Texte intégral
C'est devenu un leitmotiv, les quartiers périphériques et les banlieues des grandes villes seraient en crise, des lieux de factures sociales. D'aucuns y voient des zones de non-droit dont les habitants subiraient. Tout le monde s'accorde sur l'urgence qu'il y a à traiter les problèmes qui s'y posent. Des politiques proposent périodiquement « un plan Marshall » des banlieues, un effort accru des services publics et plus particulièrement de la police. Mais chaque année perdue alourdit le prix qu'il faudra payer pour la mise en place d'une politique de la ville efficace.
Jusqu'à maintenant les crédits ont été essentiellement consacrés à l'amélioration du bâti, ce qui était nécessaire. Mais le mal des villes, c'est aussi la disparition de solidarités primaires, familiales, syndicales et politiques. C'est encore et surtout l'insuffisance dans dispositifs de démocratie locale. Dans ces quartiers, d'autres modes de structuration des groupes apparaissent. Les identités qui s'y développent sont liées à l'âge ou à l'appartenance ethnique voire religieuse. Les institutions traditionnelles, l'école, la police et même les pompiers y ont de plus en plus de mal à jouer leur rôle. Elles ne sont parfois plus respectées. Les responsables locaux, souvent élus avec des taux d'abstention record, ont une nette propension à vouloir, à partir d'interventions publiques, régir tous les détails de la vie collective. Conséquence : les habitants de ces quartiers comme ceux des grandes villes sont écartés des choix qui les concernent.
Les difficultés matérielles, les tensions qui se développent dans un tel contexte alimentent les votes populistes ou extrémistes. Et lorsqu'éclatent les crises, la demande sécuritaire devient massive. Cette insuffisance d'implication des habitants dans les politiques locales conforte les attitudes individualiste et sectaires. Beaucoup d'élus l'ont compris, et le disent haut et fort : la démocratie locale est une question-clé. Ni l'État décentralisé avec son représentant le préfet, ni le maire ne peuvent plus gérer sans associer les habitants. Associer les populations à l'élaboration des choix et des orientations, y compris en dehors des périodes électorales, telle est bien l'une des conditions essentielles au développement d'une démocratie locale qui ne soit pas uniquement représentative mais aussi participative. Trois exemples récents soulignent l'urgence des mesures à engager dans ce domaine :
- l'ampleur prise par le trafic de drogue et les conflits de territoire qui en résultent dans certains quartiers font apparaître l'existence d'une économie souterraine et mafieuse ;
- les batailles autour du voile islamique qui se développent dans certains lycées, au-delà du problème religieux, illustrent les difficultés de notre modèle d'intégration ;
- enfin les destructions d'équipements collectifs à Vaulx-en-Velin, et les manifestations brutales dans les hauts de Rouen ou dans un quartier de Pau pourtant considéré comme exemplaire, démontrent l'insuffisance qualitative des politiques suivies.
La décentralisation a conféré aux élus locaux d'importants pouvoirs. Les possibilités d'équilibrer ces pouvoirs dans des instances formelles ou informelles n'ont, elles, jamais été mises en place. La CFDT constate que trop souvent cette exigence démocratique est reléguée au second plan. Pourtant, l'amélioration du sort des banlieues et des conditions de vie de leurs habitants passe par le développement des pratiques participatives qui doivent aujourd'hui être au coeur des politiques locales.