Texte intégral
Philippe Lapousterle : Quel est votre constat, ce matin, de l’état de l’opposition, vous qui êtes un opposant énergique ?
Philippe De Villiers : « Je crois que les appareils du RPR et de l'UDF sont à l’agonie. »
Philippe Lapousterle : À l’agonie ?
Philippe De Villiers : « Oui, parce qu'ils sont discrédités moralement, et disqualifiés politiquement. C'est l'Alliance des Atrides et du vide. Des Atrides, parce qu'ils s'étripent entre eux - ce qui est désolant pour les électeurs - plutôt que de s'attaquer au socialisme, par exemple au fameux PACS, qui est un mariage au rabais. Et puis, l’alliance du vide, parce qu'ils ne disent plus rien, ils n’osent plus rien dire, ils sont tétanisés par la gauche et son terrorisme. »
Philippe Lapousterle : Est-ce qu’A. Madelin a eu raison d’admettre J. Blanc en ses rangs ? Je vous pose la question, parce que c'est dans le débat à droite.
Philippe De Villiers : « Moi, ce que je peux vous dire, c'est que J. Blanc est un type courageux, qui ne s'en laisse pas compter. Ce que la gauche reproche à J. Blanc, c'est de ne pas avoir donné sa région à la gauche. C'est comme Millon et C. Baur. C'est à dire qu’aujourd’hui, quelqu'un de droite, pour être populaire à gauche et dans les médias, il faut qu'il donne sa région à la gauche ! Il n'a pas voulu le faire, J. Blanc : il a montré un certain courage. »
Philippe Lapousterle : Ce n’est pas gênant d'être élu avec le Front national ?
Philippe De Villiers : « Non, mais ce n'est pas la question. La question est de savoir si J. Blanc devait donner sa région aux socialistes et aux communistes. À moins qu'on invente un laboratoire avec un système pour détecter des empreintes digitales sur les bulletins de vote. »
Philippe Lapousterle : Est-ce que l'Alliance est quelque chose qui représente un espoir pour l'électorat de droite ?
Philippe De Villiers : « Non, ce qui représente un espoir pour l’électorat… »
Philippe Lapousterle : C'est vous ?
Philippe De Villiers : « Je n'ai pas cette prétention, mais en tout cas, ce que je crois, c'est qu’entre ce qui est tortueux, douteux, sinueux et ce qui est clair, net, propre et cohérent dans la durée, les gens finiront par choisir. Et je pense qu'il faut, aujourd’hui, une nouvelle génération politique. Je ne parle pas en termes d’âge, mais de contenu, et de discours qui s’appuie sur les vraies valeurs de notre pays et qui n’abandonne pas la nation. On est à quelques encablures de la discussion sur le traité d’Amsterdam. Je dis cela parce que je sens que notre pays est en train de glisser à l'abîme et les politiciens français, toutes catégories confondues, ne se tiennent pas sur les hauteurs pour parler aux Français des vrais problèmes. »
Philippe Lapousterle : Votre appréciation, avant de parler de l’Europe, du gouvernement Jospin après 14 mois ?
Philippe De Villiers : « Je pense que Jospin a eu la chance de se trouver face à une embellie mondiale, dont la France a bénéficié, avec, en plus, un zeste d’habileté et, en face de lui, un cohabitant, J. Chirac, qui lui fait la part belle. La différence entre Chirac et Mitterrand, c'est que Mitterrand, lui, menait une cohabitation de combat contre l'opposition de l’époque, alors que J. Chirac mène une cohabitation de connivence. Alors, quand on a, comme Jospin, la chance d'avoir une opposition muette et un Président de la République qui vous laisse gouverner, et même qui vous soutient, notamment sur la question européenne, c'est plus facile. Mais les difficultés risquent d’arriver. D’ailleurs, moi, je suis bien décidé… »
Philippe Lapousterle : Vous dites que J. Chirac est socialiste ?
Philippe De Villiers : « Non, je pense que J. Chirac pense à sa réélection et qu'il est dans une autre perspective. Moi, je l'appelle le premier supporter de France. J. Chirac va maintenant sur les stades, il va voir Johnny, il va voir l'équipe de France, il va voir les départs du Tour de France. Et puis, de temps en temps, il prend un avion pour aller avec les VRP faire du commerce à l’étranger. C'est bien, mais c’est R. Coty. »
Philippe Lapousterle : Vous étiez en bons termes, à une époque, avec J. Chirac ?
Philippe De Villiers : « Mais je suis toujours en bons termes, mais cela ne m'empêche pas de dire la vérité. Moi, ce que j'attends du Président de la République, aujourd’hui, c'est qu'il dénonce le socialisme, qui fais du mal à la France, et que ce soit en matière de sécurité, d’immigration, le fameux PACS dont j'ai parlé il y a un instant, le mariage au rabais. »
Philippe Lapousterle : Et les Français qui approuvent à 70 % les deux, cela ne vous dérange pas ?
Philippe De Villiers : « Si on se base sur les sondages de l’instant, moi, je vais vous citer des gouvernements de gauche et de droite qui étaient populaires dans l'instant et qui ont fait des grosses bêtises. Moi, je regarde, ce matin, le budget qui va être présenté au Conseil des ministres : le budget, c'est plus de dépenses publiques, toujours autant d’impôts, plus de fonctionnaires… Enfin exactement le contraire de ce qu'il faudrait faire pour créer des emplois en France. Alors moi, ce que j'attends du Président, c’est qu'il rompt avec le socialisme et qu'il impose une vision de la France qui permette de rétablir sa souveraineté. Or, il fait exactement le contraire. Il est en train de noyer la France dans le magma européen. »
Philippe Lapousterle : Amsterdam, justement. Avant les élections européennes, il y aura probablement la ratification du traité d’Amsterdam. Vous vous apprêtez à signer un livre sur Amsterdam ?
Philippe De Villiers : « Je sors un livre le 19 septembre, qui va s’appeler La machination d’Amsterdam, dans lequel je dis, en gros… »
Philippe Lapousterle : Vous êtes sûr de ne pas livrer un combat retardataire sur cette affaire ?
Philippe De Villiers : « Je pense que c’est un combat d’avant-garde parce que l’Europe d’Amsterdam, dans laquelle la France n’aura plus la possibilité de faire sa loi, dans laquelle la France n’aura plus de Constitution… »
Philippe Lapousterle : C’est déjà le cas.
Philippe De Villiers : « … dans laquelle la France n’aura plus de territoire. Cette Europe-là, c’est un contresens historique, parce qu’on est en train de faire la dernière fédération artificielle, au moment où toutes les fédérations artificielles ont disparu. On est en train d’ériger le mythe de la lutte contre l’inflation, alors que le monde est en train d’entrer en déflation. On est en train de vouloir abolir les nations européennes au moment où sonne, dans le monde entier, le réveil des nations. »
Philippe Lapousterle : L’Europe, cela a été la paix pendant 50 ans.
Philippe De Villiers : « Ce n'est pas l'Europe qui a été la paix, ce n'est pas l'Europe de Bruxelles. Moi, je crois que l'Europe de l'avenir est l'Europe des nations. Quand on voit que nous sommes, aujourd’hui, littéralement submergés, asphyxiés, étouffés, engloutis par une Europe qui nous ôte toutes nos forces vives, je dis : non, ce n'est pas raisonnable. »
Philippe Lapousterle : Vous allez mener une liste aux élections européennes ?
Philippe De Villiers : « Oui. »
Philippe Lapousterle : Avec ?
Philippe De Villiers : « Avec la constellation de tous ceux qui refusent la grande dérive eurocratique d'une Europe qui mutile toutes nos libertés. »
Philippe Lapousterle : Par exemple qui, C. Pasqua ?
Philippe De Villiers : « C’est trop tôt pour le dire, mais invitez-le, recevez-le et vous lui poserez la question. En tout cas, ce qui est certain, c’est qu’avec C. Pasqua, nous partageons, sur ce point, la même conviction C. Pasqua est un patriote. »
Philippe Lapousterle : Vous avez l'espérance de faire les mêmes scores qu’aux élections précédentes ?
Philippe De Villiers : « Cela moi, je ne pars pas avec des scores en tête, je pars avec des convictions en tête et je me tiens, aujourd’hui, par rapport aux appareils dans un esprit d’indépendance. Ce n'est pas par plaisir, ce n'est pas pour jubiler tout seul dans mon coin, c'est parce que je ne me retrouve pas dans le discours politicien de tous les politiciens alimentaires. »
Philippe Lapousterle : M. Millon vous intéresse ?
Philippe De Villiers : « Je l'ai dit tout à l’heure pour J. Blanc. Il est centriste, fédéraliste, on a des divergences, mais il y a un point qui me frappe chez lui, c'est qu’il est courageux. Il résiste à la pression de la gauche. »
Philippe Lapousterle : Être courageux, ce n'est pas forcément avoir raison ?
Philippe De Villiers : « Non, mais courageux, c'est déjà une qualité. Et aujourd’hui, les hommes politiques courageux, il n'y en a pas beaucoup. »
Philippe Lapousterle : Alors le PACS, est-ce que ce n'est pas simplement la reconnaissance d'un fait qui existe déjà : des gens qui ne sont pas mariés et qui vivent ensemble. Après tout, ce n'est pas scandaleux ?
Philippe De Villiers : « Ce n'est pas la question. Aujourd’hui, on voit bien qu'une très grande partie de la misère et de l’exclusion, de la grande pauvreté affective, c'est parce que la famille est malade. C'est l’institution familiale qui n'a pas été inventée pour les plus faibles, c'est-à-dire les enfants, et on est en train de vouloir affaiblir l’institution du mariage et de la famille, au moment où la France aurait le plus grand besoin à la fois d’aider les familles et de les stabiliser. »
Philippe Lapousterle : Le PACS n’est pas contre la famille ?
Philippe De Villiers : « Oui, mais cela, c'est le discours officiel. Mais le PACS - le nom change tout le temps, mais la réalité est toujours la même - c'est pour préparer le mariage homosexuel et ensuite l'adoption d’enfants. On le voit bien et on le sait bien. Et puis, c'est de toute façon, par coïncidence, une mesure qui porte atteinte aux familles. Regardez : en même temps, vous avez le PACS, le fameux mariage au rabais, et les atteintes sur la politique familiale et sur le quotient familial. Il y a de la part des socialistes… »
Philippe Lapousterle : Un complot !
Philippe De Villiers : « Non, une volonté idéologique qui consiste à retirer l'enfant à sa famille pour mieux le socialiser. Vous voyez cela dans n'importe quelle ville, les gens qui nous écoutent voient cela dans n'importe quelle ville tenue par les socialistes : retirer l'enfant à sa famille pour le mettre dans des structures collectives et pouvoir l’élever à la socialiste plus facilement. »