Interviews de M. Jean-François Hory, président de Radical, à France 2 et France 3 les 11 et 15 décembre 1994, sur l'éventuelle candidature de Bernard Tapie (inéligibilité) aux élections présidentielles ou municipales, et le soutien de Radical à M. Tapie.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Mise en liquidation judiciaire de M. et Mme Tapie par le tribunal de commerce le 14 décembre 1994

Média : France 2 - France 3

Texte intégral

France 2 : Dimanche 11 décembre 1994

B. Masure : Déçu de la décision de J. Delors ? B. Tapie va-t-il se lancer ?

J.-F. Hory : Les motivations et les scrupules de J. Delors sont respectables. J'attends sans fébrilité, puisque j'ai la responsabilité d'appliquer les décisions du congrès de Radical qui avait décidé que nous aurons un candidat.

B. Masure : Est-ce que B. Tapie va annoncer sa candidature ?

J.-F. Hory : Selon moi, il doit y aller et selon moi il sera candidat. Parce que c'est l'intérêt de la gauche, contrairement à ce que j'entends. B. Tapie touche des catégories de Français qui ne dialoguent plus avec les candidats de la gauche traditionnelle. Et par ailleurs, Radical a des messages particuliers à délivrer, aussi bien sur l'idée laïque que sur le chômage, sur la solidarité ou sur l'Europe fédérale, dont J. Delors a dit l'Intérêt.

J.-M. Carpentier : J. Delors vient de dire à l'instant que le PS et le parti Radical peuvent se mettre d'accord sur un candidat socialiste de gauche ?

J.-F. Hory : Je ne suis pas sûr que B. Tapie déclare, comme je souhaite, sa candidature, que ce soit Radical qui ait cette question à se poser. Peut-être nos amis du PS devront-ils se reposer, mais je crois qu'en effet le mieux pour que la gauche soit au deuxième tour c'est qu'il n'y ait dans cette zone politique qu'un seul candidat. Et pour moi ce doit être B. Tapie pour une raison plus générale, c'est qu'il tient un discours exigeant. Dans une République, quand la République est de moins en moins républicaine et quand le pouvoir qui est posée pour des gens qui leur ressemblent ou pour des gens qui les méprisent. Voilà ce que va dire B. Tapie, je l'espère, dans cette campagne.


France 3 : Jeudi 15 décembre 1994

Q. : Dans quel état d'esprit et B. Tapie ?

J.-F. Hory : B. Tapie n'est pas abattu, il est serein, calme et combatif, bien décidé à contre-attaquer. On l'a vu sur le plan judiciaire. On va le voir dans les jours prochains sur le plan politique. Je l'ai trouvé en bonne forme, frappé par une injustice, mais très décidé à relever ce nouveau défi, à faire face à l'adversité.

Q. : Croit-il vraiment au recours contre le jugement du tribunal de commerce ?

J.-F. Hory : Oui. Il pense qu'il est victime d'une décision injuste. S'il y a deux degrés de juridiction dans la justice française, c'est pour corriger les injustices éventuelles. Il y croit, ainsi qu'à la suspension à très court terme des mesures annexes : l'inéligibilité et la déchéance de ses mandats. Je suis très optimiste sur ce dossier. On va voir qu'il fait confiance à la justice.

Q. : La justice a-t-elle été manipulée ? Y a-t-il un complot politique ?

J.-F. Hory : Il y a une volonté politique d'éliminer B. Tapie. On est dans un cas de figure sans précédent dans l'histoire politique de ce pays : au prétexte d'un différend commercial privé, avec une banque nationalisée dont je rappelle qu'elle est là pour mettre en œuvre les stratégies gouvernementales, le pouvoir tente d'obtenir l'élimination d'un adversaire, d'un dirigeant de l'opposition. Que le tribunal ait jugé de manière plus ou moins indépendante… Il avait rendu, il y a 15 jours, un jugement favorable à B. Tapie. Les commentaires qui ont été faits de cette décision laissaient mal augurer de la sérénité qui entourerait la décision rendue hier. Allons devant la Cour d'appel. C'est le travail de B. Tapie et de ses avocats. Ils le méritent bien. Je suis optimiste.

Q. : Vous pouvez affirmer ce soir que B. Tapie sera candidat à la mairie de Marseille ?

J.-F. Hory : Je le souhaite. Je pense qu'il le sera. En tout cas, je donnerai le conseil, aussi bien au niveau national, à M. Balladur, au gouvernement –  tout ça, c'est l'administration fiscale qui obéit normalement à N. Sarkozy, le parquet qui est normalement sous l'autorité de M. Méhaignerie…

Q. : Il n'est pas traité comme un citoyen comme les autres ?

J.-F. Hory : Personne n'est dupe : tout le monde voit bien qu'il est traité comme un citoyen comme les autres. Je donnerais le conseil à M. Balladur, à la droite au niveau national et à la droite locale à Marseille de ne pas vendre la peau d'un ours qu'ils n'ont pas tué parce que B. Tapie a montré par le passé qu'il savait se sortir de situations difficiles. Il me paraît être en possession de toute son énergie et de toute sa vitalité.

Q. : À qui profite le retrait de la scène politique de B. Tapie ?

J.-F. Hory : Plus généralement, dès lors que B. Tapie incarne des aspirations populaires, une volonté de la base d'être représentée, son éventuelle élimination profiterait transversalement à toute l'aristocratie qui a confisqué la République, qu'elle soit de droite ou de gauche. Dans ce pays, Il faut rendre la parole au tiers-État. C'est précisément la fonction de B. Tapie.

Q. : Imaginez-vous que B. Tapie puisse se présenter à l'élection présidentielle ?

J.-F. Hory : On en est pas là. B. Tapie a proposé mardi une méthode de rassemblement en disant ce qui est judicieux : « commençons par les idées ». Que l'ensemble de la gauche, l'ensemble des gens qui avaient voté pour F. Mitterrand se rassemblent pour dire sur 12 ou 15 propositions concrètes quels sont leurs projets.

Q. : Les questions de justice ne changent rien ?

J.-F. Hory : On veut éliminer B. Tapie de partout, il n'est pas exclu de Radical. Radical continu à tenir la main à cette procédure. Il y participera.