Texte intégral
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Président de la province,
Monsieur le Maire,
Messieurs les représentants de la coutume,
Mesdames et Messieurs,
Au terme de cette journée chargée d'émotion, je voudrais tout d'abord remercier tous ceux qui m'ont accueilli ici à Ouvéa : les politiques, les coutumiers, les femmes, les jeunes et toute la population.
L'histoire récente a durement marqué votre île. Par l'accueil coutumier, par l'échange de paroles, vous m'avez permis de mieux comprendre qui vous êtes, ce que vous avez vécu, et quelles sont vos espérances.
Rien de solide ne peut être construit sur l'oubli. Il faut, pour que l'avenir soit possible, faire mémoire du passé.
Ici, à Ouvéa, je veux dire que je m'incline devant la mémoire des gendarmes et des militaires morts en service, et devant celle des enfants d'Ouvéa tombés lors de l'assaut de la grotte, il y a un peu plus de 10 ans.
Je salue la mémoire de Jean-Marie Tjibaou et de Yeiwéné Yeiwéné, morts ici pour leur engagement dans le processus de dialogue. Nous prenons conscience de leur courage quand il a fallu tracer les chemins de la paix et repousser la violence.
Oui, il faut faire mémoire de tous ces morts, qu'ils soient de métropole, de Hienghène, de Maré ou d'Ouvéa. Oui, il faut dire que trop d'enfants d'Ouvéa ont perdu la vie à cause des circonstances politiques que connaissait la Nouvelle Calédonie il y a un peu plus de 10 ans. A tous ceux qui ont alors perdu un proche, j'adresse l'expression de ma compassion.
Au-delà de la souffrance ressentie par les familles, au-delà du traumatisme subi collectivement par les habitants d'Ouvéa, au-delà de ces disparitions, le dialogue a pu renaître. Il a permis de construire la Nouvelle-Calédonie d'aujourd'hui et celle de demain, celle des "Accords de Matignon" et celle de l'"Accord de Nouméa”. Il n'y avait pas d'autre chemin.
Il y a 4 mois, le 22 avril 1998, Simon Loueckhote et Roch Wamytan sont venus participer à la messe de commémoration que vous aviez organisée avec la gendarmerie nationale. Ils venaient quelques heures auparavant de conclure le texte de l'Accord sur la Nouvelle-Calédonie.
Vous les avez accueillis comme vos frères. Ils vous ont donné ce texte comme on montre à l'assemblée de la tribu la coutume apportée par ceux qui arrivent. En acceptant ce don, vous avez fait vôtres les Accords sur la Nouvelle-Calédonie et vous leur avez donné leur force et leur dimension.
Je voudrais vous dire que la France entière a été émue par le geste que vous avez fait ce jour-là. Elle a été émue de voir les gendarmes s'avancer sur la route de Fayaoué à votre rencontre, de sentir votre dignité commune et le pas important que vous aviez choisi de franchir ensemble, c'est le geste de la sagesse, de la responsabilité et de la tolérance.
Ce geste et le geste des négociateurs de l' ”Accord de Nouméa ” sont portés par la même espérance.
Mon séjour en Nouvelle-Calédonie - le troisième en 14 mois – sera l'occasion de réunir vendredi le comité des signataires et de progresser avec eux dans la rédaction de la “loi organique” traduisant les orientations de l' "Accord de Nouméa".
Cet Accord, conclu entre les partenaires, doit être le 8 novembre prochain, soumis à l’approbation des électeurs de Nouvelle-Calédonie. Je forme devant vous le vœu que cette approbation soit massive, et adresse ainsi aux parlementaires un message sans ambiguïté, sur ce que vous souhaitez pour votre avenir, vous les Calédoniens, vous les Loyaltiens, vous les habitants d'Ouvéa.
Vous savez ce qui a été réalisé ici pendant les 10 années écoulées, grâce à la provincialisation et au rééquilibrage, avec un effort important de l’Etat, notamment au travers des contrats de développement. Les progrès sont visibles dans le domaine de l'enseignement, de la santé, les services de l'eau, de l'électricité, des routes et des transports. L'île se modernise tous les jours. L'aéroport et le port vous relient à la grande terre, des efforts de formation professionnelle et d'insertion sociale sont accomplis.
Il faut, pour les années à venir, que cet effort continue et améliore la vie quotidienne des habitants de l'île. Divers projets de développement économique notamment dans les secteurs touristiques ou agricoles ont été étudiés. Il est nécessaire qu'ils aillent à leur terme, et amènent aux enfants d'Ouvéa des emplois et des perspectives.
L’Etat et les collectivités accompagnent et accompagneront ce développement. Avant de quitter Paris, j'ai défendu la défiscalisation du projet hôtelier et décidé d'accorder à la bibliothèque d'Ouvéa la subvention demandée.
Il est important pour moi de pouvoir le souligner ici, à Gossanah. Je souhaite que cette parole que je vous adresse puisse être acceptée et accueillie par vous comme une parole de mémoire et d'espoir.
Permettez-moi enfin de vous adresser, au nom du Gouvernement, un dernier message :
La Province des îles a son identité propre, et elle a toute sa place parmi les trois provinces de Nouvelle-Calédonie.
La commune d'Ouvéa a son identité propre, et elle a toute sa place parmi les 33 communes de Nouvelle-Calédonie. La tribu de Gossanah a son identité propre, et elle a toute sa place dans la grande case.
C'est à vous de construire votre avenir. Sachez que l'Etat sera à vos côtés pour vous y aider.