Texte intégral
O. Mazerolle
Le Président de la République a invité G. Schröder à venir à Paris dès cette semaine. Il semble que le nouveau Chancelier soit prêt à venir. De quoi aimeriez-vous qu'ils parlent ?
V. Giscard d'Estaing
- « De la future présidence allemande de l'Union européenne au 1er janvier. Il y a deux tests dans cette affaire : il y a le contenu de l'entente franco-allemande - je vous répète que ce ne sont pas des déjeuners, des dîners, des conversations : ce sont des projets. Le deuxième test c'est : quelle signification G. Schröder - qui, fait assez curieux, n'a jamais siégé dans aucune institution européenne, ni au Parlement européen ni au Conseil européen, et qui va se trouver au 1er janvier prochain président de l'Union européenne - va-t-il donner à la présidence allemande ? Quel sera le programme de cette présidence ? Quelle impulsion la nouvelle Allemagne donnera-t-elle à l'union de l'Europe ? »
O. Mazerolle
Quels sont les chantiers à ouvrir de façon urgente ?
V. Giscard d'Estaing
- « Il y a naturellement le chantier de l'emploi, mais il est partiellement national et partiellement européen puisque beaucoup de nos législations ou pratiques sont, en fait, nationales. Cela a été l'un des grands enjeux de l'élection allemande, puisqu'ils ont un chômage un peu plus faible que le nôtre mais très élevé : plus de 4 millions de chômeurs. D'ailleurs, le Chancelier Kohl espérait qu'avant l'élection, il passe au-dessous de la barre des 4 millions. Finalement, ça ne s'est pas produit. L'autre problème, c'est : quelle orientation donner aux institutions européennes ? Va-t-on les laisser en l'état ? Elles fonctionnent peu : l'Europe est absente de la crise russe, presque absente du Kosovo, elle n'a pas joué de rôle dans la crise monétaire internationale. Va-t-on laisser l'Europe en l'état ou va-t-on continuer de la faire avancer, et par quels projets ? C'est essentiellement la réforme des institutions européennes. »
O. Mazerolle
C'est justement les Allemands qui ont plutôt bloqué les choses au moment de la discussion du traité d'Amsterdam, comme s'ils dérivaient progressivement vers l'idée d'une Europe marchande, non vers une Europe politiquement puissante.
V. Giscard d'Estaing
- « Les Allemands se sont laissé prendre dans une contradiction, à l'époque, entre la poursuite de la construction européenne et l'élargissement. Ils ont marqué un temps de pause à ce point de vue. Mais à l'heure actuelle, on sait que les nouveaux membres n'entreront pas très vite. Dans l'intervalle, il faut mettre les institutions européennes en état de fonctionner. On ne peut pas continuer indéfiniment à discuter à quinze, à ne pas pouvoir prendre de décisions parce qu'elles sont bloquées par tel ou tel de nos partenaires, à avoir une présidence qui tourne tous les six mois, à avoir une quasi absence totale de politique étrangère commune. Donc, le chantier c'est : par quelle initiative les Français et les Allemands, les nouveaux Français et les nouveaux Allemands, vont faire avancer l'Union européenne ? Nous avons fait l'euro avec le Chancelier Schmidt : quelle va être la proposition de G. Schröder, J. Chirac et L. Jospin ? »