Texte intégral
Mesdames et Messieurs les députés, mesdames, messieurs,
De plus en plus, la médecine moderne s'attache non seulement à prendre en charge les maladies elles-mêmes, mais doit également prendre en compte toutes les conséquences de notre environnement sur la santé.
Une grande politique de prévention passe donc aussi par la limitation de l'usage de produits toxiques.
À ce titre, la pollution de l'air, notamment dans les agglomérations urbaines, occupe une place importante ; et votre colloque sur « Pollutions urbaines, Transports et Santé Publique », que j'ai l'honneur et le plaisir d'ouvrir, nous permettra, j'en suis sûr de mieux appréhender le problème dans son ensemble.
Le développement de notre parc automobile laisse, en effet présager que la pollution atmosphérique risque de constituer un problème majeur de santé publique dans les années à venir.
Les concentrations ambiantes de dioxyde de soufre, de fumées noires et de plomb ont fortement diminués, ces polluants étant bien réglementés et maîtrisables. Cependant l'essor du parc automobile pose désormais le problème des oxydants (dioxyde d'azote et ozone) ainsi que celui des particules fines en suspension lié à l'augmentation très importante du parc diesel.
I. – Les différents risques et leurs impacts sur la santé publique
Les conséquences de la pollution automobile sur la santé ne sont certes plus à démontrer.
Les résultats récents de l'étude rétrospective ERPURS (Évaluation des risques de la pollution urbaine pour la santé) menée en Île de France nous en rappellent l'importance.
Cette étude met clairement en lumière l'augmentation du nombre journalier de décès (jusqu'à 15 %), d'hospitalisations (jusqu'à 20 %), de visites médicales à domicile (jusqu'à 60 %) et des arrêts de travail (jusqu'à 20 %) liée aux concentrations en fumées noires, dioxyde de soufre, dioxyde d'azote et ozone.
Les conséquences de la pollution atmosphérique sont plus marquées pour certains groupes de population : les enfants, les personnes âgées ou fragilisées par des affections respiratoires chroniques. Ces résultats sont d'ailleurs confirmés par des études menées dans d'autres pays.
De même, les premiers résultats d'une étude lancée par le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France, conjointement avec le ministère de l'Environnement et l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie) montrent une plus grande sensibilité aux oxydants pour les enfants qui ont un terrain allergique (25 %).
Le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France a également mis en évidence, en juillet 1993, d'une part une recrudescence du nombre des asthmatiques (9 % de la population) et des allergiques (30 %) et d'autre part la sensibilité particulière des enfants aux aérocontaminants. Il a aussi considéré que les normes concernant les particules en suspension ne sont pas suffisamment exigeantes. En effet, celles-ci peuvent avoir principalement chez les enfants un impact direct sur la fonction respiratoire et un effet indirect en transportant jusqu'aux plus profond des poumons des composés toxiques.
Enfin, une étude réalisée par le Laboratoire d'Hygiène de la ville de Paris montre que les valeurs en monoxyde de carbone à l'intérieur des voitures étaient proche de la valeur limite tolérable. Et, il est bien connu que ce polluant peut avoir un impact sur la vigilance des conducteurs.
Il. – Les mesures prises par la France
Pour lutter efficacement contre ces risques, il convient d'une part de poursuivre nos efforts pour mieux connaître l'influence de la pollution de l'air sur la santé et d'autre part, d'entreprendre dès à présent des campagnes de prévention, notamment sur les populations les plus fragilisées.
J'ai donc décidé de financer, dès 1994, plusieurs travaux de recherche permettant de mieux suivre l'impact de la pollution atmosphérique sur la santé.
Tout d'abord, j'ai demandé à la Société Française de Santé Publique de mettre en place un groupe d'experts composés de personnalités issues d'horizons différents pour réactualiser le rapport « Roussel » de 1983 sur les effets sanitaires des polluants automobiles. Les conclusions de ce groupe de travail sont prévues pour 1996.
Afin de mieux cerner l'évolution de la technologie automobile, j'ai également rendu possible l'extension de la mesure des polluants à un certain nombre de métaux lourds par l'Institut Pasteur de Lille.
Par ailleurs, j'ai chargé le laboratoire de santé publique de Grenoble d'améliorer notre connaissance sur la relation entre la fréquence des affections respiratoires et la concentration atmosphérique des polluants acides et particulaires, à partir d'une méta-analyse des études épidémiologiques et expérimentales publiées au plan international.
Enfin, l'évaluation du coût médico-social des pathologies attribuables à la pollution de l'air devient une nécessité : une étude dans ce sens a été confiée à ce même laboratoire.
Elle permettra notamment d'éclairer sous un jour nouveau les efforts qu'il convient de poursuivre pour réduire la pollution atmosphérique. Car ces efforts sont coûteux et contraignants. Il est utile de fournir aux décideurs politiques et économiques des données qu'ils pourront mettre en regard de ces contraintes. Ces données sont d'abord médicales exprimées par la souffrance et la gêne subie par les malades et leur famille. Elles sont aussi économiques en raison des taux d'absentéisme en milieu de travail qui en résulte.
Mais, il convenait également de prendre d'emblée un certain nombre de mesures, pour limiter ces risques.
C'est pourquoi, en janvier dernier, j'ai lancé un programme d'actions de prévention de l'allergie respiratoire et de l'asthme, axé prioritairement sur les enfants. Ce programme comprend l'analyse des différents polluants atmosphériques incriminés, l'analyse de l'exposition personnelle des individus, et la définition des niveaux de qualité de l'air capables de protéger la population.
Parallèlement sont menées des actions d'information et de sensibilisation auprès des différents intervenants. En 1994, 16 conférences animées par les acteurs locaux ont été financés par les services de mon ministère en direction notamment du corps médical et paramédical. Une dizaine sont prévus dans les 3 mois. 40 000 exemplaires ou rapport du Conseil Supérieur d'Hygiène Public de France intitulé « Asthme, Allergie respiratoire, Environnement » ont été adressés à ce même public ainsi qu'aux Conseils Départementaux d'Hygiène ; 500 000 plaquettes destinées au grand-public ont été diffusées.
Par ailleurs, j'ai saisi en avril 1994 le Conseil Supérieur d'Hygiène Public de France afin qu'il me fasse des propositions pour former et sensibiliser la population aux risques liés à l'ozone.
Enfin, à la suite des résultats obtenus sur les particules en suspension qui montrent que les normes européennes ne sont pas suffisamment exigeantes au regard de la protection sanitaire, la France vient de proposer à la Commission Européenne de rediscuter ces nonnes pour les rendre plus sévères.
Je souhaite également rappeler à quel point il est indispensable de développer le suivi de la Santé de la population en rapport avec les taux de pollutions atmosphériques, c'est pourquoi le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique France travaille dès à présent sur les indicateurs sanitaires qu'il conviendrait de suivre.
Les relations sont désormais claires entre pollution atmosphérique et détérioration de la santé, notamment pour les personnes les plus sensibles (enfants, asthmatiques, allergiques, personnes âgées).
Notre action doit donc s'articuler autour de 3 priorités :
1. Poursuivre notre effort d'information, tant auprès des professionnels que du grand public.
2. Veiller à ce que tous les travaux menés soient réellement pluridisciplinaires, avec l'ensemble des acteurs concernés (des administrations aux industriels) afin d'être plus performant dans la prévention de ces pollutions.
3. Adapter la réglementation sur les polluants.
En améliorant les normes existantes : je souhaite, qu'à l'instar de ce qui a été fait pour les particules en suspension, les normes actuelles des autres polluants soient réétudiées au regard de la protection sanitaire.
En augmentant le nombre de polluants concernés : l'Organisation Mondiale de la Santé a reconnu 28 polluants dangereux pour la santé et revoit actuellement ses recommandations. Il est indispensable pour l'État, les collectivités locales et les professionnels concernés que ces recommandations donnent lieu à des réglementations de ces polluants.
Des normes, concernant notamment le monoxyde de carbone ou le benzène, permettraient aux décideurs et aux professionnels de mieux adapter leurs actions et aux populations de se sentir protégées. Je souhaite que ces normes soient rapidement discutées.
Je vous souhaite une journée riche en réflexion.