Interviews de M. Raymond Barre, député apparenté UDF, à France-Inter le 15 décembre et dans "Le Figaro" du 21, sur l'éventualité de sa candidature, le retrait de la candidature de J. Delors, la stabilité monétaire, les déficits publics, les rapports entre la politique et l'argent, les relations franco-allemandes, la construction européenne et le débat autour de l'idée de "noyau dur".

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Média : Le Figaro - France Inter

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Interview  à France-Inter le 15 décembre non disponible

Le Figaro : 21 décembre 1994

Le Figaro : Depuis la défection de Jacques Delors, tout le monde a les yeux tournés vers vous…

Raymond barre : Dépassons la question des personnes. Il me semble, en effet, que l'intérêt qu'a suscité la candidature de Jacques Delors ou l'attention qui pourrait se porter sur moi révèlent d'abord qu'un grand nombre de Français sont lassés des jeux partisans, des conflits d'ambitions, des combinaisons précaires et successives qu'ils observent sur la scène politique. Ils se tournent donc vers des hommes qui se sont trouvés ou se tiennent à l'écart des vicissitudes et des péripéties récentes de la vie politique. Les Français aspirent, si l'on peut dire, à un changement d'air. Et ils aspirent aussi à la justice.

Le Figaro : Pourquoi parlez-vous de justice ?

Raymond barre : La justice est une valeur particulièrement nécessaire en temps de crise. La justice, c'est faire que, dans une période difficile, les efforts soient partagés, et que les plus favorisés n'y échappent pas. Les Français comprennent fort bien les nécessités, de la rigueur, mais ils ne veulent pas d'une rigueur sélective. Je crois que leur protestation contre la corruption n'a pas d'autre origine. Bref, ce qu'ils indiquent en préférant telle ou telle personnalité, c'est leur désir de voir réparer le lien social déchiré ou distendu.

Le Figaro : N'avez-vous pas le sentiment d'être devenu le candidat virtuel des partisans de l'Europe ?

Raymond barre : Personne n'ignore mon attachement à la cause de l'Union européenne, que j'ai servie à Paris comme à Bruxelles. Je n'en suis que plus libre de dire qu'à mes eux l'Europe ne doit pas constituer le seul terme de référence de l'élection présidentielle. Le thème majeur qui  doit inspirer les choix  et les propositions, c'est l'adaptation de la société et de l'économie française aux défis du XXIe siècle ; la politique européenne n'en est qu'une dimension.

Le Figaro : Quelles sont les raisons qui vous donnent envie de vous présenter à l'élection présidentielle ?

Raymond barre : Faut-il parler d'envie ? Je mesure l'importance des problèmes et l'ampleur des difficultés auxquelles il faudra faire face au cours des prochaines années. Je sais par expérience que l'exercice du pouvoir n'est jamais une partie de plaisir. Mais je pense aussi que, lorsque l'on peut servir son pays, on n'a pas le droit de se dérober.

Lorsque j'ai dit, bien avant la décision de Jacques Delors, que je n'excluais rien, c'est parce que j'entendais rappeler à ceux qui pensaient que je ne m'intéressais plus à l'élection présidentielle – et qui le regrettaient – que j'étais toujours là. Oui, je suis là. Cela ne m'empêche pas de garder ma lucidité et ma sérénité. Si vous me permettez ce langage familier, « je ne pense pas qu'à cela », Dieu merci !

Le Figaro : Quand déciderez-vous ?

Raymond barre : Je ne saurais prendre une telle décision dans la précipitation ou à la faveur d'événements inattendus. Je pense que l'opinion publique est à l'heure actuelle très volatile, que les sondages s'en ressentent et ne sauraient être déterminants, que beaucoup de choses peuvent encore se passer dans les mois qui viennent. Ma décision dépendra avant tout du sentiment que j'aurai de pouvoir mener, avec la confiance et le soutien des Français, une politique qui garantisse l'intégrité et l'impartialité de l'État, qui maintienne la stabilité monétaire, qui favorise le développement de l'économie au service de l'emploi, qui renforce la cohésion sociale, qui assure l'influence de la France en Europe et dans le monde.

Depuis de nombreuses années, j'ai tenu le même langage, et mes positions fondamentales n'ont pas varié au vent des modes intellectuelles ou des considérations électorales. En 1988, les Français ont été séduits par le principe du « ni-ni » se rendent-ils compte aujourd'hui de l'urgence de l'action à mener et de l'effort à accomplir ? La réponse que je donnerai à cette interrogation dictera, le moment venu, ma décision.

Le Figaro : Jacques Delors s'est désisté parce qu'il n'était pas sûr d'avoir une majorité derrière lui. Comprenez-vous ses raisons ?

Raymond barre : Jacques Delors a eu une attitude digne et responsable. La décision qu'il a prise résulte d'une analyse personnelle de la situation politique française. J'en prends acte, sans autre commentaire.

Le Figaro : Si vous étiez président, comment dessineriez-vous le contour de votre majorité ?

Raymond barre : Sous la Ve République, l'élection du président ne procède pas d'une majorité parlementaire ou d'une coalition de partis. Elle est l'affaire des Français, qui se rassemblent, indépendamment de toute étiquette, autour d'un homme qui devient, selon l'expression du général de Gaulle, « l'homme de la nation ». En fonction des contours de la majorité présidentielle, le président nomme un gouvernement qui forge la majorité parlementaire. Je crois que la France aura besoin demain d'un gouvernement au service d'une ambition nationale qui échappe à la loi des partis et dont l'assise politique soit la plus large possible. J'ai le sentiment que les Français y aspirent.

Le Figaro : La société politique française est-elle prête pour le big-bang qui permettait de tout recommencer à zéro ?

Raymond barre : Méfions-nous des audaces de période électorales ! L'élection présidentielle, ce n'est pas le grand jour ! On ne change pas la vie, on ne change pas la France si facilement ! À partir de ce qui existe et qui n'est pas aussi dépassé que certains le disent, il y a des actions nouvelles à mener, des structures à faire évoluer, des disciplines à faire respecter, des acquis à sauvegarder. Tout cela doit être fait en surmontant les résistances des intérêts particuliers et en maîtrisant les revendications catégorielles. Il ne suffit pas de parler des réformes, il faut les réaliser en montrant aux Français qu'elles sont faites pour le progrès collectif et avec une juste répartition des efforts.

Les réformes sont souvent douloureuses, notamment pour ceux qu'elles concernent directement. Elles ne sont acceptées que si elles paraissent nécessaires à la nation plus qu'à des catégories sociales particulières. Elles peuvent alors rassembler les Français sur un intérêt commun et les aider à triompher de la morosité actuelle.

Le Figaro : Quels seront, d'après vous, les grands enjeux de la campagne présidentielle ?

Raymond barre : J'en vois trois :

– sauvegarder la Ve République en la protégeant du retour en force du « régime des partis » ;
– éviter la dérive vers une « autre politique », économique et financière, qui détruirait les acquis fondamentaux des dix dernières années et aggraverait à terme la situation de l'emploi et le bien-être des Français ;
– enfin, et surtout, rendre aux Français confiance en eux-mêmes et en la France.

Le Figaro : À l'heure où l'on parle d'Europe à géométrie variable ou à plusieurs vitesses, où vous situez-vous dans le débat européen ?

Raymond barre : L'avenir de l'Europe stimule tellement les imaginations et suscite une telle littérature que je ne m'y retrouve plus. Permettez-moi de vous répondre de façon plus modeste et pragmatique, à la lumière de mon expérience.

L'union européenne comptera dès 1995 quinze membres. Elle a décidé d'accueillir dans l'avenir d'autres pays européens et de préparer, dès maintenant, avec eux leur adhésion. Ce qui importe, c'est que les élargissements ultérieurs respectent, comme celui qui vient de s'effectuer, les acquis de la construction européenne : union douanière et politique commerciale ; politiques communes, sous réserve des adaptations nécessaires de la politique agricole commune et de la politique des fonds structurels ; règles de concurrence au sein du Marché unique.

L'élargissement n'est pas concevable sans une mise à niveau préalable pour les pays en transition vers l'économie de marché. Il pourra comporter ensuite des périodes transitoires assez brèves, mais ne devra pas admettre d'exceptions durables ou définitives. C'est à ces conditions que l'Union européenne ne se diluera pas en une zone de libre-échange.

Par ailleurs, l'Union européenne s'est assigné trois objectifs nouveaux : la monnaie unique, une politique étrangère et de sécurité commune, une identité européenne de défense, conduisant à une défense commune. Le traité de Maastricht a été approuvé par tous les États membres : il convient désormais de l'appliquer.

Le Figaro : Mais comment l'appliquer dans la perspective de l'élargissement ?

Raymond barre : Une union européenne de quinze membres – et plus encore à l'avenir – ne pourra évidemment pas fonctionner sur les bases conçues pour l'Europe des Six. La conférence intergouvernementale de 1996 devra procéder à une réforme des institutions. Tel est son objet, et non la remise en question du traité.

Certains principes me paraissaient s'impose. Le Conseil européen est l'instance suprême de l'Union ; le Conseil des ministres doit conserver sa fonction exécutive ainsi que sa fonction législative, et son fonctionnement doit être renforcé. La Commission ne peut devenir le gouvernement de l'Union mais elle est une institution irremplaçable et doit être, de ce fait, forte et indépendante. Le Parlement européen doit avoir des compétences mieux définies et les exercer en étroite collaboration avec les Parlements nationaux.

Les réformes à venir doivent assurer l'efficacité des processus de décision et la capacité d'action de l'Union. Les droits de vote attribués à chaque État au sein du Conseil des ministres et de l'Assemblée devront faire l'objet d'une pondération nouvelle pour éviter que les cinq Grands puissent être mis en minorité. La majorité qualifiée devrait résulter d'une double majorité : celle des États et celle des populations.

Le Figaro : Que pensez-vous de la conception de « noyau dur » européen ?

Raymond barre : Dans la réalisation des objectifs de Maastricht, il peut se faire qu'un certain nombre d'États puissent aller plus vite que d'autres. Ils doivent pouvoir le faire, mais le peloton de tête doit pouvoir être rejoint à tout moment par ceux qui le peuvent le veulent.

On a parlé de « noyau dur » : si l'on entend par là un groupe institutionnalisé et fermé de quelques pays, qui laisserait définitivement en dehors les autres pays de l'Union, cette conception est dangereuse car elle nie la dynamique du processus d'intégration européenne. Le « noyau dur » doit être ouvert et être le moteur de l'unification. C'est pourquoi il est difficile de figer à l'avance sa composition. Un noyau dur émergera nécessairement du fonctionnement de l'Union, des comportements réguliers de certains États, de la constance de leurs votes. En tout état de cause, dans une Union européenne de vingt-cinq membres, je crois que les six pays fondateurs de la Communauté et l'Espagne joueront ensemble un rôle central d'entraînement et de cohésion. J'espère – et je crois – que la Grande-Bretagne finira, tôt ou tard, par les rejoindre.

Un nouveau traité de l'Élysée consacrerait, dès maintenant, le niveau de développement atteint par la relation entre l'Allemagne et la France et ouvrirait aux deux pays de nouveaux champs d'action.

Le chancelier Kohl a dit récemment, dans une interview accordée au Monde : « Nous ne devons pas diviser le train en tronçons : nous e voulons pas d'une Europe à la carte. » Il ne faut pas, en effet, que chaque pays choisisse « son Europe », ne se soucie que de « son Europe », et que le front commun soit réduit à peu de chose. Il peut y avoir quelque temps une différence de traitement de certains pays, mais cela doit être limité dans le temps : sinon ce n'est pas la peine de parler d'Union européenne.

L'Union européenne doit se construire patiemment comme une union d'États et peuples, qui poursuivent les mêmes objectifs, respectent des règles communes et transfèrent à des institutions fortes certaines compétences qu'ils ne peuvent individuellement exercer avec la même efficacité et qu'ils décident de partager avec leurs partenaires.

L'organisation d'un ensemble aussi vaste et aussi hétérogène que l'Union européenne ne saurait répondre a priori aux modèles théoriques du droit constitutionnel. Elle aura des traits spécifiques. L'essentiel est qu'elle fonctionne de façon solidaire et efficace.

Le Figaro : L'union économique et monétaire est-elle vraiment réalisable aux dates prévues ?

Raymond barre : Le traité de Maastricht a fixé un calendrier et des critères précis pour l'entrée dans la troisième phase. Il n'y a aucune raison de ne pas les respecter. Il appartient aux pays qui ne remplissent pas les critères de convergence de prendre les mesures permettant de s'y conformer. Ce sera une tâche essentielle du prochain président et de son gouvernement de faire en sorte que la France satisfasse en 1997 aux conditions fixées. Ce n'est pas hors de sa portée.

Le Figaro : Par quel biais peut-on relancer l'Europe aujourd'hui ?

Raymond barre : Il ne s'agit pas aujourd'hui de relancer l'Europe. Il s'agit de tenir les engagements pris en matière de monnaie, de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et de défense.

C'est dans le domaine de la PESC qu'un effort particulier doit être fait. La création d'un secrétariat général, chargé de l'analyse, de la prévision et de la planification, est souhaitable. Un secrétaire général, personnalité politique de rang gouvernemental, serait désigné pour cinq ans ; il aurait pour tâche de soumettre au Conseil des propositions et de mettre en œuvre les orientations du Conseil européen.

En ce qui concerne la défense, il s'agit de créer une force interarmées cohérente soumise à un commandement commun. L'Eurocorps, la force d'intervention méditerranéenne, le « groupe aérien commun » décidé par le récent sommet franco-britannique, sont des initiatives louables. Mais des efforts dispersés ne conduiront pas à la « défense commune » qui est l'objectif retenu par le traité de Maastricht. Ce qui est, en fin de compte, nécessaire, c'est de continuer à avancer, lentement peut-être, mais sûrement. En outre, le climat pessimiste qui entoure à l'heure actuelle la construction de l'Union européenne s'améliorera si l'application du principe de subsidiarité conduit à une claire répartition des compétences entre le niveau européen et celui des Etats et si l'Europe des citoyens acquiert plus de substance.

Le Figaro : Comprenez-vous les craintes qui se manifestent en France à l'égard de l'Allemagne réunifiée ?

Raymond barre : Je ne partage pas ces craintes. Elles sont le reflet d'un sentiment de doute sur nos propres capacités. Certes, l'Allemagne a retrouvé son unité. Sa puissance au cœur de l'Europe est incontestable, mais je doute qu'elle cherche à en abuser. Tous les dirigeants allemands sont, en effet, conscients que la tentation de bâtir une Europe allemande serait préjudiciable à leur pays car elle susciterait des réactions de méfiance et le retour à un passé détestable. Ils attachent une particulière importance à une étroite entente franco-allemande parce que celle-ci rassure les Européens qui y voient une condition nécessaire de la stabilité du continent. La France, de son côté, a de nombreux atouts économiques et politiques. Elle est pour l'Allemagne le partenaire privilégié à condition qu'elle soit solide et crédible.

Cela est notre affaire et vaut mieux que les coalitions de revers implicites ou explicites, qui nous ramèneraient à la fin du siècle passé et qui se sont révélées moins efficaces qu'on ne le pensait.

Permettez-moi, à ce propos, une réflexion plus générale. Nous sommes menacés en Europe, et l'ensemble de la guerre en ex-Yougoslavie ne le montre que trop, par une sorte d'envahissement du passé. Souvent désorientés par le présent, nous éprouvons la tentation de ressusciter de vieilles querelles. C'est une erreur très grave. Nous devons inventer notre avenir, et non y entrer à reculons, le regard tourné vers l'arrière. Il y a, certes, des enseignements de l'histoire ; mais l'histoire porte aussi la trace des succès de la volonté.

Le Figaro : Croyez-vous que le problème des dépenses de santé puisse être résolu un jour ? Et comment ?

Raymond barre : Il faut que le problème de l'évolution des dépenses de [Illisible] sans délai, car le rythme de croissance de ces dépenses est [Illisible] système de sécurité sociale.

Le rapport qui vient d'être déposé par M. Raymond Soubie et ses collègues indique très clairement la voie à suivre. Je pense que ses recommandations doivent être mises en application sans hésitation, dès que l'élection présidentielle aura eu lieu.

Le Figaro : Malgré les promesses électorales, les prélèvements obligatoires ne cessent d'augmenter en France. Faut-il les plafonner ?

Raymond barre : Comme nous sommes entrés en période électorale, nous entendons de nouveau le refrain bien connu : pas d'impôts nouveaux !

Les prélèvements obligatoires ont sans nul doute atteint un niveau insupportable. Si l'on veut éviter qu'ils continuent à augmenter, il est indispensable de réduire les dépenses de l'État, les dépenses des collectivités locales et les dépenses sociales. Il y a beaucoup à faire, mais toute action se heurte évidemment à de fortes résistances. Elles doivent être surmontées.

À court terme, il faut s'attaquer vigoureusement dès 1995 au déficit budgétaire et au déficit budgétaire et au déficit de la Sécurité sociale. Je doute, compte tenu de l'ampleur de ces déficits, que l'on puisse éviter un prélèvement supplémentaire. Il ne serait, cependant, acceptable que si des mesures significatives étaient prises en même temps pour réduire les dépenses. Observons ce qu'a fait l'Allemagne fédérale et donnons-nous pour objectif de nous conformer, en 1997, au critère de Maastricht, qui fixe à 3 % du PIB le montant maximal du déficit des administrations publiques.

Le Figaro : Que pensez-vous de la thèse de ceux qui proposent la suppression de l'impôt sur le revenu ?

Raymond barre : Cette thèse n'est ni réaliste ni recevable. Tout citoyen doit, en effet, contribuer au financement des dépenses publiques en fonction de son revenu. J'ai dit depuis longtemps qu'une grande réforme de l'impôt sur le revenu est indispensable. Ses taux doivent être modérés, et son assiette mieux répartie, pour que cet impôt ne dissuade pas les Français d'épargner à long terme et d'investir. Tels sont les objectifs de cette réforme, qui devrait être accomplie d'ici à la fin du siècle. Elle doit d'ailleurs se conjuguer avec une autre réforme, celle du financement de la protection sociale.

Le Figaro : Ces temps-ci, les unes des journaux sont envahies par les « affaires » en tout genre. Pensez-vous que la corruption s'est développée en France au cours des dernières années ?

Raymond barre : Je crois d'abord que les années 80 ont vu se développer un culte de l'argent qui me paraît incompatible avec l'idée républicaine selon laquelle la valeur est fondée sur la vertu, le mérite, le service rendu et non pas sur l'enrichissement.

Ce culte a suscité trop de tentations. Des comportements répréhensibles se sont développés, encore plus insupportables en temps de crise qu'en période de croissance. Ces comportements doivent être sanctionnés.

Je ne crois pas pour autant que la corruption gangrène toute la France, et en particulier la classe politique. Les exceptions confirment la règle qui est celle d'une grande honnêteté des élus, comme d'ailleurs des fonctionnaires.

Des dispositions législatives très nombreuses viennent d'être prises : il convient aujourd'hui de les appliquer.

Il convient aussi de laisser la justice faire son travail, sans intervention du pouvoir politique, mais on peut souhaiter qu'elle se comporte avec discernement et mesure les graves conséquences que peuvent entraîner, pour la nation, les entreprises et les citoyens, les excès de la médiatisation.

Le Figaro : Les Français sont apparemment de plus en plus mécontents de la justice. Quelle est la réforme de la justice qui s'impose ?

Raymond barre : Je ne pense pas que ce soit exact. Les Français ont confiance en leur justice, même s'ils constatent certaines insuffisances. Mais il est vrai aussi, comme je le rappelais au début de notre entretien, qu'en période de crise ils attendent beaucoup de la justice, vécue comme un symbole de l'équité. Il ne faut pas décevoir leur attente.

Garantir l'indépendance des magistrats du siège et du parquet par rapport au pouvoir politique, leur assurer la considération et la rémunération qu'ils méritent, doter cours et tribunaux des moyens nécessaires, accélérer les procédures et faire exécuter rapidement les décisions de justice, telles sont les orientations qu'il me paraît important de mettre en œuvre sans retard.

Le Figaro : Qu'attendez-vous des Français au cours des prochains mois ?

Raymond barre : En réalité, ce sont les Français qui ont des attentes considérables et justifiées. Ces attentes, je les comprends. Je crois, pour ma part, qu'ils prennent de plus en plus conscience des défis sociaux, économiques politiques, auxquels ils doivent apporter une réponse vigoureuse et efficace et qu'ils cherchent à retrouver une ambition collective sans laquelle la France ne serait plus elle-même. Quelle chance alors pour notre pays et pour nous-mêmes !