Texte intégral
À la suite des essais nucléaires indiens et pakistanais, universellement déplorés, les ministres des Affaires étrangères des cinq États membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, Russie. Royaume-Uni, France, Chine) se sont réunis à Genève, le 5 juin dernier. Notre objectif était d’enrayer l’escalade des essais nucléaires indiens et pakistanais, de faire baisser la tension entre ces deux pays, et de montrer que la machine de la maîtrise des armements nucléaires n’était pas grippée.
Dans cet esprit, j’ai proposé de relancer d’urgence, dans le cadre de la Conférence du désarmement – l’enceinte multilatérale de négociation de toutes les questions de désarmement composée de 61 États – la négociation d’une convention sur l’arrêt de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires.
La future interdiction de la production de matières fissiles pour des armes nucléaires sera, à la condition bien sûr d’être universel et vérifiable, une contribution essentielle au désarmement et à la non-prolifération nucléaires.
Les États parties à cette convention s’interdiront la production nouvelle de matières fissiles pour des armes nucléaires. Cela signifie que plus un gramme nouveau de plutonium ou d’uranium hautement enrichi ne sera produit à destination des armes nucléaires.
Cet accord ne marquera un progrès du régime international de non-prolifération nucléaire que s’il est universel. Or trois États importants ne se sont toujours pas associés à toute une série d’engagements de non-prolifération nucléaire : l’Inde, Israël et le Pakistan. Que ces trois États – par ailleurs membres de la Conférence du désarmement prennent eux aussi l’engagement d’arrêter de produire des matières fissiles pour des armes, que l’Inde et le Pakistan adhèrent par ailleurs sans délai au Traité d’interdiction des essais nucléaires, et le progrès serait considérable pour la sécurité internationale.
Le nouveau traité sera d’autre part la concrétisation d’un des engagements pris lors de la prorogation indéfinie du Traité de non-prolifération nucléaire en 1995 : les États parties ce traité avaient décidé de mener à son terme le traité d’interdiction complète des essais nucléaires : de lancer et de conclure le traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour des armes nucléaires : de poursuivre la réduction des arsenaux nucléaires.
Le premier engagement a été tenu dès 1996. La France et le Royaume-Uni ont d’ailleurs été les deux premières puissances nucléaires – et à ce jour les seules – à avoir ratifié le Traité d’interdiction des essais. La France a par ailleurs démantelé son site d’expérimentation souterrain dans le Pacifique. Une enquête internationale sous l’égide de l’AIEA a confirmé que nos essais avaient été conduits dans le plus strict respect des règles de protection des populations et de l’environnement.
Le traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour des armes nucléaires aura pour effet de plafonner le stock de matières fissiles disponibles pour les arsenaux. La France a pris les devants puisqu’elle a déjà arrêté en 1992 la production pour les armes de plutonium et en 1996 d’uranium hautement enrichi. Elle a entamé le démantèlement de ses installations de Marcoule et Pierrelatte qui produisaient ces matières. Elle se soumettra de bonne grâce aux mécanismes de vérification qui garantiront le respect du futur traité.
À cet égard, je suis heureux que la Conférence du désarmement ait décidé de lancer cette négociation et que l’Inde et le Pakistan aient accepté d’y participer.
Mais les États dotés d’armes nucléaires se sont également engagés à avancer dans la voie de la réduction de leurs arsenaux. À notre sens, l’effort doit d’abord porter sur la réduction des arsenaux américains et russes, qui demeurent considérables, et donc à l’entrée en vigueur du traité START II – subordonnée à la ratification par la Douma russe – et à la négociation d’un traité START III. La France participera à des négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire lorsque les conditions seront réunies. Sans attendre, elle a déjà pris l’initiative, suite à des décisions du Président Mitterrand puis du Président Chirac, de démanteler les différents éléments de la composante sol-sol de sa force de dissuasion.
Je voudrais espérer qu’en réaction à cette crise les États membres de la Conférence du désarmement vont ainsi reprendre l’initiative et faire progresser notre monde vers plus de sécurité.