Déclarations de M. Philippe Mestre, ministre des anciens combattants et victimes de guerre, sur l'annonce d'une commémoration du cinquantenaire du retour des prisonniers de guerre et sur les mesures prises en matière de revalorisation des pensions et d'attribution de la carte de combattant, à Tours le 15 septembre 1994 et à Vitré le 18.

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Circonstance : 43ème congrès de la Fédération nationale des prisonniers de guerre et des combattants Afrique Tunisie Maroc (FNPGRATM) à Tours le 15 septembre 1994 et congrès de l'UNC - UNCAFN à Vitré le 18

Texte intégral

ALLOCUTION POUR LE 43e CONGRES DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DES P.G.C.A.T.M.
LES 15 ET 16 SEPTEMBRE 1994 À TOURS

Il y a un an, à Perpignan, c'est à votre fédération que je rendais ma première visite après mon installation au ministère des anciens combattants et victimes de guerre. Les liens d'amitié qui m'unissent depuis longtemps au président Lepeltier expliquaient en partie cette hâte ; mais aussi le fait que vous êtes l'une des associations majeures du monde combattant, tant au titre de la seconde guerre mondiale que des conflits qui l'ont suivie.

J'ai grand plaisir à vous retrouver aujourd'hui à Tours, à l'occasion de votre 43ème congrès, avec le maire de cette grande et belle ville, M. Jean Royer, avec qui j'entretiens depuis bien des années d'excellentes relations et les élus départementaux ou régionaux qui sont aussi mes amis.

Un congrès, Mesdames et Messieurs, est un lieu de rencontre et de dialogue ; c'est également une occasion de se comprendre davantage. Surtout, comme a choisi de le faire votre président, lorsqu'on a décidé de laisser de côté le langage convenu et d'aborder au fond les vrais sujets. Je m'adresserai donc à vous avec la plus totale franchise, celle que commande le respect de son auditoire, sur l'ensemble des sujets qui vous intéressent et nous réunissent ici.

Les prisonniers de guerre ont payé, au cours de la première et surtout de la seconde guerre mondiale, un très lourd tribut. Les années de captivité passées derrière les barbelés furent pour des millions d'hommes, encore jeunes, arrachés à leur famille et à leur terre, une épreuve douloureuse dont certains rentrèrent brisés. Que de bonheurs saccagés, que de vies professionnelles gâchées, que d'opportunités sacrifiées par ce gigantesque enfermement collectif ! Vous le savez, je le sais, mais trop de Français l'ignorent, surtout les jeunes qui ne peuvent pas imaginer qu'une génération ait été ainsi frappée dans ses potentialités et son espérance.

Nous commémorerons l'année prochaine, en 1995, le cinquantième anniversaire du retour de ceux qui vécurent cette épreuve pendant cinq longues années et ne retrouvèrent leur liberté qu'à la fin du conflit. Rien n'est encore arrêté concernant les modalités de cette commémoration, mais je souhaite qu'elles soient définies en concertation avec les responsables de votre fédération et que la manifestation du souvenir de notre pays à l'égard des prisonniers de guerre soit digne d'eux. J'en prends dès à présent l'engagement.

L'hommage rendu à tous ceux qui connurent la captivité et à ceux qui hélas moururent dans les camps – fera partie des dernières commémorations du cinquantenaire de la libération de la France et de la fin de la guerre en Europe. Il y a 50 ans une ère de conflits s'achevait et une nouvelle ère de paix et d'amitié commençait. Il s'agira l'année prochaine de tourner symboliquement cette page de l'histoire, tout en gardant fidèlement la mémoire du passé.

J'en viens maintenant aux problèmes qui intéressent l'ensemble des anciens combattants. Ils sont nombreux, souvent complexes, parfois douloureux. Depuis un an et demi je me suis efforcé de les aborder et de les traiter avec le souci de trouver des solutions concrètes aux plus urgents et aux plus criants d'entre eux. Je vais vous en parler dans un instant. Mais je voudrais faire observer que l'action du gouvernement, dans ce domaine comme dans les autres, se place dans un contexte économique qui était en 1993, selon l'expression du Premier Ministre, le plus difficile depuis la guerre. Malgré le début d'une amélioration que chacun peut constater, le redressement du pays passe toujours par le refus du laxisme et de la facilité. Les Français le comprennent et dans leur grande majorité approuvent cette politique. Vous ne vous étonnerez donc pas que cette contrainte pèse aussi sur notre budget et ne permette pas d'excessives libéralités. Je le dis tout net : si j'ai le sentiment que le gouvernement a fait plus que n'importe quel autre depuis bien longtemps – et je vais m'efforcer de vous le montrer – il, n'est pas question pour autant de faire n'importe quoi. Nous n'en avons pas les moyens et je suis certain que l'opinion générale, qui a plus de bon sens qu'on le croit généralement, ne l'accepterait pas.

Le premier soin du gouvernement, dès son installation, a été de mettre fin aux ambiguïtés qui pesaient sur l'avenir du ministère et de l'office des anciens combattants et victimes de guerre. Le Premier ministre, M. Édouard Balladur, en décidant de nommer un ministre, et non plus un secrétaire d'État, à la tête du département ministériel, a manifesté clairement sa volonté de faire de la solidarité avec les défenseurs de la nation un élément de sa politique, dont l'un des axes forts est la cohésion sociale du pays. Pour ma part, aussitôt installé, j'ai indiqué qu'il n'était pas question de toucher à l'office national des anciens combattants. J'ai donc donné un coup d'arrêt aux velléités précédentes qui tendaient à en déstabiliser le fonctionnement par une diminution pernicieuse de ses moyens. Le budget de 1994 a traduit cette inversion de tendance et je compte bien consolider ce mouvement en 1995.

Mes fonctions précédentes, comme administrateur et comme élu, m'avaient permis d'apprécier le rôle irremplaçable des secrétaires généraux des services départementaux de l'office comme la qualité du travail des directions interdépartementales du ministère. Il y a entre les deux « maisons », toutes deux placées sous mon autorité, une complémentarité que vous connaisses bien et qu'il faut préserver tout en l'améliorant encore davantage. Je m'y emploie. La déconcentration des compétences de l'administration centrale du ministère vers les directions interdépartementales a été accrue afin qu'elles apportent aux usagers un service plus rapide et de meilleure qualité ; quant à l'office, son rôle a été récemment conforté avec la gestion des dossiers du fonds de solidarité et l'entrée en vigueur de la loi de juillet 1993 étendant le bénéfice de la qualité de pupille de la nation.

C'est ainsi avec une administration et un établissement public confirmés dans leur mission et mieux armés pour la remplir que j'ai mis en œuvre la politique de renforcement du droit à réparation qui me tient à cœur autant qu'à vous-mêmes.

Quels en sont aujourd'hui les résultats ? Sans me livrer à une énumération exhaustive, car je ne veux pas lasser votre attention, je ferai une rapide revue des principaux acquis. Ils concernent les plus grands invalides de guerre, les anciens combattants d'outre-mer, les veuves et les harkis.

Vous aviez à juste titre relevé, au cours de vos dernières réunions, la situation très difficile des plus grands invalides de guerre, touchés depuis quelques années par des mesures d'économie aussi dérisoires qu'indécentes. Ce sont les adjectifs qui conviennent pour décrire une politique ignorante des souffrances endurées par ceux qui tentent, avec dignité, de surmonter les si pénibles difficultés de leur vie quotidienne. Avec la majorité actuelle je m'étais insurgé à l'époque contre ces dispositions. Aussi me paraissait-il important d'obtenir le rétablissement de la progressivité des suffixes dès l'année 1994, ce qui a été le cas dans un premier temps pour les pensions inférieures à 100 % ; j'ai bon espoir d'obtenir également, à compter du 1er janvier 1995, la suppression du gel frappant les plus hautes pensions. J'aurai alors mis un terme définitif à une injustice qui frappait ceux qui souffrent le plus dans leur chair. Ce résultat sera pour moi une fierté et un honneur.

La cristallisation des pensions des anciens combattants des pays d'outre-mer n'était pas non plus un dispositif acceptable. C'est pourquoi, le Premier ministre, M. Édouard Balladur, m'avait confié le soin d'animer un groupe de travail interministériel, chargé de lui faire des propositions d'amélioration. À partir des suggestions qui lui ont été faites, il vient de prendre des mesures particulièrement importantes : dès à présent les invalides à plus de 100 % bénéficient d'une revalorisation de 20 % du montant de leur pension, la retraite du combattant est majorée de 30 % ; toutes les autres pensions d'invalidité ainsi que les pensions civiles et militaires de retraite sont revalorisées de 4,75 %. Alors que la commémoration du débarquement et des combats de Provence a été l'occasion de rendre un vibrant hommage à nos frères d'armes de l'armée d'Afrique et de l'armée coloniale, ces mesures leur apportent la plus importante amélioration de leur situation matérielle qui ait été prise depuis l'indépendance de leurs pays.

Je rappelle également que dans le budget pour 1994 j'ai tenu à relever de 25%, en faveur des veuves, le seuil de l'indice de l'allocation spéciale versée aux enfants frappés d'une infirmité incurable et qui sont à la charge de leur mère leur vie durant. Cette allocation n'avait pas été augmentée depuis 1973.

Enfin, vous savez qu'a l'initiative de mon collègue M. Roger Romani, ministre chargé des rapatriés, le parlement a voté récemment une loi qui apporte aux harkis une aide financière nouvelle et un ensemble de mesures qui visent à compenser les préjudices moraux qu'ils ont subis tout en améliorant leur situation matérielle. Le ministère des anciens combattants est partie prenante de ce dispositif qui permet d'honorer une dette ancienne trop longtemps oubliée.

J'en viens maintenant à l'une de mes principales préoccupations qui, je le sais, est également la vôtre : la situation des anciens combattants en Afrique du Nord. Leurs demandes portent essentiellement sur l'attribution de la carte du combattant, la retraite anticipée et l'amélioration des conditions d'accès au fonds de solidarité.

S'agissant de la carte, nos camarades d'Afrique du Nord demandaient la prise en compte du critère de territorialité, avec une assimilation de la situation des unités régulières à celles des brigades de gendarmerie. Une étude a été réalisée en ce sens par le service historique de l'armée de terre. Ses résultats montrent que, loin de réduire les inégalités entre unités, cette solution en aurait introduit de nouvelles ; elle aurait provoqué, en outre, un nivellement de nature à dévaloriser le titre que constitue la carte du combattant, C'est pourquoi, il a été décidé de mettre au point un système qui tienne compte à la fois du temps de service accompli en Afrique du Nord et de la nécessité de conserver toute sa valeur à la carte. Comme vous le savez, la nouvelle formule consiste à attribuer aux personnes, militaires et civiles, ayant servi en AFN, un quota de 4 points par trimestre de présence effective, avec un maximum de 20 points. Ce dispositif, désormais en vigueur, a reçu l'accord du comité des experts et de la commission de la carte du combattant. Je profite de cette occasion pour remercier tout particulièrement son président, M. Goujat, dont le concours et les précieux conseils auront été déterminants pour le bon aboutissement de cette réforme qui permettra d'attribuer environ 120 000 cartes supplémentaires. Ainsi la 3e génération de feu sera-telle désormais traitée de façon comparable à ses deux aînées.

S'agissant de la retraite anticipée, j'ai, comme beaucoup de mes amis, signé des propositions de loi tendait à la rendre possible avant 60 ans. Mais je l'ai fait, comme eux, dans la méconnaissance de l'incidence financière d'une telle mesure ; car le gouvernement précédent, aussi surprenant que cela puisse paraître, n'avait jamais fait procéder à son chiffrage et s'était borné à annoncer un coût aussi faible que fantaisiste. Ma première préoccupation a donc été de réaliser cette étude financière dont je vous ai aussitôt communiqué le résultat : il faisait apparaître un coût de 60 milliards au minimum. Certains ont contesté cette évaluation, bien que nous ayons eu à ce sujet un débat contradictoire. À la demande du rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée Nationale, le ministère du budget a été récemment sollicité en appel ; je ne pense pas vous étonner en vous annonçant que son verdict fait plus que confirmer mes évaluations, puisqu'il en double le montant. Quelles conclusions devons-nous ensemble et sereinement tirer de ces données incontestables ?

1) À l'évidence une telle dépense est hors des moyens du budget de l'État, alors que le gouvernement s'efforce de réduire le déficit. Conscients de cette impossibilité, certains ont proposé de réserver le bénéfice de la retraite anticipée aux seuls bénéficiaires du fond de solidarité. Mais une telle mesure, qui coûterait environ 11 milliards de francs au seul régime générale pour un nombre très restreint de bénéficiaires, se heurterait également à une objection d'ordre juridique car elle opérerait une différenciation entre chômeurs que le conseil constitutionnel sanctionnerait probablement.

2) Le principe même d'une retraite anticipée pose question. Le fondement du système français, basé sur la répartition, c'est-à-dire la solidarité entre les générations, est, vous le savez, gravement menacé pour des raisons démographiques. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a soumis l'année dernière au Parlement, qui l'a courageusement adoptée, une réforme qui consiste, en gros, à rendre plus difficile le départ en retraite à l'âge de 60 ans afin d'inciter les Français à travailler plus longtemps. Solliciter un abaissement de l'âge du départ à la retraite pour les seuls anciens combattants en Afrique du Nord serait donc contraire à la politique gouvernementale et la remettrait en cause. Ce serait aussi créer une inégalité entre Français.

3) Le gouvernement n'en a pas abandonné pour autant sa volonté de témoigner la reconnaissance de la nation à l'égard de ceux qui ont dû passer une partie de leur jeunesse en Afrique du Nord. Je l'ai démontré avec le dépôt d'un projet de loi accordant aux anciens combattants en AFN un avantage spécifique qui consiste en une réduction de la durée d'assurance désormais requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein dès l'âge de 60 ans. Ce texte, qui a été adopté par le Sénat à une très large majorité, est maintenant sur le bureau de l'Assemblée Nationale. Il intéresse environ 80 000 ressortissants du régime général et des régimes alignés qui pourront ainsi prendre leur retraite après une carrière professionnelle plus courte que les autres assujettis. Le coût de cette mesure, soit 2,3 milliards de francs, montre son importance et infirme l'idée selon laquelle tous les anciens combattants en Afrique du Nord disposeraient de 160 trimestres de cotisation ou plus à l'âge de 60 ans. Beaucoup d'entre eux, au contraire, attendent cette mesure ; je reçois d'ailleurs un courrier abondant à ce sujet. Il est donc souhaitable que ce projet de loi soit adopté définitivement.

4) Enfin je travaille à obtenir dans le budget pour 1993 une amélioration des conditions d'accès au fond de solidarité par un abaissement de l'âge minimum de 56 à 55 ans. La situation de nos camarades qui sont chômeurs de longue durée mérite en effet une attention particulière et je surveille très attentivement la mise en place des crédits nécessaires pour que les allocations qui leur sont dues soient versées régulièrement et sans retards.

Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, quelques précisions que je me devais de vous donner ; non pas pour en tirer gloire, mais pour apporter la preuve que le gouvernement est loin d'être resté inactif, comme certains voudraient parfois le faire croire. Bien entendu, nous n'avons pas réglé tous les problèmes ni satisfait toutes les revendications. Mais je crois pouvoir affirmer, sans craindre d'être démenti, que nous avons, en quelques mois, fait beaucoup plus pour le monde combattant que ceux qui nous critiquent n'avaient réalisé en dix ans.

Pour conclure, je voudrais simplement rappeler, Mesdames et Messieurs que cette année 1994, a été riche en commémorations ; l'année 1995 le sera également et je vous ai dit tout à l'heure que les prisonniers de guerre ne seront pas oubliés. Cette période du cinquantenaire de la libération de la France et du retour de la paix en Europe donne l'occasion à tous les Français de se souvenir de ce qu'ils doivent aux anciens combattants, de la résistance intérieure comme des forces françaises de l'extérieur, et de se remémorer les terribles épreuves que notre pays a connues. La France, ainsi, se sent plus proche de ceux qui ont combattu pour elle. Je suis fier que mon département ministériel soit, dans ces circonstances, en première ligne. Il l'est pour la défense de la mémoire ; il justifie également la mission qui lui est assignée dans l'article 1er de notre code : « la reconnaissance de la nation ».

Ma plus grande ambition est de continuer avec vous sur ce chemin.


ALLOCUTION AU CONGRÈS DÉPARTEMENTAL DE L'U.N.C.-U.N.C.A.F.N. D'ILLE-ET-VILAINE. VITRÉ, LE 18 SEPTEMBRE 1994


Je voudrais, en tout premier lieu, vous remercier de vos paroles de bienvenue et vous dire tout le plaisir que j'ai à être des vôtres, à l'invitation de mon ami Pierre MEHAIGNERIE, ministre d'État.

A ce congrès départemental que vous avez placé sous le signe de la libération de l'Ille-et-Vilaine, j'avais toutes les raisons d'être présent, par amitié pour le président du Conseil général et Maire de Vitré, et parce que j'ai partagé vos combats comme je partage vos espérances.

Les sentiments qui nous assemblent tiennent pour une part à nos souvenirs de la guerre, cruels mais glorieux. Nous autres, anciens combattants, vétérans, sommes fiers d'avoir bien servi la patrie dans les différents drames où s'est joué son destin. Par le passé, nous avons toujours regardé en face les épreuves qu'il nous a fallu surmonter, lorsque la mort était notre compagne. Aujourd'hui, confrontés aux réalités de notre temps, nous gardons les yeux ouverts.

Le général de GAULLE déclarait après-guerre :

« Après les grandes épreuves, ceux qui sont faibles s'ensevelissent volontiers dans le passé. Ils trouvent une sorte de satisfaction morose à ressasser dans leur esprit les souffrances qu'ils ont endurées. Il arrive aussi qu'au sortir de ces grandes épreuves, on en trouve d'autres, quotidiennes celles-là, d'autant plus lassantes, et qui tendent à absorber toute l'attention et tout l'effort des hommes. »

Et il ajoutait :

« Mais il me semble aussi que… la France… (soit résolue) à ne pas s'absorber dans la mélancolie du passé, ni dans l'incommodité du présent, mais à regarder hardiment vers l'avenir. Ce n'est certes pas que nous devions oublier les enseignements d'hier. Ce n'est certes pas non plus que nous ne devions pas tout faire pour remédier aux inconvénients d'à présent. Mais nous savons que, pour aborder l'avenir comme il le faut, nous devons lever la tête et le regarder en face. »

J'étais le 6 juin en Normandie pour commémorer l'anniversaire du débarquement allié qui allait permettre notamment la libération de Vitré début août 1944.

Nos cérémonies du cinquantenaire répondent, je l'espère, pleinement à ce souhait profondément ancré en chaque vétéran, en chacun de nous : que l'on n'ajoute pas le poids du silence à la terrible gravité de nos sacrifices, car il y a toujours pour un combattant le risque d'une deuxième mort : celle de l'indifférence de nos concitoyens, dont vous avez plus que d'autres conscience, vous qui vous êtes battus, avec parfois pour certains, le sentiment que la métropole était aussi distante que lointaine.

C'est la tâche du ministère des anciens combattants et victimes de guerre de contribuer à une meilleure connaissance de l'histoire par une information active, non seulement de la jeunesse, mais de toute la nation.

C'est aussi la tâche du ministère des anciens combattants que de veiller à l'exercice de la reconnaissance de la nation, tâche qui lui est assignée à l'article 1 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

Les problèmes qui intéressent les anciens combattants sont nombreux, souvent complexes, parfois douloureux. Depuis un an et demi, je me suis efforcé de les aborder et de les traiter avec le souci de trouver des solutions concrètes aux plus urgents et aux plus criants d'entre eux.

Je voudrais vous faire observer que l'action du gouvernement, dans ce domaine comme dans les autres, se place dans un contexte économique qui était, en 1993, selon l'expression du Premier ministre, le plus difficile depuis la guerre.

Malgré le début d'une amélioration que chacun peut constater, le redressement du pays passe toujours par le refus du laxisme et de la facilité. Les Français le comprennent et dans leur grande majorité approuvent cette politique.

Vous ne vous étonnerez donc pas que cette contrainte pèse aussi sur notre budget et ne permette pas d'excessives libéralités. Je le dis tout net : si j'ai le sentiment que le gouvernement a fait plus que n'importe quel autre depuis bien longtemps, il n'est pas question pour autant de faire n'importe quoi. Nous n'en avons pas les moyens et je suis certain que l'opinion générale, qui a plus de bon sens qu'on le croit généralement, ne l'accepterait pas.

Le premier soin du gouvernement, dès son installation, a été de mettre fin aux ambiguïtés qui pesaient sur l'avenir du ministère et de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre. Le Premier ministre, Monsieur Édouard BALLADUR, en décidant de nommer un ministre, et non plus un secrétaire d'État, à la tête du département ministériel, a manifesté clairement sa volonté de faire de la solidarité avec les défenseurs de la nation un élément de sa politique, dont l'un des axes forts est la cohésion sociale du pays.

Pour ma part, aussitôt installé, j'ai indiqué qu'il n'était pas question de toucher à l'office national des anciens combattants. Mes fonctions précédentes, comme administrateur et comme élu, m'avaient permis d'apprécier le rôle irremplaçable des secrétaires généraux des services départementaux de l'office, comme la qualité du travail des directions interdépartementales du ministère. Il y a entre les deux "maisons" placées sous mon autorité une complémentarité que vous connaissez bien et qu'il faut préserver tout en l'améliorant davantage. Et je m'y emploie. Ainsi le rôle de l'office a été récemment conforté avec la gestion des dossiers du fonds de solidarité et l'entrée en vigueur de la loi de juillet 1993 étendant le bénéfice de la qualité de pupille de la Nation.

En outre, des mesures importantes ont été prises depuis dix-huit mois en faveur du monde combattant. Il n'est pas question d'en faire devant vous aujourd'hui la liste exhaustive. Mais je voudrais simplement rappeler qu'elles ont concerné notamment les plus grands invalides de guerre, les anciens combattants d'outremer, les veuves et les harkis.

L'une de mes principales préoccupations est la situation des anciens combattants en Afrique du Nord. Les demandes portent essentiellement sur l'attribution de la carte du combattant, sur la retraite anticipée et l'amélioration des conditions d'accès au fonds de solidarité.

S'agissant de la carte, nos camarades d'Afrique du Nord demandaient la prise en compte du critère de territorialité, avec une assimilation de la situation des unités régulières à celles des brigades de gendarmerie. Une étude a été réalisée en ce sens par le service historique de l'armée de terre. Ses résultats montrent que, loin de réduire les inégalités entre unités, cette solution en aurait introduit de nouvelles ; elle aurait provoqué, en outre, un nivellement de nature à dévaloriser le titre que constitue la carte du combattant. C'est pourquoi, il a été décidé de mettre au point un système qui tienne compte à la fois du temps de service accompli en Afrique du Nord et de la nécessité de conserver toute sa valeur à la carte. Comme vous le savez, la nouvelle formule consiste à attribuer aux personnes, militaires et civiles, ayant servi en A.F.N., un quota de quatre points par trimestre de présence effective, avec un maximum de vingt points. Ce dispositif, désormais en vigueur, permettra d'attribuer environ cent vingt mille cartes supplémentaires. La troisième génération du feu sera traitée désormais de façon comparable à ses deux aînées.

S'agissant de la retraite anticipée, j'ai, comme beaucoup de mes amis, signé des propositions de loi tendant à la rendre possible avant soixante ans. Mais je l'ai fait, comme eux, dans la méconnaissance de l'incidence financière d'une telle mesure ; car le gouvernement précédent, aussi surprenant que cela puisse paraître, n'avait jamais fait procéder à son chiffrage. Ma première préoccupation a donc été de réaliser cette étude financière dont je vous ai aussitôt communiqué le résultat : il faisait apparaître un coût de soixante milliards au minimum. Certains ont contesté cette évaluation. Aussi, à la demande du rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée Nationale, le ministère du budget a-t-il été récemment sollicité en appel : son verdict fait plus que confirmer mes évaluations, puisqu'il en double le montant. Alors, quelles conclusions tirer de ces données incontestables ?

1) À l'évidence, une telle dépense est hors des moyens du budget de l'État, alors que le gouvernement s'efforce de réduire le déficit. Conscients de cette impossibilité, certains ont proposé de réserver le bénéfice de la retraite anticipée aux seuls bénéficiaires du fonds de solidarité. Mais une telle mesure, qui coûterait environ onze milliards de francs au seul régime général, pour un nombre très restreint de bénéficiaires, opérerait une différenciation entre chômeurs que le Conseil constitutionnel sanctionnerait probablement.

2) Le principe même d'une retraite anticipée pose question. Le fondement du système français, basé sur la répartition, c'est-à-dire la solidarité entre les générations, est, vous le savez, gravement menacé pour des raisons démographiques. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a soumis l'année dernière au Parlement, qui l'a courageusement adoptée, une réforme qui consiste, en gros, à rendre plus difficile le départ en retraite à l'âge de soixante ans afin d'inciter les Français à travailler plus longtemps. Solliciter un abaissement de l'âge du départ à la retraite pour les seuls anciens combattants en Afrique du Nord, remettrait en cause la politique gouvernementale et créerait une inégalité entre Français.

3) Le gouvernement n'en a pas abandonné pour autant sa volonté de témoigner la reconnaissance de la nation à l'égard de ceux qui ont dû passer une partie de leur jeunesse en A.F.N. Je l'ai démontré avec le dépôt d'un projet de loi accordant aux anciens combattants d'Afrique du Nord un avantage spécifique qui consiste en une réduction de la durée d'assurance désormais requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein dès l'âge de soixante ans. Ce texte qui a été adopté par le Sénat par une très large majorité, est maintenant sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il intéresse environ quatre-vingt mille ressortissants du régime général et des régimes alignés qui pourront ainsi prendre leur retraite après une carrière professionnelle plus courte que les autres assujettis. Le coût de cette mesure, soit 2,3 milliards de francs, et l'abondance du courrier que je reçois en ce sens, montrent son importance.

4) Enfin, je travaille à obtenir dans le budget de 1995 une amélioration des conditions d'accès au fonds de solidarité par un abaissement de l'âge minimum de cinquante-six à cinquante-cinq ans. La situation de nos camarades qui sont chômeurs de longue durée mérite une attention particulière et je surveille très attentivement la mise en place des crédits nécessaires pour que les allocations qui leur sont dues soient versées régulièrement et sans retard.

Voilà un bref tour d'horizon de quelques questions qui vous tiennent à cœur ; preuve que le gouvernement est loin d'être inactif. Bien entendu nous n'avons pas réglé tous les problèmes ni satisfait toutes les revendications. Mais je crois pouvoir affirmer sans craindre d'être démenti, que nous avons en quelques mois fait beaucoup plus pour le monde combattant, que ceux qui nous critiquent n'avaient réalisé en dix ans.

Il est par ailleurs un espoir tenace qui nous tient à cœur et que les faits malheureusement s'entêtent à démentir : celui de voir cesser la guerre et ses horreurs.

Des foyers sanglants, dans l'ex-Yougoslavie ou au Rwanda nous parlent d'un drame que nous pensions ne plus avoir à connaître et renforcent l'actualité de ce cinquantenaire de la libération de la France et du retour à la paix en Europe.

Les terribles épreuves que nous avons connues, d'autres, hélas, les vivent actuellement

Autant de raisons pour l'ensemble des Français de se sentir plus proches de ceux qui ont combattu pour eux, de se souvenir de ce qu'ils doivent aux anciens combattants, de ce qu'ont enduré les vétérans au nom de la France et au nom de la liberté.

Personne n'est maître de l'avenir, ni de son destin, mais chacun y contribue. Il ne peut y avoir élan, progrès, amélioration sans concours de bonnes volontés, sans un dialogue et une espérance partagée.

À nous d'œuvrer ensemble, dans la voie de ce renouveau que nous appelons de nos vœux pour la France.