Déclaration de M. Pierre Méhaignerie, ministre de la justice, le 14 septembre 1994, sur le droit de la nationalité et l'acquisition par les jeunes concernés de la nationalité française, Paris le 14 septembre 1994.

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Texte intégral

Au moment du vote de la loi, quelles étaient les critiques qui nous étaient faites ?

On disait : c'est un texte d'exclusion. Je disais : c'est un texte d'intégration.

On disait que c'était pour les jeunes, une démarche complexe et discriminatoire.

Je soutenais que c'était une démarche simple et facile à accomplir.

On disait encore que les jeunes n'oseraient pas ou ne pourraient pas accomplir cette démarche afin d'acquérir la nationalité française.

Aujourd'hui les faits ont-ils donné raison à ces critiques ?

Pas du tout.

Pour le premier semestre 1994, c'est environ un tiers des jeunes concernés qui est allé manifester sa volonté de devenir Français puisque 25 000 dossiers ont été déposés auprès des autorités habilitées à recueillir les manifestations de volonté. 18 500 demandes ont déjà été traitées par les juges d'instance, on compte 18 300 enregistrements et 250 refus.

Pour l'année 1994 environ 70 000 à 75 000 jeunes gens sont susceptibles de faire cette démarche. Ce chiffre représente les jeunes qui ont ou auront 16, 17 ou 18 ans cette année.

Et chaque nouvelle année viendra s'ajouter une nouvelle classe d'âge c'est-à-dire environ 25 000 jeunes.

Chacun des jeunes concernés aura donc entre 3 et 5 ans pour manifester sa volonté de devenir français puisqu'il est possible d'effectuer cette démarche jusqu'à l'âge de 21 ans.

25 000 demandes déposées dont 18 500 demandes déjà traitées, ces deux chiffres laissent penser que la réforme connaît une bonne application et que le délai imparti aux juges d'instance pour instruire les demandes est tout à fait respecté.

Je rappelle qu'à l'expiration de ce délai qui est de six mois, et sans réponse explicite du juge, l'enregistrement de la manifestation de volonté est automatique et équivaut à l'acquisition de la nationalité française.

Les jeunes ne semblent pas rencontrer, selon les juges d'instance, beaucoup de difficultés à rassembler les documents qui doivent accompagner leur manifestation de volonté, c'est-à-dire un extrait d'acte de naissance et une preuve de résidence sur le sol français depuis cinq ans.

Il faut noter que depuis six mois 76 % des jeunes ont déposé leur manifestation de volonté auprès des tribunaux d'instance.

19 % sont allés le déposer dans les mairies, alors que les préfectures ont recueilli 4 % des demandes et les gendarmeries 1 %.

Le pourcentage élevé des jeunes qui s'adressent directement aux tribunaux d'instance provient sans doute du fait que les greffes et les magistrats de ces tribunaux ont fait un travail spécifique d'accueil et d'information très important pour expliquer le nouveau droit de la nationalité au profit de la population concernée.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour encourager cet effort et saluer la disponibilité des magistrats et de tous les personnels judiciaires pour faire en sorte que l'application de la réforme soit la meilleure possible.

Je sais aussi que dans certains tribunaux d'instance une demi-journée par semaine est entièrement consacrée à l'information sur les nouvelles démarches à entreprendre et les pièces à produire pour acquérir la nationalité française.

De même, dans certaines juridictions, le greffe et les parquets civils des tribunaux de grande instance se sont impliqués dans le cadre des relations « Justice-École » et ont organisé des réunions avec les enseignants sur le nouveau droit de la nationalité, car ce sont bien souvent, en premier lieu, les enseignants qui sont sollicités sur cette question par leurs élèves.

Les chiffres que je viens de vous donner montrent bien que toutes les critiques qui ont été formulées à propos de la réforme du droit de la nationalité ne se sont pas vérifiées dans les faits et dans l'application de la réforme.

Les résultats des 6 premiers mois semblent tout à fait encourageants et la tendance ne peut que se poursuivre et se renforcer dans les mois qui viennent.