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En avant, calme et droit… Alpha et oméga de l'équitation française, ce commandement ne pourrait-il s'adresser aujourd'hui à nous citoyens français : craintifs, agités et incertains sur le chemin à suivre ?
En avant – ou plus exactement continuons d'avancer –, car le mouvement en avant est largement entamé, avançons avec confiance et détermination. Accompagnons une reprise économique maintenant établie, confortée par une reprise de la consommation qui vient à point nommé prendre le relais de la reconstitution des stocks, de l'exportation et de l'investissement… actes de foi des chefs d'entreprise qui, depuis le premier trimestre de cette année, ont joué à fond le pari de la croissance et, par là même, l'ont provoquée. Face aux mauvais procès qu'on leur fait, que l'opinion publique n'oublie pas que ce sont eux qui sont les auteurs d'une reprise économique que les consommateurs viennent aujourd'hui relayer.
Avançons dans le chemin des réformes que nous nous sommes fixé ; que la perspective d'une reprise qui adoucira nos malheurs encore présents ne nous fasse pas renoncer aux profondes réformes structurelles dont notre pays a besoin, pour lutter contre le chômage, conserver ses acquis menacés par une concurrence internationale totale dans laquelle il s'est engagé irrévocablement et cesse d'obérer la compétitivité de ses entreprises en s'obstinant à vivre au-dessus de ses moyens.
La France, comme les vieux pays d'Europe, vit toujours sur l'illusion d'un monopole de la connaissance qu'elle a depuis longtemps perdu, au profit de pays au fonctionnement social moins élaboré mais moins coûteux. Au lieu d'être tentée de résister au mouvement, à l'ouverture au monde, qu'elle assume ses responsabilités, qu'elle sorte « par le haut » de ses difficultés, par le progrès, l'audace, la recherche, l'innovation, et qu'ayant résolu ses propres problèmes, elle puisse se pencher sur ceux des autres qui attendent d'elle – et singulièrement les pays ex-communistes d'Europe centrale et orientale – que nous les aidions à consolider leur liberté. C'est cela « avancer », c'est asseoir et affermir la croissance et l'emploi sur une dynamique prospective et courageuse, en se portant au-devant des difficultés à résoudre d'une manière résolue.
Mais il faut avancer dans le calme, fuir le désordre et l'agitation qui risquent de compromettre le mouvement en avant qui nous porte.
Parmi d'autres débats spectaculaires, constatons la résonance donnée aux prises de positions récentes de l'organisation professionnelle dans des domaines qui relèvent de sa compétence et de son devoir d'expression, au point que pourraient être mis en doute la confiance et le respect qui régissent bien naturellement les rapports entre le Gouvernement de la France et l'interlocuteur chargé de lui présenter, en toute indépendance, le point de vue des entreprises française, sans être suspectées de parti pris ou de malice, pour autant qu'il le fait avec impartialité et compétence.
Ainsi le CNPF a-t-il eu l'occasion récemment d'alerter l'opinion publique sur le danger de remise en question – dans la loi de finances – de deux verrous essentiels mettant les entreprises à l'abri d'une augmentation de taxation… Une telle démarche par rapport à la vocation qui est la nôtre n'est ni hostile ni injuste. Que le patronat s'exprime ainsi sur les projets du gouvernement, après avoir loyalement tenté de le dissuader, ne peut et ne doit pas être considéré comme un désaccord de fond sur l'ensemble de la politique économique suivie, même s'il s'agit d'une grande déception sur le point particulier.
Le sens des réalités
Nous avons, il est vrai, manifesté maintes fois notre impatience du fait que le Gouvernement n'ait pu aller plus loin, plus vite, dans la voie de la diminution du coût de travail et d'une plus grande flexibilité, mais nous avons toujours salué les efforts importants qu'on constitués la fiscalisation progressive des allocations familiales, le remboursement anticipé de la TVA ou les dispositions de la loi quinquennale allant dans le sens de nos analyses et de nos demandes pressantes. Nous avons encouragé la communauté des entreprises à apporter, en dépit de ses propres doutes, tout son soutien à la politique menée tant sur le plan de la discipline européenne que de la défense du franc ou d'une attitude réaliste à l'occasion de la négociation du GATT.
En revanche, ce que nous refuserions d'admettre, vis-à-vis de l'opinion publique, serait l'accusation d'ingratitude pour avoir refusé de nous engager formellement, au nom de l'ensemble des entreprises françaises, dans une promesse de créations d'emploi en période récessive. Ce fut peut-être malhabile au plan de l'image, mais scrupuleusement honnête au plan des engagements qu'une organisation a le pouvoir réel de prendre ou de ne pas prendre au nom de ses mandants.
Attachons-nous plutôt à la mobilisation exceptionnelle de l'ensemble des entreprises, conduite par le CNPF, « Cap sur l'avenir », qui a largement contribué à l'embauche en alternance et en apprentissage de près de 400 000 jeunes en une année. Attachons-nous, également, aux efforts importants faits par les chefs d'entreprise et les salariés pour sauver les régimes sociaux de la faillite : en relevant sensiblement leurs contributions et en leur apportant les réformes nécessaires à leur adaptation à un contexte nouveau.
Le « calme », c'est qu'en toute circonstance l'on garde le sens des réalités pour éviter des controverses inutiles. L'agitation autour des rapports qui existent entre la réduction du coût du travail et l'emploi illustre assez bien la difficulté de tels débats quand tout le monde s'accorde sur le fait que ce rapport existe : nous le savons par expérience, nous l'observons en ce moment même. À quoi bon tant de drames !
Enfin, le calme, c'est aussi celui des esprits agités par les « affaires ». Qu'ils s'assagissent et que l'ensemble des acteurs s'accordent sur des règles simples et transparentes pour éliminer toutes ces « zones grises » où naissent des pratiques inadmissibles contraires aux lois et à la morale. Pensons à ceux qui dans le monde nous regardent et comparent, en investisseurs ou en épargnants, ce qui se passe dans notre pays par rapport à d'autres, ils tiennent ainsi entre leurs mains une grande partie du succès de notre reprise économique. Avancer droit, c'est renoncer à tricher avec la réalité et avec l'esprit, sinon la lettre, du système économique et social que la France a choisi. La réalité, c'est qu'exposés à la concurrence du monde entier il nous fait trouver en nous-même les moyens de notre compétitivité. Faute de quoi, l'emploi continuera à servir de fusible à l'inadéquation d'un système que l'obstination des intérêts égoïstes empêche d'évoluer.
Tricher avec l'esprit du modèle libéral, c'est refuser une partie de sa logique. Celle de la responsabilisation du citoyen, sans laquelle aucune réforme véritable de la protection sociale ne pourra être réalisée, nous imposant de continuer à épuiser nos forces vives par des prélèvements sans fin. Celle du désengagement maximum de l'État, d'un retour au marché de tout ce qui lui appartient, et du financement par l'épargne et non par l'impôt. Celle de la fixation de seuils de solidarité, vis-à-vis des démunis, des exclus que la société doit prendre en charge à hauteur de ces moyens en se souvenant que libéralisme est indissociable d'humanisme. C'est droit vers ce but que nous devons avancer avec calme et détermination.