Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à "Deutschlandfunk" le 5 octobre 1998, sur l'élection de M. Schröder à la chancellerie d'Allemagne et sur sa récente venue à Paris.

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Média : Deutchlandfunk - Presse étrangère

Texte intégral

Question : Quelle impression avez-vous eu de la visite à Paris du nouveau chancelier Gerhard Schroeder ?

Réponse : Nous avons beaucoup apprécié à Paris que M. Schroeder ait voulu venir aussi vite. C’est un premier contact simplement, mais ce premier contact s’est très bien passé. Il est tout à fait positif pour la suite.

Question : Le président Chirac a souligné la nécessité d’un renouvellement des relations franco-allemandes, que manque-t-il aux relations franco-allemandes actuellement et que faut-il changer ?

Réponse : Ces derniers mois, ces dernières semaines, pour le président de la République, le Premier ministre et moi-même, avant de connaître les résultats, donc, c’était vrai dans tous les cas de figure, il fallait redonner un élan, relancer les relations franco-allemandes. Pourquoi ? Parce qu’elles restent fondamentales pour nous comme pour l’Europe. Mais avec le temps, on a vu qu’elles étaient devenues un peu trop formelles, un peu trop rituelles. Surtout ces deux ou trois dernières années, on avait vu que, sur beaucoup de sujets fondamentaux, par exemple les grandes questions qui se négocient entre Européens, les intérêts français et allemands ne convergeaient pas systématiquement et que la France et l’Allemagne avaient du mal, à partir de ces situations, à trouver des positions de synthèse. Par conséquent, c’était un handicap, non seulement dans les relations bilatérales mais aussi pour l’Europe. D’où cette nécessité que nous avons soulignée de redéfinir une entente forte entre la France et l’Allemagne.

Question : Après les élections allemandes, à l’exception de l’Espagne, il y a, dans tous les grand pays européens, des Gouvernements socialistes ou sociaux-démocrates, y aura-t-il un changement de priorités politiques dans l’Union européenne ?

Réponse : Je crois qu’il faut distinguer les domaines. Le fait qu’il y ait, dans treize pays, des Gouvernements orientés dans ce sens et dans le même sens crée un contexte général beaucoup plus favorable en ce qui concerne les initiatives sociales, en ce qui concerne la politique pour l’emploi, la politique de croissance et peut avoir une influence bénéfique très encourageante, surtout dans un contexte où l’on peut dire que les dogmes ultra libéraux, les dogmes monétaristes sont remis en cause ou en tout cas sur la défensive. C’est quelque chose de tout à fait important. Maintenant, il ne faut pas oublier non plus qu’il y a toujours les intérêts nationaux, qu’il peut y avoir des contradictions dans les négociations et que les négociations que nous allons devoir mener dans l’Europe, dans les prochains mois ne portent pas exactement sur ces sujets.

Question : Le Gouvernement du chancelier Kohl était strictement contre les programmes européens contre le chômage quand le Premier ministre M. Jospin les défend. Pensez-vous que le chancelier Schroeder sera d’accord ?

Réponse : Je ne sais pas encore s’il sera d’accord dans le détail puisque tout son programme n’est pas encore présenté, son Gouvernement n’est pas constitué. Mais quant à l’orientation générale, je suis convaincu qu’il y aura une convergence.

Question : Qu’est-ce que cela veut dire précisément, est-ce que un fonctionnaire à Bruxelles peut créer de l’emploi à Lyon ou à Lasic ?

Réponse : Non, mais il peut y avoir des programmes européens, décidés par le Conseil européen, mis en œuvre ensuite par la Commission qui crée un contexte favorable à l’emploi. On sait très bien que l’emploi est le résultat bien entendu de décisions d’embauches, mais l’on sait aussi que l’emploi découle de toute une série d’éléments d’environnement, en matière de déplacements, en matière de télécommunication sur beaucoup de plans. Cela peut avoir un effet d’entraînement considérable, en matière d’équipement, en matière de transport.

Question : Les Gouvernements à Paris et à Bonn chercheront-ils à établir avec le Groupe euro 11, un contrepoids plus fort contre la Banque centrale ?

Réponse : Ce n’est pas contre. Ce sont, encore une fois des questions que l’on complique trop.

Question : Comment sera-t-il possible de réduire les contributions allemandes à Bruxelles et de financer l’élargissement de l’Union ?

Réponse : Vous voulez me faire répondre à une question qu’il est difficile de traiter aujourd’hui car c’est la négociation des prochains mois. Quand l’élargissement interviendra-t-il, on ne le sait pas en pratique parce que ce n’est pas une date que l’on peut fixer de façon arbitraire tout simplement parce qu’un pays seul ne peut pas avoir la réponse aujourd’hui. La position française est connue.

Question : Monsieur le ministre, M. Fischer sera le nouveau ministre des Affaires étrangères. Son parti a fait, dans le passé, des propositions aventureuses dans ce domaine, Londres vis-à-vis de l’OTAN, des opérations militaires, la mise en question de l’armée allemande, qu’attendez-vous de votre futur homologue ?

Réponse : Je ne voudrais pas commenter la politique éventuelle de mon éventuel futur homologue avant que les choses soient sûres.