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Le Parisien : Que pensez-vous du plan pour sauver le paysage présenté hier par Michel Barnier ?
Dominique Voynet : On ne peut que se féliciter de cette prise de conscience mais c'est trop tard et c'est insuffisant. Trop tard parce que le littoral est un véritable désastre avec des ports de plaisance, des marinas, des centres de thalasso construits n'importe comment. La montagne aussi va mal et les entrées de villes sont catastrophiques avec leurs centres commerciaux, leurs zones industrielles. Et c'est insuffisant car une telle volonté, qui paraît touchante et naïve, ne tient pas devant le lobby des aménageurs et la pression des élus locaux. La loi sur l'urbanisme de Bernard Bosson, le programme autoroutier sont passés sans problème, malgré la présence de Michel Barnier.
Le Parisien : La défense de ce paysage est-elle aujourd'hui une priorité ?
Dominique Voynet : La beauté d'un paysage, c'est subjectif, c'est émotionnel. Pour les défendre, il faut donc des procédures démocratiques, comme les référendums locaux, et pas se contenter seulement de l'avis des techniciens. En revanche, il est très difficile de mobiliser les gens autour d'un paysage. C'est lorsque le bulldozer est là qu'ils s'aperçoivent que leur cadre de vie ne sera plus le même. En outre, la protection du paysage passe par une étude globale des avantages et des inconvénients de cette protection : je préfère un champ d'éoliennes même si on dit que ce n'est pas très beau, à des tonnes de déchets nucléaires sous mes pieds.
Le Parisien : Les partis écologistes s'effritent tandis que les Gouvernements parlent de plus en plus d'environnement. Avez-vous encore un rôle à jouer ?
Dominique Voynet : Les politiques comme les industriels récupèrent tous les thèmes à consonance écolo, mais de façon superficielle et pour mieux masquer le fait qu'ils continuent comme avant. Michel Barnier parle d'enterrer les lignes EDF, Mais tant qu'on pousse à la surproduction de l'électricité et qu'on la vend à l'étranger, il faudra des lignes à haute tension. Plutôt que les enterrer, peut-être vaut-il mieux ne pas les construire. Le débat sur la pollution automobile aboutit à un nouveau commerce, celui de l'essence sans plomb, mais pas à la réduction du trafic ou à la relance du transport collectif. La protection de l'environnement est devenue un secteur économique. Rhône Poulenc produit à la fois des nitrates et des usines de dénitrification. Ce n'est pas pour rien que le traitement de l'eau et des déchets est entre les mains de deux entreprises la Lyonnaise des eaux et la Générale des eaux, toutes deux fortement liées au monde politique. Nous, nous préconisons un changement de société.
Le Parisien : Mais est-ce qu'un parti écologiste peut encore mobiliser ?
Dominique Voynet : Vous verrez, grâce à la présidentielle et aux municipales, nous aurons un printemps vert. Les sympathisants sont toujours là. Ils ont simplement changé leur façon de ‘exprimer. Ils manifestent moins qu'avant c'est vrai, mais j'ai reçu 10 000 cartes-pétitions contre le canal Rhin-Rhône. C'est important. Les candidats du deuxième tour auront besoin de nous et ils devront respecter le contrat.
Le Parisien : Un ministère de l'environnement a-t-il encore son utilité ?
Dominique Voynet : Oui, s'il a une réelle possibilité de veto face aux projets d'urbanisme. Mais il faudrait surtout une sorte de médiateur de l'environnement, un super préfet qui aurait un droit de contrôle sur tout ce qui se construit.