Texte intégral
Intervention du ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé (Luxembourg, 9 mai 1994)
Notre réunion est dominée par le statut d'association ouvert aux pays membres du Forum de Consultation, à la suite de l'initiative lancée à Varsovie avec mon collègue allemand.
Cette proposition franco-allemande avait suscité à l'époque, à la session ministérielle de l'UEO de novembre, quelques réserves, voire des appréhensions. Mais une fois le partenariat pour la paix adopté lors du Sommet de l'Alliance en janvier, chacun a compris que ces initiatives étaient complémentaires et allaient dans le même sens. Nous nous sommes montrés à la hauteur des attentes de nos voisins de l'Est, qui vont pouvoir maintenant participer largement aux activités de notre organisation, ce dont nous nous réjouissons. C'est un succès pour l'UEO. Nous allons ainsi :
– disposer d'une enceinte propre aux Européens sur les problèmes de sécurité ;
– ouvrir la possibilité aux nouveaux associés de participer concrètement à des activités ou opérations de l'UEO.
Nous nous réjouissons qu'on en ait profité pour renforcer simultanément le statut des associés alliés, Turquie, Islande et Norvège.
Cette décision se situe dans une perspective d'élargissement de l'Union européenne : notre logique est claire, légitime et parfaitement acceptée par tous. Ce statut contribuera à préparer l'intégration et à resserrer les liens entre l'Union européenne et l'UEO.
Plus généralement, je voudrais insister sur les relations avec l’Union européenne :
Il faut que l'UEO s'affirme davantage comme la composante de défense de l'Union.
L'Union européenne doit saisir plus souvent l'UEO des aspects opérationnels des décisions qu'elle peut être amenée à prendre.
L'UEO doit préparer les échéances de 1996. Pour ce faire, nous devons dans la pratique préserver le noyau dur des États parties au traité de l'UEO. Il est dans l'intérêt de tous, y compris des nouveaux associés qui sont de futurs membres pleins, que soient renforcées l'efficacité et la cohésion de notre organisation.
L'UEO doit encore développer ses capacités opérationnelles. Nous devons réaffirmer notre volonté de mettre en place un système satellitaire européen indépendant, en dépit des contraintes budgétaires qui peuvent peser sur nos États. Mais je tiens à souligner l'importance de cet engagement aux yeux de la France dans la perspective des décisions que nous aurons à prendre en 1995 sur ce programme majeur.
Le mise en place du Corps européen représente un premier pas, qui en appelle d'autres, soit que l'expérience s'élargisse et je me félicite à cet égard de la proposition luxembourgeoise de se joindre au Corps européen, soit que se constituent d'autres unités multinationales. L'idée d'une force aéroterrestre, étudiée par l'Espagne, la France et l'Italie va dans le même sens.
Dans le même esprit, j'attache un grand prix à la réflexion que nous décidons opportunément d'entamer sur la définition d'une politique européenne de défense commune, conformément aux dispositions du traité sur l'Union européenne.
L'UEO, en tant que composante de défense de l'Union européenne, doit apporter sa contribution aux travaux de l'Alliance sur les Groupements de forces interarmées multinationales (GFIM). Conformément à ce que nous avions décidé lors de notre dernière réunion de Luxembourg, le Sommet de l'Alliance a fait sien le principe selon lequel l'UEO doit pouvoir utiliser non seulement les forces et les ressources des Alliés européens, mais aussi des moyens collectifs de l'Alliance, pour des opérations menées en application de la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne.
Les modalités de mise à disposition de l'UEO de ces moyens collectifs de l'Alliance devront naturellement être compatibles avec les structures opérationnelles de l'UEO, de façon à garantir la pleine autonomie de l'organisation, notamment pour le commandement et la planification. L'UEO doit être en mesure d'employer effectivement sous son égide et sous son commandement des capacités militaires de l'OTAN séparables mais non séparées.
Cette question des relations entre l'UEO et l'OTAN doit être abordée sans dogmatisme.
Notre souci doit être l'efficacité, ce qui va se traduire par deux mesures importantes :
L'amélioration du statut de la Turquie, de l'Islande et de la Norvège.
L'instauration rapide de rapports de travail entre les groupes civilo-militaires de l'UEO et de l'OTAN. Notre objectif essentiel est de permettre aux Européens d'apporter leur contribution conjointe concertée aux réflexions de l'Alliance, comme nous l'avons tous décidé à Maastricht.
L'UEO doit enfin continuer à contribuer, pour sa part, au règlement de la crise en ex-Yougoslavie.
Nous ne pouvons accepter l'affirmation, parfois avancée par certains, selon laquelle l'Europe serait morte à Sarajevo. Il y a là un défi que l'Europe doit relever, dans le cadre d'une politique étrangère et de sécurité commune, par l'action de l'Union européenne et de I'UEO.
Forum de consultation de l'UEO
Intervention du ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé (Luxembourg, 9 mai 1994)
L'adoption d'un statut d'association.
À la suite de notre visite à Varsovie en novembre 1993, mon collègue allemand et moi-même avions proposé que l'UEO offre à ses partenaires du Forum de consultation un véritable statut d'association. Lors de la dernière session ministérielle de l'UEO, le 22 novembre à Luxembourg, nous avions invité le Conseil permanent à mener une réflexion sur un statut renforcé pour tous les partenaires du Forum de consultation de l'UEO qui ont déjà conclu ou qui vont conclure un accord européen avec l'Union européenne.
Cette réflexion a trouvé son terme ce matin, et je suis particulièrement heureux que notre réunion consacre maintenant l'adoption de ce statut d'association. Je me réjouis à cet égard que notre initiative ait été activement relayée et soutenue par tous les États membres de l'UEO.
Cette importante décision répond à un besoin légitime exprimé par nos voisins ayant vocation à intégrer l'Union européenne. Le nouveau statut correspond pleinement à l'esprit des accords qui lient ces pays avec l'Union européenne, c'est-à-dire une association. Nous adressons aujourd'hui un signal politique fort.
Un statut bénéfique pour les nouveaux associés comme pour l'UEO.
Ce statut permettra de participer très largement aux activités de l'UEO. Il n'y aura ainsi pas de Conseil élargi distinct du Conseil permanent, mais bien un seul Conseil permanent, ce dernier pouvant se réunir sur certaines questions, en toute clarté, dans une configuration plus restreinte. Dans la pratique, les nouveaux associés pourront apporter leur expertise et leur réflexion sur tous les sujets intéressant la sécurité de notre continent. Ils seront régulièrement informés des activités des groupes de travail créés par le Conseil et seront invités à y participer chaque fois que cela sera nécessaire. Ils ne participent donc pas à une structure à part, créée uniquement pour eux. Pour la première fois, ils entreront effectivement dans une enceinte occidentale de sécurité.
Ce statut d'association permettra à l'UEO de renforcer ses capacités en des domaines où elle sera sans doute amenée à intervenir de plus en plus souvent : missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants, missions de maintien de la paix, missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris pour le rétablissement de la paix. Comme certains de nos nouveaux associés l'ont déjà fait en ex-Yougoslavie, ils pourront donc apporter à notre organisation une contribution décisive pour remplir à l'avenir ses nouvelles missions.
Une étape dans la future organisation de la sécurité européenne.
Ce statut aidera nos voisins de l'Est à préparer leur intégration européenne dans le domaine fondamental de la sécurité, par une participation active à la composante de défense de l'Union européenne. Ce statut à I'UEO sera en outre complété par des relations plus étroites dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.
Ce statut s'inscrit dans une vision d'ensemble de la future architecture de sécurité européenne. L'UEO, par ce geste, y prendra une part plus active, sans prétendre à l'exclusivité. Vis-à-vis de nos voisins d'Europe centrale et orientale, l'association a l'UEO me semble ainsi totalement complémentaire d'autres initiatives qui visent également à conforter la sécurité de notre continent. Il en a été ainsi du Partenariat pour la paix, que nous mettons activement en œuvre à la suite du Sommet de l'Alliance. II en sera de même pour le Pacte de stabilité, dont la Conférence inaugurale se tiendra à Paris dans près de deux semaines. En soulignant toutes nos attentes pour cette réunion majeure, je me réjouis de l'occasion qui m'est ainsi donnée de vous retrouver prochainement.
Conseil des ministres de l'UEO
Point de presse conjoint du ministre d'État, ministre de la Défense, M. François Léotard et du ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé (Luxembourg, 9 mai 1994)
Le ministre : Nous venons de vivre ce matin et nous allons vivre cet après-midi une réunion ministérielle de l'Union de l'Europe occidentale qui est importante et qui, d'une certaine manière même, marque une étape assez décisive dans l'évolution de notre organisation.
Le point principal de l'ordre du jour en effet porte sur l'adoption d'un statut d'association des PECO et des États baltes, c'est-à-dire de neuf États, à l'Union de l'Europe occidentale. Je vous rappelle que cette idée a été lancée par Klaus Kinkel et moi-même à Varsovie en novembre dernier a l'occasion d'une rencontre bilatérale entre le ministre des Affaires étrangères polonais et nous-mêmes. Nous l'avions ensuite présentée au Conseil ministériel de l'UEO, toujours en novembre. Sans revenir inutilement sur le passé, je voudrais quand même rappeler qu'elle avait à l'époque soulevé un certain nombre d'observations critiques et en tout cas provoqué quelques réticences. On l'avait en particulier considérée comme un peu concurrente pour ne pas dire contradictoire avec le partenariat pour la paix qui devait être adopté en janvier par le sommet de l'Alliance atlantique. Alors nous avons expliqué ce que nous voulions faire. Nous avons insisté d'abord sur le parallélisme qui était dans notre esprit entre l'association à l'Union européenne et l'association a l'UEO, la seconde étant la composante de sécurité et de défense de la première. Nous avions également insisté sur la complémentarité entre cette initiative et les initiatives de l'Alliance atlantique. Nous avons convaincu puisqu'aujourd'hui nous sommes parvenus à une excellente décision, qui nous permet d'approuver cette association, avec ce mot d'association auquel les Allemands et nous-mêmes tenions beaucoup. Aux termes de ce statut, les neuf États concernés pourront participer pleinement aux Conseils de l'UEO ainsi qu'aux activités et aux opérations de l'Union.
Simultanément, et c'était un souci qu'on avait mis en avant lorsque cette idée avait été lancée, nous renforçons le statut de ce que j'appellerais « Les associés alliés ». Il y a des associés partenaires – ce sont ces neuf nouveaux États –, il y a des associés alliés, c'est-à-dire l'Islande, la Norvège et la Turquie qui sont également membres de l'Alliance atlantique et qui, dans le cadre d'une déclaration spécifique, voient leur place au sein de l'UEO particulièrement marquée. Voilà donc pourquoi cette réunion me paraît non pas historique – le mot est peut-être un peu galvaudé – du moins importante dans l'histoire de l'UEO.
Qui dit élargissement – et il s'agit d'une certaine manière de l'élargissement de l'UEO, d'une orientation vers son futur élargissement – dit aussi renforcement ou approfondissement et cette réunion nous permet également d'aller dans ce sens. D'abord parce que le noyau dur de l'UEO, c'est-à-dire les neuf pays signataires du Traité, voient leur rôle préservé : le Conseil de l'Union continuera à tenir des réunions a neuf. Ensuite parce qu'il a été décidé de continuer à développer les capacités opérationnelles de l'UEO : nous avons rappelé notre attachement à la mise en place d'un système satellitaire européen indépendant. C'est certes un enjeu financier considérable, mais l'objectif est partagé par tous les États membres. Nous avons également marqué notre volonté de renforcer l'Eurocorps. Vous avez vu que le Luxembourg avait annoncé son intention d'y participer, ce qui est un pas positif. Nous avons également marqué notre attachement à la mise en place d'autres forces, d'autres unités multinationales, notamment la force aéroterrestre à laquelle la France, l'Espagne et l'Italie sont en train de réfléchir. Approfondissement qui pourrait également se marquer d'une plus grande intervention de l'UEO, et ceci a fait l'objet d'une intervention de François Léotard qui y reviendra vraisemblablement dans un instant, pour certaines opérations d'évacuation du style de celles que nous avons mises en œuvre par exemple au Rwanda ou encore aujourd'hui au Yémen. Enfin – et là aussi c'est une satisfaction pour la France parce qu'il y avait une petite discussion sur le communiqué : nous avons obtenu la rédaction que nous souhaitions – il a été décidé de demander au Conseil permanent d'entamer une réflexion sur la définition d'une politique européenne de défense commune dans l'esprit même de ce qui a été prévu à l'occasion de la ratification du Traité de Maastricht. De sorte qu'un premier rapport de réflexions préliminaires soit déposé à la prochaine réunion du Conseil ministériel sous présidence néerlandaise.
Enfin – c'est le troisième volet de nos travaux aujourd'hui – après ce statut d'association, après l'approfondissement et le renforcement de l'UEO, nous avons bien marqué que ce renforcement de l'UEO devait se faire en harmonie avec l'Alliance atlantique et, de ce point de vue, nous nous sommes penchés sur les suites à apporter au sommet de janvier dernier – il s'agit des groupes de forces interarmées multinationales (les GFIM) – là encore le texte du communiqué nous donne pleinement satisfaction puisque l'UEO pourra à l'avenir utiliser non seulement les forces des membres européens mais aussi des moyens collectifs de l'Alliance qui seront, lorsque cela s'avérera utile, placés sous commandement UEO. Voilà donc l'essentiel de nos travaux. Nous allons maintenant tenir ce qui ne s'appellera à l'avenir plus le forum de consultation mais qui sera le Conseil de l'UEO élargi à ses différentes catégories de membres associés.
Nous avons dit évidemment un mot aussi de la situation en Bosnie. Vous savez que l'UEO y participe à la fois sur le Danube pour la mise en œuvre de l'embargo, sur l'Adriatique de la même manière, et nous avons accueilli favorablement les premiers résultats des missions qui ont été engagées à Mostar par l'UEO et l'Union européenne pour étudier les conditions dans lesquelles nous pourrions assurer l'administration de cette zone dans le cadre d'un règlement plus général en Bosnie.
Le ministre d'État : Juste un mot, parce que, bien entendu, ce qui a été dit correspond à l'ensemble de ce qui a été évoqué ce matin lors de cette rencontre. Je voudrais juste faire trois remarques : d'une part, les points de satisfaction qui sont les nôtres, ensuite, ce qu'il reste à faire à mon sens, et enfin, quelle est la responsabilité française dans les semaines qui viennent.
Les points de satisfaction, c'est que nous avons, à travers le concept de forces inter-armées multinationales, la traduction des demandes françaises depuis de nombreux mots; Nous avions déjà obtenu des satisfactions réelles au sommet de Bruxelles du 10 et du 11 janvier. Il y a là, dans le concept, quelque chose qui correspond tout à fait aux demandes françaises d'assouplissement du système d'intégration de forces, tel que nous le connaissons pour ce qui concerne l'OTAN.
Le second point de satisfaction, c'est la notion de force sous commandement UEO. Alain Juppé a insisté tout à l'heure en séance plénière sur ce terme. Nous avons obtenu de nos amis britanniques que ce terme soit retenu, ce qui est, je crois, est un point très positif pour nous : cela concerne les trois unités multinationales qui sont actuellement en train de se créer en Europe, mais bien entendu, le Corps européen notamment.
Le troisième point est plus modeste mais il est symbolique, c'est la participation du Luxembourg à l'Eurocorps. Par contre, ce qui reste à faire nous semble important parce qu'il faut donner un contenu opérationnel aux orientations qui ont été définies ce matin. Je prends un exemple : il serait bon que, dans les exercices à venir, il puisse y avoir des observateurs, bien entendu des neuf pays qui sont concernés, et j'irai même plus loin, des unités qui pourraient venir de ces pays-là, ce qui est tout à fait neuf. Je cite un exemple d'application, parce que la France sera probablement le premier pays à le faire : nous aurons un exercice commun, à l'automne prochain, sur le territoire français, de la brigade franco-allemande et d'une unité polonaise. Nous avons arrêté cela lors de notre dernière rencontre avec le ministre allemand, le ministre polonais et moi-même. Et cela sera à la fois dans le cadre du partenariat pour la paix, c'est un bon exemple, et à la fois dans le cadre de l'UEO. Nous montrons bien qu'il n'y a pas de contradiction entre ces deux orientations.
Troisième réflexion, et ce sera la dernière : notre responsabilité. Nous avons, en effet, à partir du 1er janvier prochain, la Présidence de l'Union européenne, cela concerne plus Alain Juppé bien entendu. Mais également la présidence du groupe de l'armement de l'Europe occidentale qui est un événement très important dans la mesure où j'ai évoqué ce matin, moi-même, la nécessité de faire des progrès assez rapides et assez denses dans le domaine des armements. Cette proposition a été rappelée par d'autres orateurs. La véritable responsabilité est française. Vous le savez, au prochain franco-allemand de la fin du mois de mai, nous évoquerons, dans le communiqué, dans les discussions, une déclaration que nous avions faite en décembre dernier avec les Allemands consistant en un début de création d'une agence franco-allemande de l'armement, prélude elle-même à l'agence européenne qui figure dans le traité de Maastricht. Il y a donc la quelque chose de tout à fait important. Je termine, enfin, par un dernier point, toujours sous la rubrique de la responsabilité française. Dans les dernières actions que nous avons effectuées, je pense à celle qui a lieu encore au moment où je parle, au Yémen, nous avons sauvé, évacué de très nombreux ressortissants occidentaux, je cite les derniers chiffres de mémoire, autour de 500 personnes parmi lesquelles il y avait 19 Français. Nous avons réagi en fait, c'est tout à fait naturel, tout à fait normal, au nom d'autres pays et ce que nous souhaitons c'est que, petit à petit, ces actions, celle au Rwanda d'il y a quelques semaines, celle au Yémen aujourd'hui, puissent être prises en compte à travers le système de commandement qui serait celui de l'UEO. Cela nous semble être une bonne orientation.
Voilà un peu à la fois ce qui a été dit et ce que nous souhaitons, et qui sera développé certainement cet après-midi.
Q. : Qu'est-ce que les pays d'Europe centrale peuvent espérer de plus avec ce type d'association par rapport à ce qu'ils peuvent espérer du partenariat pour la paix ?
R. (Le ministre) : Comme je l'ai dit, les deux exercices sont complémentaires. Le partenariat pour la paix, c'est peut-être, un jour – je ne sais pas – l'antichambre d'une participation plus directe à l'Alliance atlantique. Il a sa propre logique, sa propre vocation. L'association à l'UEO est à mettre en parallèle avec l'association à l'Union européenne. Nous avions lancé à Copenhague en juin dernier un signal à l'adresse de ces pays en leur disant : « vous avez vocation à entrer dans l'Union européenne. Dans l'intervalle, vous y êtes associés et de la même manière vous êtes associés à l'UEO ». Donc la perspective, là aussi, c'est une perspective d'adhésion à l'Union européenne et de pleine participation à l'UEO en tant que composante de sécurité et de défense de l'Union européenne.
Q. : Est-ce que cela veut dire a contrario que vous fixez de manière implicite les limites optimales de ce que pourrait être l'Union européenne ?
R. (Le ministre) : L'Union européenne, c'est l'Union de l'Europe. Ce n'est pas l'Union de l'Asie centrale ou du Canada. C'est l'Union de l'Europe. C'est-à-dire très clairement qu'effectivement les futures adhésions à l'Union européenne sont limitatives. Elles ne s'adressent pas à tout le monde. Elles s'adressent aux pays européens, qui appartiennent à la famille européenne. Je l'ai dit l'autre jour lorsque j'ai fait ce point de presse avec Alain Lamassoure, sur ce qu'était notre doctrine sur l'élargissement.
Q. : Est-ce que vous pensez pouvoir faire, dans les mois futurs, coïncider les présidences de l'UEO et de l'Union européenne ?
R. (Le ministre) : C'est l'objectif. Et cet objectif devrait même être atteint au deuxième semestre de l'année 95 puisque, si je ne me trompe, c'est l'Espagne qui devrait, à partir du 1er juillet 1995, assurer à la fois la Présidence de l'Union européenne et la présidence de l'UEO. La présidence de l'UEO étant à partir de ce moment-là ramenée à six mois.
Q. : Mais elle est dès maintenant ramenée à six mois ?
R. (Le ministre) : Elle est dès maintenant à six mois, mais la coïncidence se fait à partir du 1er juillet 1995.
Q. : Est-ce que vous souhaitez que l'UEO devienne un partenaire régional de sécurité des Nations unies ?
R. (Le ministre) : Elle l'est objectivement déjà.
R. (Le ministre d'État) : Prenez l'exemple de Mostar. Si nous faisons quelque chose dans le cadre de l'UEO à Mostar, nous sommes d'une certaine manière le partenaire de l'ONU. C'est en train de se faire. Qu'est-ce qui va se passer à Mostar ? L'ensemble du théâtre est soumis à des résolutions de I'ONU et nous interviendrions dans le cadre de l'UEO, c'est un peu la concrétisation de ce que j'ai dit. S'il y a un pays qui souhaite que l'UEO joue pleinement son rôle, c'est la France.
Q. : Sur l'aspect opérationnel dont vous parliez justement, comment se pose le problème constitutionnel allemand ? C'est un facteur de blocage énorme ?
R. (Le ministre d'État) : Je crois que nous aurons une réponse de la Cour de Karlsruhe dans les semaines qui viennent ; ce doit être je crois avant le mois de juillet, je pense qu'elle sera positive. Il est vrai que le calendrier de la crise somalienne, pour ne prendre que cet exemple, ne nous a pas été favorable. Il a vu la France et l'Allemagne intervenir séparément mais, juridiquement, rien n'empêchera demain le Corps européen d'intervenir dans un cas de figure de ce genre. Rien. Pour la Yougoslavie, seuls la situation constitutionnelle allemande et le problème posé par la présence de soldats allemands en Europe, problème que tout le monde comprend, que les alliés comprennent, empêchent l'intervention du Corps européen. Dans l'avenir, à partir du moment où il sera opérationnel, en 1995, des opérations de cette nature pourront être possibles si la cour de Karlsruhe a rendu un verdict positif.
J'ajoute que nous avons de bons espoirs pour tout ce qui concerne le spatial. Nous y sommes très attachés puisque nous défendons un programme en coopération avec les Espagnols et les Italiens, le programme Élios 1 et Élios 2, que le centre de Torrejon en Espagne existe sous le système UEO et que nous avons de bons espoirs de voir les Allemands nous rejoindre soit sur Élios 2, soit sur Osiris plus tard. Il y a un mouvement d'intérêt de la part de l'Allemagne dans cette direction, ce qui est très positif.
Q. : Sur le renforcement de l'UEO, notamment en officiers-conseils ?
R. (Le ministre d'État) : D'abord, ce qui vient de se passer aujourd'hui n'est pas sans conséquences en termes de forces ; les pays en question sont des pays qui ont des forces conventionnelles significatives, tout le monde comprendra que ce n'est pas la même dimension après qu'avant.
Ensuite, je crois que nous sommes très demandeurs d'un renforcement de la cellule de planification de l'UEO. Nous le disons à chaque fois et nous nous fixons des objectifs. Incontestablement, dans ce qui s'est passé au Rwanda ou au Yémen, s'il y avait eu une cellule de planification qui puisse préparer ce type d'opérations – et cela a été souhaité par plusieurs personnes ce matin – nous serions dans une situation plus forte. C'est 80 ou 90 % d'Européens qui sont dans des situations de péril dans des crises de ce genre.
J'ai souhaité ce matin que l'on essaie d'élaborer un livre blanc au niveau de l'UEO pour essayer de voir justement quel était le concept de défense. On en a parlé avec mes collègues de la Défense.