Texte intégral
P. Lapousterle : Est-ce que vous pensez que la proposition de M. Bon est une bonne chose ?
B. Tapie : Un homme s'habitue malheureusement à ne rien faire, il s'y habitue mal, mais il s'y habitue quand même. Il faut donc absolument qu'un homme privé d'activité puisse, effectivement, s'il le désire, et en général il le désire, avoir des missions de responsabilité, de confiance, où il réapprend à s'intégrer dans une collectivité qui travaille. Donc moi je suis pour toutes les initiatives qui les mettent au travail.
P. Lapousterle : La politique d'E. Balladur ?
B. Tapie : Elle est dans la logique de la politique à la fois libérale, consensuelle et social-démocrate. C'est-à-dire qu'elle n'invente rien, qu'elle subit, qu'elle n'anticipe pas. De ce point de vue-là, la question est : est-ce qu'il fait bien dans le contexte dans lequel la France est inscrite. Il devrait beaucoup mieux faire si l'on s'y prenait d'une autre manière en refusant cette logique-là, en considérant que l'emploi, c'est plus une conséquence d'une société qui fonctionne bien au mal. L'emploi, c'est comme la santé, l'éducation, c'est comme tout ce que la collectivité doit à chacun d'entre nous. Il faut qu'au moins les catégories de jeunes qui sont touchées par cela puissent avoir le droit au travail pour que leurs chances soient égales. Et puis après, ils se démerdent. S'ils ne sont pas bons, ils subissent la loi normale de l'inégalité et de la concurrence.
P. Lapousterle : Dans quelles dispositions êtes-vous vis-à-vis de monsieur Delors ?
B. Tapie : Il est apparemment bien considéré par les sondages. On ne sait pas qui va être candidat. On ne sait pas sur quel programme. Je vous garantis qu'une élection présidentielle, la lecture d'un sondage, n'a de valeur que quand vous êtes dans la configuration de l'élection, que vous connaissez les candidats et que l'ensemble des programmes sont à peu près connu. Aujourd'hui, il n'y a pas un candidat, à part tout ce que l'on suppose, mais ils ne sont pas tous-là, connus. Lui, en particulier, ne l'est pas. Ça, c'est le premier point. Deuxième point, il faut absolument définitivement vous sortir de la tête que les états-majors, que les candidats entre eux peuvent se dire des choses qui ont valeur d'exemple ou, en tout cas, qui sont des prescripteurs authentiques pour les éleveurs. Par conséquent, que je vois ou non J. Delors ne changera rien au nombre d'électeurs qu'il aura s'il se présente.
P. Lapousterle : Mais vous êtes prêt à le voir ?
B. Tapie : Évidemment ; c'est un des dirigeants de la gauche, je suis un des autres dirigeants de la gauche.
P. Lapousterle : Entre E. Balladur et J. Delors vous faites une grande différence ?
B. Tapie : Pour l'instant, je ne connais pas le programme ni de l'un ni de l'autre. Je ne suis pas pour des définitions systématiques classiques. Il faut écouter, il faut savoir, il faut entendre. A priori, je crois que Delors a une politique plus à gauche qu'E. Balladur. Il y a plus de chance que je me retrouve dans le programme de Delors que dans le programme d'E. Balladur.
P. Lapousterle : R. Vigouroux a dit qu'il n'était plus dans l'opposition. Comment voyez-vous cela ?
B. Tapie : Je n'en sais rien, et franchement, je m'en fous. Je ne sais pas où il est. Il a dit qu'il n'était plus dans l'opposition, mais je ne sais pas où il est. Il est dans la majorité actuelle ? Apparemment, la majorité ne se bat pas pour l'avoir. Aujourd'hui, dans les sondages, il est à moins dix à Marseille. Je crois qu'il n'a pas besoin de Vigouroux, E. Balladur. Ceux qui sont de droite, s'ils voient Gaudin s'associer avec quelqu'un qui est anciennement de gauche, vous allez gagner un peu de cet électorat, et puis il y a une grosse partie de cette électorat qui va aller ailleurs, qui ne veut pas de cette alliance contre nature. Car si R. Vigouroux a changé de camp, c'est parce qu'il veut aller du côté des vainqueurs.
P. Lapousterle : Votre analyse aujourd'hui, c'est de penser que M. Gaudin sera votre adversaire…
B. Tapie : Je suis sûr. Le choix est binaire. Il est à gauche ou il est à droite, ou Gaudin, ou moi.