Déclaration de M. Edmond Alphandéry, ministre de l'économie, le 17 janvier 1995 et interview à "La Lettre de M&M conseil" de janvier 1995, sur l'amélioration des règles de la concurrence sur le marché de l'épargne.

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Circonstance : 4èmes rencontres parlementaires de l'épargne sur le thème "L'épargne face à la concurrence" à l'Assemblée nationale le 17 janvier 1995

Média : La Lettre de M et M conseil

Texte intégral

Intervention de monsieur Edmond Alphandéry, ministre de l'Économie, à l'Assemblée nationale (mardi 17 janvier 1995)
4e rencontres parlementaires de l'épargne « L'épargne face à la concurrence »

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux de clôturer ces 4èmes rencontres parlementaires de l'épargne. Je remercie mon ami Philippe Auberger de son invitation. Je deviens en quelque sorte un habitué de ces rencontres…

Elles sont devenues une occasion privilégiée, je crois, d'échanger nos vues et de se concentrer sur un sujet qui intéresse le Gouvernement, le ministre de l'Économie, le Parlement et bien sûr les Français et les professionnels.

« L'épargne face à la concurrence ». Tel est le thème particulièrement stimulant des rencontres de cette année.

C'est un sujet qui m'a toujours préoccupé en tant que ministre de l'Économie, car je me sens ès fonctions responsable de l'instauration d'une concurrence équitable et saine sur notre marché financier.

En ce début d'année, j'aimerais vous livrer quelques réflexions personnelles qui se rapportent au thème de ces Rencontres.

Je les ais regroupées en cinq grandes rubriques.

Ma première réflexion est que si, en matière d'épargne, il faut veiller à ce que la fiscalité n'induise pas de distorsion de concurrence entre placements de même nature, il n'est pas illégitime que la fiscalité intervienne pour orienter l'épargne davantage vers le long terme. Car nous avons besoin d'une épargne longue pour financer sainement la croissance et l'emploi.

Tel est le sens des multiples initiatives que j'ai prises depuis deux ans, et qui avaient pour objet à la fois de consolider l'épargne liquide et d'abolir les distorsions injustifiées.

Celles-ci ont cherché à mettre en œuvre 3 grandes idées simples :

1. La première, c'est de mettre tous les placements qui ne se traduisent par aucun engagement à terme spécifique au même régime fiscal.

Désormais, il n'y a pratiquement plus de différences de traitement, ni entre tous les produits – à l'exception du livret A et du Codevi –, ni entre les formes de rémunérations.

Petite révolution, me direz-vous, mais grands effets ! Comme on l'a vu avec le transfert d'un montant important de SICAV monétaires vers des produits plus longs.

2. La seconde, c'est d'accepter qu'existe une certaine différenciation fiscale entre produits de placements courts et liquides, et produits exigeant de l'épargnant un engagement à terme long, comme les plans d'épargne logement ou l'assurance-vie. Mais à condition que l'engagement soit bien réel.

Telle est la raison pour laquelle vous avez peut-être noté que j'ai récemment demandé aux entreprises d'assurance d'adopter une recommandation visant à ce que les avances de trésorerie aux souscripteurs de contrats soient strictement encadrées.

3. La troisième idée a été tout simplement de prendre diverses mesures visant à provoquer la consolidation de l'épargne liquide ; je n'insiste pas sur les principales :

– le grand emprunt d'État 94/97 avec son dispositif original. Il a permis de transformer 67 MdF de SICAV monétaires en obligations à 4 ans échangeables contre des actions de sociétés privatisées ;

– l'autorisation donnée de vider les SICAV monétaires en franchise de l'impôt sur les plus-values pourvu que les sommes en soient réinvesties dans des plans d'épargne en actions ou l'immobilier ;

– en outre, et c'est l'élément le plus récent, le lancement des OAT-particuliers. Directement accessibles à chaque Français chez son intermédiaire financier habituel, ces OAT ont élargi la palette des produits à long terme offerts à l'épargnant.

Je remarque que ce produit connaît un grand succès, ce qui montre, qu'avec le retour à une courbe normale de taux d'intérêt, il correspond à une attente de nos compatriotes.

En ce début d'année 1995, je constate que cette politique de consolidation de l'épargne a réussi.

L'évolution des OPCVM en témoigne. En 1994, les souscriptions nettes sur les SICAV actions ont atteint 16,2 milliards de francs tandis que les cessions de SICAV monétaires se sont élevées à plus de 200 MdsF.

Ce qui ne gâte rien, bien au contraire, c'est que ceci s'est accompagné d'une réduction des distorsions de concurrence qui étaient auparavant créées par la réglementation.

Nous avons donc fait d'une pierre deux coups ! Je m'en félicite.

Deuxième réflexion : assurer les conditions d'une réelle concurrence en matière d'épargne, cela signifie qu'il faut veiller à ce qu'entre institutions aussi, il n'y ait pas de distorsions de concurrence, notamment du fait de différences de statuts.

J'ai constamment rappelé mon hostilité aux situations de concurrence déloyale injustifiées.

C'est sur la base de cette philosophie que j'ai veillé à conduire les évolutions de notre paysage financier.

Par les privatisations d'abord : c'est pourquoi l'ensemble des banques et compagnies d'assurances encore contrôlées par l'État ont été placées sur la liste des entreprises à privatiser.

Rien ne justifie que ces organismes ne luttent pas à armes strictement égales avec leurs concurrents. Ceci implique qu'ils obéissent au même type de contrôle concurrentiel.

Il va de soi que je veillerai à ce que la logique concurrentielle et d'entreprise anime les institutions financières qui restent sous contrôle public.

C'est dans le même esprit que, pour rester sur le plan institutionnel, j'ai également souhaité que soit mis fin aux dispositions statutaires dérogatoires du droit commun lorsqu'elles ne se justifiaient plus et entraînaient une confusion des genres et un flou dans les responsabilités.

Ceci concerne notamment le Crédit National et le Comptoir des entrepreneurs. Il n'était pas sain que certaines responsabilités, notamment celle de nommer les dirigeants, reviennent à l'État alors que celui-ci n'était actionnaire ni de l'un ni de l'autre.

L'un et l'autre sont désormais des entreprises comme les autres de ce point de vue.

Autre exemple, j'ai tenue à ce que les opérateurs qui, de par leur fonction particulière, bénéficient d'une rente de situation, ne puissent en profiter pour concurrencer ceux qui ne bénéficient pas des mêmes avantages.

Je veux parler ici notamment de la Poste, dont j'ai clairement évoqué qu'elle n'avait pas vocation à se transformer en banque de plein exercice.

Je veillerai par ailleurs à ce qu'elle ne mène ses activités financières qu'en acceptant des contrôles, des règles prudentielles, et une fiscalité, comparables à celles s'appliquant aux établissements de crédit de droit commun.

Notre paysage financier a déjà beaucoup évolué : sans doute ces évolutions ne sont-elles pas encore terminées. Il conviendra naturellement de veiller à ce que ces changements se fassent avec le souci d'assurer une saine concurrence entre organismes assurant des fonctions équivalentes.

J'en viens à ma troisième réflexion, qui est une suite logique de la précédente : je crois qu'il faut continuer le mouvement engagé de banalisation des produits financiers entre les réseaux.

Certes, nous ne pouvons faire totalement fi de l'existant. Je pense notamment au rôle que jouent les livrets A dans le logement social, spécificité qui existe peu ou prou dans tous les pays. Mais il faut veiller, lorsqu'apparaissent des innovations à ne pas créer de produits spécifiques selon la nature des intermédiaires ou des souscripteurs.

Je m'y suis efforcé pour ma part : l'emprunt Balladur, les OAT aux particuliers par exemple, ont été ou sont distribués sans aucun ostracisme.

Et, ce que l'on sait moins, c'est qu'à l'occasion des travaux préparatoires à la mise sur le marché de la CNP, j'ai tenu à ce que soient renégociés les termes de la convention qui lie la CNP et son réseau de distribution principal, la Poste. Pour qu'il soit bien clair que d'autres sociétés d'assurance ont le droit de proposer leurs services et leurs produits au réseau postal.

C'est aussi tout le sens de l'action que j'ai menée pour standardiser la fiscalité sur les produits d'épargne. Je n'y reviens pas en détail. Elle comporte un alignement en termes de taux d'imposition et de bénéfice de l'abattement de 8 000 et 16 000 francs au titre des revenus de valeurs mobilières et des titres de créance du régime applicable à l'ensemble des produits d'épargne sous réserve des livrets.

Cela paraît technique. Il s'agit en fait d'une réforme considérable. Elle met dans la même situation fiscale les produits comme les dépôts à terme ou les bons de caisse, et les produits comme les OPCVM.

Il est ainsi remédié à une distorsion que rien ne justifiait sur le plan économique et qui pénalisait les établissements bancaires.

Je suis heureux de constater le succès de ce changement comme en témoignent les vigoureuses campagnes lancées par les banques pour promouvoir l'ouverture de comptes à terme.

C'est dans le même esprit d'amélioration des règles de concurrence, et afin de faciliter le financement des PME, que j'ai décidé de relever à 30 000 F le plafond du CODEVI.

Certes, c'est un produit qui bénéficie d'un traitement fiscal privilégié alors que sa liquidité est totale. Mais vous savez que c'est le contrepoint du livret A, donc une façon de ne pas pénaliser les banques par rapport au réseau des caisses d'épargne.

C'est par ailleurs un produit d'épargne pour lequel l'ensemble des intermédiaires financiers sont dans une situation égale de concurrence.

En outre, l'emploi des ressources ainsi disponibles est strictement encadré. Je rappelle que j'ai d'ailleurs demandé aux institutions financières de mettre au point un appareil statistique pour faciliter le contrôle du respect des règles de prêts. Je sais que ces travaux ont déjà bien avancé.

De même, est-ce d'une manière très transparente et en faisant appel au volontariat des institutions financières qu'ont été mises en place les modalités de souscription aux OAT destinées aux particuliers.

À cet égard, je crois que l'État peut se flatter d'être le plus transparent des émetteurs. Le taux de commissionnement des réseaux est en effet connu des souscripteurs d'une manière simple et explicite. Le fait de reconnaître que le placement auprès des particuliers appelle une rémunération particulière me parait important en termes de progrès vers une vraie concurrence sur le marché de l'épargne.

En définitive, quand je regarde aujourd'hui le panorama des produits d'épargne réglementés (livret A, livret B, livret bleu, LEP, CODEVI, épargne logement), je constate que seuls le premier livret distribué par les Caisses d'épargne et la Caisse nationale d'épargne et le compte spécial sur livret du Crédit Mutuel (le livret bleu) ne sont pas distribués par l'ensemble des intermédiaires financiers.

Il va de soi que la justification de l'existence de ces produits non banalisés est que les ressources correspondantes aient une affectation précise et « hors marché » : le financement du logement social.

Ma quatrième réflexion, est que l'ouverture du marché à la concurrence étrangère, a été aussi et est destiné à être un aiguillon de la concurrence.

Il faut s'y préparer avec le souci que nos institutions fassent bonne figure.

Depuis maintenant deux ans, la libre prestation de services et la liberté d'établissement sont une réalité bancaire. Dans maintenant moins d'une année, il en sera de même en matière d'assurances et de services d'investissement. Autrement dit d'opérations sur titres et instruments financiers.

C'est une perspective considérable qui suppose adaptations législative et réglementaire. Elle suppose surtout, de la part des professionnels, une préparation à un univers de concurrence renforcée.

La responsabilité du gouvernement est de mettre en place un dispositif qui assure la compétitivité des professionnels français de l'épargne que sont les intermédiaires financiers.

Mais ce dispositif, et ce sera ma dernière réflexion, devra également être protecteur des épargnants.

Dans cette perspective, nous devrons adapter l'organisation des règles de commercialisation de l'épargne.

Cela passe aussi par une parfaite information des épargnants. Je sais que la Commission des opérations de bourse se montre vigilante pour ce qui la concerne.

Mais au-delà, nous devons faire en sorte que l'intermédiation financière permette au consommateur de comparer tant les produits financiers entre eux que les produits financiers d'une même catégorie vendus par des réseaux concurrents.

À cet égard, je me félicite de la plus grande lisibilité qui est en train d'être introduite dans les contrats d'assurance-vie.

Cette transparence devra être recherchée, s'appliquer à l'offre de produits d'épargne venant de l'étranger, et j'y resterai attentif.

Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, le Gouvernement n'est pas resté inerte au cours des 21 derniers mois. Il n'a pas à rougir de ses réalisations. Bien au contraire ! Le travail n'est pas pour autant achevé en la matière. Je discerne au moins trois chantiers à ouvrir ou compléter à l'avenir.

En premier lieu, les fonds de pension à la française. La réflexion a bien démarré. Le consensus a progressé. Et j'estime que 1995 devrait être l'année de leur création. Pourquoi les salariés ne pourraient-ils disposer de la possibilité de se constitue, une épargne retraite supplémentaire alors que les non-salariés le peuvent ?

La réforme de la fiscalité de l'épargne pourrait être encore approfondie. Je pense en particulier à l'extension à de nouveaux produits et aux plus-values sur des produits existants de l'abattement des 8 000/16 000 francs à l'impôt sur les revenus.

Enfin, la fiscalité de l'épargne immobilière trop lourde, devrait être allégée et simplifiée. Sur le plan économique, il me semble que le relèvement de 8 à 10 % de la déduction forfaitaire intervenue dans le budget de 1994, devrait être poursuivi.

Il faut sans doute aller plus loin. À cet égard, une réflexion doit être entamée sur les droits de mutation en prenant bien sûr en compte les conséquences qui en découleraient pour le financement des collectivités locales.

Il a su préparer la Place à la nécessaire concurrence, dans la concertation et avec te souci de permettre à nos intermédiaires financiers d'être plus forts demain dans une Europe ouverte.

Je vous remercie.


M&M Conseil : janvier 1995
Interview de Philippe Auberger et Edmond Alphandéry 

M&M Conseil : Vous organisez chaque année au mois de janvier les rencontres parlementaires sur l'épargne. Pourquoi cette initiative ?

Philippe Auberger : L'actualité qui nous appelle sans cesse à renouveler notre réflexion sur l'épargne enrichit année après année nos rencontres parlementaires qui sont très appréciées. Cette manifestation permet non pas d'anticiper les tendances des marchés qui sont hors du champ de nos préoccupations, mais de débattre des orientations politiques qui se dessinent et des thèmes que les décideurs, professionnels, Gouvernement, parlementaires, doivent trancher. Dans le passé, les réflexions sur la fiscalité de l'épargne ont en outre conduit à la restructurer, à privilégier l'épargne longue et à mieux assurer une certaine neutralité fiscale entre produits, mais n'ont pas épuisé les adaptations à effectuer. Aujourd'hui, sous la poussée de l'ouverture européenne, notamment, l'épargne nous mobilise encore car il faut envisager son développement dans un cadre de plus en plus concurrentiel.

M&M Conseil : Depuis l'origine, comme député puis comme ministre de l'Économie, vous participez aux rencontres parlementaires sur l'épargne. Philippe Auberger a choisi cette année comme thème « l'épargne face à la concurrence ». Pensez-vous que la concurrence que l'on observe (concurrence entre les produits et entre les institutions) soit favorable à l'épargne ?

Edmond Alphandéry : Reportez-vous à il y a 25 ans et souvenez-vous qu'à l'époque peu nombreuses étaient les possibilités pour les français de placer leur épargne. Aujourd'hui l'épargnant a plutôt l'embarras du choix. À l'évidence cela lui bénéficie. Non seulement il peut choisir le produit d'épargne qui correspond à sa situation personnelle, mais encore il peut faire jouer la concurrence pour obtenir des conditions aussi favorables que possible.

Je constate en effet que s'agissant de certains produits, comme l'assurance-vie, la concurrence entre les institutions est si forte qu'il est même nécessaire que l'État dans un souci prudentiel intervienne afin de limiter les engagements pris par les compagnies d'assurance lors de la souscription. Tel est ainsi un des objets de la seconde étape de la réforme technique de l'assurance-vie.

M&M Conseil : Le Gouvernement est favorable à une reprise de la consommation, peut-on dans ces conditions, dans le même temps, inciter les Françaises et les Français à épargner ?

Edmond Alphandéry : C'est le type même du faux débat que d'opposer consommation et épargne. Un pays a besoin de suffisamment d'épargne pour financer les investissements nécessaires à la croissance. Mais il y a de « l'épargne liquide » qui est plutôt de la monnaie que de l'épargne. C'est celle-ci que le Gouvernement a cherché à mobiliser pour le financement de l'économie. Il ne s'est pas agi d’accroître le niveau absolu de l'épargne mais de la faire mieux participer au financement de l'économie.

M&M Conseil : Une des originalités de notre système de collecte d'épargne réside dans la différence des régimes qui le régissent (statuts différents, avantages consentis à certains réseaux, etc.). Pensez-vous que, sous l'effet notamment de la construction européenne, le système actuel est appelé à évoluer ?

Edmond Alphandéry : L'hétérogénéité des régimes de collecte d'épargne en France est un héritage du passé. Néanmoins elle ne cesse de s'atténuer depuis de nombreuses années. L'institution du Codevi qui bénéficie d'avantages semblables à ceux du livret A est un pas en ce sens. La réforme de la fiscalité de l'épargne que j'ai fait adoptée par le Parlement dans le budget 1994 réduit également fortement les différences de fiscalité suivant les produits d'épargne. Ainsi, les avantages fiscaux excessifs des sicav monétaires ont-ils disparu. La fiscalité s'appliquant à certains produits bancaires a-t-elle été alignée sur celle concernant des produits d'épargne similaires comme les titres.

Je crois de façon générale que les différences vont continuer à s'atténuer, sous l'effet, notamment de la construction européenne.

M&M Conseil : L'épargne longue doit-elle être encouragée par rapport à l'épargne courte ? Si oui quelles mesures comptez-vous initier en la matière ?

Edmond Alphandéry : Toute la stratégie du Gouvernement depuis 20 mois a été d'encourager à une consolidation de l'épargne. Je vous rappellerai brièvement quelques-unes des mesures adoptées :

– incitation fiscale à la cession de sicav monétaires pour financer les investissements immobiliers ou en actions dans les PEA,
– lancement d'un grand emprunt national, d'un montant de 110 MdsF qui a permis notamment de mobiliser 69 MdsF de sicav monétaires,
– réforme de la fiscalité de l'épargne réduisant, comme je vous l'ai déjà indiqué, les avantages fiscaux excessifs des sicav monétaires,
– accès direct offert aux particuliers pour l'achat d'OAT d'une durée de 10 ans dans la plupart des guichets des intermédiaires financiers.

Au total, les résultats sont là. L'encours des OPCVM de court terme qui atteignaient 1 200 MdsF a diminué de plus de 250 MdsF. Il est vrai que les mesures prises par le Gouvernement ont été confortées par le retour à ure hiérarchie normale des taux d'intérêt, les taux courts devenant inférieurs aux taux longs.

Je crois qu'il nous faut poursuivre dans cette voie. L'idée est de réserver aux produits d'épargne véritablement à long terme, la meilleure fiscalité. Il en est en effet nécessaire pour le financement de l'économie de faire en sorte qu'une proportion plus importante de l'épargne nationale soit à l'avenir investie en actions. Pour cela, au-delà des autres raisons qui y poussent, il me paraît extrêmement souhaitable de permettre aux salariés français de se constituer une épargne retraite supplémentaire. J'ai d'jà annoncé que les esprits me paraissaient mûrs pour qu'un texte en la matière puisse être adopté dès 1995.

M&M Conseil : Vous avez choisi pour thème de ces 4èmes rencontres parlementaires « l'épargne face à la concurrence ». Pourquoi avoir choisi ce thème ? Comment cette problématique se pose-t-elle ?

Philippe Auberger : La concurrence marque crucialement aujourd'hui l'épargne. Réussirons-nous à mettre en œuvre rapidement les structures indispensables à l'organisation de la concurrence dans l'Union européenne, lesquelles favoriseront la meilleure allocation d'épargne et d'investissement et un bon taux de croissance ? Vous savez que nous devons adapter au plan national les règles de la directive service d'investissement, que nous devons revoir notre organisation institutionnelle et l'architecture générale du contrôle des marchés et que nous aurons beaucoup à faire au cours des mois à venir dans ce domaine.

Les adaptations à prévoir ont besoin d'être discutées aussi contradictoirement que possible, afin que les décisions à prendre soient nourries des réflexions des uns et des autres. Par exemple, la fusion du CBV et du CMT qui paraît désormais aller de soi doit pourtant être correctement préparée et organisée.

M&M Conseil : Quelles sont selon vous les actions et les réformes que le prochain Gouvernement devra mettre en œuvre dans le domaine de l'épargne en général et plus particulièrement de la concurrence entre les institutions et les produits ?

Philippe Auberger : Les prochains Gouvernements devront faire aboutir de très nombreuses réformes. Sur le plan européen, ils devront concilier l'ouverture à la concurrence : concurrence par exemple des systèmes financiers anglo-saxons, concurrence entre réseaux bancaires, mais aussi entre banques et assurances, concurrence entre produits, notamment produits d'épargne classique, fonds de pensions, produits dérivés, la protection des épargnants, par conséquent la réforme de la COB, et l'investissement.

La concurrence sera trop dure si nous n'adaptons pas nos institutions et nos contrôles de manière adéquate. Il est nécessaire d'appréhender les nouveaux problèmes d'épargne de manière globale, de les placer dans une perspective de soutien de la croissance, et de veiller à ce qu'une nouvelle éthique trouve sa juste place.