Texte intégral
ational Hebdo : Le congrès a notamment pour tâche d'élire le comité central, qui lui-même choisit le bureau politique. Peut-on dire que le congrès est le grand moment de la vie démocratique du Front national ?
Jean-Marie Le Pen : C'est évidemment un grand moment, et j'ajouterai qu'il couronne les efforts des conseils départementaux. Mais les congrès sont également une obligation statutaire. Si nous n'en tenons pas plus souvent, c'est faute d'argent. Ils coûtent cher. Nous avons prélevé sur le budget de fonctionnement et de propagande pour organiser celui-ci. Mais c'est un moyen de communication interne entre cadres et militants. Communication externe avec l'opinion : or il est capital pour le Front national de briser le mur du silence.
National Hebdo : Ce 9e congrès est particulièrement important parce qu'il ouvre une période d'élections continue jusqu'en 1995 ?
Jean-Marie Le Pen : À partir des cantonales, la France va entrer dans un processus électoral dont dépend son avenir. Il y aura ensuite les Européennes (et nos compatriotes commencent à comprendre que le débat sur l'Europe n'est pas secondaire). La Présidentielles et les Municipales, car nous respectons, nous, au Front national, le calendrier électoral tel qu'il est établi.
Ces deux ans constituent la dernière chance pour la France de s'en sortir démocratiquement, le dernier épisode démocratique pouvant conduire au changement. La situation sociale, économique, démographique est en effet si grave que cela peut compromettre à court terme, si rien de sérieux n'est fait pour répondre aux besoins, à l'attente du pays, le fonctionnement des institutions.
National Hebdo : C'est-à-dire ?
Jean-Marie Le Pen : Je vous renvoie à un livre du commissaire Pellegrin : « Demain, la guerre civile ». Il y a dans la classe politique des gens qui sont les préparateurs objectifs de la guerre civile.
National Hebdo : Pour préserver les chances d'un changement démocratique, le congrès prépare des documents d'orientation pour les prochaines élections ?
Jean-Marie Le Pen : Colloques, tables rondes, ateliers, travaux en commission vont mettre au point quatre projets de résolution pour les quatre élections à venir.
National Hebdo : Vous-même êtes déjà parti en campagne pour les cantonales, avec un quadrillage marathon des 96 départements.
Jean-Marie Le Pen : Pas exactement. Je mène une campagne nationale qui va se prolonger après les cantonales pour les Européennes et qui a pour but de mobiliser les Français. Je me réjouis que le public vienne nombreux aux rencontres, aux allocutions que je prononce : c'est d'autant plus méritoire que beaucoup de choses se passent durant la journée, pendant les heures de travail, en semaine. Ce contact direct avec mes compatriotes est très important. Il vient augmenter, s'il en avait, l'amour que je porte à mon pays, arriver l'admiration que j'ai pour ses beautés et la peine que je ressens devant certaines régions qui deviennent des déserts humains, ou certains secteurs d'activités sinistres. Cette appréhension directe, concrète, de la vie nationale, me renforce dans la conviction qu'il faut lutter contre la décadence.
Je suis par ailleurs satisfait du programme, du minutage, de la façon dont les choses se passent : techniquement, c'est réglé comme du papier à musique, aussi bien par mon staff que par les fédérations qui me reçoivent.
National Hebdo : Sur le terrain, pour en revenir au changement, quelle est l'attente principale des gens que vous rencontrez ?
Jean-Marie Le Pen : Que le Front national fasse plus parler de lui. Souvent les gens que je vois croient que, si les médias font silence sur nous, c'est parce que nous n'agissons pas : je leur montre que c'est faux. Nous continuons à former, organiser, agir. Et nous sommes victimes, et tous les Français avec nous, d'un boycott de l'information. Les médias refusent de commenter ce que nous faisons, de répercuter les opinions et jugements que nous portons sur l'actualité.
National Hebdo : Et quelles sont les urgences que vous décelez ?
Jean-Marie Le Pen : Ça dépend des familles et des régions. Le chômage frappe les villes, comme les campagnes, et l'angoisse monte partout. Ils avaient 20 % de la population active, et 40 % des jeunes. L'angoisse s'accumule donc encore plus dans les familles où les jeunes arrivent sur le marché du travail. Il y a les impôts, en particulier les impôts locaux qui ne cessent de grimper et qui finissent par étrangler tant de Français. Il y a immigration – elle est bien évidemment plus ressentie dans les endroits où elle franchit le seuil inacceptable, mais, même ailleurs, nos compatriotes commencent à en percevoir les conséquences sur l'insécurité, la drogue, le chômage… De tout cela, il monte le sentiment que l'on vit mal. Les Français ne sont pas bien dans leur peau.
National Hebdo : Une dernière question. L'ordre du jour porte une modification des statuts. Pourquoi ?
Jean-Marie Le Pen : Il ne s'agit que d'un toilettage. L'aménagement de quelques dispositions techniques. Rien d'important. Nos statuts sont bien adaptés au mouvement et à sa croissance. Solides comme le Pont-Neuf.