Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
Je vous retrouve aujourd'hui pour un exercice un peu particulier, puisqu'il s'agit du rendez-vous annuel auquel nous convie le chef de l'Inspection Générale des Affaires Sociales, à l'occasion de la présentation du rapport de l'IGAS.
Ce rendez-vous me semble particulièrement important, et c'est la raison pour laquelle j'ai tenu à y être présente. Il témoigne en effet de la capacité d'analyse et de critique, et je dirai même parfois d'auto-critique, dont disposent les administrations sociales. J'apprécie chaque jour combien cette capacité est essentielle, dans un secteur qui se caractérise par la sensibilité de ses missions, l'énormité des masses financières en jeu, et la multitude des acteurs institutionnels. Mais la critique serait vaine si elle n'entraînait pas la correction des carences constatées. L'inspection générale le sait, puisque chacun de ses rapports comporte des propositions opérationnelles.
J'ai voulu pour ma part accentuer cet aspect pratique et concret, en demandant que la commission des suites, présidée par le chef de l'Inspection, se réunisse régulièrement afin de faire le point sur les réformes à envisager, à l'issue des constats faits par les inspecteurs.
Avant de laisser M. Rollet vous présenter plus complètement le rapport de l'année 1993, je souhaite dire quelques mots de l'Inspection Générale, et de la vision que j'en ai en ma qualité de ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, et vous livrer très brièvement certaines des réflexions que m'inspire le rapport de cette année qui porte, je le rappelle au passage sans en tirer argument, sur des enquêtes effectuées pour la plupart avant l'arrivée de l'actuel gouvernement.
L'Inspection Générale des Affaires Sociales n'a plus besoin d'être présentée, et telle ne sera pas ici mon ambition. Sa notoriété est désormais bien assise, après que plusieurs de ses contributions aient été particulièrement remarquées.
Je suis d'ailleurs moi-même souvent sollicitée par des intervenants d'horizon et de milieux divers pour envoyer l'inspection générale, ou, pour m'exprimer comme ils le font la plupart du temps, « l'IGAS », dans tel ou tel organisme ou sur tel sujet. Leurs mobiles sont d'ailleurs variés. Dans leur esprit il s'agit généralement de mieux comprendre une situation compliquée, ou d'aider à la résolution d'une situation de crise. Mais il arrive parfois que certaines actions relèvent en réalité des Préfets ou des services locaux et il m'appartient de veiller, avec mes collègues des autres départements ministériels, et avec son chef de service, à la bonne utilisation des ressources de l'IGAS.
Parallèlement aux contrôles classiques, qui fondent l'origine du corps, les enquêtes de fond occupent une part croissante de l'activité de l'inspection, de même que la participation à des missions dite d'appui, en liaison avec les administrations centrales. Ainsi en a-t-il été récemment pour la formation médicale continue, les expérimentations sur la tarification des établissements de santé, ou la transformation de l'Agence Française de Lutte contre le Sida.
Sa notoriété, l'inspection générale la doit en partie aux difficultés qui traversent son champ de compétence. D'une certaine manière, sa légitimité s'accroît au même rythme que celle des solidarités sociales, au sens large, qu'elle a vocation à examiner dans leur conception et leur mise en œuvre, à critiquer et à conforter, grâce à ses propositions. Mais elle la doit aussi, et je dirai surtout, à la qualité et à la compétence de ses membres et des travaux qu'ils produisent.
Une centaine d'inspecteurs composent l'IGAS. C'est à la fois beaucoup, pour un corps d'inspection, et peu au regard de leur domaine d'investigation.
Ils sont de formations diverses, puisque des élèves de l'École Nationale d'Administration y côtoient des médecins, d'anciens directeurs d'hôpitaux et d'anciens directeurs des services extérieurs de l'État. Je note au passage, comme un signe réconfortant, que les matières sociales, longtemps décriées et tenues pour mineures par les hauts fonctionnaires, peuvent attirer des hommes et des femmes parmi les meilleurs de leur génération puisque l'IGAS se recrute à la sortie de l'ENA au même rang que la direction du Trésor, la direction phare du ministère des Finances. Ceci reste trop ignoré et je tenais à le souligner.
Ce mélange de jeunesse et d'expérience, de bagage théorique et de connaissances pratiques accumulées dans des fonctions élevées, est une des richesses de l'inspection. Je crois savoir également, que ce mélange est à l'origine de l'une des tâches les plus difficiles du chef de service, la constitution d'une mission d'inspection, puisque vous devez à chaque fois, M. Rollet marie le plus justement possible non seulement les compétences de chacun, mais également leurs caractéristiques personnelles propres.
J'ajouterai et ça n'est pas la moindre de ses caractéristiques qu'un des derniers traits de l'IGAS est sa tradition d'indépendance, dans la conduite de ses missions comme dans les rédactions de ses rapports. S'il appartient au pouvoir politique de définir ou d'accepter les missions que conduit l'inspection, celle-ci mène ses travaux comme elle l'entend, dans le respect de sa propre déontologie. C'est à la fois une exigence intellectuelle et morale et un gage d'efficacité.
Cette dernière remarque m'entraîne naturellement à vous parler du rapport annuel pour l'année 1993. Les enquêtes gui y sont rapportées sont certes antérieures à ma prise de fonction, mais certains sujets évoqués ici sont au cœur de mes préoccupations actuelles. C'est le cas par exemple, vous le savez, de la gestion du risque, des restructurations hospitalières et des régimes de retraite supplémentaire.
Je sais bien que vous aurez tendance, vous journalistes, à retenir plutôt les éléments critiques, et je ne saurais vous le reprocher, puisqu'il vous appartient d'informer l'opinion le mieux possible.
Mais c'est bien le rôle de l'inspection de mettre en lumière le cas échéant les dysfonctionnements relevés au cours de ses missions.
Un ancien chef de service de l'inspection générale des finances avait coutume de dire à ses jeunes inspecteurs « il n'y a pas d'organismes contrôlés parfaits, il n'y a que de mauvais inspecteurs ». Je ne sais pas si vous avez repris cette formule à votre compte, M. Rollet, mais elle signifie bien que partout, des choses peuvent être améliorées et donc faire l'objet de critiques. J'observe d'ailleurs que dans certains cas ces critiques ne portent pas sur le fonctionnement des services mais sur la législation qu'ils ont à appliquer.
Cela ne doit pas faire oublier le travail qui est accompli, quotidiennement et à la satisfaction générale, dans cette sphère sanitaire et sociale.
Par exemple, pour les associations, qui sont citées dans le rapport, les remarques sur la faiblesse trop souvent constatée de la démocratie associative ou l'insuffisance de la tutelle nationale et locale sont exactes, nous le savons bien.
Elles ne remettent pourtant pas en cause le rôle essentiel des milliers de petites associations, qui participent en grande partie au maintien de notre cohésion sociale grâce, en particulier, à l'action désintéressée de leurs bénévoles. Je le vois particulièrement pour ce qui concerne les problèmes de la ville.
De même, si la gestion de notre système de sécurité sociale n'est pas exemple de reproche ponctuel, comme d'ailleurs toute grande organisation, il ne faudrait pas que ces reproches masquent les progrès réalisés dans ce domaine et les performances globales des caisses de sécurité sociale.
Je rappelle à cette occasion que les coûts de gestion de la sécurité sociale sont faibles : sur 100 francs de recettes, seuls 4 francs sont réservés aux frais de gestion, ce qui se compare plus qu'avantageusement aux coûts de gestion d'organismes du même genre, assurances publiques ou privées. Je sais que ceci est contraire aux idées reçues, mais les chiffres sont là et s'expliquent d'ailleurs aisément par les économies d'échelle qu'engendre cet énorme système et, bien entendu, par l'absence de frais commerciaux.
Je citerai plus particulièrement deux exemples, évoqués dans le rapport de l'IGAS : si l'accord conclu, du temps de l'ancien gouvernement, en matière de classification des personnels, appelle des critiques, je tiens à saluer l'esprit de responsabilité des partenaires sociaux qui a permis la réforme du régime des retraites complémentaires du personnel de la sécurité sociale, qui était en faillite. Je dois dire que les pouvoirs publics ont largement participé à cet accord, qui à court terme sera coûteux pour le régime général du fait des contributions exigées par l'intégration à l'AGIRC et l'ARRCO.
Deuxième exemple : les URSSAF. Si le rapport met l'accent sur certains aspects perfectibles de la politique de contrôle je me dois de rappeler que globalement le recouvrement des URSSAF est extrêmement performant, tant en termes de taux de recouvrement, 97,7 % des cotisations exigibles sont recouvrées dans l'année, qu'en gestion de trésorerie, ou en coût de fonctionnement : 900 milliards de francs sont recouvrés par de 13 200 agents. Sans vouloir comparer, car leur tâche est très différente et beaucoup plus complexe, je rappelle qu'il y a près de 100 000 agents du fisc.
Enfin, les passages sur les fonctionnaires hospitaliers doivent également être lus en ayant conscience des contraintes lourdes qui pèsent sur eux, et qui rendent l'exercice de leur métier de plus en plus difficile.
Comme ministre, je tiens à affirmer ici la confiance que j'accorde à tous ceux qui agissent dans toute ces structures, pour remplir au mieux leur fonction dans notre société.
Les analyses minutieuses de l'IGAS et ses propositions parfois audacieuses, toujours constructives, sont une contribution à l'exercice de la responsabilité gui est la mienne de préserver, avec et pour l'ensemble de nos concitoyens, les acquis de notre système de soins, de solidarité, et de protection sociale.
Je le pense depuis longtemps, même si, de retour aux affaires, je mesure, disons-le, les risques que représente parfois la liberté de plume et de ton dont sait user l'IGAS, avec discernement et avec mon assentiment. Le rapport annuel pour l'année 1993 me conforte dans cette idée. Je laisse M. Rollet vous en livrer la substance avec ses commentaires éclairés.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie.