Interviews de M. Hervé de Charette, ministre du logement et vice-président de l'UDF, à O'FM le 5 mai 1994, sur la proposition de M. Séguin de référendum sur l'emploi, la liste RPR UDF pour les européennes, la participation de l'UDF aux présidentielles et la cohabitation.

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Média : Emission Le Grand O O'FM La Croix

Texte intégral

Journalistes : François Ernenwein (La Croix L'Évènement) ; Pascale Amaudric (Le Journal du Dimanche) ; – Michel Lemerle (France 3), Henri de Saint Roman et Christian Delahaye (O'FM)

Question : La plainte de la famille d'Ayrton Senna contre la FIA pose au fond une question : la vie humaine a-t-elle moins d'importance que les considérations d'argent ?

Hervé de Charette : J'espère que non ! Mais c'est un fait que dans le sport aujourd'hui l'argent coule à plein bord et pourrit tout. Certains sports sont plus coûteux que d'autres. C'est le cas du sport automobile. Et l'argent par conséquent pervertit et pourrit encore plus ces sports les plus coûteux.

C'est très choquant ! Et vraiment l'immensité du monde sportif, c'est-à-dire tous ceux qui de l'enfance à l'âge adulte se passionnent pour le sport ne peuvent pas se retrouver dans les spectacles aussi misérables que ceux auxquels on assiste.

Je voudrais vous faire remarquer que ceux qui pèsent le plus en matière d'argent sur le sport, ce sont les médias. Pourquoi est-ce qu'on n'a pas arrêté l'épreuve ? Pourquoi est-ce que c'était quasiment impossible de l'arrêter ? Parce qu'il y avait des droits télévisuels ahurissants ! Et tant qu'on n'aura pas mis un peu d'ordre dans tout cela, on aura ce spectacle finalement désolant dans lequel ce qui est beau dans le sport est perverti par ce qui est laid.

Question : Il aurait donc fallu arrêter la course ?

Hervé de Charette : Oui. On ne peut pas quand il y a un drame sur un terrain de foot continuer comme si rien ne s'était passé ! Que ce soit sur une piste automobile, il me semble que c'est pareil. La consternation est partout.

Mais vous savez, on avait déjà eu ça sur le foot, on avait continué le match pendant qu'on emportait les blessés. Tout ça est tragique et assez humiliant.

Question : Le gouvernement français peut-il prendre une initiative sur ce sujet ?

Hervé de Charette : Lorsqu'il s'agit de compétition internationale, ce n'est pas un gouvernement en particulier, c'est l'ensemble d'abord des responsables sportifs.

Question : Le gouvernement pourrait-il ouvrir le débat ?

Hervé de Charette : Oui, bien entendu, il peut ouvrir le débat. Le débat concerne tout le monde, l'opinion publique en général et tous ceux qui ont une part de responsabilité. Dans le système français, le gouvernement a en matière sportive sa part de responsabilité. Mais c'est d'abord une question posée aux dirigeants des grandes organisations sportives, ce sont eux qui doivent s'interroger sur la façon dont les choses évoluent.

Question : Philippe Séguin propose un référendum sur l'emploi ; pouvez-vous nous expliquer pourquoi l'UDF semble hostile à cette proposition ?

Hervé de Charette : Je ne suis pas hostile et je vais même vous expliquer pourquoi je ne suis pas hostile. Je trouve que cette affaire, ça relève de la pensée caoutchouc ! C'est du caramel mou, ce que j'entends depuis quelques jours sur cette affaire du référendum ! Si le sujet n'était pas aussi grave, je vous dirais que c'est de la franche rigolade !

Regardons un peu les affaires ; d'abord, sur le fond. Quelle est la question dont on nous dit qu'elle serait posée à référendum ? C'est la fusion de l'Unedic et de l'ANPE. Est-ce que c'est une bonne idée de fusionner l'ANPE et l'Unedic ? Absolument, c'est une excellente idée, que, personnellement, je soutiens depuis longtemps. Pour une raison très simple, d'ailleurs : c'est que le jour où un chômeur de moins, ça rapportera 100 000 F à l'ANPE, vous changerez de fond en comble, sa mentalité, son organisation et sa façon d'agir. En mettant du même côté la recette et la dépense, vous aurez fatalement une mobilisation du système et une efficacité qui sera beaucoup plus grande.

Maintenant, est-ce que ça mérite un référendum ? Certainement pas ! La réorganisation de quelques services comme ceux-là ne mérite certainement pas un référendum !

Mais la question de l'emploi, par contre, ne se limite pas à la fusion de l'Unedic et de l'ANPE !

Question : Vous seriez favorable à une question plus large à poser aux Français sur l'emploi ?

Hervé de Charette : Sur l'emploi, il y a beaucoup de choses à dire. Alors, maintenant, revenons à la question du référendum. Moi, je ne suis pas du tout hostile, pour être franc je suis même favorable à l'idée d'étendre la procédure référendaire qui est aujourd'hui réservée à deux circonstances particulières : une réforme des pouvoirs publics et l'approbation d'un traité qui, sans être contraire à la constitution, etc.

L'idée d'étendre le référendum à des questions de société et d'une manière générale à des questions essentielles, importantes, que le pays a du mal à résoudre par des procédures classiques, c'est une très bonne idée ! D'ailleurs, tout le monde a plaidé pour cette idée-là, à gauche comme à droite. Moi, j'y suis tout à fait favorable. Alors, il faut examiner, il faut quelques verrous, quelques règles. Par exemple, dans ce cas, il faut l'accord d'une majorité au parlement pour y aller. Bref, il faut réfléchir aux modalités. Mais sur le fond, extension du référendum, ma réponse est : oui !

Et l'idée que sur quelques grands sujets comme l'éducation, l'emploi, mais quelque chose de sérieux, un vrai programme, qui change les choses pour l'emploi, la procédure du référendum puisse être une bonne idée, moi j'y suis très favorable. Et je ne vois pas pourquoi on fait tout ce foin contre la proposition de M. le président de l'Assemblée nationale sur le principe même. Sur le sujet, franchement je trouve ça un peu dérisoire, sur le fond, c'est pas une mauvaise idée du tout, c'est même une bonne !

Question : Comme expliquez-vous qu'un homme responsable comme Philippe Séguin puisse proposer une « franche rigolade » ?

Hervé de Charette : Moi je ne suis pas ici pour faire de la psychologie.

Question : Sur l'emploi, Valéry Giscard d'Estaing doit proposer son propre plan ; il vous a consulté ?

Hervé de Charette : Il m'en parle mais ne me charge pas de vous en parler. Et il s'en chargera très bien lui-même. La question de l'emploi est la question centrale de notre pays désormais. On peut dire que tous les autres grands sujets, comme le rayonnement international de la France, les Français ne s'y intéresseront vraiment que lorsqu'ils auront l'impression que l'horizon de l'emploi sera débouché.

Moi je suis intimement convaincu qu'avec l'approche de l'élection présidentielle, nous allons voir que ce sera le sujet du débat. C'est à dire que les Français vont regarder les candidats aux présidentielles en écoutant leurs propositions pour l'emploi. Est-ce que vous, candidat à la présidentielle, vous avez une proposition à nous faire ? Et ils en débattront, ils la jugeront et en fonction de l'opinion qu'ils auront sur ce projet, ils voteront pour tel candidat ou pour tel autre. Alors, en effet, on peut y aller dans la réflexion et l'imagination, on peut y aller parce qu'on a le sentiment que c'est très difficile. Le président de la République, le 14 juillet dernier, d'un air blasé, a dit sur ce sujet, on a tout essayé. Mais ce n'est pas vrai ! On n'a pas tout essayé, on a toujours fait la même chose et d'ailleurs on a toujours eu le même résultat !

Question : Le fait que Giscard travaille à l'élaboration d'un plan emploi semble vouloir dire qu'il y a une autre politique que celle d'Édouard Balladur…

Hervé de Charette : Vous essayez de me mettre en difficulté, mais, franchement, je n'y suis pas ! 

H. de Charette : Excusez-moi, j'ai dit nous ne sommes pas aujourd'hui en campagne présidentielle pour un homme ou pour un autre. Et donc je n'ai fermé aucune porte, et je n'en ai ouvert aucune. Je vous ai dit que cette question serait dans le débat, conformément aux recommandations du Premier ministre, à la fin de l'année 94, et même à mon avis au début de l'année 95.

Question : S'agissant de l'Italie, Laurent Fabius qui était notre invité la semaine dernière en appelle au boycottage du futur gouvernement de Berlusconi, au motif qu'il comportera des postfascistes ; faut-il boycotter un tel gouvernement ? H. de Charette : On voit bien que M. Laurent Fabius n'est plus Premier ministre depuis longtemps et n'a pas la perspective de l'être avant longtemps. Ce sont des propos absolument déraisonnables. Nous sommes au sein de la communauté européenne, 12 pays et bientôt 16, vous croyez qu'on peut franchement boycotter l'un des pays selon nos humeurs ? Non. S'il y avait dans l'un de ces 12 ou 16 pays un gouvernement dont la composition politique nous soit franchement inacceptable, cela poserait un problème politique majeur, une crise fondamentale.

Question : Des mussoliniens dans le gouvernement italien, vous l'acceptez ? 

H. de Charette : Non, attendez, je n'accepte rien, simplement, je veux dire que avant de prononcer des grandes phrases comme cela, il faut un peu de pondération, et un peu de modération. L'Italie traverse une période compliquée, je suis je crois un vrai démocrate, comme tout le monde me semble-t-il, simplement je ne porte pas des jugements comme ça du jour au lendemain, j'attends de voir. 

Question : Ce qu'on aimerait savoir, c'est si Valérie Giscard d'Estaing est en campagne comme tout le monde le dit ; vous qui êtes un proche, qu'en pensez-vous ?

H. de Charette : La réponse est non.

Question : vous êtes formel ?

H. de Charette : Absolument, je suis absolument formel. Une personnalité comme celle de Valérie Giscard d'Estaing, ancien président de la république, aujourd'hui d'ailleurs président de l'UDF, c'est à dire l'une des trois grandes formations politiques françaises, si une personnalité qui a cette dimension et ce rôle ne contribue pas autant qu'elle le peut à ce débat capital, exclusif, sur l'emploi, à quoi sert-elle ? Je crois que c'est sa mission et que c'est très utile. Maintenant si vous voulez en savoir plus, moi je vous invite à venir à l'université politique d'été des Clubs Perspectives et Réalités qui se tiendront les 1, 2, et 3 juillet à La Baule, et dont ce sera le sujet central, et où M. Giscard d'Estaing se trouvera.

Question : Peut-être déclarera-t-il à cette occasion sa candidature ?

H. de Charette : Oh, non, allons, soyons sérieux.

Question : La candidature de Giscard, ce n'est pas sérieux ?

H. de Charette : Non, soyons sérieux. Nous parlons là d'emploi, parlons-en. Et puis si vous voulez parler des candidatures aux présidentielles, parlons-en ensuite. 

Question : Mais c'est la même chose puisque vous dites que ça va déterminer la présidentielle. C'est un homme encore jeune qui a de l'expérience, un rayonnement international incontestable, pourquoi ne serait-il pas candidat ?

H. de Charette : Je lui transmettrai vos compliments.

Question : Ou alors, il peut être en campagne pour quelqu'un d'autre ?

H. de Charette : Vous pouvez tout imaginer, je dis simplement que la campagne pour l'élection présidentielle n'est pas ouverte, que d'ailleurs avec beaucoup de sagesse le Premier ministre nous a demandé de reporter la question des personnes, c'est-à-dire la question de savoir qui sera candidat à la fin de l'année 94 et mieux encore au début de l'année 95, restons pour l'instant sur les sujets de fond. 

Question : Comment expliquez-vous cet engouement en faveur de la liste de Baudis qui n'a pas encore vraiment commencé sa campagne, alors que dans le même temps il y a d'autres listes au sein de la majorité, celle de Villiers par exemple, qui font aussi des points ?

H. de Charette : Au sein de la majorité, non. En marge de celle-ci, à l'écart de celle-ci et contre celle-ci. La liste de la majorité UDF-RPR, c'est la liste Baudis-Carrère d'Encausse. 

Question : De Villiers revendique sa position au sein de la majorité… ;

H. de Charette : Oui, il revendique, seulement comme il fait justement l'inverse, c'est assez contradictoire. Il ne fait pas partie de la majorité dans cette action et dans cette initiative. C'est tout à fait clair, il y a une seule liste qui représente la majorité aujourd'hui, c'est la liste UDF-RPR. Moi je suis optimiste, les sondages sont plutôt bons. (...) Et puis c'est un bon programme, je suis persuadé que pas grand monde le lira, mais je suis persuadé aussi que Dominique Baudis et Hélène Carrère d'Encausse en parleront, c'est un programme solide et sérieux pour nos députés européens, et puis il y a un bon climat, je crois que ce n'est pas négligeable. L'alliance UDF-RPR baigne dans un climat plutôt sympathique, même si dans chacune de nos formations nous avons notre personnalité, il y a une bonne entente dans cette liste, un soutien total du gouvernement, et en face de nous une gauche dispersée. C'est une situation assez favorable pour nous.

Question : Que pensez-vous de Chevènement quand il dit que les listes socialistes et UDF-RPR, c'est bonnet blanc et blanc bonnet ? 

H. de Charette : Les extrémistes disent toujours ça des autres. M. Le Pen dit exactement la même chose. C'est la vie. Dès que les extrémistes voient quelque chose qui n'est pas extrême, ils disent « c'est tout pareil », chacun sait bien que ce n'est pas tout pareil, et que la liste socialiste n'est pas la même chose que la liste UDF-RPR. Parce que nous n'avons pas, sur aucun sujet, les mêmes convictions, même si c'est vrai que le fossé qui séparait hier la droite de la gauche, Dieu merci n'est plus ce qu'il était, nous sommes entrés dans une démocratie apaisée.

Question : Léotard et Longuet mènent une fronde anti-giscardienne ; qu'en pensez-vous ?

H. de Charette : Oui, bon... Chacun a bien le droit d'avoir ses idées.

Question : Quand Longuet dit à Anne Sinclair qui l'interroge sur les velléités présidentielles de Valérie Giscard d'Estaing « qu'est-ce que vous voulez, on vieillit tous », comment réagissez-vous ?

H. de Charette : Ce n'est pas nécessaire de dire des choses désagréables quand on est entre amis, ça ne rajoute pas au plaisir de vivre ensemble, voilà tout ce qu'on peut dire.

Question : Pouvez-vous envisager que l'UDF aille à la présidentielle sans candidat ?

H. de Charette : Non.

Question : Il y aura un candidat UDF ?

H. de Charette : Normalement il doit y avoir UDF, c'est explicable de façon simple. Il y a en France 3 grandes formations politiques qui ont fait plus de 5 millions de voix aux élections législatives : le RPR, l'UDF et le PS. Il est tout à fait normal que un an avant les élections, la position de chacune de ces trois formations soit de dire nous présenterons un candidat à l'élection présidentielle. La question qui se pose au sein de la majorité, c'est la question de nos rapports ensemble. Ce sont des rapports fondés sur l'alliance, une alliance forte, amicale, chaleureuse entre le RPR et l'UDF.

Question : Au cas où Baudis réaliserait un bon score aux européennes, pourrait-il être ce candidat UDF, au moins pour le premier tour des présidentielles ?

H. de Charette : Pourquoi pas, il ne faut refuser aucune option. Le jour venu, il y aura probablement des hommes et peut-être des femmes qui exprimeront le désir de porter nos valeurs, si Dominique Baudis est de ceux-là, on en discutera.

Question : vous ne dites pas non ?

H. de Charette : Je ne dis non à rien.

Question : Sauf à celle de Giscard, apparemment ?

H. de Charette : Comment vous dites ça ?

Question : vous avez dit qu'il n'était pas en campagne, qu'il pensait à autre chose…

H. de Charette : Excusez-moi, j'ai dit nous ne sommes pas aujourd'hui en campagne présidentielle pour un homme ou pour un autre. Et donc je n'ai fermé aucune porte, et je n'en ai ouvert aucune. Je vous ai dit que cette question serait dans le débat, conformément aux recommandations du Premier ministre, à la fin de l'année 94, et même à mon avis au début de l'année 


France 2 : 11 mars 1994

G. Leclerc : Est-ce que F. Mitterrand vous a convaincu ? Qu'en avez-vous retenu ?

H. de Charette : J'en retiens, comme chaque fois qu'il s'exprime à la télévision, que c'est un homme plein de talent, qui a l'art de s'exprimer, et assez souvent, l'art de séduire. Mais en même temps, je trouve que c'est une nouvelle illustration du mauvais fonctionnement de nos institutions. Nous sommes le seul pays dans lequel on peut avoir ainsi, à la tête de l'État, un Président de la République qui pense quelque chose, un gouvernement qui pense autre chose, et tout ça, dans un délai très court de 2 ans, dans lequel il est très difficile d'agir vite et d'aller au fond des affaires. C'est le résultat de ce qu'on appelle la cohabitation, qui n'est évidemment pas un bon système. Il est donc temps d'en sortir et le Président de la République a, dans son intervention, redit des phrases du reste assez confuses sur le quinquennat, qui est la seule solution permettant de résoudre ce problème et de faire en sorte que, en gros, la cohabitation, si elle devait arriver, ne soit qu'exceptionnelle, alors qu'elle en train de devenir une sorte de règle ordinaire de la République qui paralyse, réduit la capacité d'action, freine la volonté nationale, bref, n'est pas conforme à l'intérêt général.

G. Leclerc : Vous êtes partisan d'un référendum rapidement et même avant les présidentielles ?

H. de Charette : Quand on veut et le plus vite possible, d'ici l'élection présidentielle inclusivement. Je crois que c'est une bonne idée de régler ce problème, car il est là, lancinant et encore une fois, dans des moments où il y a de graves problèmes. Dans des moments où il n'y en avait pas, où tout allait bien, la croissance élevée, la situation sociale facile, la situation internationale sans problèmes, je ne dis pas. Mais justement, sur tous ces terrains, les problèmes sont considérables et on voit bien que la République française est handicapée, par cette erreur institutionnelle qui se prolonge indéfiniment.

G. Leclerc : F. Mitterrand a fait allusion à la division de la droite. Est-ce que la rivalité entre MM. Chirac et Balladur ne vous inquiète pas ? De même que pourrait vous inquiéter l'absence de l'UDF, semble-t-il, pour les présidentielles ?

H. de Charette : C'est vous qui le dites. Nous avons toujours dit qu'il était normal et donc prévisible, qu'il y ait un candidat de l'UDF à la présidentielle. On n'en est pas là. Au sein de la majorité, ce qui se passe aujourd'hui pour l'élection européenne, c'est au contraire le spectacle de l'union.

G. Leclerc : Il n'y a pas de rivalité entre MM. Chirac et Balladur et ça ne peut pas influer sur l'action du gouvernement ?

H. de Charette : Pour l'instant, je constate que la prochaine échéance électorale forte, c'est l'élection européenne qui aura lieu le 12 juin et pour cette élection, la majorité y va unie, dans une liste dirigée par D. Baudis et Mme Carrère d'Encausse. Je constate aussi que cette liste paraît faire d'assez bons sondages, ce qui laisse à penser qu'elle plaît à l'électorat. En tout cas, l'union ça marche. Il y a entre les deux formations de la majorité une solide et bonne alliance qui, à la fois, permet de présenter une liste commune à l'élection européenne, permet de gouverner, – même si au Parlement des voix s'expriment mais c'est le débat politique et puis nous permettra, je crois, à l'élection présidentielle, au deuxième tour de celle-ci, d'être ensemble, rassemblés pour gagner et engager une nouvelle étape, décisive, du redressement de la France.

G. Leclerc : Dans le projet de loi pour l'habitat, il y a un chapitre concernant l'achat de logement HLM par les locataires. Pourquoi cette mesure ? Est-ce que ça ne peut pas être un frein à la mobilité professionnelle, donc à l'emploi ?

H. de Charette : Accéder à son logement, ça correspond à la volonté de beaucoup de familles, ce n'est pas un frein à la mobilité. Si vous aimez être propriétaire de logement, vous pourrez toujours, le jour venu, vendre le logement et en acheter un autre dans la ville où vous devez vous installer. C'est vrai aussi, pour beaucoup de familles vivant dans une HLM. Et l'idée que nous poussons, et pour laquelle en effet, je développe beaucoup d'efforts, c'est de permettre aux familles qui le souhaitent, d'acheter le logement HLM dans lequel elles sont heureuses.

G. Leclerc : On parle aussi dans votre projet du logement des plus démunis, le problème revient, dramatique, chaque année. On a un peu le sentiment que les mesures ne sont pas à la hauteur de l'enjeu…

H. de Charette : Vous avez raison de dire que c'est un problème très lourd et qu'on n'a pas trouvé le remède miracle à ce problème. Les gouvernements précédents avaient échoué. Nous, nous avons fait un effort important – 40 000 logements sociaux dans l'année 94 réservés aux familles en difficultés, effort considérable. Mais en même temps, vous avez raison de dire qu'il ne faut pas simplement un seul remède, une seule solution. Il y a une diversité de solutions à appliquer sur le terrain. Dans mon projet de loi que je présente au Conseil des ministres, nous proposons par exemple ceci si vous logez une personne à faibles ressources dans un logement dont vous êtes propriétaire, vous pourrez désormais être exonéré de revenus sur le loyer que cela vous rapporte, tant que votre logement sera loué à une personne à faibles ressources. C'est une façon d'inciter les petits propriétaires de logement à s'intéresser aussi aux familles à ressources modestes. Ce sont des problèmes majeurs de notre société, nous ne pouvons pas laisser de côté des gens sans ressources, au bord de la route, et sans logement.

G. Leclerc : Vous vous êtes félicité récemment de la reprise du bâtiment, et voilà qu'on apprend hier, que la Caisse d'épargne d'Île-de-France prévoit de relever ses taux d'intérêt. Cela ne risque-t-il pas de casser cette reprise ?

H. de Charette : Il y a un redémarrage de la hausse des taux à long terme, qui n'a pas commencé en France mais aux USA et qui est en train de venir en Europe. Cette hausse des taux d'intérêt à long terme est une assez mauvaise nouvelle pour l'immobilier. Il est vrai que la reprise de l'immobilier et, notamment, de l'immobilier privé et de l'accession à la propriété, pourrait être compromise s'il y avait la prolongation de cette hausse et du taux d'intérêt à long terme.

G. Leclerc : Il n'y a rien à faire ? 

H. de Charette : Pour l'instant, il faut espérer que ça va s'arrêter. Vous ne pouvez pas arrêter les taux du marché hélas ! C'est pour cela que l'accession sociale à la propriété, elle, reste à un taux très faible.