Texte intégral
M. de Virieu : Bonjour et Bonne Année à tous. Nous voici donc enfin en 1995 et l'événement de l'année, chacun le sait, ce sera le rendez-vous que la France s'est donnée à elle-même, pour reprendre l'expression de monsieur Mitterrand. Ce sera l'élection du Président de la République qui, depuis 37 ans maintenant en France, est l'élément dominant de notre vie politique.
Monsieur le ministre, bonjour.
M. Sarkozy : Bonjour.
M. de Virieu : Le favori des Français est un homme que vous connaissez bien, je serais même tenté de dire : « que vous connaissez mieux que quiconque », c'est monsieur Balladur qui est donné vainqueur dans tous les sondages et dans tous les cas de figure. Pour l'instant, le Premier ministre n'est pas officiellement candidat, pas encore, mais chacun sent bien qu'il le sera.
Monsieur Sarkozy, vous êtes déjà l'homme-orchestre du Gouvernement, avec vos trois portefeuilles : porte-parole du Gouvernement, ministre du Budget et ministre de la Communication. Et, dans une dizaine de jours, vous deviendrez, selon toute vraisemblance, l'homme-orchestre de la campagne électorale de monsieur Balladur dont vous connaissez toutes les intentions et tous les projets.
M. Izraelewicz, éditorialiste au « Monde », interrogera plus particulièrement le ministre du Budget sur l'état de la France. Le chômage ne recule toujours pas, les inégalités non plus. Le nombre des sans-logis ne diminue pas. Monsieur Balladur a-t-il vraiment obtenu, comme Premier ministre, des résultats tels qu'il mérite d'être porté en triomphe à l'Élysée ?
Après le bilan, la prospective. Alain Duhamel s'adressera au futur directeur de campagne du candidat Balladur. Quels seront les grands thèmes de cette campagne ? Et surtout quels seraient les grands axes de sa politique s'il entrait à l'Élysée ?
Enfin, Albert du Roy demandera au porte-parole du Gouvernement, l'homme qui, par définition, a un œil sur tous les dossiers, son avis sur tout le reste de l'actualité : le terrorisme islamique, les mal-logés, la corruption et enfin le fonctionnement de la télévision et de la radio. Car n'oublions pas, monsieur Sarkozy, que vous êtes aussi ministre de la Communication.
Demain, le journal « Le Monde » change de formule, à l'occasion de son 50ème anniversaire. France 2 a décidé de s'associer à cet événement tout au long de la journée de dimanche. Deux membres de l'équipe du « Monde » vont d'ailleurs participer à L'heure de Vérité ce matin, d'abord, je l'ai dit, Erik Izraelewicz et, ensuite, le dessinateur Pancho dont on ne connaît pas le visage et qui illustrera le générique en fin d'émission à la place de notre ami Gus.
Le 50ème anniversaire du « Monde » coïncide, je le précise aussi, avec le 20ème anniversaire de France 2, ex Antenne 2, qui est née en 75 de l'éclatement de l'ORTF.
Première question, monsieur le Premier… monsieur le Ministre…
M. Sarkozy : … J'ai cru que l'année allait vraiment bien commencer.
M. de Virieu : Peut-être que ce lapsus indique quelque chose, peut-être qu'elle finira comme ça.
M. Sarkozy : C'est le vôtre. C'est une blague, ce que je viens de dire naturellement.
M. de Virieu : Première question, monsieur le ministre : la presse écrite est, aujourd'hui, en difficulté à cause notamment de la télévision. Vous avez sur votre bureau, depuis jeudi, quatre gros rapports sur ce qu'il faudrait faire pour lui donner un deuxième souffle. Vous avez toutes les cartes en main puisque vous êtes non seulement ministre de la Communication mais ministre du Budget. Qu'allez-vous faire ? Quelles sont les deux ou trois mesures que vous allez faire pour aider la presse à trouver son second souffle et pour l'aider à maintenir son pluralisme face aux puissances de l'argent ?
M. Sarkozy : Si vous le permettez, je crois que l'analyse est un peu courte qui consiste à dire que si la presse écrite a des problèmes, c'est à cause de la télévision.
M. de Virieu : J'ai dit « notamment ».
M. Sarkozy : Notamment, mais au travers de votre propos on entend souvent cette analyse. Parce que si tel était le cas, on se demande bien pourquoi, dans des pays où la télévision est encore plus développée que dans le nôtre, il y ait des quotidiens qui aient des tirages de 10 à 11 millions quotidiennement.
M. de Virieu : Le Japon.
M. Sarkozy : Notamment au Japon mais on peut parler aussi des tirages en Angleterre ou même en Allemagne.
Premier élément : Je crois qu'on ne peut pas dire qu'il y a une crise de la presse, il y a des crises de la presse. Bref, la situation des quotidiens nationaux n'est pas la même que la situation des hebdomadaires. Et la situation de la presse quotidienne régionale, dont on devrait s'inspirer d'ailleurs, qui a fait un effort de modernisation formidable bien avant les autres.
Que peut-on faire ? La volonté du Gouvernement, – le Premier ministre avait mis en place quatre groupes de travail, – c'est quoi ? C'est apporter des solutions aux deux problèmes essentiels de la presse écrite.
Il y a un premier problème qui est un problème de distribution. Je sais bien que cela ne plaît pas toujours quand on dit cela mais franchement, quand on habite nos villes et qu'on veut acheter un journal chaque matin, c'est le parcours du combattant. Il n'y a plus de vente à la criée…
M. de Virieu : … Il y a 32 000 points de vente tout de même.
M. Sarkozy : Il y a de moins en moins de kiosques et, pardon de le dire, quand on est abonné à un journal, dans le meilleur des cas, on le reçoit le soir quand il y a le 20 heures à la télévision. Or, par définition, un quotidien, c'est un produit frais qu'on veut avoir tout de suite.
M. de Virieu : Solution ?
M. Sarkozy : Lorsqu'on n'est pas abonné et qu'on va à son travail, j'aimerais qu'on me dise : « combien de banlieusards ou d'habitants de Paris qui travaillent en banlieue, sur leur lieu de travail ou sur leur trajet domicile-travail, ont un kiosque à disposition ? ». C'est un effort pour aller acheter son journal alors que la première caractéristique d'une industrie, c'est de se préoccuper des conditions de distribution. Les NMPP ont fait beaucoup, il faut continuer…
M. de Virieu : … Pas trop technique.
M. Sarkozy : Je considère que la première des motivations de l'État pour aider la presse écrite, c'est de favoriser le développement d'une distribution par portage à domicile. C'est d'ailleurs ce qui se passe à l'étranger et c'est ce qui se passe avec des quotidiens régionaux.
M. de Virieu : C'est ce qui se passe dans le Nord, c'est ce qui se passe en Alsace.
M. Sarkozy : Oui, mais bien sûr. Ce qui est possible pour « Le Télégramme de Brest », l'un des rares régionaux a été en concurrence avec un autre quotidien régional, on doit pouvoir le faire pour la presse nationale en associant les kiosques à cela. Je ne veux pas entrer dans des détails techniques mais c'est un premier élément indispensable.
Il y a un deuxième élément, ce sont les coûts de production. La presse va avoir à faire face à deux augmentations vraisemblablement du prix du papier. Je sais bien que même s'il y a une augmentation de 40 % sur la seule année 95, cela ramènera le prix du papier à ce qu'il était aux alentours de 89-90 mais elle ne peut pas supporter ce choc. Pour des raisons historiques sur lesquelles il n'y a pas lieu de revenir, le Gouvernement doit aider la presse à développer ses conditions de production à un meilleur tarif.
Enfin il y a un troisième élément, c'est que la presse n'a pas bonne réputation. Permettez à l'homme politique que je suis de le dire sans aucune gourmandise parce que je suis préoccupé du fait de la situation d'un certain nombre d'hebdomadaires qui ne trouvent pas, même pou, des petites sommes, un certain nombre de chefs d'entreprise pour s'engager parce que, aujourd'hui, dans le contexte qui est celui des affaires et de la vie politique en France, des groupes qui pourraient aider des quotidiens ou des hebdomadaires ne veulent pas le faire. Et c'est un problème pour la démocratie.
M. de Virieu : On va s'arrêter là pour l'instant. On enchaîne avec Erik Izraelewicz du Monde sur l'état de la France, l'état économique et social de la France.
M. Izraelewicz : Bonjour, Nicolas Sarkozy.
M. Sarkozy : Bonjour.
M. Izraelewicz : Bonne année.
M. Sarkozy : Bonne année à vous aussi.
M. Izraelewicz : Je crois qu'elle s'annonce bien ?
M. Sarkozy : Écoutez, cela commence mieux que cela ne s'est pas terminé. Mais enfin il faut savoir rester très humble. Je n'ai pas repris ce qu'a dit François-Henri de Virieu. Je crois qu'il y a un comportement que nos compatriotes ne supporteraient pas et ne supportent plus, c'est le comportement qui consisterait à dire qu'il n'y a même plus besoin de faire d'élections, c'est gagné d'avance. Plus nous sommes en situation de gagner, plus le candidat que je soutiendrai…
M. Izraelewicz : … Que vous soutenez.
M. Sarkozy : Est favori. Que je soutiendrai lorsqu'il sera candidat. Plus il est favori, plus nous devons avoir le sentiment que le succès est précaire et que nos responsabilités sont plus lourdes. Je crois vraiment que le retrait de Jacques Delors ne permet pas toutes les erreurs à la Majorité. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
M. Izraelewicz : Avant d'aborder le bilan du Gouvernement Balladur, je voudrais avoir votre sentiment sur l'expérience britannique. Que se passe-t-il en ce moment en Grande-Bretagne ? La Grande-Bretagne a une économie qui affiche une santé assez extraordinaire. Une croissance très forte, plus de 4 %, sans doute la plus forte en Europe. Des déficits qui se résorbent. Une inflation qui est très faible et, ce qui est le plus important sans doute, une diminution spectaculaire du chômage depuis deux ou trois ans. Quelle est l'explication de ce succès britannique ? N'est-ce pas le fait que la Grande-Bretagne, en septembre 92, soit sortie du système monétaire européen et que finalement la Grande-Bretagne ait accepté un décrochage de la livre, de sa monnaie par rapport au Deutsch-Mark ?
M. Sarkozy : Une réponse simple, la réponse est « non ». Pourquoi ? Parce que la voie de la facilité n'est jamais celle qui permet au peuple de s'en sortir.
M. Izraelewicz : En Grande-Bretagne, le chômage baisse.
M. Sarkozy : Vous auriez pu compléter le panneau économique de la Grande-Bretagne en disant que ses taux d'intérêt, à partir de un mois et jusqu'à dix ans, sont tous supérieurs aux taux d'intérêt français…
M. Izraelewicz : … Oui, mais l'investissement redémarre et le chômage recule. C'est ce qui est important, non ?
M. de Virieu : Mais pas les inégalités.
M. Sarkozy : Je ne demande pas mieux de répondre à vos questions pendant une heure mais je voudrais les prendre les unes après les autres, c'est plus simple.
L'endettement de la Grande-Bretagne est supérieur à celui de la France. Que les Anglais s'en sortent, tant mieux ! Mais vous avez omis, me semble-t-il, un détail, c'est que les Anglais ont été les premiers à rentrer dans la crise, ils sont les premiers à en sortir. Si la politique de décrochage de la Livre Sterling était l'alpha et l'omega qui permettent de résoudre le problème du chômage, j'aimerais qu'on m'explique, comment se fait-il que le pays d'Europe qui connaît le moins grand nombre de chômeurs est celui qui n'a connu aucune dévaluation depuis 1954, l'Allemagne ? Et s'il suffisait de décrocher du SME pour résoudre le problème du chômage, j'aimerais qu'un observateur aussi attentif que vous m'explique, comment se fait-il que l'Espagne, après trois dévaluations de la pesete en 1993, ait un taux de chômage de 22 % ?
Vous le voyez bien, dans une situation complexe et difficile, les explications simplistes, pas les vôtres naturellement, c'était une question, sont extrêmement dangereuses.
M. Izraelewicz : La reprise, vous dites que, en France maintenant, on a la reprise. La croissance est repartie effectivement. Tous les Instituts de sondages, le Gouvernement, vous nous dites : « La reprise, elle est là ». Comment expliquez-vous l'apparent décalage qu'il y a entre cette analyse objective, peut-être, et le sentiment des Français ? Le sentiment des Français, c'est que la reprise n'est pas là.
M. Sarkozy : C'est assez normal qu'ils aient ce sentiment, pourquoi ? Parce que si vous me permettez cette image, « ils ont les pieds dans la reprise et la tête encore dans la crise ». La France a connu en 1993 la plus forte crise qu'elle n'ait connue depuis 1945. Eh bien, nous ne pouvons pas reprocher à nos compatriotes d'être encore imprégnés de ce sentiment de la crise. Et pourtant faut-il, parce qu'ils n'en ont pas conscience, que nous contestions la réalité ?
Nous avons pris la France avec une récession de 1 %. La France fera au moins 2 % de croissance en 1994. Et tous les observateurs, tous les Instituts de prévisions, publics et privés, français et étrangers, parient sur la croissance la plus forte de la Communauté européenne pour la France.
Un chiffre : pour la première fois depuis 1981, le nombre de faillites, la base de l'emploi et donc la résolution du chômage chez les entreprises, a diminué de 14 % en cette année. C'est la première fois depuis 1981.
M. de Virieu : C'est vrai, monsieur le ministre, mais il y a un décalage entre les indicateurs macro-économique que vous citez et la réalité telle que les gens la perçoivent ?
M. Sarkozy : Mais une fois que vous avez dit cela, François-Henri de Virieu…
M. de Virieu : … Oui, je sais.
M. Sarkozy : Vous n'avez pas apporté la solution aux problèmes.
M. de Virieu : C'est vrai.
M. Sarkozy : Est-ce, parce que nos compatriotes n'ont pas conscience de cette reprise, qu'il faudrait que je vienne en disant : « Les chiffres sont mauvais » alors qu'ils sont bons ? Dans tous les pays au Monde, on s'étonne d'une reprise aussi forte en France. Je vais même essayer d'être plus provocant encore. Il y avait un grand débat, il y a un an et demi, que j'ai trouvé pour ma part un peu surréaliste, sur l'intérêt ou non de la croissance. Ce qui est extraordinaire, c'est de voir qu'en 1994 l'économie française, en solde net, hors créations d'emplois par les administrations et hors CES, créera plus de 200 000 emplois, ce qui est considérable. Mais naturellement cela ne résout pas le problème du chômage immédiatement parce que, dans le même temps, ce qui est une bonne nouvelle pour la France, notre population active, plus 150 000 personnes, ce que nous n'avons jamais connu depuis six ans.
M. de Virieu : Ce qui est un facteur de dynamisme.
M. Sarkozy : Ce qui est un facteur de dynamisme parce que c'est la grande différence entre l'Allemagne et la France. On me dit : « En Allemagne, le chômage se résoud plus rapidement qu'en France », pour une raison simple, c'est qu'en Allemagne, la population active se réduit, en France, elle augmente. C'est prometteur d'avenir.
Je sais bien que c'est difficile de dire cela et, pourtant, on appelle toute la journée les hommes politiques à dire la vérité. Devrais-je m'abstenir de dire cela uniquement pour être dans l'air du temps ?
M. Izraelewicz : Sur le chômage, ce sera un échec finalement à la fin de l'année. On constatera qu'on n'a pas obtenu le début du recul du chômage. Comment expliquez-vous cet échec ? Ne pensez-vous pas que c'est parce que vous n'avez pas pris de mesures suffisamment massives, suffisamment brutales, comme le suggère par exemple Valéry Giscard d'Estaing ?
M. Sarkozy : Puis-je me permettre de vous dire que je n'accepte pas ce raisonnement ? Pour une raison assez simple : Vous avez été les premiers, les uns et les autres, – je le dis avec un peu de force mais sans agressivité parce que je suis convaincu de cela –, en 1993, l'héritage que nous avons trouvé, 300 000 chômeurs de plus en France. Et tout le monde d'écrire : « il n'y a pas de solution pour l'aide du chômage ». Et on a pris des éditoriaux à longueur de journée, il fallait regarder les bras croisés. Tous les prévisionnistes, tous, y compris ceux du « Monde », ont expliqué qu'en 1994 il y aurait en France 200 000 chômeurs de plus, et ils avaient des éléments pour l'écrire. On va se retrouver avec quoi ? On ne connaît pas les chiffres de décembre, j'espère qu'ils seront bons. Aujourd'hui, en solde, il y a 34 900 chômeurs de plus que le 1er janvier 1994. Cela veut dire que, au pire, il y aura dix fois moins de chômeurs que ce qui était prédit par tous les observateurs.
M. de Virieu : Non, non, dix fois moins d'augmentation du nombre de chômeurs, d'accord.
M. Sarkozy : Dix fois moins. À partir du moment où les observateurs indiquaient qu'il y aurait 200 000 chômeurs de plus à la fin 94 et, dans le meilleur des cas, il y en aurait 20 et 30 000, si je sais bien compter, mais ce n'est pas sûr…
M. de Virieu : … Chômeurs de plus. 20 000 chômeurs de plus.
M. Sarkozy : Oui, qu'ils soient de plus ou de moins, si vous les comptabilisez en plus, je dois pouvoir les comptabiliser en moins. À mon avis, en raisonnant ainsi…
M. de Virieu : … Monsieur le ministre, il n'y aura pas dix fois moins de chômeurs, il y aura dix fois moins de chômeurs ou plus.
M. Sarkozy : François-Henri de Virieu, j'ai dit que c'était par rapport aux prévisions.
M. Izraelewicz : Cela fait toujours 3 300 000 chômeurs, c'est toujours trop.
M. Sarkozy : Mais bien sûr.
Juste un mot, cela veut donc dire quoi ? C'est que, quand on dit qu'il n'y a rien à faire, on désespère nos compatriotes. Il y a une formidable contradiction à expliquer à longueur de journée que les hommes politiques doivent rendre l'espoir, le souffle et qu'il faut rendre l'optimisme, et à passer son temps à expliquer que les résultats n'en sont pas.
Tout à l'heure, François-Henri de Virieu a dit : « Y a-t-il de quoi être porté en gloire parce que vous avez fait ? », pas du tout, il faut rester humble devant ces résultats. Mais dire que la politique économique que nous avons mise en œuvre n'a servi à rien sur le problème du chômage, c'est faux.
Aurions-nous souhaité aller plus vite ? La réponse est « oui ». Mais nous ne pouvions pas avoir d'autres résultats à partir du moment où, dans le même temps, la population active augmente comme elle augmente.
M. de Virieu : Laissez Erik vous poser une ou deux questions.
M. Sarkozy : Puis-je dire un mot : Sur les mesures massives…
M. Izraelewicz : … Elles étaient préconisées par Valéry Giscard d'Estaing, par exemple.
M. Sarkozy : Moi, j'ai beaucoup de respect pour Valéry Giscard d'Estaing, qui est certainement l'un des hommes politiques les plus imaginatifs et les plus intelligents qui existent ; mais permettez-moi de vous dire que quand on propose des mesures massives, il ne faut pas hésiter à proposer des financements massifs.
M. Izraelewicz : Il l'a dit : j'augmenterai la TVA.
M. Sarkozy : Eh bien moi, je suis opposé à l'augmentation de la TVA. Pourquoi ? Parce que l'augmentation de la TVA, c'est une forme de facilité, car il suffit d'augmenter la TVA et de laisser filer les dépenses.
Si vous dites à l'ensemble des partenaires sociaux et des Français : « ne vous inquiétez pas, continuez à dépenser sans compter, on augmentera la TVA », soi-disant ça ne pèse pas et ça ne coûte pas, pourquoi voulez-vous qu'ils s'arrêtent ?
Il y a un deuxième élément, c'est qu'il me paraît un petit peu contradictoire – je ne dis pas ça pour le Président Giscard d'Estaing mais pour les observateurs – de dire : « la consommation n'est pas assez soutenue » et d'en tirer la conclusion qu'il faut augmenter de 2 points la TVA, ce qui représente plusieurs dizaines de milliards de prélèvements. Et on prélève sur qui ? sur les consommateurs. Et si les consommateurs ont moins d'argent pour consommer, qui sera pénalisé ? Les entreprises.
M. Izraelewicz : Alors, Édouard Balladur proposait récemment, pour relancer l'emploi, de diminuer un certain nombre de charges sociales qui pèsent sur les salaires et il proposait de financer cela par une augmentation, éventuellement, de la CSG. Vous proposez également, vous, un élargissement de l'assiette de…
M. Sarkozy : Qui a proposé cela ?
M. Izraelewicz : … de la CSG. Vous proposez, vous, un élargissement de l'assiette de la CSG, pour financer les déficits sociaux. Alors, je voudrais vous interroger sur la CSG. La CSG, il me semble que quand Rocard l'a introduite, vous aviez dénoncé ce nouvel impôt, que quand vous êtes arrivé au Pouvoir, vous en avez augmenté le taux ; et donc maintenant, vous proposez d'en augmenter l'assiette. N'est-ce pas un peu contradictoire ?
M. de Virieu : « Augmenter l'assiette », cela veut dire…
M. Sarkozy : C'est élargir…
M. de Virieu : … le nombre de gens qui sont frappés : « augmenter le taux », c'est augmenter pourcentage de prélèvements.
M. Sarkozy : Ce qui est formidable avec Erik Izraelewicz, c'est que les questions sont fermées…
M. Izraelewicz : Non, non…
M. Sarkozy : … c'est-à-dire qu'il les pose tellement bien…
M. Izraelewicz : Non, non…
M. Sarkozy : … que, finalement, je n'ai comme seule réponse que de dire : « oui, on s'est trompés ».
M. de Virieu : Non, non, non. Vous avez une solide façon de vous échapper. On ne va pas vous plaindre.
M. Sarkozy : Si c'est ça, si c'est ça que l'on attend de moi…
M. de Virieu : Vous vous échappez très bien.
M. Izraelewicz : Monsieur le ministre, vous proposez d'élargir éventuellement, si on n'arrive pas
M. Sarkozy : Je n'ai d'autant moins l'intention de m'échapper que je propose des questions ouvertes. Donc, la question qui est posée, celle du financement de la Sécurité Sociale. Il n'y a pas d'autre voie que la maîtrise des dépenses. Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe, en France, compte tenu de ce que sont le montant des prélèvements obligatoires des impôts, et du fait qu'ils pèsent terriblement sur l'emploi, nous ne pouvons pas nous permettre une autre solution que celle de la maîtrise de la dépense.
M. Izraelewicz : Vous n'êtes pas un peu déçu ? Vous avez crié victoire un peu rapidement, là. Les chiffres des derniers mois sont moins bons que ceux attendus.
M. Sarkozy. Eh bien décidément, on commence l'année différemment, vous et moi. Vous êtes un peu pessimiste, moi je suis optimiste. Nous avons obtenu, en matière de maîtrise médicalisée des dépenses d'assurances maladie – il faut en rendre hommage à Simone Veil et à Philippe Douste-Blazy – des résultats exceptionnels. 20 milliards d'économie par rapport à ce qui était prévu. Une diminution du déficit prévisionnel par deux, et encore…
M. de Virieu : Sauf les hôpitaux.
M. Sarkozy : Mais encore… J'y viendrai si vous voulez… mais encore il y a quelques jours, on nous a reproché de faire preuve d'une trop grande fermeté en n'acceptant pas l'accord négocié entre la CNAM et les professions médicales, parce que nous considérions…
M. Izraelewicz : Non, c'est courageux, là.
M. Sarkozy : Merci… à quatre mois des Élections Présidentielles, cela veut dire quoi ?
M. Izraelewicz : Votre électorat médical ne va pas être très…
M. Sarkozy : Non, cela veut dire tout simplement que ce n'est pas parce qu'il y a des Elections que l'on peut faire n'importe quoi, et que pour un État comme pour une entreprise et comme une famille, quand on dépense plus d'argent que l'on n'en a, on va à la catastrophe.
M. Izraelewicz : Mais votre idée sur la CSG, c'est d'élargir vers les retraités et vers les porteurs de livrets A ?
M. Sarkozy : Mon idée est triple, si vous le permettez. C'est d'abord la maîtrise des dépenses, ensuite l'augmentation des recettes par la création d'emplois, générés par la croissance et les différentes mesures que nous avons prises et, si cela ne suffisait pas, comme je suis opposé à l'augmentation de la TVA et opposé à l'augmentation du taux de la CSG, il est bien évident que si je veux être cohérent, en dernière analyse, se posera le problème de l'assiette.
De toute façon, monsieur Izraelewicz, vous connaissez bien ces sujets. Le débat moderne, en matière de fiscalité, ce n'est pas un débat sur les taux, c'est un débat sur l'assiette. Il y a ici, dans cette salle, un certain nombre de responsables politiques qui savent bien ce qu'il en est. Il faudra avoir le courage de dire que dans tous les pays, on a baissé les taux, on a posé le problème de l'assiette.
M. de Virieu : Bien, merci Erik. Cela veut dire que si vous posez la question de l'élargissement de l'assiette de la CSG, êtes-vous prêt à la poser aussi pour l'impôt sur le revenu, l'IRPP ? Il y a très peu de Français qui paient l'impôt sur le revenu, faut-il élargir le nombre de ceux qui paient ?
M. Duhamel : 48 % ne paient pas.
M. Sarkozy : Eh bien, la réforme de l'impôt sur le revenu, que j'ai conduite sous l'autorité de Monsieur la Premier ministre, est la première réforme de l'impôt sur le revenu, depuis 1959, qui a conduit à un allègement de l'impôt de 6,4 %, sans qu'une seule personne ne soit sortie de l'assiette, parce que nous avons eu le courage – mais je ne veux pas entrer dans des détails trop techniques – …
M. de Virieu : Non, non, pas trop de technique.
M. Sarkozy : … de modifier les conditions de calculs de la décote et des minorations. Il a fallu le faire et ce n'était pas simple. Il y a 116 niches fiscales, possibilités de déductions, dans l'impôt sur le revenu. Cela a deux conséquences. La première, c'est que personne n'y comprend rien et la seconde, c'est que nous avons les taux les plus élevés des pays développés.
Ce problème devra être résolu, avec beaucoup de courage et du temps.
M. de Virieu : Alain Duhamel.
M. Duhamel : Bonjour, monsieur le ministre.
M. Sarkozy : Bonjour.
M. Duhamel : Tous les sondages concordent sur un point : les Français souhaitent la candidature d'Édouard Balladur. Tous les sondages concordent sur un deuxième point : les Français souhaitent qu'il se déclare et qu'il se déclare vite. Question : quand se déclare-t-il ?
M. Sarkozy : Avant la fin du mois de janvier.
M. Duhamel : C'est tout ? Vous ne pouvez pas être plus précis ?
M. Sarkozy : Écoutez…
M. Duhamel : Il reste… calculez ! On est le 8. Entre le 8 et le 31, cela fait… ?
M. Sarkozy : 22-23 jours, c'est pas mal comme précision. La décision lui appartient. Tout à l'heure, pardon de revenir à François-Henri de Virieu, il a parlé « d'homme-orchestre ». Ce n'est pas exact, c'est mal connaître Édouard Balladur. Il n'est l'otage de personne, ni de ses adversaires ni de ses amis. C'est lui…
M. Duhamel : Enfin bon, soyons…
M. Sarkozy : … et lui seul qui décidera.
M. Duhamel : … soyons « carré ». Vous souhaitez que ce soit plutôt au milieu du mois ou à la fin du mois ?
M. Sarkozy : Je souhaite que ce soit plutôt entre le milieu du mois et avant la fin du mois !
M. Duhamel : Bon ! Alors, essayons d'être clairs.
M. Sarkozy : Pour être plus sérieux…
M. Duhamel : Oui.
M. Sarkozy : … L'idée du Premier ministre est assez simple. Il a voulu donner sa réponse aux élections Présidentielles, le plus tard possible, pour pouvoir conduire le plus sereinement possible les fonctions qui sont les siennes à la tête du Gouvernement.
Mais, d'un autre côté, je sais que sa conviction est qu'il convient de ne pas faire trop durer, en quelque sorte, l'attente, car cela pourrait être perçu comme une attitude non respectueuse à l'égard des Français.
M. Duhamel : Voilà.
M. Sarkozy : C'est la raison pour laquelle il a dit janvier, ça sera janvier, et plutôt avant la fin de janvier.
M. Duhamel : Bon.
M. de Virieu : Plutôt vers le 20 janvier ? Bon. Alors, Alain Duhamel.
M. Duhamel : Pour dire les choses clairement, entre Jacques Chirac et Édouard Balladur, y a-t-il des différences d'options de fond, de caractère personnel ou, prosaïquement, d'ambition ?
M. Sarkozy : S'il y avait des différences d'options de fond très fortes, ce serait extrêmement préoccupant que je vienne dire cela, alors que j'appartiens depuis 20 ans à un mouvement qui est présidé par Jacques Chirac et j'aurais beaucoup de mal à expliquer qu'il y a de telles différences de fnd et je ne m'en étais pas aperçu jusqu'à présent.
Donc, pour l'essentiel, ce qui nous rassemble sur le fond est bien plus important que ce qui nous sépare.
M. Duhamel : Quand par exemple on explique, comme on le fait beaucoup ces temps-ci, que sur le plan social Jacques Chirac est quelqu'un de plus avancé, de plus imaginatif et de plus sensible qu'Édouard Balladur, vous avez lu et entendu cela cent fois, que répondez-vous ?
M. Sarkozy : Cela participe sans doute du grand débat d'idées.
M. Duhamel : Que répondez-vous sur le fond ?
M. Sarkozy : Rien. Permettez-moi de vous dire que cet argument n'est pas à la hauteur du grand débat d'idées que chacun scande en permanence. La différence entre Jacques Chirac et Édouard Balladur, venons-en au fait ; et si on le dit, puisque moi-même j'ai fait un choix qui était un choix difficile à titre personnel, j'ai considéré qu'Édouard Balladur était mieux à même de porter nos couleurs que qui que ce soit d'autre.
Pourquoi ? Parce que c'est celui d'entre nous, dans la Majorité, au-delà de toutes les frontières partisanes, qui a la meilleure capacité à rassembler et que c'est parfaitement indispensable si nous souhaitons mener une grande politique de réforme. La capacité de rassemblement et le capital confiance d'Édouard Balladur sont des éléments qui font que celui-ci est en situation, dans tous les cas de figure, de l'emporter très largement, ce qui n'est le cas pour personne d'autre dans la Majorité.
En disant cela, Alain Duhamel, et j'en termine, je ne porte atteinte à qui que ce soit, je n'attaque personne. C'est un constat, et il serait quand même extraordinaire que les seuls à ne pas faire ce constat soient les hommes politiques.
M. Duhamel : Est-ce qu'on rassemble en s'asseyant ou est-ce qu'on rassemble en avançant ? Autrement dit, est-ce qu'on peut à la fois proposer des réformes qui par nature dérangent, les réformes dérangent toujours, et en même temps rassembler large ?
M. Sarkozy : L'expérience montre que plus on scande les réformes, plus on annonce des changements brutaux, plus on appelle à un grand soir fiscal, social, économique, moins on fait. Pourquoi ? Parce que le discours idéologique effraye tellement nos compatriotes que lorsqu'on arrive aux responsabilités de gouvernement, on ne fait plus rien. Voilà la réalité des choses.
Un exemple : sur l'affaire du Code de la Nationalité, qui a empoisonné le Gouvernement entre 86 et 88, il y avait eu pour accompagner cette réforme un certain nombre de discours dont vous me permettrez de dire qu'ils étaient plus idéologiques que pragmatiques. Résultat des courses : on n'a rien fait, cela nous a été reproché par nos électeurs. Ce n'est pas de la faute du Premier ministre de l'époque, d'ailleurs ; nous sommes tous responsables…
M. Duhamel : Jacques Chirac.
M. Sarkozy : Ce serait ridicule de dire que c'est de sa faute… Nous sommes tous responsables collectivement de cela. Méthode Balladur : on a repris le dossier avec sérénité et en même temps avec détermination. Cela s'est passé sans même que personne ne s'en aperçoive, ne manifeste ou ne défile. Quelle est la méthode que je préfère ? Celle qui permet de faire avancer la réforme, pas celle qui permet d'en parler.
Bref, il ne faut pas confondre autorité et brutalité.
M. Duhamel : Il y a quand même une question qui va de soi : à partir du moment où vous nous dites, ce qui est vrai, qu'Édouard Balladur et Jacques Chirac sont de la même famille, ont les mêmes traditions, les mêmes formations, ont beaucoup travaillé ensemble, qu'est-ce qui fait que l'un rassemble plus que l'autre ?
M. Sarkozy : Ce n'est pas à moi qu'il faut demander cela.
M. Duhamel : Si, vous n'êtes pas le plus mal placé… Comme vous le disiez à l'instant, si les hommes politiques, dans une période comme la nôtre, ne répondent pas vraiment, qui le fera ? Je vous cite.
M. Sarkozy : Alors, je vais aller un peu plus loin… Je vois qu'en matière politique, l'histoire des hommes, cela compte, cela façonne une image. Les Français, lors d'une élection, au moment du choix, se souviennent de toutes les actions qu'ont eu à conduire les uns et les autres. L'image d'un homme politique se façonne sur de longues années et on ne s'improvise pas Président de la République.
Il me semble qu'Édouard Balladur – on peut dire que c'est juste ou que c'est injuste – a, après deux ans de pouvoir, encore l'image d'un homme neuf qui n'appartient pas à une structure partisane et qui a une capacité de rassemblement supérieure à tous les autres. C'est le sentiment qu'en ont les Français. Dire cela, c'est la constatation de la réalité.
M. Duhamel : Serait-il, c'est un point hypothétique mais il faut l'aborder au passage, normal ou pas normal, puisque et Jacques Chirac et Édouard Balladur appartiennent au RPR, qu'il y ait un congrès du RPR pour décider lequel des deux représente le plus naturellement le mouvement ?
M. Sarkozy : Je considère que ce serait une erreur. Pourquoi ? D'abord parce que s'il y avait un congrès du RPR avec un vote, pour départager deux candidats, cela voudrait dire que le RPR investit un candidat. C'est parfaitement contraire à l'esprit de la Vème République et au message du Général de Gaulle. On n'est pas candidat du RPR à l'élection présidentielle, on n'est pas candidat de l'UDF à l'élection présidentielle, on n'est pas candidat du CNI à l'élection présidentielle. Je sais bien que tel ou tel développe cette thèse, ce n'est en aucun cas la bonne.
M. Duhamel : Tels ou tels, même…
M. Sarkozy : Bien sûr. Deuxième élément, et je voudrais le dire avec une certaine solennité : j'appartiens depuis 20 ans à la formation gaulliste. Faire un congrès avec un vota, c'est prendre un grand risque quand à l'unité du mouvement. Et je suis de ce point de vue en parfaite harmonie avec Philippe Séguin ; c'est suffisamment rare pour que je le souligne.
Pourquoi ? Parce qu'imaginez la situation où le RPR, quelques centaines de militants pour qui j'ai par ailleurs le plus grand respect – j'ai commencé comme militant – votent pour un candidat et que ce candidat soit battu. Qu'en sera-t-il alors de l'avenir de la formation gaulliste ? Chacun d'entre nous doit y penser. La formation gaulliste a un avenir qui va au-delà de cette élection présidentielle.
M. Duhamel : Justement, vous parliez de Philippe Séguin à l'instant, il incarne des options tout à fait légitimes et respectables sur le fond qui, en matière européenne et en matière de politique économique et monétaire, sont très différentes de celles qui sont mises en œuvre par le Gouvernement. Il se trouve qu'il est aujourd'hui, objectivement, le principal soutien, avec Alain JUPPE, de Jacques Chirac. Est-ce que vous en concluez qu'entre Jacques Chirac et Édouard Balladur il y a par exemple des différences de conception, d'approche, de méthode sur l'Europe ?
M. Sarkozy : Non, j'en conclus qu'entre Alain Juppé et Philippe Séguin il y a des différences d'approche.
M. Duhamel : Et est-ce que vous en concluez que, en ce qui concerne la politique économique, sociale et monétaire, Jacques Chirac a des préférences ou des objectifs autres que ceux qui sont mis en œuvre aujourd'hui ?
M. Sarkozy : Honnêtement, je ne peux pas être un spécialiste de Balladur et expliquer quel est le programme économique de Jacques Chirac, je ne le connais pas.
M. Duhamel : Mais honnêtement comme vous dites, vous êtes assez averti, assez attentif et assez impliqué pour voir les différences qui existent, ou qui n'existent pas, parce que si vous nous dites que cela n'existe pas, c'est aussi intéressant.
M. Sarkozy : Honnêtement, il y a toujours une tentation, y compris en période électorale, d'avoir un discours de facilité, qui consiste à dire que l'endettement de la France n'est pas un problème, que le déficit de la France n'est pas un problème. Si cette tentation existait, je la combattrais.
M. Duhamel : Si Édouard Balladur était Président, quelles seraient les 4 ou 5 réformes de fond, prioritaires, qu'on pourrait mettre en œuvre ?
M. Sarkozy : C'est à lui de le dire et vous comprenez bien…
M. Duhamel : Alors quelles sont les 4 ou 5 réformes de fond que vous, qui ne lui êtes pas totalement hostile, voudriez voir mises en œuvre ?
M. Sarkozy : Il a lui-même beaucoup écrit sur le sujet. Il y a tout un ensemble de réformes sur l'État et le citoyen, pour donner plus de liberté à nos compatriotes. Cela touche à la Justice, avec un certain nombre de questions essentielles qu'il faudra bien poser. Cela touche aux Institutions, et notamment à la durée du mandat présidentiel…
M. Duhamel : Il serait pour le quinquennat, lui ?
M. Sarkozy : Il l'a écrit.
M. Duhamel : Oui, mais comme sa dernière formule dans Le Monde était plus ouverte, entre le quinquennat et le septennat non renouvelable, on peut se demander s'il n'a pas évolué.
M. Sarkozy : Il n'est en tout cas pas pour le maintien de la situation actuelle. À partir de ce moment-là, est-ce que cela doit être un septennat non renouvelable ou un quinquennat renouvelable ? Il y aura un débat à ce moment-là.
M. Duhamel : Avant, il avait dit quinquennat renouvelable.
M. Sarkozy : Moi, si vous m'interrogez, puisque c'est plutôt moi que vous avez invité, je suis pour le quinquennat renouvelable.
M. Duhamel : Bien, c'est une réponse.
M. Sarkozy : Pour une raison assez simple : c'est que je n'aime pas l'idée d'encadrer le suffrage universel en interdisant par définition à quelqu'un de se représenter. Il peut y avoir des raisons nationales qui font que notre pays aurait besoin…, mais c'est un sujet de débat et il ne faut pas fermer le débat au moment où on l'a ouvert.
Il y a un deuxième problème, qui est un problème essentiel, qui est la formation des Jeunes. En deux ans, nous avons augmenté de 50 % les contrats de qualification, les contrats d'apprentissage, mais nous en sommes à 300 000 par an, alors que les Allemands sont à près de 1 500 000 par an. C'est un défit gigantesque.
M. Duhamel : Que pouvez-vous faire et comment pouvez-vous vous y prendre ?
M. Sarkozy : Je vais finir de répondre aux questions… Il y a un troisième problème, qui est celui de la fiscalité. On ne peut pas se battre dans un monde économique de plus en plus ouvert, être pour la liberté de circulation des personnes et des biens et ne pas avoir une fiscalité qui se rapproche de celle de nos concitoyens… Or notre fiscalité…
M. de Virieu : De celle de nos voisins.
M. Sarkozy : De nos voisins, pardon…
M. de Virieu : Parce que, autrement, nos concitoyens ont· plutôt l'impression que la fiscalité se rapproche d'eux…
M. Sarkozy : D'une façon générale, même si on la baisse, ils auront le sentiment qu'elle est encore trop lourde, mais ce sera incontestablement un problème.
Et il y a l'affaire de l'assurance maladie. La réforme de l'hôpital est une réforme qui devra être menée de façon prioritaire, mais avec le sentiment que c'est très difficile. Pourquoi ? Parce que c'est une des difficultés de la France : chacun est bien convaincu qu'il y a trop de lits actifs dans ce pays, entre 50 et 55 000. Mais lorsqu'on commence à vouloir fermer tel ou tel hôpital, on parle aménagement du territoire et emploi. C'est toute la difficulté de la France.
M. Sarkozy : Parce que l'hôpital est devenu le principal employeur des villes.
M. Duhamel : Deux dernières questions très courtes, parce que je vois que le temps est passé. La première : selon toute probabilité, Philippe de Villiers va déclarer sa candidature officielle ce soir, à 7 /7. Que pensez-vous que cela aura comme impact pratique et comment y réagissez-vous ?
M. Sarkozy : Philippe de Villiers fait partie de la Majorité ; je ne peux pas dire que je suis pour le plus large rassemblement et en même temps prononcer des exclusives.
Deuxième élément : je ne me sens pas du tout proche de lui, dans ses analyses sur une définition protectionniste qui ne correspondent en rien à ce qu'est la France en 1995, 4ème puissance exportatrice du monde.
Mais permettez-moi juste une réflexion : imaginez un petit peu si la Majorité se rassemblait dès le premier tour derrière un seul et même candidat, et si ce seul et même candidat était celui qui rassemble le plus, Édouard Balladur. Cela veut dire que nous pourrions dire à nos compatriotes, qui croient en nos idées, qu'à la prochaine élection présidentielle notre candidat peut être élu dès le premier tour. Est-ce que vous imaginez, Alain Duhamel, le choc que cela provoquerait et la capacité d'action formidable de réforme que cela donnerait à ce candidat ?
M. Duhamel : Mais là vous rêvez, parce que Jacques Chirac est candidat, légitime, déclaré, actif.
M. Sarkozy : Alain Duhamel ; tout le temps on me dit : « Il faut donner du rêve et de l'espoir aux Français ». Alors le rêve devrait nous être interdit, rien qu'à nous ?
Permettez-moi de vous dire un dernier mot : ce rêve n'est pas celui des hommes politiques attachés à leur carrière. Après tout, qu'est-ce que cela peut faire qu'il y ait une compétition ? Je suis convaincu que, même s'il y a une compétition, Édouard Balladur l'emportera. Mais il n'y a pas que cela qui compte. Ce qui compte, c'est l'action qu'on pourra mener et imaginez le choc que cela représenterait dans un pays comme la France, habitué à tellement de divisions, si nos idées pouvaient être rassemblées derrière un seul candidat et si, dès le premier tour, on pouvait rassembler.
Et si tel était le cas, moi je serais pour un nouveau Président de la République qui ait une ambition, celle d'élargir le Majorité. Ce n'est pas parce qu'on gagne facilement qu'on n'a pas des responsabilités vis-à-vis de nos concitoyens ; on en a beaucoup et il y a beaucoup de professions, beaucoup de gens qui ne se reconnaissent pas dans le combat de la Majorité et des formations de la Majorité. J'aimerais qu'on relève ce défi qui ferait qu'enfin ils se reconnaissent en nous.
M. de Virieu : Merci, Alain Duhamel.
Monsieur le Ministre, est-ce que vous trouvez normal, au moment où l'on veut faire l'Union Européenne et au moment où on dit qu'on doit se doter d'une diplomatie commune à 15 pays, qu'on reçoive les Irakiens à Paris sans en parler à nos partenaires ? Il y a eu un communiqué de protestation officielle du Foreign Office, des Anglais.
M. Sarkozy : Je suis très attaché à la construction européenne, très, et je considère que pour la France c'est une chance et pas un problème. J'ajoute d'ailleurs qu'il suffirait pour s'en convaincre de voir que le solde de notre Commerce Extérieur est de plus en plus positif vis-à-vis de nos partenaires de la Communauté, et il faut avoir le courage de le dire…
M. de Virieu : L'Irak ?
M. Sarkozy : Ce sont des sujets compliqués, on ne peut pas répondre par oui ou par non.
Deuxième élément : chaque fois qu'il y a eu un problème choquant pour l'opinion publique, je pense à l'ex-Yougoslavie notamment, ou même d'une certaine façon au Rwanda…
M. de Virieu : Ou à la Pologne autrefois…
M. Sarkozy : Ou à la Pologne autrefois, c'est parce qu'il n'y avait pas assez d'Europe et non parce qu'il y avait trop d'Europe. Je sais bien qu'on prend des risques en disant cela, et pourtant c'est la vérité. Une fois que je vous ai dit cela, je ne dis pas pour autant que la France n'a pas la libre capacité de recevoir qui elle veut, quand elle veut, pour suivre des relations diplomatiques bilatérales normales.
J'ajoute : que notre pays prenne un certain nombre d'initiatives, alors qu'il est Président de la Communauté en exercice, je trouve que c'est plutôt clairvoyant.
M. de Virieu : Sans en parler aux autres. Bien, Albert du Roy.
M. du Roy : Bonjour, monsieur Sarkozy.
M. Sarkozy : Bonjour.
M. du Roy : Quelques thèmes d'actualité et c'est le porte-parole du Gouvernement que j'interroge sur des thèmes un peu divers.
Vous venez de parler du souhait de réforme de la Justice. Or vendredi, à Paris, en présence de monsieur Balladur, les deux principaux magistrats du pays, le Président de la Cour de Cassation et le Procureur Général, ont manifesté très vivement leur mauvaise humeur devant le fait que le Gouvernement avait reculé dans une initiative de modernisation de la Justice.
Est-ce que cela veut dire qu'on ne peut pas moderniser la Justice en France ou est-ce que cela veut dire qu'on ne peut pas la moderniser tant qu'on est en campagne électorale ?
M. Sarkozy : Non, non et non. Que s'est-il passé ? Le problème est assez simple : la Cour de Cassation est embouteillée par trop de pourvois…
M. du Roy : Comme toute la Justice.
M. Sarkozy : Comme toute la Justice, et l'idée était de savoir si l'on pouvait mettre une commission, style des Commission des Requêtes pour le Conseil d'État, qui permette de trier les pourvois ? Le Gouvernement y était prêt ; il a même présenté ce projet au Sénat. Le Sénat l'a voté.
M. du Roy : Mais l'Assemblée Nationale non.
M. Sarkozy : L'Assemblée Nationale a refusé de le voter… Oui, mais enfin, il est quand même assez difficile de dire qu'on est dans un État de droit, qu'il faut donner plus de pouvoir au Parlement et dire que si l'Assemblée Nationale n'est pas d'accord, il n'y a qu'à passer au-dessus. C'est extraordinaire, le débat : tout le temps on fait des grands discours sur le thème : « On n'est plus dans un État de droit, le Parlement n'a plus de pouvoir », très bien. L'Assemblée Nationale est vent debout contre un texte du Gouvernement, le Gouvernement reprend ses consultations, redialogue et on vient me dire : « Qu'est-ce que c'est que ce Gouvernement qui recule ? ».
M. du Roy : Monsieur Sarkozy, quand un Gouvernement a vraiment la volonté de faire passer un projet de loi à l'Assemblée, il a un certain nombre de moyens de procédure pour le faire passer.
M. Sarkozy : Je m'en resservirai, monsieur du Roy, je m'en resservirai…. Il faut donc passer en force. Chaque fois qu'on passe en force, cela prouve qu'on n'est pas sûr de ses convictions. Mais il y a un autre problème : vous suivez ces questions avec attention et vous savez très bien que la totalité des Présidents de Chambre à la Cour de Cassation étaient opposés à ce projet de réforme, et vous savez parfaitement qu'il y avait un désaccord entre des Présidents de Chambre et le Procureur Général et le Président de la Chambre de Cour de Cassation, pour qui j'ai par ailleurs le plus grand respect.
M. de Virieu : Nous aussi.
M. Sarkozy : C'est normal, c'est une institution. Ne faisons pas porter au Gouvernement un désaccord qui existe dans le corps social.
Enfin dernier : qu'on prenne un peu de temps pour une affaire aussi complexe que la réforme de la principale institution judiciaire de notre pays, cela vous choque ? Pas moi.
M. du Roy : Alors, élargissons un tout petit peu le sujet. Au cours de cette même séance, la mauvaise humeur, finalement, traduisait aussi une irritation de la Magistrature dans son ensemble. Devant les reproches que l'on fait aujourd'hui aux magistrats, en parlant du Pouvoir des juges, vous savez, notamment à propos de toutes les affaires en cours et les juges d'instruction, estimez-vous que, dans un passé récent, les juges d'instruction en matière politique, en matière de corruption, sont sortis de leur rôle ?
M. Sarkozy : Je n'aime pas généraliser et si votre question est collective, ma réponse est clairement « non » et il serait parfaitement ridicule qu'un membre du Gouvernement jette l'opprobre sur l'ensemble des juges d'instruction.
M. du Roy : Mais il y a des cas ?
M. Sarkozy : Il y a toujours des cas, monsieur du Roy, et on peut se poser des questions.
M. du Roy : Par exemple ?
M. Sarkozy : Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de Pouvoir sans qu'il n'y ait de contre-pouvoir et tous les pouvoirs, quels qu'ils soient, doivent accepter la règle de la démocratie qui est celle de la libre critique.
M. du Roy : Il y a des cas particuliers qui vous ont choqué personnellement ?
M. Sarkozy : Je n'ai pas à en faire état en tant que Porte-parole du Gouvernement, car le dernier à pouvoir parler de la Justice et des décisions de Justice, c'est un ministre. Mais, vous savez parfaitement à quoi on peut penser les uns et les autres. Pour le reste, il faut bien que nos compatriotes sachent quelque chose de simple, mais de difficile à accepter : on ne peut pas demander au Gouvernement la transparence des procédures, l'indépendance de la Justice et la certitude qu'il n'y ait pas d'affaires qui sortent, parce que demander cela, c'est parfaitement contradictoire et parfaitement impossible. Et lorsque le Premier ministre a pris cet engagement de laisser faire la Justice, il savait les risques qu'il encourait. Ces risques, il les a assumés.
M. du Roy : Bien, passons au sujet suivant. La fin de l'année 1994 a été marquée par, comme presque chaque début d'hiver, l'affaire des sans-logis ou l'affaire des gens mal logés. Quand une association représentative et bien organisée squatte un bâtiment à Paris qui est inoccupé pour y installer des familles sans abri, approuvez-vous ?
M. Sarkozy : Je ne peux pas l'approuver.
M. du Roy : Comprenez-vous ?
M. Sarkozy : Je peux comprendre le cri du cœur d'un homme comme l'Abbé Pierre ou d'associations qui sont confrontées à la misère et à la difficulté, ce cri du cœur est salutaire, je peux les comprendre. Mais, dans un État de droit, personne ne pourrait accepter l'idée qu'un membre du Gouvernement puisse approuver une occupation sauvage. Je sais bien qu'à quatre mois des élections, on peut tout faire et tout dire, moi, je ne le dirai pas et je ne le ferai pas.
M. du Roy : On va en parler. Mais les auteurs de ce coup de force ont quand même été reçus dans les deux heures qui ont suivi à Matignon par le Premier ministre.
M. Sarkozy : Enfin franchement, qu'auriez-vous dit si le Premier ministre avait refusé de recevoir un homme comme l'Abbé Pierre ?
M. du Roy : Enfin, c'est une certaine forme d'approbation.
M. Sarkozy : … Non, face à cette situation, la réquisition existe. Elle peut être utile dans tel ou tel cas particulièrement choquant, mais ce n'est pas la réquisition qui résoudra le problème des mal logés et des plus miséreux de notre pays.
M. du Roy : Le Maire de Paris a quand même bien fait de lancer cette idée de réquisition dès le lendemain ?
M. Sarkozy : Je pense qu'on a toujours intérêt, y compris dans une période sensible de la vie politique, à avoir des propos mesurés.
M. du Roy : Est-ce que le maire de Neuilly que vous êtes, Neuilly où le problème des mal logés n'est pas le problème principal, hein, il faut bien le rappeler, est-ce que le maire de Neuilly que vous êtes serait capable s'il y avait un problème de mal logés et une vague de froid, par exemple, de réquisitionner à Neuilly ?
M. Sarkozy : Je vais compléter votre formation. Si le député de Puteaux que j'ai été pendant de nombreuses années, qui a 82 % sur son territoire de logements sociaux, s'il y avait des cas sociaux particulièrement difficiles et s'il y avait des bâtiments que l'on puisse mettre à leur disposition, je le ferai et pour la réponse soit très claire, j'ai eu l'occasion, l'hiver dernier, de mettre à la disposition de l'Abbé Pierre un immeuble du ministère des Finances qui était inoccupé pour que celui-ci puisse y mettre des gens qui souffraient.
M. du Roy : Est-ce que les grands investisseurs financiers, compagnies d'assurance, banques, qui très normalement disposent d'un parc immobilier très important dont certains immeubles entièrement vides actuellement, est-ce qu'il ne leur appartiendrait pas, entreprises citoyennes, de mettre ces immeubles à la disposition des mal logés ?
M. Sarkozy : Systématiquement, vous le savez parfaitement bien, c'est impossible et d'ailleurs, juste un mot si vous me le permettez, qui sont ces institutions financières si ce n'est des institutions qui gèrent les retraites des gens ? Qui sont ces compagnies d'assurance si ce n'est des institutions qui gèrent nos contrats d'assurance ? Est-ce que vous croyez que l'on peut continuer dans la démagogie en disant qu'ils ont des trésors cachés ? Mais, c'est quoi les trésors cachés ? Ce sont les contrats que nous payons : est-ce que nous sommes heureux quand on les augmente ?
Permettez-moi un mot, j'avais envie d'en parler avec Alain Duhamel, mais je n'accepte plus ce débat sur les élites et sur la technocratie, c'est le comble de la démagogie. Dans tous les pays, à toutes les époques, dans toutes les organisations, il y a besoin d'avoir des dirigeants. Le problème, ce n'est pas celui de l'existence de ces dirigeants, c'est qu'à chaque instant, ils puissent venir des classes les plus populaires de notre pays. C'est comme la technocratie, ce n'est pas la technocratie qui devient omnipuissante, c'est la volonté politique qui est devenue trop souvent évanescente. Ce n'est pas en détruisant des fonctionnaires qui font bien leur travail, qui sont plus honnêtes et plus compétents que dans beaucoup de pays, ce n'est pas en les détruisant et en les empêchant de faire leur travail que l'on résoudra le problème. il est vrai que n'étant pas énarque, j'ai moins à me faire pardonner…
M. du Roy : Vous dénoncez celui qui a épinglé récemment la France des Palais Nationaux ?
M. Sarkozy : Bon, écoutez franchement…
M. du Roy : C'était Chirac, je le dis en passant.
M. Sarkozy : Je ne veux pas rentrer dans une guerre avec qui que ce soit, mais permettez-moi de vous dire que si l'on veut être Président de la République, son premier devoir, c'est de rassembler et ce n'est pas une action de rassemblement que de désigner des boucs-émissaires responsables de tous les malheurs de notre pays. Les élites, ceux qui ont réussi leurs examens, peut-être un jour viendra-t-il où il faudra venir à la télévision en disant : « Français, faites-moi confiance, j'ai raté mon bac ».
M. du Roy : Il y en a quelques-uns qui s'en font une gloire, bon, cela c'est un autre débat. Audiovisuel…
M. Sarkozy : Non mais franchement, c'est un problème très important parce que derrière ce problème anecdotique, c'est celui de la facilité, c'est aussi le problème des jeunes à qui ont promet tout, mais parce que l'on est jeune, on n'a pas tous les droits, on n'a pas plus de droits. Et permettez-moi de vous dire que pour des raisons biologiques, je ne me sens pas éloigné des jeunes. Mais, je n'accepte plus ce discours qui est un peu de facilité, qui est convenu et qui fait beaucoup mal à la politique.
M. du Roy : Alors, je voudrais d'un mot…
M. de Virieu : Il reste trois minutes.
M. du Roy : Aborder deux sujets d'actualité, là encore, l'un très technique, attention : la directive Télévision Sans Frontières, à Bruxelles, que les Américains et quelques autres, veulent remettre en cause, il s'agit de celle qui fixe des quotas de diffusion d'émissions communautaires européennes sur les télévisions européennes. Est-ce qu'il y a eu, dans cette affaire, qui va vous retenir cette semaine, une trahison à Bruxelles, puisque les Américains étaient informés de tous les projets des Européens ?
M. Sarkozy : Non, je n'aime pas parler comme cela et certainement pas dans une discussion, une négociation aussi dure. À 8 heures de matin, lundi, avec Jacques Toubon, nous verrons Jacques Delors. La question est très simple, l'Union Européenne est le premier marché en termes de consommateurs du monde, 300 millions de personnes. On passe son temps à nous expliquer que la production audiovisuelle est le marché le plus porteur en termes de création d'emplois et d'économie. Au nom de quoi devrions-nous accepter l'idée que ce marché, par définition, devrait appartenir à 100 % aux producteurs américains ? Il faut bien être conscient qu'il doit y avoir des protections pour une durée donnée qui permettent aux producteurs français et européens de vivre, de compter, de pouvoir produire et d'être diffusés.
M. du Roy : Dernière question, une radio, Sarkozy, a été suspendue demain d'émission par le CSA parce que l'un des animateurs avait ironisé sur l'assassinat d'un policier à Nice dernièrement. Est-ce que vous approuvé cette sanction ?
M. Sarkozy : D'abord, je trouve que cette déclaration est inacceptable parce que à quoi servirait-il de rassembler la communauté nationale autour du GIGN quand il y a la prise d'otages de l'Airbus, et du RAID quand il y a la prise d'otages de la maternelle de Neuilly, pour accepter que, sur nos ondes, quelqu'un puisse rire de la mort d'un policier, c'est inacceptable ?
Deuxième élément, c'est le CSA et lui seul qui, par la loi, est responsable de la définition des sanctions. Je n'ai pas à intervenir.
Troisième élément, est-ce que je soutiens la sanction, le principe de la sanction ? La réponse est clairement oui.
Quatrième élément, j'ai été heureusement surpris par la réaction de monsieur Bélanger et des dirigeants de Sarkozy, réaction qui a été rapide, en supprimant l'émission en cause et en mettant à pied l'animateur. Est-ce que cette réaction rapide doit permettre des discussions entre lui et monsieur Boutet, je le souhaite.
M. de Virieu : Merci monsieur le ministre.
C'était donc l'Heure de Vérité de monsieur Nicolas Sarkozy, porte-parole du Gouvernement et donc, je serais tenté de dire, de monsieur Balladur.
Prochain invité, Madame Dominique Voynet, porte-parole des Verts, l'un des deux candidats et peut-être d'ailleurs des trois candidats, on en sera plus tout à l'heure, écologistes à l'élection présidentielle.
Bonne semaine à tous.
« Il n'y a rien dans ce monde qui naisse au moment décisif. Le chef d'œuvre de la bonne conduite, est de connaître et de prendre ce moment ». Cardinal de Retz