Interview de M. Antoine Waechter, président du Mouvement écologiste indépendant, dans "Libération" du 3 septembre 1994, sur le lancement du Mouvement écologiste indépendant (MEI), et son objectif de redonner à l'écologie un statut de force politique présente aux élections municipales et présidentielles de 1995.

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Circonstance : Création du Mouvement écologiste indépendant (MEI) par M. Antoine Waechter à Châtelguyon (Puy-de-Dôme) les 3 et 4 septembre 1994

Média : Libération

Texte intégral

Waechter : Les vert, "une structure obsolète"

Le leader alsacien consomme sa rupture avec ses anciens amis, trop ancrés à gauche : il lance ce week-end son parti, le Mouvement indépendant écologiste. Ambition : compter à terme 20 000 adhérents et être présent à la présidentielle.

Et un de plus ! Ce week-end, Antoine Waechter lance un nouveau parti, le Mouvement indépendant écologiste. La naissance est prévue à Châtel Guyon dans le Puy-de-Dôme. Deux cents à trois cents personnes sont attendues pur parrainer le nouveau venu. La création de ce Mouvement consacre la rupture d'Antoine Waechter avec les Verts, au sein desquels il était minoritaire depuis l'Assemblée générale de Lille, en novembre 1993. En juin, le leader alsacien s'était démis de ses fonctions de porte-parole. Il entendait protester contre "la dérive gauchiste" de la majorité conduite par Dominique Voynet et annonçait son intention de créer un nouveau parti ayant pour vocation de rassembler les partisans d'une écologie indépendante. Explications.

Libération : Pourquoi lancer aujourd'hui un nouveau parti alors que les écologistes sont déjà très divisés ?

A. Waechter : Les Verts ont cessé de servir nos convictions. Deux cultures politiques antagonistes ont toujours cohabité au sein des Verts. Jusqu'en 1992, les partisans d'une écologie indépendante étaient majoritaires. Puis la sociologie interne des Verts a changé, notamment avec l'arrivée de nombreux militants de gauche et d'extrême gauche. Les deux tendances ont fini par s'équilibrer, d'où les conflits et les blocages. Aujourd'hui, nous sommes nombreux à partir avec le sentiment que la structure verte est obsolète et incapable de faire de l'écologie politique une force réelle. L'échec des européennes en est la preuve, d'autant plus que c'est l'élection qui nous est la plus favorable. De plus, les amis de Dominique Voynet ont complètement négligé la cohésion interne en méprisant les minorités.

La création du Mouvement indépendant écologiste met fin aux conflits qui rendaient l'ambiance invivable au sein des Verts. Ces derniers mois, nous passions 80 % de notre temps et de notre énergie dans les combats politiques internes. Avec cette fondation, nous rendons lisibles les fractures politiques. Les électeurs auront désormais le choix entre une écologie marquée à gauche, celle des Verts, et une formation qui entend affirmer l'écologie en dehors du schéma droite-gauche.

Libération : Quels sont vos objectifs avec la création de ce mouvement ?

A. Waechter : Affirmer l'écologie politique comme un nouveau clivage face aux orientations productivistes des philosophies libérales et socialistes. C'est bien entendu un parti politique qui a vocation de gouverner les institutions de ce pays. Mais notre participation à un exécutif ne sera pertinente que si nous pouvons rester nous-mêmes et disposer d'un réel pouvoir. En termes d'adhésion électorale, l'écologie politique peut se hisser au niveau des grandes formations d'ici l'an 2000. Le Mouvement indépendant écologiste comptera 3 000 adhérents d'ici la fin de l'année, ce qui équivaut au nombre des adhérents des Verts aujourd'hui. À terme, nous devrions être 20 000 adhérents. Pour l'essentiel, il s'agit d'anciens Vert, dont 40 % des conseillers généraux de ce mouvement. 18 000 personnes ont adhéré à un moment ou à un autre aux Verts.

Libération : Comment comptez-vous financer ce nouveau parti ?

A. Waechter : C'est le seul problème que nous ayons. Nous comptons sur l'enthousiasme et la générosité de nos adhérents. Nous sommes encore réticents vis-à-vis du financement venant des entreprises.

Libération : L'écologie politique a-t-elle encore un avenir ?

A. Waechter : La création de mon parti est un pas vers la clarification de l'écologie politique. Mais nous ne pouvons-nous satisfaire d'un émiettement. C'est pourquoi nous appelons à la constitution d'une confédération rassemblant les écologistes indépendants. Cette unité doit se bâtir sur un accord politique clair. Cet appel s'adresse à toutes les formations se réclamant de l'écologie. À elle maintenant de se déterminer entre ces deux options : participer à un pôle de gauche ou de droite, ou construire un pôle écologiste.

En 1995, il y aura donc probablement deux pôles écologistes, l'un qui s'ancre à gauche et l'autre qui a choisi l'indépendance. Cette clarification permettra à l'écologie politique de retrouver son potentiel actuel de 11 % des voix, et même de le dépasser. Et pourquoi deux formations différemment positionnées ne recueilleraient-elles pas d'avantage de voix que ne le ferait un seul mouvement ?

Libération : Quelle est votre stratégie pour les élections municipales ?

A. Waechter : Nous voulons affirmer notre présence au premier tour par la constitution de liste écologistes. Au second tour, il y aura éventuellement des partenariats sur la base de contrats précis. Si nous ne trouvons pas de partenaires satisfaisants, nous serons présents au second tour.

Libération : Avez-vous l'intention de vous présenter à l'élection présidentielle ?

A. Waechter : Il y aura un candidat représentant l'écologie indépendante au premier tour de la présidentielle. On s'oriente ainsi vers une situation analogue aux présidentielles de 1988, où deux candidats se réclamaient de l'écologie. Autre certitude, notre candidat ne donnera aucune consigne de vote pour le second tour. Nous désignerons notre candidat au début du mois de janvier.

Libération : Il y a de grandes chances pour qu'il s'agisse de vous ?

A. Waechter : Ce n'est pas ma préoccupation immédiate. Il est vrai que ma notoriété peut inciter mes amis à faire ce choix. Mais chaque chose en son temps.