Texte intégral
M. le président : La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Balladur, Premier ministre : Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les députés, Monsieur Barrot, je suis rentré il y a moins d'une heure du sommet franco-allemand. Votre question me donne l'occasion de rendre compte immédiatement à l'assemblée du déroulement des conversations et de leurs résultats.
Au cours de ces conversations, nous avons bien évidemment évoqué les problèmes que pose la situation en Bosnie, qui témoigne, et vous avez eu raison de le relever, de l'insuffisance de la coordination politique et de l'action militaire des membres de l'Union européenne. C'est, à coup sûr, l'un des domaines privilégiés du progrès indispensable de l'Europe.
Au cours de ces mêmes conversations, nous avons évoqué le prochain sommet d'Essen, sous présidence allemande, et insisté sur l'importance qui s'attache, selon nous, au développement, notamment pour l'emploi, des infrastructures, principalement du TGV Est. L'assurance nous a été donnée que ces points seraient soumis à nos délibérations et que la France et l'Allemagne proposeraient une décision positive.
J'ai également saisi cette occasion pour informer nos partenaires allemands du programme de la présidence française, comme j'en ai informé hier le Conseil des ministres, après que plusieurs réunions se sont tenues au sein du gouvernement, la dernière autour du président de la République.
Il s'agit, en premier lieu, de développer la croissance et l'emploi. Il s'agit, en second lieu, de développer la sécurité et la stabilité, et nous espérons que le pacte de stabilité dont la France a pris l'initiative pourra être signé au cours du premier semestre de l'année 1995. Il s'agit, en troisième lieu, de défendre l'identité européenne en matière de culture, ce qui nous renvoie à la réforme de la directive « Télévision sans frontières ». Il s'agit, enfin – j'en arrive aux questions institutionnelles – de préparer la conférence intergouvernementale qui doit se dérouler en 1996.
La France, qui assurera la présidence de l'Union européenne au premier semestre de l'année prochaine, aura pour responsabilité de coordonner les études qu'il appartient aux diverses institutions de l'union de mener et de poser les questions qui s'imposent. Dans le même temps, il importera que notre pays prépare les réponses qu'il entend proposer à ses partenaires.
En effet, trois événements, qui auront lieu dans les dix-huit prochains mois, nous conduisent à clarifier nos idées : l'élection à la présidence de la République, au premier semestre de l'année prochaine ; la campagne présidentielle, qui sera certainement l'objet d'échanges de vues sur l'avenir de l'Europe…
M. Didier Boulaud : Il y aura les primaires avant !
M. Christian Bataille : Au fait, elles auront lieu quand ?
M. le Premier ministre : … enfin, la conférence intergouvernementale qui se tiendra en 1996 et au cours de laquelle la France devra faire connaître son point de vue. Sur les institutions européennes et le couple franco-allemand, je me suis exprimé hier, mais je rappellerai en quelques mots le fond de ma conviction.
Premier point : l'Europe doit s'élargir. C'est pour elle un devoir politique, moral et économique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Deuxième point : il est bien évident que, l'Europe s'élargissant, il faudra procéder à certaines adaptations des mécanismes institutionnels actuels. Une Europe à quinze – car nous serons prochainement quinze et non pas seize – et peut-être un jour à vingt-deux ou davantage, ne pourra pas fonctionner selon les mêmes règles qu'une Europe à six, à neuf ou à douze. Il faut donc que nous y réfléchissions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
Troisième point : cette Europe ne pourra pas être uniforme dans son organisation. Il faudra prévoir des coopérations plus étroites entre les pays qui souhaitent, et qui sont en mesure de le faire, aller plus vite et plus loin ensemble sans pour autant figer au préalable la composition des groupes de pays intéressés. Je vous livre là le fond ma pensée, qui est certainement la vôtre aussi.
M. Didier Boulaud. Non !
M. le Premier ministre : Il serait éminemment souhaitable que, dans ces groupes, la France et l'Allemagne fussent toujours présentes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur les bancs au groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
M. Jean-Pierre Soisson : Très bien !
M. le Premier ministre. Enfin, s'agissant des relations avec l'Allemagne, je rappelle que le traité de l'Élysée a maintenant plus de trente ans. Il a été signé à une époque où l'Europe, comme l'Allemagne, était divisée et où la Communauté européenne comptait six États. Aujourd'hui, elle en compte quinze, l'Allemagne est réunifiée et l'Europe est en voie de réunification. Dans le même temps, l'Union européenne est en voie d'extension.
Il est indispensable que nous réfléchissions désormais à ce que peut être le contenu nouveau et approfondi de la coopération franco-allemande. Je m'en suis entretenu avec le Chancelier Kohl et nous sommes convenus qu'il fallait que, dans les mois qui viennent, nous confrontions nos vues pour examiner la possibilité d'aboutir à un nouveau traité franco-allemand.
Telle est, Monsieur le président Barrot, la réponse que je voulais vous faire.
Je terminerai mon propos par une observation.
J'ai de tout temps – je me permets de le rappeler – dit et répété qu'une Europe bien organisée était pour la France un élément de force, de puissance et d'influence supplémentaire. Cette conviction demeure la mienne !
(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)