Extraits d'une déclaration de Mme Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, des 11 et 12 juin 1998, parue dans "Paris commune" de juillet août 1998, sur la notion de "syndicalisme de transformation sociale" et la préparation du congrès de Lille.

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Média : Paris Commune

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Je ne peux pas commencer cette intervention sans vous dire que ce qui se passe à Paris est à la fois une vitrine est une référence, y compris quand il s'agit de la CFDT. Cela vous confère une responsabilité que vous assumez. Sans complexe ni triomphalisme excessif, mais avec ce que je pourrais appeler une « détermination tranquille ».Quoi qu'il arrive, contre vents et marées, et tout en prenant en compte ce qui vous entoure, vous avancez, vous faites incontestablement la preuve de votre efficacité. Vous terminez donc votre congrès au moment où nous en préparons un autre celui de Lille.

Quel est l'état d'esprit du BN ? C'est évidement d'abord d'avoir un congrès qui valide notre activité depuis le congrès de Montpellier. Cette activité exercée dans des circonstances et dans un contexte qui ont rarement présenté autant d'atouts, autant de résultats, autant de moyens de faire la preuve de l'efficacité de la stratégie syndicale de la CFDT. Nous avons fait la démonstration de notre efficacité et vécu depuis Montpellier une période bénéfique.

Nous avons aussi une période où le débat interne été renforcé. Le passage à l'acte est difficile, il ne peut pas se faire sans quelques difficultés, sans quelques turbulences, et évidemment sans l'expression de désaccords. Désaccords qui, lorsqu'ils s'exercent dans la règle du jeu de notre fonctionnement démocratique, sont tout à fait admissible dès lors qu'ils permettent de changer, de confronter, et de dépasser au final ces désaccords. Le débat interne est d'autant plus nécessaire aujourd'hui que les repères sont brouillés. Il est de la responsabilité de la CFDT de donner à ses militants et à ses adhérents des clés de lecture, de les aider à mieux comprendre le réel, de rendre plus lisible un monde de plus en plus illisible.

Cette période nous a permis de renforcer notre capacité de mobilisation et le temps des complexes est derrière nous. Tout cela, nous aurons à l'affirmer haut et fort au congrès de Lille. Il sera aussi à l'occasion de préciser ce que signifie le syndicalisme de transformation sociale que veut la CFDT.

Défendre un syndicalisme confédéré, c'est tout simplement défendre la volonté de parvenir à une vision solidaire, à une démarche solidaire.

« Syndicalisme de transformation sociale » : cela veut clairement dire que le cadre de syndicalisme-là ne peut s'exercer, ne peux s'exprimer, ne peut s'épanouir que dans une conception faire d'un syndicalisme confédéré. Défendre un syndicalisme confédéré, c'est tout simplement défendre la volonté de parvenir à une vision solidaire, à une démarche solidaire. C'est réussir à agir sur le quotidien des salariés, des chômeurs et des retraités. Le refus de nous cantonner dans une juxtaposition des revendications catégorielles nous place aux antipodes des syndicalistes catégoriels. Le syndicalisme confédéré intègre toutes les fonctions de l'action syndicale, la fonction de protestation, la fonction de dénonciation, la fonction d'indignation. Mais ces fonctions, parce qu'elles sont du ressort de toute action militante, seraient stériles, si elles n'étaient pas complétées par une farouche volonté de changer les choses. Changer le réel et pas seulement le dénoncer. Et pour changer le réel, il faut élaborer des propositions des revendications qui sont autant de leviers de changements et accepter la confrontation des intérêts pas spontanément convergents entre les employeurs et les organisations syndicales, entre l'Etat et la société civile. Il faut organiser les confrontations. C'est cela, la négociation. Un syndicalisme de transformation sociale, c'est un syndicalisme dont le sens fonde l'action, des dont l'action elle-même produit le sens. Il y a deux refus à la CFDT, qui sont aussi clairs l'un que l'autre : le refus de l'ultra libéralisme avec sa confiance béate dans les lois du marché et celui de cette nouvelle ultra-gauche avec ces nouvelles formes de radicalité.

Un syndicalisme de transformation sociale c'est bien sûr aussi un syndicalisme d'adhérents. C'est-à-dire rassembler de plus en plus de gens en notre sein, des gens qui sont ou sembles spontanément différents. C'est notre rôle de faire en sorte qu'ils aient des raisons de travailler et d'agir ensemble, de construire et de remettre à leur disposition l'élaboration dans la CFDT d'une certaine conscience sociale. La raison de ce syndicalisme d'adhérents est donc d'abord là : c'est notre force.

Le syndicalisme d'adhérents, c'est la garantie de notre autorité de notre autonomie, un syndicalisme qui assure la permanence de l'action syndicale, qui assure la permanence de l'organisation et des pratiques participatives.

Notre voudrais vous dire que notre syndicalisme ne fait pas dans la facilité et ne choisit pas les solutions simplistes. Mais la CFDT avance, la CFDT progresse, la CFDT réussit.

Notre vie démocratie interne sera présente au congrès de Lille. Pour le BN, ce qui ne fait pas question, c'est que nous sommes une organisation démocratique. Le « D » de CFDT, dans notre histoire, a un sens. L'organisation a une position parce que c'est le résultat d'une synthèse majoritaire elle-même issue d'un débat qui a eu lieu. Pour autant, certains peuvent continuer à ne pas se reconnaître, soit ponctuellement sur une position donnée, soit plus durablement. C'est la vie d'une organisation démocratique. Je ne sais pas si cela s'appelle majorité ou minorité. Il y a des majorités, il y a des minorités. Il y a en permanence un mouvement entre ceux qui sont la majorité et ceux qui à d'autres moments peuvent, sur telle ou telle position, ne pas se sentir en phase avec telle ou telle position majoritaire. Ce qui me semble être en débat, c'est le moment où des organisations qui sont en désaccord, et après tout, c'est bien leur droit et c'est le jeu de la démocratie, restent en désaccord une fois que le débat à eu lieu, une fois que le congrès a tranché, une fois que les instances intermédiaires ont décidé. On passe d'un désaccord sur les positions à un clivage organisationnel. C'est là qu'il y a le dérapage et la dérive.

Le BN attend du congrès de Lille que les débats aillent plus au fond, attend que l'on sache s'il y a une autre alternative, une autre démarche syndicale, une autre stratégie revendicative  susceptible de plaire, d'attirer, de recevoir l'adhésion des syndicats réunis en débat. Nous devons (le congrès est fait pour cela) pouvoir avoir le débat de fond. Nous devons pouvoir confronter et non pas s'affronter sur les conceptions de fond que nous avons de la vision du syndicalisme que nous voulons porter demain. C'est primordial pour que la force que nous représentons ne soit pas une force mutilée. Ne soit pas une force qui a tous les atouts en main et qui a de l'intérieur aurait en permanence des à-coups qui viendraient mettre en cause sa capacité à rassembler, sa capacité à agir, sa capacité à avancer. Donc voilà notre état d'esprit. Et à partir de là, je pense que oui nous aurons un congrès riche, un congrès qui joue complètement son rôle en matière d'approfondissement de notre démocratie interne. Encore faut-il que ce soit la volonté de tous. Et je crains malheureusement à ce stade que cela ne soit pas tout à fait la manière dont toutes les organisations de la CFDT abordent ce congrès.

En conclusion, je voudrais vous dire que notre syndicalisme ne fait pas dans la facilité et ne choisit pas les solutions simplistes. Mais la CFDT avance, la CFDT progresse, la CFDT réussit. Notre cohésion interne progresse et nous avons tous les atouts pour être une organisation vivante et dynamique. Au-delà de l'étape de Lille, la CFDT a surtout des atouts pour continuer son chemin, pour continuer à avancer, pour continuer à entraîner plus de salariés dans ses rangs.