvernement, il apparaît évident qu'il jette de la poudre aux yeux : en matière de fermeture de services publics, les procédures existent déjà ; le fonds national de développement du territoire qui est créé n'est qu'un regroupement de fonds existants ; les taxes nouvelles, comme celles sur la production électrique, seront payées par les consommateurs. Le Gouvernement a voulu éviter de créer des divisions supplémentaires au sein des rangs qui le soutiennent et laisse ainsi place à une désillusion collective.