Texte intégral
C. Sérillon :
Faire campagne sans B. Mégret, ça veut dire que vous voulez rester seul maître à bord ?
J.-M. Le Pen :
« Pas du tout. J'ai toujours été le seul maître à bord, si j'ose dire, en tous les cas, à la barre, et B. Mégret participera à la campagne européenne, bien évidemment avec son talent et ses moyens. Il est délégué général du mouvement, et à ce titre, la délégation générale participera à la campagne électorale comme le secrétariat général et comme le pré-gouvernement. Simplement, j'ai pensé que cette campagne électorale serait différente des autres, elle serait moins technique et plus sentimentale puisque j'estime qu'il s'agit de l'avenir de la France. La France est menacée de mort par le basculement dans l'Europe fédérale. Et je pense que M. Martinez qui est le plus doué, le plus connu de nos députés européens et aussi le plus lyrique, était le mieux placé pour imaginer une campagne électorale de contact direct avec la population française. »
C. Sérillon :
Et pourtant il va falloir faire une campagne à propos du Traité d'Amsterdam sur des problèmes très techniques, très précis, sur l'entrée de l'euro. Est-ce qu'il ne fallait pas rassembler toutes ses forces ? En plus, d'une certaine manière, M. Mégret souhaite qu'il y ait des alliances avec les partis de droite. Alors comment peut-on arriver au pouvoir, comme vous le souhaitez, sans faire alliance ?
J.-M. Le Pen :
« Ce n'est pas actuellement le problème. Le problème, c'est celui de la campagne européenne. Et pendant la campagne européenne, nous n'allons pas faire des discussions techniques puisque, qu'elle qu'en soit la forme, l'Europe fédérale de Maastricht signifie la condamnation à mort de la France, des libertés françaises… »
C. Sérillon :
Pourquoi est-ce que ça signifie la condamnation à mort ?
J.-M. Le Pen :
« Parce que ça n'est plus la France qui décidera de ses lois, ça n'est plus le gouvernement français qui décidera de la ligne politique de la France, mais ce seront les institutions européennes. D'ores et déjà, 60 % des lois qui sont imposées en France le sont par Bruxelles et non par Paris. Un certain nombre de Français se sont rebiffés contre cela. »
C. Sérillon :
Mais quand on voit la mondialisation des économies des échanges des jeunes et des gens qui voyagent énormément, est-ce que l'espace européen ne donne pas plus de force quand on voit les grandes bagarres internationales ?
J.-M. Le Pen :
« Tout le monde peut se rendre compte que plus d'Europe, c'est à la fois plus de chômage, plus d'immigration, plus d'insécurité et plus d'impôts. Depuis plusieurs années, cette démonstration a été faite. Et quand vous me parlez du mondialisme, eh bien tout à fait précisément, on en voit aujourd'hui par l'effondrement des bourses, les dramatiques conséquences. »
C. Sérillon :
Mais peut-être que l'euro permettrait de résister chez nous ?
J.-M. Le Pen :
« Je ne crois pas du tout. Je crois que le phénomène de récession qui est en train de s'enclencher. S'il y avait eu des protections, s'il y avait eu des compartimentages comme il en existait, nous aurions pu résister, amodier notre résistance à ce phénomène ruineux. Malheureusement, on a fait sauter tous les barrages. Et actuellement, ce qui se passe en Asie ou en Russie ou en Amérique du Sud risque de balayer les économies occidentales et en particulier européennes. Et je ne crois pas du tout que l'Europe fédérale soit de nature à empêcher cela. En revanche, on aura détruit les réflexes nationaux, les réflexes patriotiques, le sentiment de la solidarité des Français les uns avec les autres. Et je crois que cela risque d'être une catastrophe. Et nous voudrions en faire prendre conscience aux Français pendant qu'il est encore temps, avant qu'il ne soit trop tard. »