Texte intégral
Luc Guyau : "Nous avons encore beaucoup à faire"
L'intervention du président de la FNSEA a été fort remarquée et même applaudie. En voici les principaux extraits :
Après le GATT, le débat de la FIPA est moins passionné, plus serein, tant mieux, mais pourtant nous avons encore beaucoup à faire.
Les agriculteurs français ont mené le combat, (certes pas seuls) pendant plus de sept ans, dans ce débat du GATT. Parfois incompris, apparaissant quelques fois comme des excités.
Je dois dire qu'en tant que président de la FNSEA et aussi comme agriculteur, je suis fier du combat que nous avons mené. Pourquoi ? Je ne veux pas juger ni, commenter les résultats des négociations du GATT, mais plutôt l'esprit.
On a trop souvent, dans ces négociations, oublié l'homme et le choix de société, pour ne penser que libéralisation des échanges. Oubliant que certains ont dit avant moi : que l'agriculture est multifonctionnelle et que l'homme, la femme qui cultive la terre, qui élève des animaux, joue dans la société un rôle de développement, d'équilibre social, écologique, du territoire. Bref de la société : ceci ne se mesure pas en termes d'échanges, ni en équivalent-subvention.
Derrière ce débat, il y a aussi l'équilibre alimentaire mondial pour le XXIe siècle, en un mot, l'équilibre mondial, la paix mondiale. Nous y avons tous notre responsabilité, cette paix ne doit pas se marchander, elle doit se partager.
Voilà pourquoi nous nous sommes battus pendant sept ans, et que nous allons continuer à le faire, avec tous les volontaires.
Mais en France (au moins), ce combat n'a pas été inutile, bien au contraire, pour l'opinion publique, pour la classe politique, qui peu à peu s'est intéressée à cet enjeu du GATT, découvrant qu'ils étaient tous concernés.
Ils ont même pour beaucoup découvert qu'une minorité volontaire souhaitait et pouvait faire changer les choses. C'est le combat des paysans pour leur service et celle de tous les paysans du monde.
Si la bataille est d'envergure, elle n'est pas pour autant terminée.
La paix commerciale par le dialogue
Le multilatéralisme, c'est une approche collective des différends et des contentieux. C'est le seul antidote possible à la loi du plus fort, le seul espoir d'un pouvoir plus équilibré entre les forts et les faibles.
Aucun pays ne doit avoir les moyens de menacer ses partenaires commerciaux avec des rétorsions commerciales. Aucun pays ne doit pouvoir manipuler les prix mondiaux en modulant à loisir le taux de change de sa monnaie…
À la guerre rampante qui se faisait appeler GATT, nous préférons la paix commerciale par le dialogue permanent et par de réels mécanismes d'arbitrage.
Et c'est pourquoi il est plus qu'urgent de préoccuper des fluctuations des monnaies.
Mouvement de yo-yo du dollar, dévaluation du franc CFA, Faiblesse chronique de la monnaie européenne, les grandes puissances ont toutes leur part de responsabilité.
L'organisation mondiale du commerce créée à Marrakech le mois dernier doit faire des problèmes monétaires la première de ces priorités. Il en va de sa crédibilité.
Entre les intérêts de l'argent et ceux des producteurs, elle doit choisir son camps une bonne fois pour toute.
En bref, et en trois points, nous réclamons, et ce, sans attendre 1999 :
1. Le droit pour chaque pays à l'agriculture de son choix et l'accès à la sécurité alimentaire, ou tout du moins le droit de ne pas abandonner sa politique agricole.
2. La prise en compte, dans les accords internationaux commerciaux, de tous les facteurs susceptibles de fausser la concurrence (monnaies, salaires, charges sociales, environnement…).
3. La remise en cause des fondements actuels des négociations internationales sur le commerce, pour aider davantage les producteurs, et mieux distinguer leurs intérêts de ceux des commerçants.
Les agriculteurs ont le devoir de se mobiliser et de pousser leurs responsables politiques dans cette direction. Tout est question de volonté. C'est une règle que les agriculteurs français ont bien retenue !
Prenons donc date pour 1996 et le prochain Congrès de la FIPA. Nous verrons ce que sera devenue l'organisation mondiale du commerce. Et nous rendrons compte, les uns aux autres, de ce que nous aurons su en faire. L'avenir appartient à tous ceux qui s'y consacrent.
Nous avons là, nous qui représentons tous les agriculteurs du monde, la chance d'accrocher une nouvelle étoile dans notre action commune à la FIPA.