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Franc CFA, de nouvelles mesures d’accompagnement sont indispensables
Le 11 janvier 1994, les chefs d’État et de gouvernements des pays africains, en accord avec le gouvernement français, ont décidé la dévaluation de 50 % du franc CFA. Neuf mois après Jean-Louis Vilgrain, président du comité Afrique-Caraïbes-Pacifique du CNPF, au cours d’une conférence de presse, a dressé un bilan des premiers effets de cette dévaluation et exposé les mesures que le CNPF estime nécessaire de prendre aujourd’hui.
Compte tenu de la situation créée par la dévaluation du franc CFA, le comité ACP du CNPF formule donc de nouvelles suggestions, telles que la réalisation d’une étude précise sur l’impact de la dévaluation sur les dispositions de la réforme de la politique fiscale et douanière et le repositionnement du tarif extérieur commun (TEC) pour qu’il garantisse un accroissement des recettes douanières tout en étant également un outil incitatif de politique industrielle. La création d’une véritable TVA qui se substituerait à l’actuelle taxe sur le chiffre d’affaires, génératrice parfois d’une inflation non négligeable et la mise en place d’une politique fiscale directe et indirecte conçue comme un outil de politique économique destiné à favoriser l’investissement privé et l’intégration sont également souhaitables.
Par ailleurs, la relance de l’investissement privé est le fondement de toute reprise de la croissance et du développement économique. Elle doit être envisagée pour le comité ACP du CNPF selon cinq axes :
– la charte des financements, qu’il faut faire rentrer dans le système commun afin de mettre fin aux procédures d’exclusion ;
– la reconstitution de fonds de garantie, qui se doivent d’être moins complexes ;
– la mise en œuvre d’une politique de privatisation ;
– les financements en francs CFA au moyen des structures existantes afin de lever deux hypothèques importantes : le risque de change et le manque de confiance ;
– la conversion de la dette publique en actifs d’entreprises à privatiser, schéma intitulé de « debt equity swaps ».
La voie de la privatisation semble plus facile pour relancer l’investissement privé qu’une politique d’investissements nouveaux. Cette politique de privatisation doit être assortie d’un certain nombre de conditions clairement établies : la possibilité de nouer des partenariats directs avec des entreprises locales sans être obligé de recourir, comme c’est le cas aujourd’hui, aux appels d’offres qui conduisent parfois à proposer des entreprises au rabais dans le seul but de réaliser des plus-values financières en l’absence de toute démarche industrielle ; le maintien de l’État dans le capital de l’entreprise à privatiser, en tant que garant mais aussi pour le portage des titres à rétrocéder ultérieurement à l’épargne privée nationale africaine : la création de fonds de garantie ; la création, la dynamisation et la régionalisation des marchés financiers afin de rétrocéder à l’épargne privée les actions conservées par l’État ou les bailleurs de fonds et pour lever des fonds nouveaux afin de financer des investissements.
Jean-Louis Vilgrain a formulé d’autres recommandations, qui font suite aux propositions émises par le CNPF après la dévaluation du franc CFA le 11 janvier 1994.
En effet, neuf mois après la dévaluation, de nombreuses difficultés n’ont pas été résolues. Il s’agi particulièrement :
– des problèmes de transfert : les entreprises souffrent des transferts non effectués avant la date de la dévaluation et elles n’arrivent pas à faire prendre en compte l’ancienne parité. Des interventions devraient avoir lieu au niveau des banques commerciales et des banques centrales pour régler ce problème et restaurer la confiance ;
– des arriérés des États : la dette intérieure des États, des collectivités locales et des entreprises parapubliques pose de graves problèmes aux entreprises privées. Il conviendrait que des mesures soient prises, en liaison avec les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, pour que ces arriérés soient réglés et/ou traités (titrisation) rapidement. En cas de titrisation, ces effets devraient pouvoir être mobilisés sur le marché financier ;
– des problèmes de trésorerie : la dévaluation a représenté une perte de change importante pour les entreprises et les mesures mises en place par l’administration française ne sont pas satisfaisantes ;
– la restructuration de l’endettement en devises : la valeur de l’endettement en devises des entreprises a doublé après la dévaluation, des mesures sont nécessaires afin de neutraliser, sur le plan fiscal, la dette de l’année ainsi que celle des échéances à venir, de rééchelonner la dette, la rembourser par anticipation ou la convertir en prêts participatifs ;
– l’intégration régionale : cet aspect ne concerne, pour le moment, que l’intégration régionale dans la zone UDEAC qui est entrée dans sa phase d’application ;
– la réévaluation des bilans : la dévaluation a diminué de moitié les actifs des entreprises et renchéri de manière très importante le coût des équipements à renouveler. Les dispositions d’une réévaluation des bilans, dans une optique de poursuite et de développement des activités et de neutralité fiscale, devraient être étudiées et promulguées dans les meilleurs délais ;
– les personnels expatriés : la dévaluation pose des problèmes aux personnels expatriés payés en francs CFA, au niveau des salaires et des cotisations sociales. La limitation de l’impact de la dévaluation sur les personnels expatriés pourrait être trouvée par une défiscalisation partielle de certains aspects de la rémunération. Des mesures de ce type contribueraient à limiter les départs de nombreux expatriés qui désorganiseraient les entreprises de productions locales.
Bilan des relations économiques entre la France et les pays de la zone franc
Les échanges entre la France et les États africains de la zone franc connaissent depuis 1989 un recul continu. D’un montant total de 33,3 milliards de francs en 1990, ils sont descendus à 29,2 milliards de francs en 1992 et à 25,6 milliards de francs en 1993 (– 12 %). La France reste, cependant, un partenaire commercial essentiel de cette zone qui absorbe en moyenne 25 % de ses exportations. 48 % des échanges de la France avec l’Afrique non-méditerranéenne sont réalisés avec la zone franc.
La balance commerciale de la France avec les pays de la zone franc lui est traditionnellement favorable. Ses excédents connaissent depuis 1990, une progression constante, à l’exception de l’an passé.
Solde des échanges commerciaux (en milliards de francs) :
1990 : + 0,6
1991 : + 1,2
1992 : + 5,4
1993 : + 4,6
L’évolution des exportations françaises vers la zone franc est contrastée. De 16,7 milliards de francs en 1991, les exportations sont tombées à 15,1 milliards en 1993. De même, les importations françaises enregistrent depuis 3 ans une baisse régulière et de forte amplitude, liée pour partie à la baisse du cours des matières premières : de 16,4 milliards de francs, elles ont chuté à 10,5 milliards de francs en 1993.
Les principaux clients de la France en 1993 ont été la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Gabon, le Cameroun et le Congo.
En 1992, le montant des investissements français dans les pays de la zone franc était de 10,6 milliards de francs et ce malgré la crise. Ces investissements représentent plus de la moitié des investissements étrangers.