Déclaration de M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, sur les axes du partenariat franco-marocain, Paris le 1er octobre 1998.

Prononcé le 1er octobre 1998

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque intitulé "Le partenariat France Maroc" à Paris le 1er octobre 1998 et visite en France de M. Abderahmane Youssoufi, Premier ministre, à l'occasion de la réunion annuelle des chefs de gouvernement franco-marocains les 1er et 2 octobre 1998

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs,


Je veux remercier le Président Esambert pour la chaleur et l'amabilité des mots qu'il vient de prononcer. En retour, je voudrais lui dire combien nous attachons de prix à cette rencontre. Elle est, pour moi, comme pour tous mes collègues, l'occasion de dire non seulement l'importance des relations entre Rabat et Paris, mais, au-delà l'affection que nous portons à la nation et au peuple marocains. Partenaires et amis, nous pouvons accomplir ensemble de belles choses. Voisins et riverains du lac méditerranéen, nous en avons le devoir.

Entre nos deux pays, je sais que ce sentiment est largement partagé. Il l'est par mon homologue, le Président de la Chambre des représentants du Maroc, que je salue particulièrement. Il l'est par le cercle d'amitié franco-marocain, initiateur de cette manifestation, que je salue.

1. La première raison de notre rencontre est évidente. Nous conjuguons depuis longtemps amitié et coopération. Nous avons connu des épreuves. Nous les avons surmontées. Nous avons appris à construire une relation empreinte d'amitié, respectueuse de nos souverainetés. Tout cela demande à être renforcé. Ce rendez-vous en est l'occasion.

Avant tout, il y a les hommes. Au Maroc demeure une nombreuse communauté française. Nos concitoyens y vivent bien intégrés. Ils travaillent en harmonie avec les femmes et les hommes d'une terre qui les accueille généreusement, dans sa beauté. En France, réside une communauté marocaine nombreuse, paisible et active. Au moment où les messages d'intolérance et de haine se font souvent impudents, je veux lui rendre hommage.

Parce que notre relation est basée sur l'échange, la découverte et l'enrichissement mutuel, je me réjouis des orientations nouvelles de la politique française de délivrance des visas. La maîtrise des flux migratoires est indissociable de la dignité. Il faut aussi savoir s'ouvrir et, pour cela, faciliter l'octroi des visas aux étudiants, aux chercheurs qui nous apportent leurs connaissances et leur énergie, qui repartent dans leur pays en connaissant nos forces, nos industries. Je sais l'exceptionnelle qualité de ceux qui viennent du Royaume chérifien. Ils sont à l'origine d'une coopération scientifique et culturelle qui est la vitrine de notre partenariat et accompagne le Maroc dans sa volonté de modernité et d'ouverture sur l'extérieur. Elle affirme notre appartenance commune à l'espace francophone. Nous devons aujourd'hui l'adapter aux priorités définies par le gouvernement marocain : réforme du système scolaire, développement des équipements sociaux en direction des plus défavorisés, diversification de l'offre audiovisuelle. Autant de chantiers, sur lesquels la France et ses entreprises doivent être aux côtés du Maroc.

Dans le grand désordre monétaire et la juxtaposition des crises qui secouent la planète, le Maroc paye un tribut injuste. Il se heurte au mur d'une dette extérieure dont le service absorbe le tiers de son budget. Nouvelle loi sur les SARL, avancée dans la liberté des prix, régime de la concurrence, mise à niveau de l'industrie, beaucoup de choses changent. La France a aidé le Maroc. Je souhaite, et les travaux d'aujourd'hui y contribueront, qu'en bonne intelligence des efforts d'imagination supplémentaires soient déployés afin d'apporter de nouvelles solutions à ce problème crucial de la dette.

2. Autre raison qui me fait ouvrir avec joie ce colloque, il y a actuellement, affirmons-le nettement, une réelle communauté d'esprit entre nos deux Gouvernements. La France a suivi avec beaucoup d'intérêt l'évolution politique du Maroc au cours des derniers mois. Grâce au Roi Hassan II, qui a su donner, il y a un an, une direction, un rythme et des règles au changement, la réforme constitutionnelle, les élections législatives et l'alternance ont conduit à une nouvelle donne politique.

Je l'ai dit tout à l'heure à notre ami, le Premier Ministre Abderahmane Youssoufi, dont je connais l'engagement de toujours, le combat pour les libertés, la droiture morale ! et la légitimité. La réussite de sa mission est déterminante pour l'avenir de son pays. Nous en comprenons les difficultés. Il y a des attentes. Il y a des inégalités. Il y a des obstacles. Mais nous constatons la vigueur de l'espoir du peuple marocain. Il peut compter sur notre soutien.

3) Troisième raison de me trouver parmi vous ce matin, Français et Marocains, pour le bénéfice conjoint de nos deux populations, doivent bâtir un partenariat à la hauteur des enjeux du nouveau siècle. Notre dimension commune, la dimension méditerranéenne, va façonner l'avenir de dizaines de millions de citoyens d'Europe, du Maghreb, du Proche-Orient. C'est ce que, avec d'autres pays concernés, nous ne cessons de rappeler aux membres de l'Union européenne. Sommes-nous toujours assez éloquents ? Nos amis marocains éprouvent parfois une déception, à la mesure de l'espérance placée dans le processus enclenché par la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone. Trop de lourdeurs et de lenteurs, trop d'attente. Il n'est pas jusqu'au programme M.E.D.A qui malgré les sommes engagées par Bruxelles ne soit parfois inadapté aux besoins de ses éventuels bénéficiaires.

Je suis toutefois persuadé que le dialogue mutuel entre Europe-continent et Méditerranée-civilisation est et sera profitable car fait de nouvelles synergies entre ces deux grands espaces, producteur d'un rééquilibrage des « quinze » vers le midi de l'Union et, plus généralement, moteur d'un rapprochement entre les économies du nord et du sud. Nous devons aller plus loin dans cette voie, notamment par la constitution d'un espace de sécurité qui pourrait s'inspirer des principes ayant prévalu en Europe au cours des dernières années. Les parlements devant lesquels nos deux Gouvernements, désormais, sont responsables, ont leur rôle à jouer dans cette entreprise et, pour ne prendre que cet exemple, nous considérons avec sympathie les initiatives récentes menées pour renforcer la coopération interparlementaire entre Strasbourg, les assemblées nationales et douze États sud méditerranéens.

Enfin, je veux souligner les efforts déployés par le Maroc comme par la France, depuis des années, pour faire prévaloir la concorde et la raison dans la région et au Proche-Orient en général, pour faire reculer les horreurs de la guerre et du fanatisme. Le développement économique doit être consolidé. La démocratie est une ambition à réaffirmer. La tolérance religieuse, à l'égard de ceux qui ne croient pas ou qui croient autrement, n'est pas partout une réalité. Les outils sont là, démocratie, culture, éducation, progrès social, coopération, démographie maîtrisée et, comme partout, croissance et emploi : ensemble, Marocains et Français, nous devons poursuivre le mouvement.

Je forme des voeux pour la réussite de vos travaux et pour que la visite en France du Premier ministre du Maroc marque une étape nouvelle dans la voie de notre partenariat. Nos mots d'ordre sont clairs : amitié, développement, solidarité entre le Maroc et la France. Merci.